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Chroniques de Saint Louis: histoire médiévale (ou presque), citations oubliées du moyen-âge

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« Dites voir mon petit joinville, avec tout le respect que je dois au sérieux que vous mettez dans votre travail et sans vouloir aucunement vous offenser, ça vous ennuierait de sortir de ma piaule? Non parce que là, vous continuez de gratter avec votre plume et outre le fait que ça fait un petit bruit très agaçant, la nuit est tombée depuis un moment et j’aimerais bien partager un peu d’intimité avec ma tendre et chère… «  Louis IX, Saint Louis à Sire de Joinville (1252 par là).

Quelques précautions additionnelles

P_lettrine_moyen_age_passion copiaour autant que nous vérifions avec grande minutie nos sources, le sérieux nous commande tout de même, aujourd’hui, quelques précautions sur cette citation qui oscille entre devoir de l’historien et devoir(s) régalien. En effet, « les chroniques du très chrétien roi Louis » sont supposées, tout de même, avoir été rédigées de manière posthume, par le Sire Jean De Joinville, à la demande de la petite fille par alliance de Saint-Louis, Jeanne de Navarre (au passage, elle était drôlement bien cette petite). Si elle était avérée, cette citation pourrait donc être de nature à faire littéralement voler en éclat une partie de l’Histoire de France; nous en sommes tout à fait conscient et la prudence nous pousse, encore, à y mettre quelques réserves. Une vérité se fait jour ici, toutefois, qui demeure indiscutable et c’est sans doute là tout l’énorme apport historique que nous pouvons déjà retirer de cet saint_louis_de_joinville_chroniques_humour_medieval_moyen-age_citationséchange: le petit grattement de la plume sur le parchemin était considéré, déjà à l’époque médiévale, comme un « petit bruit très agaçant ». Ne reculant jamais devant le devoir d’information et de restitution, nous avons d’ailleurs reproduit l’expérience, ici-même et avons pu faire ainsi le constat que nous étions effectivement très agacé.

Sur la question épineuse des sources

B_lettrine_moyen_age_passionien entendu, nous ne pouvons pas, vous le comprendrez aisément, donner trop de précisions sur nos sources. Sachez toutefois, pour les plus sceptiques d’entre vous (et de grâce, qu’on ne me prenne pas pour un ingénu, voir une truffe, je sais qu’il en y en a!), sachez, disais-je, que concernant cette citation de Saint-Louis, elle nous a été rapportée par un excellent ami de notre voisinage immédiat, sarrasin et primeur de son état, dont un des lointains descendants originaire de Tunis, nous a-t’il confié, aurait bien connu Saint Louis. Voici d’ailleurs ce qu’il a conclu après nous avoir fait la part de cette anecdote toute à fait exclusive que seule une longue relation de confiance patiemment établie entre lui et votre serviteur, nous-même donc,  aura permis de  faire resurgir à la lumière:

« Mi ça si sûr, Missieu Fred, ci coum ça il a dit San loui, pas atromen. Alors, sinon… ine tronche pastéque, in kilo toumates, trente deux mérguiz i l’harissa, ça fi 12 euros sa vo pli, »

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Voila de quoi clouer le bec, je pense, à tous les « Mossieurs je doute de tout ». J’ajoute et j’en finis que nous ne sommes pas, hélas, en mesure d’affirmer si le bon Sire Jean De Joinville serait finalement sorti de la chambrée du bon roi, à l’issue de l’échange; eu égard à ce que l’Histoire nous rapporte du grand charisme de Saint-Louis, nous ne pouvons, bien entendu, que le supposer.

Votre dévoué serviteur.
Frédéric EFFE

pour moyenagepassion.com
« A la découverte du monde médiéval sous toutes formes »

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Chroniques de Saint Louis: histoire médiévale (ou presque), citations oubliées du moyen-âge, petit bruit agaçant, devoir de mémoire, devoir de l’historien, devoir régalien et plus si affinités.

