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Contre quelques idées reçues, le loup de Michel Pastoureau

Sujet : citation, Moyen-âge, bestiaire médiéval, loup, sorcellerie, diable, préjugés, idées reçues, représentations, anthropologie, histoire médiévale.
Période : de l’antiquité à nos jours
Ouvrage : Le loup : Une histoire culturelle, Michel Pastoureau, Seuil (2018).


« Contrairement à une idée reçue, les affaires de sorcellerie ne concernent pas tant le Moyen-Âge que l’époque moderne : la grande chasse aux sorcières commence, en effet, à l’horizon des années 1430 et va occuper l’Europe pendant trois siècles. Une surenchère à l’orthodoxie pousse désormais l’Église à voir partout des hérétiques, des adorateurs du Diable, des déviants de toutes espèces parmi lesquels de nombreux loups garous. »

Michel Pastoureau, le loup : Une histoire culturelle (2018)


Bonjour à tous,

e n’est pas faute de l’avoir souvent dit mais les idées reçues et les préjugés à l’égard du Moyen Âge ont la dent dure. Aussi, autant vaut-il le répéter, en compagnie, cette fois, d’une citation de l’historien médiéviste Michel Pastoureau : la chasse aux sorcières n’est pas médiévale.

Ce triste épisode, qui ne concerne d’ailleurs pas que des femmes, débute à la toute fin du Moyen Âge pour s’étendre largement dans le temps après lui. De même, on confond souvent l’inquisition médiévale à proprement parler avec cette chasse aux sorcières qui intervient donc plus tard dans le temps.

Jusqu’à récemment, la littérature comme le cinéma ont tendu, en effet, à alimenter la confusion, en promulguant certaines visions fausses d’un monde médiéval où se seraient étendus des bûchers à perte de vue et où l’on aurait brûlé, pour un oui ou pour un non, une quantité effroyable de mécréants, d’hérétiques, voire même de pauvres bougres ou bougresses dénoncés par leur voisin. Redisons-le donc à nouveau avec Michel Pastoureau : aujourd’hui, nous le savons bien, le Moyen Âge n’a pas connu de telles pratiques et encore moins de tels chiffres. Comme nous avons déjà écrit à de nombreuses reprises sur ce sujet, nous vous y renvoyons (1).

Citation de Michel Pastoureau sur la sorcellerie et la chasse au sorcières

Michel Pastoureau à la recherche
des animaux & des couleurs

La citation du jour de Michel Pastoureau sur la chasse aux sorcières est donc tirée de son l’ouvrage sur l’Histoire culturelle du Loup et nous allons en profiter pour vous faire un large détour à son sujet. On le sait, ce chartiste très populaire s’est fait une grande spécialité de l’histoire des symboles et des représentations et notamment des couleurs et des animaux. Ce sont des thèmes qui lui ont été longtemps assez propres et s’il admet volontiers que l’académie leur prêtait une certaine trivialité, il faut reconnaître qu’il a su en faire des sujets aussi sérieux que passionnants. Depuis, ils ont d’ailleurs été réhabilités.

En ce qui concerne son exploration des bestiaires et autres bébêtes qui meublent le monde des hommes médiévaux, nous avons déjà eu l’occasion de parler, ici, de son histoire du taureau de 2020 ou encore de ces procès faits aux animaux. Dans les vastes travaux qu’il a entrepris autour de l’histoire culturelle et symbolique des animaux, son Loup date, quant à lui, de 2018.

Une histoire culturelle du loup


En utilisant sa méthode habituelle, le médiéviste revient, donc, dans ce livre sur l’histoire du loup d’aussi loin qu’il existe des documents à son sujet jusqu’à une période récente. Se faisant, il balaiera les matériaux à sa disposition pour retracer un portrait du loup à la fois chronologique et thématique : mythologie, contes, fables, iconographie, pièces de littérature seront au rendez-vous de ses références.

Le Loup, chronique d’une peur en dents de scie

« À l’époque féodale, dans les campagnes françaises, on a surtout peur du Diable (2), du dragon, de la mesnie Hellequin ou des revenants, mais on n’a plus guère peur du loup. Cette accalmie, hélas ! ne durera pas ; cette peur reviendra avec force moins de deux siècles plus tard. »

Michel Pastoureau (opus cité)

La première chose qui vient en tête quand on pense au loup, c’est souvent la peur qu’il a pu inspirer aux hommes du passé. Cette dernière pourrait nous paraître ancestrale voire même atavique. Pourtant, l’historien nous apprendra que cette dernière est de nature plutôt variable en fonction des époques.

