our les besoins de l’indexation et pour ceux qui sont passés à côté, nous repostons, aujourd’hui, dans un post séparé cette ânerie inspirée visuellement du film le nom de la Rose.
Comme les moines sont au coeur du moyen-âge pendant de longs siècles, on ne peut parler de monde médiéval sans parler de la force motrice qu’ils représentent pour ces sociétés, au niveau moral, religieux mais aussi, avec leurs grands monastères et leurs abbayes au niveau économique et politique. Or, autour de l’an 500 après Jésus-Christ, est apparu en Italie, un mystique qui a changé pour longtemps les pratiques monastiques : Saint-Benoit.
D’une certaine façon, après lui, les moines seront dans la règle ou hors de la règle. Bien que courte et simple en apparence, cette règle, édictée par Saint-Benoit, sera et reste toujours d’ailleurs, mil cinq cents ans ans plus tard, approfondie durant la vie du moine et dans l’ensemble des aspects de sa vie monastique. Nous parlerons un peu plus avant de ce moine très particulier que fut Saint-Benoit, un de ses jours futurs.
Un belle journée à tous!
Fred
Pour moyenagepassion.com
Sujet : musique et poésie médiévale, chanson, trouvère, roi poète, roi troubadour, amour courtois. Auteur : Thibaut de Champagne, Thibaut de Navarre, Thibaut le chansonnier Titre : Ausi conme unicorne sui Période : Moyen Âge central
Interprète :FAUN Album : Totem (2007)
Bonjour à tous,
‘est toujours un plaisir que de pouvoir poster ici quelques textes ou quelques éléments d’histoire supplémentaires concernant le roi poète et trouvère Thibaut le chansonnier, roi de Navarre et comte de Champagne (1201-1253).*
Pour nous changer un peu de ses deux derniers textes qui gravitaient autour du thème des croisades, c’est ici une ode à l’amour courtois que nous vous proposons. Elle prend la forme d’un animal de légende très présent dans les bestiaires et l’imagerie du Moyen Âge: la licorne.
La licorne ou le monocéros,
créature mythique des bestiaires médiévaux
Même si on la connait depuis l’antiquité, on retrouve la mythique licorne de la légende à laquelle se réfère Thibaut de Champagne dans notre poésie du jour, à partir du haut Moyen Âge et plus exactement du IVe siècle. On la nomme alors Monocéros ou unicorne et elle est décrite comme une créature puissante et sauvage, que, dit-on, seule une vierge peut aider à capturer. L’animal en voyant la pure jeune fille, viendrait, en effet, trouver refuge en son sein et la belle n’aurait alors qu’à lui laisser téter son lait pour que la bête devenue docile et soumise puisse être capturée ou abattue.
ci contre illustration de chasse à la licorne, XIIIe siècle, Bestiaire de Rochester (1230)
Voilà donc, ici, une poésie de notre bon roé de Navarre, Thibaut de Champagne, captif de son amour et toute à sa fascination pour l’objet de son désir, laissé sans plus de défense que cette fameuse licorne de la légende, devant une vierge.
Le chansonnier Cangé : manuscrit ancien de poésie françoise du XIIIe siècle
On retrouve cette chanson de Thibaut de Champagne dans le manuscrit 846 de la Bibliothèque Nationale de France: le Chansonnier Cangé. Cet ouvrage est, comme son nom l’indique, un recueil de chansons de troubadours de la fin du XIIIe siècle.
Il vaut la peine, ici, d’en dire un mot parce qu’outre le fait que l’original nous vient du XIIIe siècle, la version que nous connaissons de ce manuscrit est le fruit du travail d’un passionné collectionneur de la poésie et de la musique des troubadours d’alors; il a pour nom Jean-Baptiste Châtre de Cangé et est contemporain du XVIIIe siècle.
Il acquit, en effet, le manuscrit en question en 1724 et comme il possédait également d’autres recueils de chansons, se mit même à annoter les pages du manuscrit, comparant entre elles les chansons des troubadours et de trouvères et recoupant les différentes versions. Il en résulte que ce manuscrit ancien, annoté de la main de ce collectionneur, porte désormais son nom et reste, au demeurant, un précieux témoin du monde médiéval et de l’art des troubadours et trouvères du XIIIe siècle.
Outre le fait qu’il recèle des trésors de la poésie française du Moyen Âge central, les annotations musicales originales qui accompagnent ces chansons sont aussi particulièrement remarquables. Le Chansonnier Cangé reste, en effet, un des rares ouvrages faisant état d’une écriture musicale qui comprend les temps et la rythmique. Si vous vous souvenez, nous avions mentionné dans un article précédent sur l’art des troubadours, que la plupart du temps, les compositeurs utilisaient une autre forme d’écriture musicale et n’annotaient pas les rythmes, laissant en quelque sorte la libre interprétation de ces aspects au troubadour ou au trouvère.