Du Saint Graal III : histoire médiévale (ou presque), citations oubliées, légendes arthuriennes (humour)

Du Saint Graal III

 » JE VOUS DIS QUE JE L’AVAIS POSE LA! C’est un monde ça quand même! Je parle macédonien ou quoi? Bon, tout l’monde écoute bien maintenant parce que je le redirai pas deux fois. Le premier qui dit encore que je suis B..délique, mais attention! même la moindre petite esquisse d’allusion, i prend ma sandale dans sa face. »

Joseph d’Arimathie, Autour de l’an 34.
__________________________________________________________________________Humour médiéval, moyen-âge et Histoire (ou presque), citations oubliées. légendes arthuriennes.
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Histoire des châteaux-forts & techniques de siège médiévales 1

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Index des autres articles sur le sujet:
2. Du bois vers la pierre
3. Mottes, forteresses de bois et techniques de siège
4. L’âge d’or des châteaux-forts
5L’automne des châteaux-forts

1. NAISSANCE DES CHÂTEAUX-FORTS

D_lettrine_moyen_age_passionans un article précédent, nous abordions le phénomène qui, à partir du Xe siècle, poussa la France (qui n’existait pas encore tout à fait telle que nous la connaissons), à organiser la défense des territoires autour de la personne du « seigneur » et des seigneuries locales, elles-mêmes réfugiées derrière des architectures fortifiées: les mottes castrales. Cette défense des territoires par la construction de forteresses qui évoluerons de la motte castrale de bois et de terre vers les châteaux de pierre les plus élaborés et prestigieux des siècles suivants ouvrira une période particulière que l’on a nommé: l’ère des châteaux-forts.
Aujourd’hui, nous abordons cette question dans une perspective plus large pour nous intéresser à la naissance, la vie et la mort chateau_foix_arièges_merveille_monde_medieval_histoire_moyen-agedes châteaux-forts et partant, pour parler aussi des techniques d’assaut et de siège qui y sont inévitablement associées et en marquent l’évolution. (ci-contre le superbe château de Foix, en Ariège, antérieur au XIIe siècle et dominant la ville depuis son haut promontoire de roche).

Quelques réflexions sur la méthode

Des ambitions modestes pour un sujet glissant

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il nous faut faire quelques remarques d’importance. Les écrits sur les châteaux-forts et les problématiques qui y touchent ne sont pas nouveaux; certains auteurs les disent même rabattus. Ils doivent pourtant bien trouver leur place sur ce site, puisque nous y traitons du monde médiéval. Or, prétendre aborder le moyen-âge « sous toutes ses formes » sans parler des châteaux-forts ne souffrirait aucune excuse. Comme nous nous efforçons, par ailleurs, de reconstituer quelques unes de ces forteresses médiévales, il paraît aussi pertinent de fournir, ici, quelques bases de réflexion sur ces sujets, en les abordant dans une perspective plus générale, dusse-t’elle être plus glissante. S’il demeure, en effet toujours, de nombreux points d’interrogation quand on se penche sur l’Histoire d’un château en particulier, que dire quand on éloigne le focus pour l’élargir à plus de cinq siècles d’Histoire, dans un contexte ou, de surcroît, si peu de traces nous sont parvenues? L’exercice de l’extrapolation dans les monde_histoire_medievale_chateaux_forts_moyen-age_passionvides laissées se fait bien périlleux. Cet effet bien connu a pour nom scientifique « l’effet peau de banane ». (ci-contre une peau de banane justement)

Rassurez-vous pourtant, nous n’avons pas la prétention de combler seul ces vides, en déclamant des généralités partagées de tous et non vérifiées,  à l’emporte-pièce, simplement pour faire un article:   « Au moyen-âge, les gens disaient… » « Au moyen-âge, les gens pensaient… », le web en est déjà suffisamment truffé et l’exigence de la qualité des sources autant que la méthode comparative resteront nos meilleurs alliés pour aborder ce sujet des châteaux-forts du moyen-âge. Et comme je préférerais toujours mieux la possible ânerie d’un historien à une qui soit mienne sur ces sujets, je m’appuierai courageusement sur des auteurs, en mettant, autant qu’il le semble nécessaire, toutes les réserves que requiert un objet d’étude si vaste. 

Ci dessus, les ruines de château-Gaillard, mythique forteresse normande construite par Richard Coeur de Lion à la fin du XIIe siècle
Ci dessus, les ruines de château-Gaillard, mythique forteresse normande construite par Richard Coeur de Lion à la fin du XIIe siècle

Pour certains chercheurs, l’histoire des châteaux de la période médiévale a été l’objet d’étude de toute une vie, nous en sommes conscient et restons donc extrêmement modestes dans nos ambitions. De fait, au fil de nos lectures sur le sujet, nous avons hésité, plus d’une fois, à mettre un point final à cet article pour le publier. Permettez-moi deux pieds de rimes un brin burlesque pour vous le faire toucher du doigt et s’il se peut, vous faire sourire: c’est le dilemme d’une entreprise folle, entre journalisme et Histoire, pieds fermement ancrés au sol, priant qu’il ne se change en patinoire. Comme toujours, si cet échafaudage semble par trop branlant à un historien ou un amateur éclairé, qu’il se manifeste au débat, avec arguments et faits. Je n’ai jamais eu d’autres exigences que celle d’apprendre et d’échanger.

Pour mettre un peu d’ordre

De manière très classique, quand l’on parle d’un sujet si vaste, la première des problématiques consiste à s’intéresser au moment où l’on fait démarrer l’observation et, par là, à préciser le contexte historique qui a vu émerger l’objet que l’on observe. Au fond, qu’a-t’il de si particulier ce phénomène de « l’enchâtellement » pour qu’on puisse ainsi, de manière presque convenue, fixer et dater un point précis dans l’Histoire, en décidant par là qu’il s’agit d’un commencement? N’y a-t’il pas eu dans l’Histoire quelques précédents ou des phénomènes semblables? Au final, il s’agit bien de caractériser l’objet historique dont on parle, pour le situer dans le temps et en faire émerger des particularités. Ce sera l’objet de ce premier article: « Naissance des châteaux-forts ». Nous nous y pencherons, avec Eugène Viollet le Duc, sur les conditions d’émergence des mottes castrales et nous le suivrons  dans ses allégations, ses certitudes et ses hypothèses sur lahistoire_monde_medieval_chateau_fort_moyen-age_Ainay_le_Vieil question. Le deuxième article sur le sujet, que nous avons nommé « Du bois vers la pierre », sera consacré à l’espace de temps qui va de l’émergence des mottes castrales jusqu’au XIIe siècle. Nous en profiterons pour parler d’Histoire des techniques de siège, en allant chercher du côté gréco-romain. Dans un troisième article, nous aborderons l’entrée dans ce XIIe siècle dont on s’accorde encore à dire qu’il est « L’âge d’or des châteaux-forts » (c’est d’ailleurs ainsi que nous avons très originalement nommé cet article sur la question). Nous y parlerons des progrès et des améliorations tant du côté des forteresses que des techniques et engins de siège. Enfin, dans un quatrième et dernier article, nous nous pencherons sur « L’automne des châteaux forts » et les transitions pouvant expliquer ce phénomène de « disparition » des forteresses « gardiennes de territoire », au profit de palais à vocation semble-t’il plus fortement résidentielle que défensive (quoique). (photo ci-dessus le Château-fort d’Ainay-le-Vieil, datant du XIVe siècle)

Le château de Chambord dont on a souvent fait le symbole de la fin de l'ère des châteaux-forts
Le château de Chambord dont on a souvent fait le symbole de la fin de l’ère des châteaux-forts

Avant de conclure sur ces éléments de plans et de méthodes, vous vous demanderez peut-être encore pourquoi  nous avons saucissonné ce grand article en plusieurs? Et nous vous répondrions alors, c’est sans doute parce que le jambon s’apprécie toujours mieux en tranches bien fines; disant cela, je ne plaisante qu’à moitié et ceux qui aiment le jambon le savent très bien d’ailleurs.

Héritage, ruptures et continuité 

« Des nains sur des épaules de géants »
Citation médiévale de Bernard de Chartres, XIIe siècle

La protection de territoires par des camps fortifiés, regroupés autour d’un chef de tribu, ne date assurément pas d’hier: palissades, usage de matériaux pour entraver la marche d’ennemis potentiels et leur faire obstacle,  usage de l’élévation (arbres, guérites, …)  pour observer au loin ou gagner en efficacité sur les armes de jets (pierres, flèches, …), usage du feu, sont des choses que l’homme pratique depuis les premiers affrontements tribaux et certainement depuis des temps immémoriaux. Au fond, en cas de sédentarisation et d’agressions extérieures, cela pourrait même nous sembler une forme d’organisation humaine « défensive » naturelle. Sauf à entrer dans le Qu'est ce qu'il a dit?domaine de la protohistoire et encore, je serais presque tenter de pousser jusqu’à la préhistoire, les sociétés humaines n’inventent jamais rien, tout soudainement, et à partir de  rien. (ci-contre, Boniface des « Visiteurs » de Jean Marie Poiré semble s’en étonner).

Quelque soit les phénomènes observés, il doit pourtant bien y avoir une forme de typicité, des particularismes, qui nous permettent de repérer dans l’Histoire des continuités et quelquefois aussi des ruptures, des héritages et des innovations, des contextes particuliers. Et c’est ce qu’il nous faut approcher ici, dans cet article, pour répondre à plusieurs questions : dans quel contexte un type particulier de construction médiévale a pu émerger autour du Xe siècle que l’on a appelé « motte castrale »? En quoi cette construction pouvait-elle contenir, en elle, les germes des châteaux forts qui lui succéderont? Et comment se situe-t’elle dans l’Histoire des forteresses ou des constructions défensives l’ayant précédées? Pour tenter de répondre à toutes ces questions et pour nous accompagner le long de cette promenade historique en ces temps reculés du moyen-âge central, nous suivrons les pas et l’analyse de l’architecte du XIXe siècle, Eugène Viollet le Duc (portrait de lui plus bas dans cet article).

Rappel de quelques éléments de contexte

IXe, Xe siècle. La France en prise aux invasions. Carte moyen-age
IXe, Xe siècle. La France en prise aux invasions. Carte retouchée. Voir original sur www.monatlas.fr

Pour rappel, du point de vue du contexte ayant favorisé l’apparition de ce phénomène d’enchâtellement de la France, dont on définit généralement le point de départ aux premières mottes castrales du Xe siècle, on liste un certain nombre de facteurs historiques : pression des vagues d’invasions sur le territoire (voir carte ci-dessus), division de l’empire carolingien dont les héritiers et petit-fils de Charlemagne peinent à maintenir la cohésion et, conséquemment, faiblesse d’un pouvoir régalien central, impuissant à défendre l’ensemble de ses territoires, au moyen d’un armée unique et forte. En plus de la pression d’ennemis extérieurs, viendront également s’ajouter, avec le temps, des tensions locales et intestines entre seigneurs prompts à se quereller sur les frontières établies,  quand ce n’est pas sur la légitimité même de leurs titres.

En suivant les pas de Viollet le Duc
« Pax Romana et influence normande »

viollet_le_duc_chateau_siege_militaire_histoire_medievale_moyen-ageUn peu avant le moment où nous prenons l’Histoire, une longue période de Pax romana a plongé les terres de France dans une relative méconnaissance des Arts de la guerre. Sur le terrain, à la faveur de cette paix et de l’absence de résistance, les francs ont pu, sans difficulté, conquérir la Gaule. Ils y coexistent avec les restes de l’empire romain qui s’y sont sédentarisés, mais ils doivent désormais aussi se la partager avec des normands fraîchement installés qui ont bien l’intention de ne pas se cantonner sagement à leurs terres. Socialement structurés autour du commerce tout autant que des Arts de la guerre, ces derniers conduiront, en effet, des raids sur le territoire aussi loin que les mènent les fleuves. Selon notre auteur, durant cette période du IXe, Xe siècle, l’héritage de l’oppidum gaulois autant que celui des forteresses romaines, a été pratiquement oublié du côté franc et les populations, comme les seigneurs, ne sont toujours pas préparés à se défendre et encore moins l’ensemble de leur territoire; il faut de l’expérience, de l’ingénierie et du métier pour construire une forteresse et surtout la tenir et peu de places sont fortifiées. On n’y a pas consacré le temps nécessaire, mais on a même été, jusqu’à oublier du côté franc, le moyen de les bâtir de manière efficace et tout standard les concernant. Pour résister à ces nouvelles vagues invasions normandes, hongroises et sarrasines, on s’inspire alors « vaguement » du Castrum romain ou même de la villa romaine mais pas toujours.  

A l’opposé, au nord du territoire où ils se sont sédentarisés, les normands  semblent déjà mettre en oeuvre des principes bien plus avancés dans la construction de leur fortifications, n’hésitant pas à utiliser la pierre et respectant des principes plus systématiques dans l’élaboration de leurs défenses.

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Motte et château franc, de la Tusque à Sainte-Eulalie d’Ambarès, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle; Eugène Viollet-le-duc 1856

« Autres étaient alors les châteaux de France ; ils tenaient, comme nous l’avons dit, et du camp romain et de la villa romaine. Ils étaient établis soit en plaine, soit sur des montagnes, suivant que le propriétaire franc possédait un territoire plane ou montagneux. Dans le premier cas, le château consistait en une enceinte de palissade entourée de fossés, quelquefois d’une escarpe en terre, d’une forme ovale ou rectangulaire. Au milieu de l’enceinte, le chef franc faisait amasser des terres prises aux dépens d’un large fossé, et sur ce tertre factice ou motte se dressait la défense principale qui plus tard devint le donjon.  »
Citations d’Eugène Viollet Le Duc,
Dictionnaire Raisonné de l’architecture française, 1856

Naissance du château :
ni oppidum gaulois, ni castrum romain

Du point de vue de l’histoire des forteresses, comme des techniques d’attaque et de défense,  même s’il faut, sur une échelle large de temps, voir une continuité et dans cette continuité, des phénomènes qui peuvent en accélérer ou en favoriser l’évolution, des particularismes et des innovations, à la période qui nous intéresse, Viollet le Duc nous invite donc à considérer une période de rupture opérée par une longue paix romaine suivie d’une relative passivité des francs à structurer de vrais défenses. Selon lui, seuls plusieurs siècles de batailles aguerris, de luttes intestines en guerre de croisades, du Xe au XIIe siècle, permettront d’atermoyer graduellement cette inexpérience dans les Arts de la guerre et du siège militaire, comme dans ceux de la construction de forteresse.

castrum_romain_histoire_medieval_chateau_fort_motte_castrale_viollet_le_ducSuivant ses analyses encore, la naissance du château-fort et l’évolution de la motte castrale vers les forteresses de pierre, ne sont donc pas,  à rechercher du côté de l’oppidum gaulois, oublié depuis longtemps, ni tout à fait du Castrum romain, camp aux visées plus proprement militaires; même si ce dernier aura partiellement et occasionnellement inspiré les francs, leurs premiers châteaux ne témoignent pas d’une véritable filiation avec cette construction romaine. En réalité, Viollet le Duc tranche assez rapidement sur cette question, faisant le constat d’une grande hétérogénéité des châteaux francs dont la construction ne semble pas guider par des standards forts, ni même d’ailleurs par la conscience forte d’un territoire à protéger. Les seigneurs francs se comportent finalement plus en propriétaire terrien, qu’en véritable défenseurs d’un territoire au nom d’une nation. N’y-a t’il eu de contre-exemples qui puissent nuancer le tableau? A l’évidence, il n’en trouve point. (photo ci dessus, reconstitution archéologique du Castrum Romain de Mandeure, IVe siècle, contenant une église paléochrétienne. (1) )

A l’observation des évidences laissées par l’héritage normand et même si notre brillant architecte du XIXe confesse, par moments, du peu de sources sur d’autres aspects, il penche, en tout cas, très clairement en faveur d’une forme d’excellence normande sur laquelle il ne se lasse pas de tarir d’éloges; il faut dire qu’au delà des marques laissées par leur architecture, les victoires et succès militaires qu’ils ont rencontrés plaident largement en leur faveur. Au delà de simplement conduire leurs ennemis de terrain à mieux structurer leurs défenses, cette influence ira pèsera, de manière inévitable, sur leur architecture défensive et sur leurs techniques guerrières dans les siècles suivants, jusqu’à rayonner dans toute l’Europe.

« Toutefois, nous penchons à croire que le château féodal n’est arrivé à ses perfectionnements de défense qu’après l’invasion normande, et que ces peuples du Nord ont été les premiers qui aient appliqué un système défensif soumis à certaines lois, suivi bientôt par les seigneurs du continent après qu’ils en eurent à leurs dépens reconnu la supériorité. »
Citations d’Eugène Viollet Le Duc,
Dictionnaire Raisonné de l’architecture française, 1856

Reconstitution motte castrale du Xe, XIe siecle
Belle reconstitution d’une motte castrale du Xe, XIe. Plus d’infos sur le blog de ces passionnés de monde médiéval  sur www.Armae.com

Dans les temps qui suivront, l’évolution de la motte castrale vers le château-fort sera donc un « assemblage », né au croisement de l’Oppida normand et des premières mottes castrales; et c’est du choc de ces deux mondes que naîtront les fleurons d’architecture du XIIe, mais ceci est une autre Histoire et nous avons déjà, au moins, notre point de départ sur la naissance des châteaux.

Fait d’importance, dans ces forteresses naissantes qui préfigureront les châteaux médiévaux des siècles suivants, le seigneur s’entourera non seulement de ses forces militaires mais aura aussi l’ambition, en plus d’y tenir sa défense, d’inclure le nécessaire pour y vivre et s’y établir: ses gens, ses croyances, et peut-être déjà une certaine forme de confort. Nul doute que cette construction marque aussi le prestige du seigneur qu’elle héberge et qui la construit. Le signaler à son importance puisque, de nombreux débats historiques sur les châteaux-forts et leur évolution, consisteront à s’entendre ou à se mésentendre  sur l’existence de lignes claires qui se déplacent au fil du temps, dans la construction de ces édifices médiévaux: entre visées défensives et prestige, mais encore entre efficience militaire et confort; le critère du confort et du prestige étant celui que l’on utilisera le plus souvent pour marquer l’évolution des châteaux-forts vers les grands palais du XVe, XVe, mais aussi pour repérer la fin de leur ère. Quoiqu’il en soit, cette première forme de forteresse que constituera la butte castrale est la demeure d’un sédentaire plus que d’un conquérant en campagne, un seigneur ancré sur son territoire et ayant l’ambition d’en défendre les contours, plus que sa seule tribu, un homme qui a aussi à sa disposition peu d’hommes expérimentés pour le servir et qui devra miser sur la solidité de ses installations pour se défendre.

« … les troupes de gens de guerre que réunissaient les seigneurs féodaux ne devaient qu’un service limité, quarante jours en moyenne ; on ne pouvait entreprendre avec ces corps armés que des expéditions passagères, des coups de main, et cela explique comment la féodalité crut, dès le XIe siècle, être invincible dans ses châteaux. Il fallait des armées pour attaquer et prendre ces places. Il n’y a pas d’armées où il n’y a pas de peuple ; alors le fait ni le mot n’existaient. »
Citations d’Eugène Viollet Le Duc,
Dictionnaire Raisonné de l’architecture française, 1856

Très belle reconstitution
d’une motte castrale en 3D et en vidéo

Pour conclure
sur la naissance du château médiéval

Pour expliquer les particularismes de cette période et aborder la naissance des châteaux à travers la motte castrale, tout autant que la féodalité en gestation, Viollet le Duc nous invite, donc, à considérer une double rupture : la première est historique, c’est une forme de  rupture dans la connaissance des Arts de la guerre et de la construction de forteresses. Cette « ignorance » et ce peu de préparation sont consécutives à une Pax Romana, suivi d’une invasion par les francs, coupés de leur racines d’origine, isolés sur leurs nouvelles terres gauloises, et qui se comportent, vis à vis du territoire qu’ils occupent, plus en chefs de tribu qu’en Seigneurs. L’autre rupture est celle d’un choc entre deux cultures qui se partagent le terrain, l’une « aguerrie et organisée »,  l’autre « peu prête et peu savante » et qui a, de surcroît, encore à peine dans son bagage, les représentations de la défense d’un territoire au delà de sa propre terre, voir même de sa tribu. C’est un avis extrêmement tranché qui ressort de ses analyses et une claire opposition mais qu’il théorise finement et brillamment jusque dans les contours de la féodalité qui suivra.

Peut-être serait-il, utile de trouver quelques contre-exemples de terrain qui puisse le nuancer un peu ? Si je voulais faire un trait d’humour je dirais que nous sommes en face d’un brillant normand d’un côté et d’un âne franc de l’autre. L’opposition est si forte que pour un peu, j’aurais presque envie de crier, « Au secours! N’y a-t’il pas quelque part, quelque érudit de l’autre bord, même bien caché? » Je vais ajouter, pour faire justice à Viollet le Duc, que son discours s’inscrit dans un contexte historique où les normands, comme les autres envahisseurs de cette France du IXe, Xe siècle avaient été copieusement traités de barbares avant lui; il fallait donc aussi qu’il rétablisse la balance. Par ailleurs, les limites qu’il entrevoit et pointe ici dans la relative indiscipline des seigneurs francs, il les élève par ailleurs puisqu’il en fait une des conditions par laquelle lachateaux_forts_histoire_medievale_viollet_le_duc_moyen-age_passion France n’est pas devenu anglaise.   Pour en percevoir toutes les nuances, le mieux est encore de le lire dans le texte, ce que je vous enjoins à faire. C’est, vous le verrez, une lecture passionnante.

Une chose ressort de tout cela et qui semble certaine, au vue du peu de résistance opposée à ces vagues d’invasion, il faut bien en déduire un déséquilibre militaire et technologique sur le terrain., et la balance penche clairement en faveur des normands. De ce déséquilibre naîtront assurément  les progrès des mottes castrales du Xe et de leur donjon, fréquemment en bois juchés en haut de leur butte, vers une utilisation plus systématique de la pierre et les premiers donjons en pierre du XIe siècle. Par le contexte qui les aura fait naître, ces premières mottes castrales porteront déjà en elles les germes de la féodalité autant que celles du château-fort, et ce sont ces germes qui feront de cet édifice médiéval quelque chose « d’historiquement » particulier.  Et que l’on se réfère explicitement ou non à son auteur, depuis l’oeuvre de Viollet le Duc, c’est bien autour du Xe siècle, par l’émergence d’une forme d’architecture défensive appelée mottes castrales que l’on définit  généralement, ce point de départ « conventionnel » de l’Histoire des châteaux-forts. A ce jour, il semble encore que ses analyses sur ces questions restent largement partagées. 

Je joins encore une image à cette article. C’est une peinture, très belle, qui rend bien compte de l’effet de hauteur donné par la butte castrale pour qui s’en approche. Nous la devons à l’artiste J-Humphries et elle prouve, s’il était besoin, de la fascination qu’exercent encore ces constructions sur certains de nos contemporains.

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« Château et butte castrale », peinture moderne de J-Humphries

Dans le prochain article, nous parlerons des siècles suivants où le bois se substituera peu à peu à la pierre dans la construction des forteresses et nous aborderons aussi les techniques d’assaut et de siège connus depuis l’antiquité.

Merci de votre lecture et longue vie!

Fred
pour moyenagepassion.com
« A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes. »

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(1) Voir article ici sur les fouilles archéologiques de l’imposant Castrum romain de Mandeure

Visite virtuelle de l’oppidum gaulois de Corent

De la guerre de cent ans : histoire médiévale (ou presque), citations oubliées (humour)

De la guerre de cent ans,

1337, un légère complication semble poindre dans les relations franco-britanniques.

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Philippe VI de Valois, roi de France :
 » – Si ce crétin de Rosbeef s’imagine que je me suis pris la courge pour me faire faire un trône à la mesure exacte de mon fondement pour le refiler à un habitant des Iles, à plus forte raison bretonnes,  il se fourre son sceptre  dans l’oeil jusqu’à l’occiput  » 

Edouard III, roi  d’Angleterre :
« – Qu’est-ce qu’il a dit là, l’bouffeur de Grenouilles? »

                                                                                                     Automne 1337 (par là).

NDT : j’dis ça, je dis rien, mais tout cela  parait un peu bizarre quand même, parce qu’outre le ton plutôt vert de l’échange qui fait un peu plus que friser l’irrespect et qui étonne par la transgression des manières courtoises dont il dénote, on fait remonter le rosbeef (le plat) autour du XVIIIe, en tout cas son adoption officielle par les gens de l’île de Bretagne. Avait-on pu avoir, avant cela et depuis la préhistoire, l’idée de faire un rôti pas trop cuit? Peut-être, mais on devait sûrement l’appeler alors « rôti pas trop cuit ». Ce n’est, bien sûr, qu’une hypothèse et nous nous avançons, peut-être, déjà trop.
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Humour médiéval, Histoire (ou presque), citations oubliées du moyen-âge, la guerre de cent ans, Phillipe VI de Valois, Edouard III.

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