Pour la période qui nous intéresse, si la peur du loup est présente au haut Moyen Âge, à l’entrée dans le Moyen Âge central, elle semble s’atténuer quelque peu selon Michel Pastoureau. Dans la littérature, on trouvera même le loup moqué dans certaines pièces comme le Roman de Renard et le personnage d’Ysangrin. Pour donner un autre exemple, une histoire médiévale nous parle d’un loup qui terrorisait la ville de Gubbio, en Italie. L’animal se laissera pourtant dompté sagement par Saint François d’Assise et son pouvoir légendaire sur les animaux au point de devenir le protecteur de la ville.

Quoi qu’il en soit, à l’entrée du XIVe siècle, la peur du loup refera surface plus nettement pour durer durant 4 à 5 siècles jusqu’au XIXe siècle. A la faveur du climat et des famines, les loups semblent alors s’être s’approcher des hommes et des villes, faisant resurgir de vieilles terreurs. On imagine qu’ils sont aussi en nombre suffisant pour continuer d’inquiéter les campagnes, en faisant de sérieux dégâts dans les troupeaux d’animaux domestiques et chez les brebis.

Un blason pas vraiment doré

Que la peur soit plus ou moins présente, tout au long du Moyen Âge, il n’y aura pourtant guère de trêve pour le loup. L’Eglise et les hommes le pourchasseront et, si la peur oscille, son blason n’est jamais vraiment doré. C’est le moins qu’on puisse dire. Tout le monde semble s’accorder, en effet, sur le fait qu’il faut l’éliminer et des offices de Louvèterie sont créés pour l’abattre. Ainsi, de Charlemagne au XIXe siècle, ces derniers auront pignon sur rue et on rétribuera l’abatage d’un loup contre quelques pièces.

Loup, dans le manuscrit MS M81 ou Worksop Bestiary de la Morgan Library (New York)

Le loup dans les bestiaires médiévaux

Les bestiaires médiévaux, de leur côté, diaboliseront l’animal en lui prêtant les pires défauts : agressif, rusé, tricheur, vorace, lâche… Pire encore, pour le faire détester, il déambule et peut chasser la nuit ; il appartient donc au règne des animaux nocturnes. Pas très net tout ça. Fricoterait-il aussi avec le malin ? Qu’il soit plus ou moins craint, le loup qu’on considère comme un comparse du Diable reste honni, d’autant que l’ange déchu pourra même, à l’occasion, revêtir la peau du prédateur pour passer inaperçu et faire de mauvais tours.

En suivant les pas de Michel Pastoureau, et comme nous le disions plus haut, au Moyen Âge central, la peur et les diableries laisseront toutefois place à la moquerie, et le loup deviendra même dans la littérature et les bestiaires, en plus de tout le reste, stupide, lubrique, pathétique, etc… Bref, on s’autorise alors à se rire de lui. A voir le nombre d’enluminures où il est mis en scène, convoitant des brebis, il n’est pas certain qu’on s’en amuse autant dans les campagnes.

Sabbat, diableries et résurgence de la peur

A la toute fin du Moyen Âge, au moment où la peur du loup reviendra de manière plus marquée, on remettra sa dangerosité et ses supposées accointances diaboliques à l’ordre du jour. Animal de sabbat, il se retrouver alors lié, malgré lui, à la sorcellerie justement durant cette période postmédiévale où la chasse aux sorcières sévira.

Autre diablerie d’époque, si la lycanthropie était bien née au Moyen Âge — on se souvient, par exemple, du Lais de Bisclavret de Marie de France — l’ombre terrifiante des loups garous se voit aussi promouvoir, dans la littérature des XVIe & XVIIe siècle. Ne viendraient-ils pas, eux aussi, se joindre aux bals des suppôts du mal et des sorcières ? Dans ce contexte effrayant, mêlé de superstitions, de cérémonies nocturnes et de fantastique, on comprend mieux comment, à la fin du XVIIIe siècle, le loup, voir son homologue anthropoïde, ont pu se retrouver pointés du doigt : coupables tout désignés de l’histoire de la sanguinaire bête du Gévaudan dont le mystère continue à faire couler beaucoup d’encre.

Un changement après le XIXe siècle ?

Selon Michel Pastoureau, il faudra attendre le XIXe siècle et les découvertes de Pasteur et son vaccin contre la rage pour commencer à voir atténuer un bon nombre de craintes à l’égard du loup. Sans doute les nombreux siècles de chasse et de campagnes contre le prédateur européen avaient-ils aussi réduit, considérablement, le nombre de ses populations.

Ainsi, en suivant le fil de l’histoire, le loup de la littérature prendra bientôt une figure plus sympathique : on citera l’histoire de Moogly, l’enfant loup du Livre de la jungle, écrite à la toute fin du XIXe siècle, par Rudyard Kipling ou encore celle de Croc blanc, le demi-loup de Jack London, au tout début du XXe siècle. Un peu plus tard, des loups comme celui de Tex Avery deviendront, à leur tour, plus amusants et complaisants que ceux des siècles précédents. Quand au scouts, ils auront bientôt leurs louveteaux. Mais, alors, en a-t-on fini depuis avec la peur du loup ? Pas si sûr. Tout récemment encore, sa réintroduction a suscité de nombreux débats dans les campagnes qui ne semblent pas toujours se résumer aux seuls risques de prédation sur les troupeaux et les brebis.

Vous pouvez retrouver ce livre de Michel Pastoureau chez votre meilleur libraire. Cet ouvrage est également disponible en ligne au lien suivant.

Enluminure d'un loup, XIIIe siècle, manuscrit médiéval MS 711
Enluminure d’un Loup, MS 711 « De natura animalium« , Bibliothèque de Douai (XIIIe siècle)

Idées reçues et Moyen Âge composite

Du point de vue des préjugés, en tout cas, cette histoire culturelle du Loup aura permis de faire d’une pierre de coup. En plus de remettre à sa place l’idée d’une chasse aux sorcières datée des temps médiévaux, on a pu voir aussi combien l’idée très ancrée d’une peur du loup, fortement attachée à la période médiévale doit être, elle aussi, partiellement revisitée. D’après Michel Pastoureau, l’acmé de cette peur est étroitement lié à l’époque moderne. Dans ce mouvement d’oscillation historique (nous n’avons pas évoqué l’antique légende romaine de la louve qui avait nourri Romulus et Remus mais nous aurions pu), le Moyen Âge central et, pour être plus précis, la période qui court du XIe au XIIIe siècle, semble être relativement épargnée.

Dans un autre registre, on voit aussi combien les 1000 ans que recouvre cette tranche d’histoire que nous désignons sous le nom de Moyen Âge recouvrent des réalités souvent grandement composites et variés.


NOTES

(1) Au sujet de la chasse aux sorcières, voir notamment le thème des sorcières médiévales dans l’ouvrage Sacré Moyen Âge de Martin Blais. Voir aussi la conférence sur la légende noire de l’inquisition médiévale par l’historien Lauren Albaret.
Enfin, sur le thème des sorcières du monde médiéval et son actualité, vous pourrez valablement vous reporter à la grande exposition donnée du KBR Museum de Bruxelles, l’année dernière. On y abordait, en effet, l’image de la femme au Moyen Âge et les racines d’une certaine « mythologie » fantastique ayant pu préfigurer, plus tard, cette image de la sorcière.

(2) Sur la question des superstitions, de la magie et de la peur du diable au Moyen Âge voyez cette citation médiévale de Jacques le Goff.

Voir également nos autres articles sur les livres de Michel Pastoureau :


En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

NB : comme vous l’aurez deviné à la lecture de l’article, l’enluminure de l’image d’en-tête provient du même MS M81 ou Worksop Bestiary de la Morgan Library


Explorez un donjon dans ce jeu de Rôle Médiéval Fantastique Gratuit

Sujet : jeux vidéo, exploration, jeux de rôle, donjon, RPG, médiéval fantastique, médiéval fantasy, dungeon crawling, jeu gratuit, chatbot.
Titre : Dungeons&Monsters
Auteur : botnation.ai

Bonjour à tous, 

oilà longtemps que nous n’avions rédigé d’articles dans cette rubrique sur les jeux vidéo inspirés du monde médiéval mais, pris entre divers autres projets, le temps nous a encore manqué. Quoi qu’il en soit, amis du médiéval fantastique, des jeux de rôle et de l’exploration de donjon en solo, voici un petit jeu à l’ancienne qui pourrait vous occuper quelques heures.

Un RPG récent mais à l’ancienne

Pour revenir sur cette rubrique, pas de grand titre ronflant à la Skyrim ou à la Crusader Kings, sorti d’un studio géant spécialisé, cette fois. Le jeu gratuit que nous vous présentons est le fruit d’un développeur indépendant et il pourrait pratiquement avoir une valeur historique s’il n’était pas récent.

Créé en forme de clin d’œil aux premiers jeux de rôle vidéo par Botnation.ai, une société spécialisée dans les chat bots et l’intelligence artificielle, Dungeons & Monsters est un RPG médiéval fantasy minimaliste qui pourrait sembler tout droit sorti du temps où Donkey Kong était un must des jeux de plateformes et où Super Mario faisait ses premières apparitions.

Nous sommes donc au début des 80’s, ces mêmes années où les utilisateurs Mac vous regardaient (déjà) de haut, avec une petite moue pincée et vous lâchaient : « Non mais t’es sérieux, là ? Tu n’as VRAIMENT JAMAIS joué à Ultima ? » . En ce temps là, les pixels étaient à peu près gros comme des balles de Ping-Pong et la résolution 640×480 pixels, le nec plus ultra pas toujours à portée (en fonction de votre station informatique et de votre RAM) : c’est tout dire ! Mais, assez bavassé. Avançons sur notre sujet du jour, sans plus perdre de temps.

Grand père roliste ou archéologue amateur ?

A ce stade, il y a deux possibilités. La première, amateur de Jeux de Rôle précoce, vous les avez aimés, assis à une table aux cotés d’un maître de jeux inspiré. A la même période, vous les avez peut-être même pratiqués en solo, un « livre dont vous êtes le héros » à la main ou encore, un peu plus tard, sur votre tout premier ordinateur ou console.

Les premier jeux de Rôle (RPG, Role play game) informatiques se présentaient alors sous forme de messages textuels combinant séquences narratives et choix à effectuer (actions, déplacements, interactions). Un peu plus tard, ils furent agrémentés d’images plutôt basiques : toutes plates et sans 3D mais le tout restait, quand même, impressionnant pour l’époque ! Pour recontextualiser, au sujet de l’Intelligence artificielle dans les mondes ludiques, il faut se souvenir qu’un peu avant ces années là, dans les 70’s tardives, vous aviez le choix entre une bataille navale électronique de table avec tirage aléatoire et tout plein de bruits bizarres, et un jeu d’échec, lui aussi électronique, si vous aviez les moyens. Vous me direz, certains avaient déjà des consoles TV de 12 kg avec le jeu Pong en noir et blanc mais en termes d’IA évoluée, on en était à peu près là.

Dans l’autre cas de figure et c’est donc notre deuxième possibilité (vous suivez ?), vous êtes nés bien plus tard que tous ces vieux trucs (restez polis quand même). Vous n’avez donc pas connu les jeux de rôle médiéval fantastique de cette époque qui commence, il faut bien l’avouer, à dater, mais : 1/l’archéologie et les technologies anciennes vous fascinent. 2/votre grand père vous a tellement saoulé avec le « truc de dingue » qu’il a ressenti quand il a dézingué son premier troll dans un donjon virtuel (alors qu’il ne lui restait plus que 2 points de vie !!!! C’est pas foufou ça ?), que tout ça a fini par vous intriguer. (au passage, ça fait bizarre de se dire qu’il existe des grands-pères comme ça, maintenant, mais il faut s’y résoudre).

Dans tous les cas susnommés, vous avez frappé à la bonne porte, celle du Donjon de Wargrumfah, un lieu obscur et tortueux plus facile à explorer qu’à prononcer (quoique).

Un vieux donjon plein de monstres chelous

L’entrée de ces souterrains peuplés de monstres retors, se tient, au nord du village (lequel ? Le vôtre, ne compliquez pas les choses). Vous la trouverez perdue au milieu de ces ruines sans âge, noyées de ronces, où jamais personne n’ose plus s’aventurer.

Une fois devant la vieille porte, vous vous souviendrez de ce type louche à la taverne qui vous avait soufflé, à demi-mot, que l’endroit était hanté par de drôles de créatures mais qu’un trésor incommensurable y était enfoui. Et, en cet instant précis, pris entre votre désir d’aventure et la peur légitime de l’inconnu, vous le maudirez un petit peu quand même. Pourtant, il en faudra bien plus pour vous arrêter même si, au moment de pousser la lourde porte du donjon, celle-ci s’ouvrira d’elle-même dans un affreux grincement, pour vous inviter à entrer. Vous passerez, alors, la main sur votre besace pour y vérifier la présence des trois potions, une de vie, une de vitalité et une de magie et sentant, avec soulagement, qu’elles s’y trouvent bien rangées, vous pénétrerez dans l’endroit.

Pour se lancer dans l’aventure

Pour le matériel, c’est à l’ancienne, comme on a dit. Munissez-vous simplement d’une feuille de papier et d’un crayon pour faire le plan du labyrinthe et ne point vous y perdre. Ensuite, trouvez-vous un super nom de personnage médiéval, de guerrier, de magicien, ou de paladin, le genre de nom qui pourrait faire trembler une horde de gobelins rien qu’à l’entendre : Athanator, Miriandhrir, Barafhlks, Mozagrul le Fièr, Ulithror le sans-peur, etc… et embarquez pour l’aventure.

Comme dans tout bon RPG, au moment de la création du personnage, on vous demandera de répartir vos points entre magie, talents au combat, …, et même de choisir votre armure (armure de métal, robe de mage, etc…). Trois types de magie sont disponibles dans le jeu : eau, feu et pierre. Pour le reste, laissez-vous guider par les messages, une fois le jeu lancé.

Encore une fois, c’est basique mais c’est gratuit et si ça ne vous rappelle pas des souvenirs, vous aurez au moins une pensée pour les pionniers des premiers âges de l’informatique qui devaient se tirer sur les méninges et faire travailler leur imagination pour mettre à bas leurs premiers donjons et en retirer quelques points d’expérience. Bon, certains diront que c’est encore de la glandouille, et qu’il faudrait mieux lire un bon bouquin, mais à l’approche des fêtes, tout le monde se trouve des excuses et là c’est pratiquement de la science historique.

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Monde Médiéval sous toutes ses formes.

Vengut lo jorn de Originem, collectif de rock médiéval pur jus

Sujet : musique, rock médiéval, inspiration médiévale, occitan, musique rock, Occitanie, occitan, modernité, jacquerie, révolte, ingénierie sociale.
Période : Moyen Âge tardif, XIVe siècle, époque actuelle.
Titre : Vengut lo jorn (le jour venu)
Interprète : Originem

Bonjour à tous,

oin de l’ethnomusicologie et des manuscrits anciens, nous vous avons souvent parlé, ici, de formations musicales modernes qui puisaient leur inspiration dans le Moyen Âge, en s’affranchissant des sources originales à des degrés divers : néo pop médiéval, folk médiéval, néo folk, métal symphonique médiéval, …

On pourrait encore citer, dans la famille des styles plus « easy listening », les musiques médiéval-fantasy, souvent plus inspirées du folklore celtique irlandais que du monde médiéval, qu’on trouve au kilomètre sur youtube, ou encore ce genre à rebours assez drôle mais totalement vidé de substance que les mois de confinement ont vu naître en 2020 : le « bardcore ». Un style qui reprend des titres Pop plus ou moins récents (Bioncé, Eminem, etc…) pour les réinterpréter à la sauce « médiévalisante », à grands renforts de MAO et de rythmes électroniques.

Aujourd’hui, nous nous tiendrons loin de tout cela. Et si le Moyen Âge continue d’éveiller diversement les muses des compositeurs modernes, nous oublierons, pour un temps, les revisites gentillettes des musiques médiévales à la façon world music électronique. Aussi, âmes sensibles s’abstenir ! préparez-vous à une plongée dans le rock, le vrai, celui des racines et de la révolte qui couve. Bienvenue dans le monde d’Originem.

Originem, rock & racines médiévales

Si le collectif rock médiéval Originem trouve son inspiration au Moyen Âge et au XIVe siècle, c’est que son intention est de situer la lutte dans une continuité historique qui puise bien au delà de 60’s, avec leur rock à papa. Loin, bien loin, du plan Marshall et des sirènes américaines du Capitalisme de la Séduction (dénoncé en 1981 par Michel Clouscard), le rock d’Originem s’ancre dans les racines profondes et anciennes de nos terres françaises et occitanes. Il y résonne comme la révolte du petit peuple exsangue du Moyen Âge dans les campagnes ravagées par la guerre de cent ans, par les pillages et les épidémies. Il s’élève comme une réponse nécessaire face à des temps de prédation et d’incertitude.

En latin et en Occitan, la langue de nos lointains aïeux et ancêtres, la musique et les textes d’Originem grondent comme grondaient les jacqueries du temps des disettes et des privilèges. Toutes griffes dehors, derrière l’évocation d’un monde médiéval qui se cabre sous le coup de ses insurrections, elle met en abîme les questionnements sur le temps qui est là et sur le temps qui vient.

Originem – Vengut lo Jorn – Rock Médiéval

De l’antisocial de Trust à la conscience collective

Ce n’est sans doute pas, par hasard, qu’on retrouve David Jacob, le bassiste de Trust dans cette formation aux musiques envoutantes et qui scande ses paroles comme des mantras libérateurs ou des appels à l’éveil des consciences et des âmes.

L’antisocial de Bernie Bonvoisin perdait son sang froid dans la France des 80’s. En dénonçant la marque du système dans les chairs aliénées et robotisées par les néons de la modernité, il invitait chacun à y reconnaître la marque de son propre esclavage. Face à la gangrène conformiste, le groupe Trust et son chanteur Bernie avaient rêvé de faire sauter tous les carcans pour éveiller, dans la jeunesse trop sage des 80’s, une quête de sens existentielle. A 40 ans de là, Originem reprend le flambeau de la révolte mais, cette fois-ci, d’une manière plus profonde et peut-être aussi plus collective dans sa forme. Le chanteur est bien là mais il s’efface presque devant la tribu. La forme est au service du fond. Et comme le chant revient de manière entêtante, presque processionnaire, comme un manifeste, la dimension individuelle cède le pas sur la dimension collective.

Le message est clair. L’heure est à l’éveil. Les partisans, les gens du simple et les gueux du XXIe siècle sont affamés. Ils sortiront bientôt du bois comme des loups et les corbeaux se joindront à leurs cris pour faire tomber les masques et réclamer leur dû. La libération approche pour ceux qui n’ont déjà plus rien à perdre. Sous ce rock aux accents anciens et d’un autre temps, chaque auditeur sera libre de juger à quel point le passé se reflète dans le présent et comment d’anciennes problématiques viennent se réinviter sur fond d’actualité brûlante.

Enluminure médiévale jacquerie du XIVe  siècle - Marché de Meaux
Juin 1358, des paysans révoltés envahissent le marché de Meaux et finissent exterminés, Chroniques de sire Jean Froissart, MS Français 2643 (Bnf Gallica)

Du rock contre l’ingénierie sociale

« …Les textes sont toujours des textes courts, dans le style de ce qui pouvait se scander dans des tavernes ou sur les routes à l’époque, et mettent souvent en scène des personnages perdus et fous de rage, choisissant de prendre la route de la sédition, de l’insurrection, bref, de la révolte comme dernier acte pour un avenir digne de ce nom. » Jean-Michel Wizenne

Tombé de longue date dans la marmite du Rock, Jean Michel Wizenne, le chanteur, guitariste, fondateur et compositeur de Originem, pose le cadre sans faux-fuyants. Par ailleurs auteur, conférencier et sociologue, il jette sur nos sociétés actuelles et la française en particulier un œil particulièrement critique.

Sans masquer son dégoût du néolibéralisme sauvage et ses déviances, il interroge les concepts patinés, remâchés, survendus qui mènent à la « docilité convenue ». Au service de qui ou de quoi ces injonctions de douceur, de docilité, de passivité roulent-elles pour qu’on veuille, à ce point, nous les faire ingérer ? Entre la recherche de paix sociale et la volonté d’endormissement -asservissement des masses, le fil est quelquefois bien plus ténu qu’on le pense. Les gilets jaunes s’en souviennent encore. Il a suffi de voir le peuple s’éveiller un peu et sortir dans les rues pour comprendre de quel côté se trouvait la violence véritable. Quoi qu’il en soit, dans l’esprit du parolier d’Originem, le questionnement sur l’ingénierie sociale et ses nouveaux outils de régulation et de coercition est en filigrane.

Pourtant, la domestication a ses limites et comme les jacqueries du XIVe siècle ou d’autres soulèvements l’ont montré, le point de rupture n’est jamais aussi loin qu’on le croit. Alors, l’espoir, JMW en a, celui du changement qui vient. En attendant, il cite Chomsky : « dans les périodes chaotiques, il y a toujours des failles ». Quand on vous dit que le Rock d’Originem est posé sur un socle sérieux.

Les membres d’Originem

Jean-Michel Wizenne (guitare, chant et composition) – David Jacob (guitare basse) – Thomas Calegari (batterie & percussions) – Géraldine Thébault (flûte piccolo).


Vengut lo Jorn de Originem,
les paroles en occitan & leur traduction

Devèm faire lo camèu
En esperant lo sinhau
Lo sinhau de la venjança
Lo sinhau de la Sedicion.

Devèm faire lo camèu
En esperant lo sinhau
Lo sinhau de la revòuta
E dau chaple, chaple que vèn.

Siguem pacient mai despacient
Siguem calme mai siguem furiòs
Siguem pacient mai despacient
Siguem calme mai siguem furiòs.

Aguem lo codonh
Aguem lo còr pelut
Botem lei en bandiera
Vengut lo jorn…

Nous devons faire le dos rond
En attendant le signal
Le signal de la vengeance
Le signal de la Sédition.

Nous devons faire le dos rond
En attendant le signal
Le signal de la révolte
Et du massacre, massacre qui vient.

Soyons patients, mais impatients
Soyons calmes, mais soyons furieux
Soyons patients, mais impatients

Soyons calmes, mais soyons furieux.


Ayons de la rancune !
Ayons du courage !
Mettons-les en pièces,
Le jour venu.


Pour conclure, disons un mot de l’actualité du groupe et de ses productions. Trois morceaux sont déjà publiés sur les réseaux dont celui que nous partageons dans cet article. Vous pourrez tous les retrouver en ligne sur la chaîne youtube d’Originem et sur son site officiel, en attendant de croiser le groupe sur de vraies scènes et de vrais festivals en France.

En bonus sur leur chaîne Youtube, vous trouverez aussi des vidéos qui expliquent la démarche du groupe et détaille les textes de certains morceaux. Je vous les recommande vivement pour aller un peu plus loin. Enfin sur les réseaux, de nouveaux morceaux sont prévus pour les mois à venir. Affaire à suivre donc !

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

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Petite annonce urgente : recherche d’accessoires pour le tournage d’un film médiéval

Bonjour à tous,

ans le cadre d’un film sur Jeanne de Belleville, noble bretonne devenue première femme pirate de l’Histoire, un équipe de tournage et son réalisateur recherchent des accessoires et des costumes inspirés du XIVe siècle. La liste va d’armes, de pièces d’armures et d’éléments de tenues civiles ou militaires à des accessoires divers pour des scènes en intérieur et en extérieur. Les objets seront utilisés uniquement le temps du tournage.

Si vous êtes une compagnie médiévale ou une institution spécialisée dans cette période médiévale et disposée à jouer le jeu*, n’hésitez pas à nous contacter sur nos réseaux (Facebook, Twitter) ou par courriel sur contact(@)moyenagepassion.com. Nous vous mettrons en contact direct avec la production. Merci de noter que le besoin est assez urgent. La sortie officielle du film est prévue d’ici quelques mois mais le tournage devrait démarrer instamment.

Pour le reste, l’équipe de réalisation nous fait savoir que les partenaires associés seront largement remerciés sur les réseaux, dans les crédits du film et sur les médias concernés. Des invitations sur le tournage pourront également être prévues. Tout cela sans compter le fait d’avoir posé votre petite pierre dans l’histoire aussi tragique que passionnante de Jeanne de Belleville (de Clisson).

En vous souhaitant une belle journée
Fred F

* peut-être préférablement situées en Bretagne ou en région voisine