Sur le fond, le Chansonnier Cangé contient plus de 351 chansons et forme une véritable anthologie de la poésie des troubadours sur le thème de l’amour courtois. On y retrouve en plus de Thibaut de Champagne qui y est à l’honneur avec 64 de ses chansons, suivi de près par Gace Brûlé avec 46 chansons, d’autres noms célèbres tels que Adam de la Halle, Richard Coeur de Lion et d’autres encore, mais aussi un certain nombre de chansons et compositions d’auteur étant demeurés anonymes.
Faun, « folk celtique néo-médiéval païen » en provenance d’Allemagne
Il existe des versions bien plus lyriques de cette pièce de Thibaut de Champagne que celle que nous vous proposons d’aujourd’hui, cette dernière appartenant à un registre plus résolument folk médiéval. Elle est interprétée par FAUN, une formation relativement récente de musiciens et d’artistes allemands qui a fait ses premières armes en 2002. Le groupe se définit lui-même comme proposant une musique qui « fusionne les sons anciens et médiévaux, le folk celtique et nordique avec la musique moderne », d’où le nom de « folk néo-médiéval celtique » qu’on lui donne souvent et qui sonne un peu tout de même comme une appellation marketing clinquante pour inscrire leur travail dans un genre. Si je voulais faire court et sans déprécier du tout leurs talents, je dirais que FAUN est un peu à la musique médiévale ce que le Rondo Veneziano était à la musique classique. On n’est dans l’easy listening celtique à consonances médiévales (ce qui n’exclut pas bien sûr la qualité, mais qui reste une manière de montrer que, quand je m’y mets, je peux moi-aussi inventer des mots qui claquent bien). Bref, vous l’avez compris, leur travail les situe dans un Moyen Âge plus résolument allégorique et imaginaire que classique.
Au delà du fait qu’il est toujours intéressant de voir comment le monde médiéval s’invite dans l’actualité de notre XXIe siècle, on trouve du reste chez FAUN des choses très agréables à écouter. A en juger, nous ne sommes pas les seuls à partager ce goût, puisqu’ils furent nominés à trois reprises pour les « Echo », le music awards allemand. Le groupe est aussi très actif et productif puisqu’on leur doit déjà, à ce jour, 8 CDs et quelques tournées d’envergure mondiale : USA, Brésil et j’en passe. Le néo médiéval folk celtique païen semble donc aussi entré dans la World Music. Pour ce qui est du morceau d’aujourd’hui, qui est un classique médiéval revisité par leurs soins, la performance vocale de la chanteuse reste très convaincante et que les choix mélodiques sont aussi très agréables, mais je vous laisse vous en faire une idée.
Tout cela étant dit, voilà le texte de cette chanson de Thibaut de Navarre, en vieux français du XIIIe siècle que nous nous fendrons sans doute d’adapter en français moderne sous peu.
Les paroles de la chanson de Thibaut de Champagne en vieux français
Ausi conme unicorne sui Qui s’esbahist en regardant, Quant la pucelle va mirant. Tant est liee de son ennui, Pasmee chiet en son giron; Lors l’ocit on en traïson. Et moi ont mort d’autel senblant Amors et ma dame, por voir : Mon cuer ont, n’en puis point ravoir.
Dame, quant je devant vous fui Et je vous vi premierement, Mes cuers aloit si tressaillant Qu’il vous remest, quant je m’en mui. Lors fu menez sans raençon En la douce chartre en prison Dont li piler sont de talent Et li huis sont de biau veior Et li anel de bon espoir.
De la chartre a la clef Amors Et si i a mis trois portiers : Biau Senblant a non li premiers, Et Biautez cele en fet seignors; Dangier a mis en l’uis devant, Un ort, felon, vilain, puant, Qui mult est maus et pautoniers. Ciol troi sont et viste et hardi: Mult ont tost un honme saisi.
Qui porroit sousfrir les tristors Et les assauz de ces huissiers? Onques Rollanz ne Oliviers Ne vainquirent si granz estors; Il vainquirent en combatant, Més ceus vaint on humiliant. Sousfrirs en est gonfanoniers; En cest estor dont je vous di N’a nul secors fors de merci.
Dame, je ne dout més rien plus Que tant que faille a vous amer. Tant ai apris a endurer Que je suis vostres tout par us; Et se il vous en pesoit bien, Ne m’en puis je partir pour rien Que je n’aie le remenbrer Et que mes cuers ne soit adés En la prison et de moi prés.
Dame, quant je ne sai guiler, Merciz seroit de seson més De soustenir si greveus fés.
En vous souhaitant une belle journée!
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
* J’en profite pour faire ici une petite parenthèse sur l’orthographe du prénom Thibaud, ou Thibault ou Thibaut qui n’a décidément jamais l’air de savoir comment il veut s’écrire. Nous avons donc décidé ici, une bonne fois pour toutes, de l’écrire avec un T mais vous trouverez le roi de Navarre sous toutes les formes possibles de l’orthographe de son prénom.
Sujet : Abbaye de Clairvaux, Abbayes cisterciennes, Bernard de Clairvaux, Règle de Saint-Benoit Période : du moyen-âge central à Napoléon Média : vidéo documentaire, 3D Production : département de l’Aube en Champagne
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous proposons une nouvelle reconstitution historique. Il s’agit là de la mythique abbaye de Clairvaux et de son évolution à travers les âges. Ce vidéo documentaire très sourcé et très sérieux se base sur l’ensemble des données archéologiques actuelles concernant cet ensemble d’édifice religieux gigantesque et mythique. Il date de 2015 et nous est proposé par le Département d’Aube en Champagne qui entendait de cette manière célébrer les 900 ans de l’abbaye. Au passage, c’est à ce même département auquel nous devions, par ailleurs, la belle reconstitution de la commanderie des templiers de Payns que nous avons postée ici, il y a quelques temps.
Le vidéo-documentaire sur l’histoire de l’abbaye de Clairvaux
u côté réalisation, c’est la société Aloest qui s’est collée à cette reconstitution historique, avec un choix graphique plutôt épuré au niveau des textures et de l’environnement mais qui reste irréprochable au niveau de la réalisation architecturale et colle parfaitement au sujet.
L’objectif de restituer l’évolution de l’abbaye de Clairvaux à travers l’Histoire, du moyen-âge central jusqu’au XVIIIe siècle est donc parfaitement atteint et cette vidéo à l’autre avantage indéniable de nous faire bien comprendre à quel point au niveau tant économique, social, culturel et même scientifique, les moines des abbayes cisterciennes étaient des acteurs majeurs de leur temps, totalement impliqués dans leur monde et extrêmement bien organisés. Leurs compétences, en matière d’ingénierie économique et technique forcent autant le respect que leur activisme économique et mercantile, qu’il s’agisse d’architecture des bâtiments comme des travaux hydrauliques d’envergure: dévier le cours d’un fleuve, créer des canaux pour venir irriguer leurs lieux saints qui servent encore à faire fonctionner des moulins, etc. Cette caractéristique n’est pas propre à Clairvaux, c’est une compétence ou un mode opératoire que mettront en oeuvre nombre d’abbayes Cisterciennes. Si l’on en doutait encore, il demeure évident que nous n’avons pas à faire avec ces moines là, à de simples anachorètes contemplatifs assis passivement au coeur de leur cloître, mais à de véritables travailleurs visionnaires qui oeuvrent activement à transformer leur monde pour en extraire le meilleur.
Bernard de Clairvaux (1090-1153): « simple » abbé au cœur de l’Histoire médiévale
« Commence par te considérer toi-même, bien plus, finis par là… Tu es le premier, tu es aussi le dernier. »
Bernard de Clairvaux. Saint-Bernard Citations
n a presque, aujourd’hui, du mal à imaginer que c’est à peine âgé de vingt cinq ans que le moine Bernard de Clairvaux, déjà habité depuis longtemps par sa vocation et sa dévotion quitte l’abbaye de Citeaux pour fonder Clairvaux avec une poignée de moines.
Pour en dire un mot, cet homme au destin hors du commun, qui sera canonisé par l’église, un peu moins de vingt ans après sa mort, devenant ainsi Saint Bernard de Clairvaux, ne laissera pas que cette immense abbaye, comme legs. Il marquera, en effet, son siècle de son empreinte par son rôle actif, son implication politique. Sa piété et son charisme n’y sont, à coup sûr, pas étrangers même si plusieurs facteurs s’en sont encore, certainement mêlés: la puissance économique de l’ordre cistercien, assurément, la naissance d’un Bernard de Clairvaux dans une famille noble, proche des puissants peut-être encore. Le XIe et le XIIe siècles sont aussi des siècles très chrétiens où l’image du moine et de la vie monacale et monastique restent fortes parce qu’elles sont alors considérées comme étant les voies les plus voisines du chemin du Christ lui-même. A ce titre, même s’ils n’échappent pas toujours à la satire, les moines emportent alors bien souvent l’admiration ou à tout le moins le respect, et leur parole semble plus écoutée, au sein même de l’église. Mais, tout de même, au delà de tout cela, il aura fallu que Bernard de Clairvaux se distingue notablement par sa pratique, ses actions et une certaine aura de sagesse pour que, de simple moine à abbé, il en vienne, entre autres faits notables, à être consulté directement par un roi, en cas de litige sur l’élection d’un pape.
Du seul côté de ses frères cisterciens, on lui prête d’avoir participé au renouveau de l’ordre puisque, alors qu’il construisait Clairvaux, Citeaux déclinait déjà. Il laissa d’ailleurs derrière lui, à sa mort, plus de cent soixante maisons fondées par son abbaye sur les trois cent cinquante que l’ordre cistercien totalisait.
Ci-contre portrait de Bernard de Clairvaux par Georg Andreas Wasshuber (1650–1732).
Au delà de son influence sur son propre ordre monastique, Bernard De Clairvaux se retrouva bientôt au coeur même de l’Histoire et réussit à tenir un rôle central dans de nombreuses affaires qui concernait les plus hautes sphères de l’église; il y eu les polémiques sur les élections épiscopales contestées dans lesquelles il mit plusieurs fois la patte pour aider à trancher, mais il entretint aussi des relations très étroites avec la papauté et même les rois desquels il avait plus qu’une oreille attentive. Sur d’autres plans, on se souvient encore de son rôle majeur dans les statuts et, finalement, « l’officialisation » auprès de l’église du célèbre ordre des templiers. Au moment de l’émergence du catharisme et inquiet de la propagation de cette nouvelle doctrine, on le vit encore se rendre dans le sud de France pour y prêcher le retour des brebis égarées dans le cheptel de l’église officielle. Il fut encore, dit-on, fortement engagé et partie-prenant de la deuxième croisade pour laquelle son Sermon de Vezelay est souvent présenté comme le réel déclencheur, l’appel du pape l’ayant précédé n’ayant pas été entendu*. Enfin, sa doctrine théologique a profondément influencé la mystique chrétienne de son temps.
*Il semblerait que certains historiens contestent aujourd’hui la réalité de ce Sermon de Vezelay par Bernard de Clairvaux.
Bonus : la maquette interactive de l’abbaye
Réalisée avec Unity 3D par la société Arts Graphiques et Patrimoine, cette maquette vous permet de vous balader en temps réel dans le monde de l’abbaye de Clairvaux reconstitué. Petit hic, il faut installer le player Unity et cela ne fonctionne qu’avec les navigateurs Mozilla et Internet Explorer, Google Chrome n’ayant toujours pas, à ce qu’il semble, développé de plug-in pour Unity player ce qui est bien dommage.
Voila donc le lien, à consulter uniquement avec Internet Explorer ou Mozilla Firefox : maquette 3D interactive de l’abbaye de Clairvaux.
Une fois équipés de tout cela, armez-vous de patience c’est assez long à charger.
Bon, mais allez encore une ânerie et un peu d’humour détourné (de l’excellent film le nom de la rose) pour finir dans la bonne humeur et sur une note monastique en évoquant un aspect de la grande règle, la seule, la pure, la vraie, celle qui guide depuis plus de mille cinq cents ans tant de moines chrétiens, du haut moyen-âge à nos jours: la règle de Saint-Benoit.
Une belle journée à tous!
Fred
Pour moyenagepassion.com « A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes »
Sujet : poésie médiévale, poésie morale et satirique, auteur médiéval. ballade. Période : moyen-âge tardif, XIVe,XVe siècle. Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406). Titre : Ballade, « l’habit ne fait pas l’homme » ou « On ne connaît aux robes la pensée »
Bonjour à tous,
n doit à Eustache Deschamps que l’on surnomma aussi Eustache Morel pour, dit-on, son teint halé, de nombreuses poésies moralistes, satiriques et critiques et même encore des ballades qui contiennent des fables et que nous ne tarderons pas à partager ici. Mais en plus d’aimer sa poésie et d’y trouver souvent l’écho d’une « modernité » (au sens illusoire et biaisé où nous l’entendons certainement), nous gardons une tendresse véritable pour cet observateur du monde médiéval dont on a dit, par endroits, que sa poésie satirique mais aussi son apport sur les ballades (il en écrit plus de 1000), ouvrira la voie ou, tout du moins, annoncera la venue d’un François Villon, quelques cinquante ans plus tard.
De ses premiers pas d’homme d’armes instruit, serviteur à la cour, qui, se riant de lui-même, se décrit comme laid et peu amène, jusqu’à la sagesse de cet Eustache Deschamps vieilli qui a survécu aux fléaux de son temps et vu, comme beaucoup d’hommes d’alors, ses amis décimés par la peste, les conflits répétés qui mettent le pays à sang, les vaines conquêtes pétries de l’orgueil des rois et, bien sûr, cette interminable guerre de cent ans, cet auteur médiéval nous a laissé le courage de dire et celui de s’élever, de beaux textes sur l’honneur et les valeurs humaines pour nous en délecter et, je le dis encore, certains écrits sur lesquels le temps ne semble pas avoir de prise et qui raisonne d’une certaine modernité.
Pour ce qui est de la ballade d’aujourd’hui, le thème du jugement sur les apparences, la « mise » ou les stigmates, cet habit qui, au fond, n’a jamais fait l’homme ni le moine est-il médiéval ou n’est-ce pas, plutôt, un thème classique, aussi vieux qu’Hérode lui-même ? Voilà en tout cas, sur le sujet, la belle version d’Eustache Deschamps en forme de ballade.
« On ne congnoist aux robes la pensée »
Ballade en moyen-français original
Trop de gens sont qui honourent l’abit , Et au corps font pour robe révérence Et ne tiennent compte de l’esperit De cil qui a bonnes meurs et science; Et n’ont regart à la sufficience Du corps, s’il n’est parez de riches draps ; Combien que tel vest robe de bourras* Ou la porte cointe et intercisée Qui plus a sens qu’en telz est advocas : On ne congnoist aux robes la pensée.
L’entendement et la voulenté fist Dieu, des hommes formez à sa semblance; Nuz les créa , et puis l’ame leur mist Ou chétif corps, sanz faire différence De nul qui soit au naistre , n’en semence. Les grans robes saiges ne les font pas Ne sos aussi; riens n’y font en ce cas Poures habiz, fors science approuvée, Sens naturel et le bien faire. Hélas ! On ne congnoist aux robes la pensée.
Les apostres ne le doulz Jhesu Crist Ne portèrent draps de grant apparance; Mais leurs vertus furent de grant proufit, Qui ont partout donné bonne créance. Robes de vair ne de gris n’ont puissance D’assagir nul; mais puisque le sens as De robes vestus, pour ce ne le perdras; Foulz sa foleur pour sa robe herminée Ne laissera, ne son sens l’omme bas : On ne congnoist aux robes la pensée.
ENVOI
Prince, n’aiez nul saige homme en despit, Se grant estât n’a ou robe fourrée; Car tel scet moult, qui est poure et petit : On ne congnoist aux robes la pensée.
Traduction/Adaptation en français moderne
Trop de gens sont qui honorent l’habit
Et au corps font pour robe révérence
Et ne tiennent compte de l’esprit
De celui qui a bonnes mœurs et science,
Et n’ont regard à la valeur
Du corps, s’il n’est paré de riches draps
Suivant qu’un tel se vêt d’une robe de Bourras*
Ou la porte de manière galante et bien taillée
Celui qui prétend juger en cette matière est avocat
On ne connaît aux robes les pensées.
(* Bourras : Etoffe grossière lin)
L’entendement et la volonté fit
A Dieu faire les hommes à sa semblance
Nus les créa, et puis âme leur mit
Ou corps chétif, sans faire de différence
Entre tous ceux qui soient à naître, ou à semer,
Les grandes robes, sages ne les font pas
Ni sots non plus, rien n’y font dans ce cas
Pauvres habits, force science approuvée,
Bon sens et bonne conduite. Hélas!
On ne connaît aux robes les pensées.
Les apôtres ni le doux Jésus Christ
N’étaient drapés de grandes apparences
Mais leur vertus furent de grand profit
Qui ont partout inspiré la confiance
Robe verte, ni grise n’ont de puissance
D’assagir personne, mais l’homme de bon sens
D’une robe vêtue, pour ce ne le perdra.
Le fou, sa folie pour sa robe herminée
ne laissera, ni son bon sens l’homme bas*
On ne connaît aux robes les pensées.
(* l’homme de simple condition)
ENVOI
Prince, n’ayez aucun homme sage en dépit*
S’il n’a grand mise ou robe fourrée
Car celui là peut en savoir beaucoup, qui est pauvre et petit
On ne connaît aux robes les pensées.
(* Prince, ne vous offensez d’aucun homme sage)
Une merveilleuse journée à tous dans la joie.
Fred
Pour moyenagepasion.com « A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes »