Sujet : poésie médiévale, chevalerie, valeurs chevaleresques, chevaliers, bacheliers, tournois, littérature médiévale, ballade, français ancien, , moyen-âge chrétien, baccalauréat. Période : moyen-âge tardif Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : « Ballade du bachelier d’armes » Ouvrage : Poésies morales et historiques d’Eustache Deschamps, Georges Adrien Crapelet (1832)
Bonjour à tous,
ous publions aujourd’hui, une ballade médiévale d‘Eustache Deschamps à l’attention des jeunes ou futurs chevaliers de son époque. Le poète et Seigneur de Barbonval et bailly de Senlis connait bien lui-même les métiers d’armes, puisqu’il occupa, entre autres fonctions et à un point de sa longue carrière, celle d’écuyer du duc d’Orleans.
Là encore, l’œuvre prolifique d’Eustache Deschamps, tout autant la façon direct qu’il a d’aborder les sujets les plus divers, en font un témoin précieux du moyen-âge central à tardif.
Cette poésie nous permet notamment d’approcher, de manière très concrète les valeurs chevaleresques du XIVe et même, dans une certaine mesure, des deux siècles le précédent. Et comme l’auteur adresse très directement sa ballade aux jeunes bacheliers d’armes qui lui sont contemporains, les valeurs dont il nous parle s’en trouvent du même coup « actualisées » dans la réalité de son temps. Dit autrement, ces dernières ne sont plus seulement ici des valeurs lointaines, admirables et allégoriques dont l’on pourrait s’inspirer à la lecture d’un roman arthurien. Que leurs sources premières soient littéraires ou historiques, elles prennent, sous la plume du poète médiéval, force de loi et de conseils directs pour l’action.
Bachelier, aux origines du mot.
(NB : nous suivons ici le fil d’un article de Maurice Tournier, paru en 1991, dans la revue « Mots » et disponible sur Persée.)
Avant que d’œuvrer dans des salles d’examen, le stylo fébrile à la main et le souffle court pour obtenir le diplôme tant convoité qui leur offrira le ticket d’entrée pour les universités et autres hautes écoles, historiquement le nom de bachelier, a désigné des choses diverses. Au plus loin que l’on puisse remonter et notamment au latin baccalarius, il désignait des petits propriétaires de vignes (de Bacchus) ou même d’élevages bovins, soit des gardiens de vaches. Que les futurs titulaires du diplôme ou ceux qui le briguent se rassurent, même si le métier de gardien de vaches reste tout à fait noble, leur avenir ne sera pas nécessairement voué à cette fonction.
Plus tard, dans le courant du haut moyen-âge, le terme de bachelerou bachelier désignera encore un petit propriétaire terrien, mais aussi, par extension un noble n’ayant pas été « armé chevalier » ou adoubé, ou même aspirant à le devenir. Il s’appliquera aussi pour un gentilhomme qui n’a pas suffisamment de possession pour avoir sa propre « bannière », soit un banneret. Dans ce cadre, le terme s’appliquera donc plus favorablement au futur héritier d’un fief.
Tournois et chevalerie médiévale, Enluminure,
Code Manesse, (1310-1340)
Dans le courant du moyen-âge central, le mot évoluera pour désigner une classe d’armes entre les écuyers et les chevaliers, mais on le retrouvera encore usiter pour désigner de manière plus générale la classe des jeunes chevaliers. Il semble que l’usage qu’en fasse ici Eustache Deschamps se situe plutôt dans ce champ d’application puisqu’il leur donne une leçon sur les valeurs auxquelles ils devront se plier.
Dans une autre extension plus tardive du terme bachelier, on trouvera enfin la désignation de tout jeune homme libre et non encore engagé maritalement, d’où d’ailleurs également la variante Bachelette et même Bacelle qui, par le passé, fut en usage pour désigner une jeune fille à marier. Le nom du diplôme « Baccalauréat » est, quant à lui, le fait de François 1er qui créa un ordre de chevalerie nommé ainsi.
Ballade du Bachelier d’Armes.
Eustache Deschamps XIVe siècle
Vous qui voulez l’ordre de chevalier, Il vous convient mener nouvelle vie, Dévotement en oroison veillier, Péchié fuir, orgueil et villenie. L’Eglise devez deffendre , Le vefve aussi , l’orphenin entreprandre ; Estre hardis et le peuple garder, Prodoms, loyaux, sanz riens de l’autrui prandre Ainsi se doit chevalier gouverner.
Humble cuer ait, toudis doit traveillier Et poursuir faiz de chevalerie, Guerre loyal, estre grant voyagier; Tournoiz suir et jouster pour s’amie : Il doit à tout honnour tendre, Si c’om ne puist de lui blasme reprandre ; Ne lascheté en ses oeuvres trouver; Et entretouz se doit tenir le mendre* : (*moindre) Ainsi se doit gouverner chevalier.
Il doit amer son seigneur droiturier, Et dessus touz garder sa seignourie ; Largesce avoir, estre vray justicier, Des prodommes suir la compaignie, Leurs diz oïr et aprandre, Et des vaillans les prouesces comprendre , Afin qu’il puist les grans faiz achever Comme jadis fist le roy Alixandre : Ainsi se doit chevalier gouverner.
Eustache Deschamps
Au passage, souhaitons une bonne chance et une belle réussite à tous ceux qui passent leur baccalauréat cette année !
Sujet : fabliau, conte populaire satirique médiéval, morale, charité chrétienne, larrons, gibet, potence. Période : moyen-âge central (XIIe, XIIIe) Auteur : Inconnu Titre : du prudhomme qui sauva son compère de la noyade Ouvrage : Fabliaux et contes (T 1), Etienne Barbazan (XVIIIe siècle) Manuscrit ancien : MS 1830 St Germain des prés. MS 2774.
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous publions et adaptons un fabliau médiéval des XIIe, XIIIe siècles, originellement en vieux français. C’est un conte ancien que nous avons de nos jours et, à peu de choses près, oublié. Nous le tirons d’une édition de 1808 en trois tomes dédiée au genre du fabliau et que nous devons originellement à Etienne Barbazan, érudit et auteur français du XVIIIe siècle.
L’histoire nous parle d’un pêcheur qui, ayant sauvé un homme de la noyade et d’une mort certaine, en le blessant malencontreusement à l’oeil, voit ce dernier se retourner contre lui, quelques temps après, et l’assigner même devant une cour de justice.
Toute proportion gardée, ce fabliau étant sans doute plus acerbe, le fond de l’histoire n’est pas sans rappeler le film tragi-comique de Jean Renoir, « Boudu Sauvé des Eaux » avec Michel Simon (en photo ci-contre) dans lequel un homme sauvait aussi des eaux un pauvre bougre près de se suicider qui, une fois rétabli, lui faisait payer sa bonté, en semant la zizanie dans sa maison.
Dans le cadre de notre fabliau du jour, l’homme est en train de se noyer involontairement alors que dans le film de Renoir, c’est par déprime que le trublion se jette à l’eau, les ressemblances s’arrêtent donc là mais, dans les deux cas, nous sommes en présence d’une histoire morale sur l’exercice de la bonté quelquefois payé d’ingratitude en retour. Dans le contexte médiéval, ce fabliau du preudome qui rescolt son compere de noier a ceci d’intéressant que sa morale semble bien le situer aux antipodes de la charité chrétienne et de ses valeurs, et nous y reviendrons.
Le fabliau du pêcheur en vieux français
Du Preudome Qui rescolt son compere de noier
Il avint à un pescheor Qui en la mer aloit un jor, En un batel tendi sa roi, Garda, si vit tres devant soi Un homme molt près de noier. Cil fu moult preus et molt legier, Sor ses piez salt, un croq a pris, Lieve, si fiert celui el vis, Que parmi l’ueil li a fichié: El batel l’a à soi saichié, Arriers s’en vait sanz plu attendre Totes ses roiz laissa à tendre, A son ostel l’en fist porter, Molt bien servir et honorer, Tant que il fust toz respassez A lonc tens s’est cil porpenser Que il avoit son oill perdu Et mal li estoit avenu, Cist vilains m’a mon ueil crevé, Et ge ne l’ai de riens grevé Ge m’en irai clamer de lui Por faire lui mal et enui, Torne, si ce claime au Major Et cil lor met terme à un jor, Endui atendirent le jor, Tant que il vinrent à la Cort. Cil qui son hueil avoir perdu Conta avant, que raison fu. Seignor, fait-il, ge sui plaintis De cest preudome, qui tierz dis Me feri d’un croq par ostrage, L’ueil me creva, s’en ai domage, Droit m’en faites, plus ne demant; Ne sai-ge que contasse avant.
Cil lor respont sanz plus atendre Seignor, ce ne puis-ge deffendre Que ne li aie crevé l’ueil; Mais en après mostrer vos vueil Coment ce fu, se ge ai tort.
Cist hom fu en peril de mort En la mer où devoit noier Ge li aidai, nel quier noier D’un croq le feri qui ert mien; Mais tot ce fis-ge por son bien: Ilueques li sauvai la vie, Avant ne sai que ge vos die. Droit me faites por amor Dé. C’il s’esturent tuit esgaré Ensamble pour jugier le droit. Qant un sot qu’à la Cort avoit Lor a dit : qu’alez-vos doutant? Cil preudons qui conta avant Soit arrieres en la mer mis, La où cil le feri el vis; Que se il s’en puet eschaper, Cil li doit oeil amender, C’est droiz jugement, ce me sanble. Lors s’escrirent trestuit ensanble, Molt as bien dit, ja n’iert deffait, Cil jugemnz lors fu retrait. Quant cil oï que il seroit En la mer mis où il estoit Où ot soffert le froit et l’onde, Il n’i entrat por tot le monde, Le preudome a quite clamé, Et si fu de plusors blasmé. Por ce vos di tot en apert Que son tens pert qui felon sert: Raember de forches larron Quant il a fait sa mesprison, Jamès jor ne vous amera Je mauvais hom ne saura grré A mauvais, si li fait bonté; Tot oublie, riens ne l’en est, Ençois seroit volentiers prest De faire lli mal et anui S’il venoit au desus de lui.
L’adaptation du fabliau en français moderne
ous prenons, ici, quelques libertés avec le texte pour les exigences de la rime, mais, pour ceux que cela intéresse, le rapprochement des deux versions devrait vous permettre de revoir l’original en vieux français avec plus d’éléments de compréhension.
De l’honnête homme Qui sauva son compère de la noyade
Il advint qu’à un pécheur Qui sur la mer s’en fut un jour, Sur son bateau tendit sa voile, Et regardant, droit devant lui vit, un homme près de se noyer. Il fut très vif et lestement, Sauta bien vite sur ses deux pieds, Pour se munir d’un crochet (une gaffe), Il le leva, pour saisir l’autre, Si bien qu’il lui ficha dans l’oeil, Puis le hissa sur le bateau, Et sans attendre s’en retourna Toutes voiles dehors vers son logis. Il fit porter l’homme chez lui, il le servit et l’honora, tant et si bien que peu après, il fut tout à fait rétabli.
Quelques temps plus tard pourtant, Le rescapé se mit à penser Qu’il avait son oeil perdu Et que mal lui était advenu. Ce vilain a crevé mon oeil, Je ne lui avais pourtant rien fait, J’irais porter plainte contre lui Pour lui causer tord et ennui. Aussi s’en fut-il chez le juge Qui fixa une date d’audience, Et tous deux attendirent le jour Puis se rendirent à la cour.
Celui qui l’oeil avait perdu Parla d’abord, comme c’est coutume Seigneur, dit-il, je viens me plaindre De cet homme qui voilà trois jours, Me blessa avec un crochet, me creva l’oeil et j’en souffris. Faites m’en droit, je n’en veux pas plus Et je ne peux rien dire de plus. L’autre rétorque sans plus attendre: Seigneur, je ne puis me defendre De lui avoir crevé l’oeil, Mais je voudrais vous démontrer,
Comment tout survint et quel fut mon tord. Cet homme fut en péril de mort En la mer, où il se noyait. Je l’ai aidé, je ne peux le nier, De ce crochet qui est le mien et l’ai blessé Mais tout cela fut pour son bien Car ainsi sa vie fut sauvée Plus avant ne sais que vous dire. Rendez-moi justice
pour l’amour de Dieu.
Les juges étaient tout égarés Ne sachant trop comment juger, Quand un sot que la cour avait Dit alors: de quoi doutez-vous? Qu’on mette celui qui se plaigne Au même endroit dans la mer, Là ou l’autre le blessa à l’oeil Et s’il s’en peut échapper que l’autre le doive dédommager. C’est droit jugement, il me semble Et tous s’écrièrent tous ensemble: Voila qui est fort bien parlé,
Qu’ainsi la chose soit jugée! Quand le rescapé eut appris Qu’il serait en la mer remis A souffrir le froid et l’onde Il n’y entra pour tout au monde. Le preudomme fut acquitté Et par bien des gens blâmé.
Tout cela montre, c’est bien clair Que son temps perd qui félon sert. Sauvez un larron du Gibet Une fois commis son forfait Jamais il ne vous aimera, Et pour toujours vous haïra. Jamais mauvais homme ne sait gré A un autre qui lui fait bonté. Il aura tôt fait d’oublier Au contraire, il sera même prêt A lui causer tord et souci S’il venait au dessus de lui.
La place du fabliau dans le contexte moral du moyen-âge chrétien
travers le mode satirique, ces petites contes populaires du moyen-âge que sont les fabliaux laissent souvent transparaître les leçons d’une sagesse populaire et critique qui souligne les faiblesses et les défauts de la nature humaine.
Comme nous l’avons déjà abordé, en nous penchant sur certains fabliaux de Bodel ou de Rutebeuf, on se souvient du prêtre cupide qui ne pense qu’à amasser les richesses et qui ne prêche que pour ses propres intérêts. Dans la housse partie du trouvère Bernier, on se rappelle encore du fils qui ne pratique pas la charité envers son vieux père puisqu’il est même près de le mettre dehors dans le froid et de laisser mourir de faim. C’est de la génération d’après et de son propre fils que viendra la leçon qui n’est d’ailleurs pas, là non plus, une leçon de morale chrétienne, mais bien plus une parabole sur l’éducation et une leçon de morale populaire: « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse ».
Dans cette exploration de ce que l’on moque dans les fabliaux et qui se situe assez souvent à l’autre bout des valeurs chrétiennes de compassion et de charité, ou qui les raille, le conte ancien d’aujourd’hui est un exemple édifiant supplémentaire. Sa morale ne sort pas de nulle part toutefois et elle n’est pas isolée du reste de son époque puisque cette histoire contient, autant qu’elle illustre, un dicton en usage au moyen-âge. Le voici dans notre fabliau, c’est sa morale:
Raember de forches larron Quant il a fait sa mesprison, Jamès jor ne vous amera
Sauvez un larron de la potence Une fois qu’il a commis son crime Il ne vous aimera jamais pour autant.
Au niveau populaire on le connait encore sous cette forme:
« Larroun ne amera qi lui reynt de fourches » Le larron n’aimera pas celui qui le sauve du gibet ou « Sauvez un larron du Gibet ne vous gagnera pas son amour ni son respect »
On l’aura compris, les fourches dont il est question ici n’ont rien d’agricoles. Ce sont les fourches patibulaires, autrement dit la potence ou le gibet. En creusant un peu la question, on retrouvera encore cette idée et ce proverbe dans le roman de Tristan sous une autre forme:
Pour autant qu’il soit fait référence à Salomon, dans ce dernier exemple, on ne trouve nulle trace de ce proverbe dans la bible. A la même époque, il faut encore noter qu’on le croisera dans plusieurs langues (allemand, italien, anglais notamment). Il se présente, à peu de choses près, toujours sous la même forme:
« Save a thief from the gallows and he ll be the first shall cut your throat »
Sauvez un voleur de la potence et ce sera le premier à vous couper la
gorge.
our arriver à situer ce proverbe ou même ce fabliau qui en est une illustration dans le contexte des valeurs médiévales, peut-être faut-il invoquer une certaine coexistence des valeurs humaines ou de bon sens, d’un côté avec les valeurs chrétiennes et leur morale de l’autre. L’homme peut-il naître mauvais ou bon? Même s’il peut s’amender, le moyen-âge croit sans doute à l’idée d’une persistance de la nature de l’homme ou d’un déterminisme que les valeurs de charité sont elles-mêmes impuissantes à sauver.
Peut-être faudrait-il être encore vigilant, dans notre approche, sur le fait que la notion de charité chrétienne si elle prend la forme du don envers les églises notamment, n’englobe pas nécessairement au moyen-âge, les mêmes choses que nous y projetons aujourd’hui. Même de la part d’un auteur chrétien comme Eustache Deschamps, il y a des poésies très acerbes contre les mendiants ou même affirmant que personne ne veut donner aux pauvres, alors que dire de l’idée de s’aventurer à sauver un larron de la potence? Sans doute que l’idée de s’interposer ne viendrait pas à l’esprit de grand monde et qu’au fond, on considère que c’est devant Dieu que le larron doive répondre de ses crimes.
Quoiqu’il en soit, dans le paysage de ce moyen-âge occidental très chrétien tel qu’on peut se le représenter parfois, les fabliaux viennent toujours appuyer sur des cordes sensibles et soulignent à quel point la nature humaine peut se situer à l’autre extrême de ces mêmes valeurs. D’une certaine manière et même si le cadre de cet article est un peu étriqué pour traiter d’un sujet aussi complexe et ambitieux, cette forme littéraire et satirique nous obligerait presque à repenser la place des valeurs chrétiennes sur l’échiquier des valeurs humaines et morales de ce monde médiéval, ou à tout le moins à les remettre en perspective ou en articulation. Pour être un amusement, la satire ou le genre satirique n’en sont pas moins des indicateurs et des baromètres du sens critique et s’il est indéniable que les valeurs chrétiennes sont au centre du monde médiéval, peut-être faut-il, à tout le moins, se méfier de dépeindre ce dernier d’une seule couleur en privant un peu vite ses contemporains de toute capacité de réflexion ou de distanciation.
Pour le reste et quant à la question de l’humour, à proprement parler, ce fabliau nous apparaît aujourd’hui sans doute plus grinçant et moral que désopilant, mais il est vrai que l’humour est si souvent attaché à l’air du temps que, dans bien des cas, il vieillit mal.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com. A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet : poésie médiévale, politique, satirique, vieux français, oil, traduction, adaptation français moderne, ballade, jeux de cour Période : moyen-âge tardif (1346-1406) Auteur : Eustache Deschamps Titre : « Je n’ai cure d’être en geôle »
Bonjour à tous :
uite à l’article d’hier, nous publions aujourd’hui, une adaptation / traduction en français moderne de l’une des ballades d’Eustache Deschamps que nous y présentions en vieux français, avec un visuel pour l’accompagner.
« Je n’ay cure d’estre en geôle », traduction adaptation en français moderne
Pourquoi viens tu si po a court? Qui fuit la court, la court le fuit. – Pour ce qu’il y fault estre sourt, Et sanz veoir ne que de nuit, Estre muyaux; parler y nuit; Or voy, or oy bien et parole : Par ces trois poins sont maint destruit : Je n’ay cure d’estre en geôle.
Pourquoi viens-tu si peu à la cour? Qui fuit la cour, la cour le fuit. – Pour ce qu’il y faut être sourd, Ne pas y voir mieux que de nuit, Etre muet ; parler y nuit ; Or, je vois, entends bien et j’use de paroles : Trois bonnes raisons pour y être détruit : Je n’ai cure d’être en geôle.
Qui dit voir, nul ne le secourt, Qui voit trop cler, l’en le deffuit; Qui voit et entent, sur lui court Chascuns, lors sera mis en bruit; Li soulaulx fault, la lune y luit Ténébreuse, la se rigole; Tenez vous y toutes et tuit: Je n’ay cure d’estre en geôle.
Qui dit voir, nul ne le secourt, Qui voit trop clair, et on le fuit; Qui voit et entend, sur lui court Chacun, pour lui faire une réputation; Les soleils manquent, la lune y luit Ténébreuse, elle s’en réjouit; Tenez-vous y toutes et tous: Je n’ai cure d’être en geôle.
Car je voy qu’a ces oiseaulx sourt En geôles po de déduit; Ilz sont tenuz crêpes et court . Ceuls qui ont des champs le conduit . Vivent frans; franchise les duit, Et l’angeolé pas ne vole, Qui pour yssir hors se deruit : Je n’ay cure d’estre en geôle. »
Car je vois que ces oiseaux sourds En geôles ont peu de plaisir; Ilz y sont tenus à l’étroit. Ceux qui ont des champs les conduisent. Vivent libres ; franchise les guide, Et l’emprisonné pas ne vole, Qui pour en sortir, se détruit : Je n’ai cure d’être en geôle.
En vous souhaitant une excellente journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com « L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus Ier s. av. J.-C
Sujet : poésie médiévale, morale, satirique, politique et réaliste, ballade, vieux français Période : moyen-âge tardif, bas moyen-âge Média : lecture audio, lecture poétique Musique : Erik Satie, Gymnopédie Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : Nul ne tent (fort) qu’a emplir son sac
Bonjour à tous,
« Par ce convient que le peuple mendie Car nulz ne tent qu’a emplir son Sac » Eustache Deschamps (1346-1406)
llez-vous bien mes amis? Etes-vous en joie et ne ployez-vous pas trop sous la charge? Nous l’espérons de tout coeur. De notre côté, à quelques jours de l’article sur cette ballade d’Eustache Deschamps sur la cupidité et l’injustice des temps, et finalement, sur l’obsession des puissants à s’enrichir au détriment du travail du petit peuple, nous ne sommes finalement fendus de sa lecture audio.
Du point de vue langagier et même si six siècles nous en séparent, le vieux français d’Eustache Deschamps est déjà beaucoup plus proche du nôtre que celui d’un Rutebeuf et se comprend beaucoup mieux. Nous ne donnons donc que quelques indications sur certains mots sur lesquels vous pourriez buter en fin de lecture. Si vous le souhaitez, vous pouvez également vous référer à l’article plus détaillé sur cette ballade ici.
Lecture audio en vieux français
Nulz ne tent qu’a emplir son sac
ncore une fois, la morale, quand elle est bonne, est un peu comme un vin de garde, elle ne vieillit pas ou, si elle le fait, elle le fait bien. Je vous laisse donc déguster à nouveau ces mots écrits, il y a plus de six siècles, par un des auteurs et poètes les plus prolifiques du monde médiéval et, notamment, du XIVe siècle: le grand Eustache Deschamps. Peut-être les trouverez-vous, comme nous, d’une grande modernité ou en tout cas d’une brûlante actualité? Sur certains aspects, les temps changent-ils vraiment? La question reste ouverte. (photo ci-contre quand le valet Blaze (Yves Montand) réveillait le cupide Don Salluste (Louis de Funès) à grands coups de « Monseignor, il est l’or » et de pièces trébuchantes dans le film la folie des grandeurs, libre adaptation de la pièce « Ruy Blas » de Victor Hugo, par Gérard Oury )
Du côté musical, nous avons conservé, en fond, cette très belle pièce tirée des Gymnopédies de Erik Satie que nous avions déjà utilisé pour mettre en audio l’épitaphe de François Villon ou sa ballade des pendus.
Une excellente journée à vous où que vous vous trouviez sur notre belle planète bleue.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes