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Documentaire médiéval : une commanderie des templiers reconstituée et un mot sur l’ordre du temple

ecu_templier_ordre_commanderie_histoire_monde_medievalSujet : Templiers, reconstitution historique d’une commanderie, troisième croisade, fortifications médiévales, ferme fortifiée
Période : XIIe, XIIIe moyen-âge central,
Média : vidéo documentaire en 3D, 2012
Réalisation : Conseil général de l’Aube, Okénite Animation et de nombreux experts en archéologie médiévale.

Bonjour à tous,

« Au mois de mars 1139, le pape Innocent II confirme l’institution des moines combattants par sa bulle Omne datum optimum. Cette confirmation favorisa le développement temporel de l’ordre, auquel s’ajoutèrent de nombreux privilèges et exemptions. Il en résulta, aussi bien en Orient qu’en Occident, un accroissement considérable des biens et du nombre des frères. »
Laurent DAILLIEZ, « Templiers », (Universalis.fr)

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoilà un vidéo-documentaire sur le moyen-âge comme on n’aimerait en voir plus souvent et qui nous plonge au coeur du XIIe siècle, sous le règne de Philippe-Auguste et dans le contexte de la troisième croisade. Il nous présente une commanderie des templiers en Champagne: la commanderie de Payns, du nom d’un des chevaliers hugues_de_payns_fondateur_ordre_templiers_histoire_medievalequi créa l’ordre des Pauvres Chevaliers du Christ en 1119, ordre qui sera rebaptisé, quelques temps après, l’ordre du temple. Proposée par le conseil général de l’Aube, cette belle reconstitution historique a été réalisée par une équipe d’experts, à l’aide de sources très sérieuses: un sondage archéologique sur le site de Payns, datant de 1998, et les sites d’Aubois de Fresnoy et d’Avalleur pour la modélisation des bâtiments,  (ci-contre portrait de Hugues de Payns (Payens)1070–1136, fondateur historique de l’ordre du temple, XIXe siècle, Musée de Versailles)

Fondée en 1127 et occupant un vaste site de 2,5 hectares, la commanderie de Payns, est une des douze infrastructures de ce type que l’on dénombrera en Champagne à la fin du XIIe siècle. Le documentaire est concis mais nous permet d’avoir une vision réaliste de l’économie et de l’activité autour de ce type d’installation durant cette période. Les templiers n’y manquent ni de moyens, ni de richesses,  privilégiés par le prélèvement de la dîme autant que par les nombreuses donations que les évêques et les seigneurs leur font alors, mais on sait aussi y faire fructifier la terre. En plus d’être des moines guerriers, les templiers avaient encore de véritables compétences de gestionnaires et savaient allier agriculture, commerce et développement économique. Pour s’en convaincre, il suffit de voir les différents élevages et la variété des productions que l’on retrouve dans cette commanderie du moyen âge central: laine, miel, vin, ovins, maraîchage, plantes médicinales. En plus des templiers, ce sont encore plus de cent paysans qui gravitent autour de ce véritable centre social, économique et religieux et son infrastructure n’est pas sans rappeler ce  que l’on peut rencontrer aux mêmes époques, dans les abbayes cisterciennes ou autour de leurs granges.

Les templiers en Terre Sainte, illustration d'Angus Mc Bride
Les templiers en Terre Sainte, illustration d’Angus Mc Bride

Nous sommes avec ce documentaire à l’aube de l’ordre du temple et l’ordre du temple bénéficie alors de tout le respect et la confiance de l’Eglise et même des princes pour aider à financer et à mener les croisades en terre sainte. Son règne durera jusqu’à début du XIVe siècle, le 13 octobre 1307 précisément, date à laquelle, Philippe IV, dit Philippe le Bel, onzième roi de la dynastie capétienne, y mettra fin (portrait ci-dessous). Les templiers lui philippe_le_bel_ordre_templier_archeologie_histoire_monde_medievalavaient refusé l’ordination, et se trouvant en plus dans la nécessité de renflouer  les caisses de l’Etat, le souverain leur portera un coup fatal en les faisant tous arrêter.  Le souverain récupérera bien sûr au passage leurs richesses mettant ainsi fin à un ordre des moines-chevaliers légendaires qui avait duré près de trois cent ans. Revenus en terre de France après l’effondrement de l’empire chrétien d’Orient, fait dont on considérait les templiers à demi-responsables, la fin de cet ordre dont la puissance devenait gênante pour le pouvoir royal, mais aussi peut-être pour l’Eglise – le maître du temple jacques de Molay, ayant refusé, peu avant, d’unir son ordre à celui des Hospitaliers – s’écrira dans le sang avec la complicité passive de la papauté qui les avait consacré et fortement soutenu depuis leur naissance et qui s’en détourna à ce moment là.

La fin des templiers et l'exécution du dernier grand maître de l'ordre Jacques de Molay
La fin des templiers et l’exécution du dernier grand maître de l’ordre Jacques de Molay

« Les cent quarante templiers de Paris subirent les pires tortures de la part des inquisiteurs dominicains, qui usèrent de tous les moyens en leur pouvoir (ruse, mensonge, chevalet, bûcher). Cent trente-sept d’entre eux avouèrent des ignominies incroyables ; mais, par la suite, plusieurs se rétractèrent. L’Angleterre, l’Espagne, le Portugal, l’Allemagne, l’Écosse reconnurent l’innocence du Temple et de ses membres. De son côté, le pape Clément V, faible et lâche, circonvenu par Philippe le Bel, fit lire à l’ouverture de la deuxième session du concile de Vienne, le 3 avril 1312, la bulle Vox clamantis qui portait la suppression par provision de l’ordre en attendant le jugement définitif d’un prochain concile ; celui-ci ne devait jamais se réunir. Il fut décidé qu’en attendant la réunion d’une assemblée tous ceux qui porteraient le costume et continueraient à se faire appeler templiers seraient excommuniés. Le soir du 18 mars 1314, le maître Jacques de Molay et le commandeur de Normandie furent brûlés vifs dans l’île aux Juifs. »
Laurent DAILLIEZ, « Templiers », (Universalis.fr)

Leur arrestation brutale par le roi de France pour des raisons souvent présentées comme uniquement vénales, autant que les aveux choquants qui ont suivi leur arrestation, même s’ils avaient été soutirés sous d’affreuses tortures ont marqué les mémoires et n’ont pas encore fini de susciter de polémiques. Malgré cela ou peut-être même du fait de cela, la légende a traversé les siècles et avec elle, le trésor des templiers autant que l’aura de mystère et de puissance qui a entouré leur ordre. Elle continue de s’écrire dans notre monde moderne jusque dans des romans de littérature contemporaine et inspire même encore nombre d’objets à leur effigie, comme on peut le voir ici. En bref, l’affaire des ordre_templier_histoire_medievale_commanderie_de_payns_champagnetempliers, autant que leur histoire est un sujet qu’un seul article ne saurait épuiser mais en voilà au moins un premier, à la faveur de cette reconstitution de la commanderie de Payns.

Un très belle journée à tous.
Fred
pour moyenagepassion.com
« A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes »

Histoire médiévale (ou presque) : deuxième croisade, « Quantum praedecessores », la bubulle à Eugène

(Humour)

De la deuxième croisade :
Saint Bernard & la bubulle d’Eugène.

« – Grand dieu! Avec c’qu’on s’est mis hier soir, j’ai pas encore bien les yeux en face des trous, moi… C’est cette bière de l’abbaye là! Entre nous, je ne sais pas ce qui z’i collent dedans les moines mais je me suis pris une de ces reculées! C’est pas compliqué cette nuit le plafond de ma cellule on aurait dit un vitrail de la Sainte mère et j’ai bien revérifié encore ce matin en me levant c’est que de la pierre donc bon… Quand j’vous dis que leur bière elle est limite hallucinogène, je sais quand même de quoi j’parle. Ça va qu’i z’étaient contents de me voir et qui fallait un peu marquer le coup, mais un de ces quatre, faudra quand même vérifier si c’est bien compatible avec la règle une bibine pareille… Bon, c’est pas tout ça mais c’est pas le moment de mollir, tout le gratin est là, et y a même le roi et la reine. On va éviter de trop les laisser mariner quand même. Alors…  » Quantum praedecessores », la bubulle à Eugène, enfin la bubulle, le bide plutôt… I serait monté tout en haut du Sinaï pour nous la pondre celle-là, il aurait surement eu plus de succès… Bref, ça va pas être de la tarte mais bon on va essayer de rattraper le coup quand même. Tiens, faites-moi passer la croix, ça sera pas de trop… Allez, en piste! Edesse, deuxième expédition vers la terre Sainte! »

Bernard de Clairvaux,
Sermon de Vezelay (juste un peu avant), 31 mars 1146

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Bernard de Clairvaux prêche la deuxième croisade, Émile Signol, XIXe, Musée de Versailles.

Pour la petite histoire

P_lettrine_moyen_age_passion copiarès de Soixante ans après qu’Ubain II ait lancé la première croisade en 1096, le pape Eugène III se décida à lancer, à son tour, une nouvelle expédition en terre Sainte, dans le courant de l’année 1146.  Le comté d’Edesse, le plus oriental des États latins, était, en effet, tombé deux ans auparavant. Contrairement à l’écho favorable qu’avait suscité l’appel de la première croisade, relayé rapidement par de nombreux prédicateurs dont Pierre l’Hermite mais également par des mouvements eugene_III_deuxieme_croisade_humour_monde_medievalpopulaires et des pèlerins,  « Quantum praedecessores », la Bulle papale d’Eugène III (portrait ci-contre) ne rencontrera pas le même succès. Pourtant, bien déterminé à « conduire » l’expédition, le Saint père demandera à Bernard de Clairvaux, homme d’action et de foi de lui prêter la main pour relayer cet appel. On peut lire ça et là que Saint Bernard s’était montré, au départ, un peu tiède sur l’idée, ce qui est, par ailleurs démenti en d’autres endroits, mais il reste que son sermon de Vezelay lança véritablement et de manière forte, le départ de la deuxième croisade. Le roi de France Louis VII, mais aussi la reine Aliénor, furent convaincus et prirent la croix à Vezelay même.  L’empereur Conrad III la pris un an après, à Spire. A l’exclusion de la prise de Lisbonne par les portugais que les croisés anglais auront aidé en chemin, même si la mobilisation finit par être importante, d’un point de vue militaire,  on s’accorde à peu près sur le fait que cette expédition fut un  fiasco total.

Le devoir de transparence

A_lettrine_moyen_age_passionla sempiternelle question que nous ne manquerons pas de nous voir adresser concernant la fiabilité de la citation que nous livrons ici, nous répondrons encore et toujours la même chose; nous avons, comme on dit dans le métier, « nos entrées ». Bien sûr,  nous nous y attendons, ceux qui se sont un peu penchés sur la vie de Bernard de Clairvaux vont surement faire leurs gros étonnés et nous dire que Saint Bernard était bien plus un pratiquant assidu et un ascète, adepte des mortifications, qu’un joyeux drille se pintant avec les autres moines. Nous sentant donc acculé, nous nous verrions alors obligé de lever le voile sur toute l’histoire de cette citation; bref, moine_biere_abbaye_humour_monde_medieval_croisade_saint-bernardencore et encore, de parler de nos méthodes d’investigation et de dire  tout le sérieux que nous y portons. (ci-contre, peinture de Olaf Simony Jensen, XIXe moines buvant à la taverne)

Pour faire court sur la fiabilité irréprochable de la source dont nous tenons notre information d’aujourd’hui, disons simplement que l’ami de confiance d’une connaissance nous a dirigé vers cette ex-relation à lui. C’est d’ailleurs, à quelques lieues d’ici, au petit matin, que la rencontre magique a eu lieu, dans un charmant petit débit de boissons. L’homme se tenait là, modeste et silencieux, au comptoir, et sans l’intuition aiguisée du chercheur aguerri, nul n’aurait pu penser un seul instant que, sous le voile des apparences presque banales de la situation, la vérité historique se tenait là, belle et placide, dans l’attente d’être révélée.

C_lettrine_moyen_age_passionomme je l’ai dit, la patience reste toujours notre meilleure alliée et ce n’est qu’après quelques tournées pour mettre notre informateur en confiance, que ce précieux témoin de l’histoire, descendant direct du coté de sa mère d’un long lignage de vendeurs ambulants de travers de porc Vézeliens, s’est enfin décidé à nous gratifier de la citation. L’oeil humide et le doigt levé de manière sentencieuse, il nous confia avant cela :

« – Attention, ça je le tiens de mon grand père. Il me l’a dit ici-même, là où que je suis assis, justement. Je me souviens, c’était le matin et déjà à l’époque, on faisait l’ouverture au blanc ici. »

Puis, après avoir essuyé ses yeux mouillés d’émotion du revers de sa manche, il nous révéla la précieuse citation que nous partageons ici avec vous, avant d’ajouter à l’attention du tenancier, sans doute, pour voiler la grande émotion suscitée par l’évocation de son lointain aïeul qui avait laissé alors traîner une oreille indiscrète et surpris la conversation entre les religieux :

« – Bon, mais allez, Ho! On parle on parle mais faut pas s’endormir! Tiens Dédé, remets encore deux p’tits blancs sur l’ardoise du Monsieur et, après ça, on passera au pastis, je vois que c’est déjà dix heures et demi. » 

humour_medieval_croisade_histoire_ou_presque_moyenage_passionAprès quelques heures, je réussissais enfin à m’éclipser pour regagner, plutôt chargé et en toute hâte, mon logis. Et pour la première fois, je fis l’expérience dont, croyez-le bien. je ne tire par gloriole mais que, par souci de restitution, il me faut ici mentionner. Je fis l’expérience, disais-je, que depuis la montée dans le bus jusqu’au perron de ma modeste demeure,  il demeurait possible de recouvrir l’ensemble du trajet à quatre pattes.

Bref, après cela, je pense que tout sera bien clair pour tout le monde, que nos méthodes sont irréprochables et que nous n’inventons rien!

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com

“Le Moyen-Âge ne m’a retenu que parce qu’il avait le pouvoir quasi magique de me dépayser, de m’arracher aux troubles et aux médiocrités du présent et en même temps de me le rendre plus brûlant et plus clair.”
Jacques Le Goff / À la recherche du Moyen Âge