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Citation : Bâtisseurs du Moyen Âge, La Cathédrale de la mer

Livre La Cathédrale de la Mer d'Ildefonso Falcones

Sujet : extrait, citation, roman médiéval, roman historique, culte marial, bâtisseurs médiévaux. fiction médiévale, cathédrale Santa Maria del Mar, Barcelone, Catalogne médiévale, Espagne médiévale.
Période : Moyen Âge tardif, XIVe siècle
Titre : La Cathédrale de la Mer (2006)
Auteur : Ildefonso Falcones.

Bonjour à tous,

Nous partageons, aujourd’hui, une nouvelle citation inspirée du Moyen Âge tardif, celui qu’a reconstitué pour nous l’auteur Ildefonso Falcones dans son grand roman historique : La Cathédrale de la Mer. Datée de 2006, cette fiction médiévale se déroule au XIVe siècle. Sur fond de Moyen Âge réaliste, elle conte la fuite d’un serf catalan, Arnau d’Estanyol, désireux d’échapper à sa condition et de s’affranchir. Pour tenter sa chance, le jeune paysan rejoindra Barcelone. À l’époque, la grande cité a besoin de bras et une loi y prévoit que certains asservis puissent y devenir des hommes libres.

Un beau voyage dans la Barcelone du XIVe s

Toute une vie d’aventure attendra le fugitif dans une capitale catalane fourmillante qui bat au rythme de ses activités portuaires mais aussi de l’immense projet de construction de sa Cathédrale Santa Maria del Mar. En véritable orfèvre, Ildefonso Falcones reconstitue sous nos yeux des myriades de détails d’époque et il réussit le tour de force de nous immerger totalement au cœur de cette Barcelone médiévale et de ses dimensions économiques, religieuses et sociales. Son talent et son souci du réalisme feront de son roman un succès mondial.

L’ouvrage sera traduit en de nombreuses langues et, en 2018, il donnera même lieu à la production d’un série télévisée co-produite par Netflix. Le format proposera une saison de 8 épisodes. Depuis ce fantastique best- seller, l’avocat catalan a écrit d’autres ouvrages. En 2020, on a même appris que son quatrième roman Los Herederos de la tierra (les Héritiers de la terre) devrait, lui aussi, être adapté pour le petit écran. Daté de 2016, cette fiction se déroule quelques années après l’intrigue de La Cathédral de la Mer et en reprend le fil. En attendant cette sortie, on pourra toujours lire ou relire le premier opus qui a révélé l’auteur au public.

Citation illustrée du Livre "La Cathédrale de la Mer" d'Ildefonso Falcones

Extrait de La Cathédrale de la Mer,
de Ildefonso Falcones

Un bâtisseur apparut chargé d’une pierre. Peu avait survécu à la peste. Son propre beau-père Ramon et d’autres étaient tombés en grand nombre. Arnau les avait pleuré sur la plage avec ses anciens compagnons.
— Sébastien, murmura-t-il en reconnaissant le bâtisseur.
— Que dis-tu ? lui demanda Guillem qui se tenait derrière lui, en l’entendant.
— Sébastien, répéta-t-il. Cet homme, celui qui porte la pierre, s’appelle Sébastien.
Sébastien le salua en passant à côté de lui, sans tourner la tête, en continuant de regarder face à lui, les lèvres serrées sous le poids de la pierre.
— Pendant de nombreuses années, j’ai fait pareil, continua Arnau, la voix entrecoupée. Guillem ne fit aucun commentaire.
À ce moment là, passa un autre porteur. Arnau le salua. J’ai cru que j’allais me séparer en deux, j’ai cru qui mon échine allait se rompre, pourtant, Dieu ! Quelle satisfaction je ressentis en arrivant.
—Votre vierge doit certainement avoir quelque chose de bon pour que les gens se sacrifient pour elle de telle manière. Entendit-il dire au maure.
Par la suite, les deux conservèrent le silence tandis que la procession de porteurs de pierre passait devant d’eux.

Version originale espagnole de cette citation

Apareció un bastaix cargado con un piedra. Pocas habían sobrevivido a la plaga. Su propio suergro, Ramon y muchos más habian fallecido. Arnayh habia llorado en la playa junto a sus antiguos compañeros.
— Sebastià — murmuró al reconocer el bastaix
— Que dices — oyó que preguntaba Guillem a sus espaldas. Arnau no ese volvió.
— Sebastià — repitió — . Ese hombre, el que carga la piedra, se llama Sebastià.
— Sebastià lo saludó al pasar po delante de él, sin volver la cabeza, con la vista al frente y los labios apretados bajo el peso de la piedra.
— Durante muchos años yo hice lo mismo — continuó Arnau con voz entrecortada. Guillem no hizo ningún comentario. Solo tenía catorce años cuando llevé mi primera piedra à la virgen. — En aquel momento pasó otro bastaix. Arnau lo saludo — . Creía que me iba a partir por la mitad, que se me iba a romper el espinazo, pero la satisfacción que sentí al llegar… Dios!
— Algo buneo debera de tener vuestra Virgen para que la gente se sacrifique por ella de esta manera – oyó que le decía el moro.
Luego, los dos guardaron silencio mientras la procesión de bastaixos pasaba por delante de ellos.


Désormais, vous pouvez vous procurer cet ouvrage au format pocket ou même au format kindle. Ne vous en privez pas, il est excellent.

En vous souhaitant une bonne journée.

Frédéric EFFE
Moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

NB : au premier plan, sur l’image d’en-tête, on peut voir le personnage d’Arnau Estanyol incarné par Aitor Luna dans la série La Catedral del mar (Cathedral of the sea) de Netflix en 2018. L’enluminure, en arrière plan, est tirée du Codice Bodmer 181, superbe manuscrit du XVe siècle. Elle représente des bâtisseurs à l’œuvre pour la construction du temple de Salomon et est une reproduction d’une enluminure de Jean Fouquet. Le manuscrit est digitalisé est consultable en ligne ici. On retrouve ce même acteur sur l’image reprenant la citation.

Poésie médievale satirique : Le prince de georges Chastellain(2)

Enluminure Chastellain

Sujet : poésie satirique, poésie médiévale, poète belge, rondeau satirique, poésie politique, auteur médiéval, Bourgogne médiévale, Belgique médiévale.
Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle
Auteur : Georges Chastellain (1405 – 1475)
Manuscrit médiéval : Ms 11020-33, KBR museum
Ouvrage : Oeuvres de Georges Chastellain T7, Baron Kervyn de Lettenhove. Bruxelles (1865).

Bonjour à tous,

l y a quelque temps, nous avions publié les premières strophes de la poésie satirique Le Prince de Georges Chastellain. Aujourd’hui, nous vous proposons d’en découvrir une seconde partie et, donc, la suite.

Après plus d’un siècle de débat, les experts médiévistes semblent finalement être parvenu à un accord. Cette poésie sans concession de Chastellain était, sans guère de doute, destinée à Louis XI. Les positions politiques de notre auteur à l’égard du souverain français, mais aussi ses différents écrits au sujet de Louis XI, disséminés dans sa chronique, se recoupent. Avant cela, par sa nature générique et non explicitement ciblée, cette poésie avait laissé penser, à certains érudits, qu’elle pouvait être adressée à une sorte d’archétype du mauvais prince. Tenté de le nommer Les Princes plutôt que Le prince, on n’y voyait alors l’énoncé des plus terribles travers présents chez les pires dirigeants de l’histoire, une sorte de plaidoyer moral accusatoire sur l’exercice abusif et déviant du pouvoir politique à travers le temps et les âges.

Le Prince, extrait 2, Poésie du Moyen Âge tardif illustrée avec enluminure .

Mensonges, fausses promesses, avidité, avarice, cupidité, arbitraire, orgueil, cruauté, vanité, … Il faut dire que Le Prince de Chastellain cumule tant de griefs qu’on aurait presque du mal à croire qu’elle s’adressait à un seul homme. Le poète médiéval breton Jean Meschinot en fut tant inspiré qu’il reprit même les strophes de l’auteur médiéval pour en faire les envois de ballades accusatoires et vitriolées contre Louis XI.

On le sait les deux auteurs ne furent pas les seuls à s’en prendre au roi français en son temps et même longtemps après. Au XIXe siècle, on se souvient encore du Verger du roi Louis de Théodore de Banville (repris par Georges Brassens, au XXe s). La réputation que certains chroniqueurs avaient faite au souverain et son exercice tyrannique du pouvoir était si exécrable que certains historiens plus tardif se sont sentis l’obligation de rétablir un peu d’équilibre : œuvrant à la remettre en perspective dans son contexte ou mettant encore en exergue certaines parties plus positives du règne du souverain.

Pour en revenir à cette poésie politique et engagée de Chastellain, elle a conservé toutes ses qualités satiriques, même si elle n’est pas ce que la postérité a le plus retenu de son œuvre. L’auteur du Moyen Âge tardif a, en effet, plus brillé par le reste de ses écrits et notamment sa Chronique de Bourgogne. Pour les sources manuscrites de ce texte, ainsi que des éléments biographiques sur Chastellain, nous vous renvoyons à l’article suivant : Le prince, une poésie politique et satirique de Georges Chastellain. Vous y trouverez également la première partie de cette pièce corrosive.


Le Prince (strophe IX à XVI)
dans le moyen français de G. Chastellain

Prince tendant à faulseté couverte,
Pour prendre autruy et le mener à perte,
Soubs faux engin
(ruse, tromperie) comme une beste mue,
Le vray est dû de sa sifaite attente
(de tels actes, buts)
C’est de chéoir lui-mesmes en sa tente
(jdm ? tente, tenture, tentation)
Laquelle il a par dol faite et tissue.


Prince ennemy d’autruy félicité,
De propre sang, de propre affinité,
De propre paix qui le tient en son aise,
Qu’est icelluy, fors hayneux à soy-mesmes
Et que les voix de tous hommes et femmes
Vont maudissant pour sa vie mauvaise ?

Prince qui n’a amour envers nulluy
Et qui n’aconte
(considérer) à amistié d’autruy,
Ne doit penser fors, comme nul il n’ame,
Que nul aussi ne s’avance à l’amer ;
Mais seul par soy tout seul se doit clamer,
Qui de nulluy n’a grâce fors que blasme.

Prince qui croit que grâce universelle
Tient le régnant en gloire et en haute elle ,
Saige il prétend d’attraire amour publique
Dont il fait autre et prent voye ennemye,
Soit tout certain qu’à mal ne fauldra mye
Et que son heur ne lui tourne en l’oblique.

Prince qui n’a fidélité certaine,
Là est aux bons espérance loingtaine
D’avoir grand bien qui par luy leur adviengne ;
Il promet moult et met le vel
(voile) en face,
Mais quant qu’il dit, tout n’est que vent et glace,
Tout font au mot et n’y a riens qui tiengne.

Prince qui fait soy craindre de chascun,
Force est qu’il craigne un chascun en commun
Et qu’en nulluy n’ait foy où il s’asseure;
Car comme il fait le pourquoy à tout homme
Que chascun fel et félon le renomme,
Chascun aussy lui garde telle meure.

Prince qui tout enfonse et escrutine
(1)
Et tout applique à privée rapine
En quoy cent mille ont en façon de vivre,
Que vault celuy pour royaume ou empire,
Dont nul n’amende, ains chascun en empire,
Fors que tout tourne en son sac marc
(poid d’or ou d’argent) et livre ?

Prince prodigue et large oultre mesure,
Aux bons servants fait grand honte et laidure,
Car il leur tolt ou leur tient la main close.
Aux fols il donne sans gré et sans déserte,
Laissant les bons en povreté apperte
(manifeste, ouverte)
Et sy n’en fait ni estime
(évaluation), ni glose (explication)
.

(1) Escrutiner : godefroy court, examiner, enfermer dans un coffre.

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes

NB : l’image d’en tête est extraite du Manuscrit médiéval : « la Chronique des ducs de Bourgogne de Georges Chastellain », référence ms français 2689 et conservé au département des manuscrits de la BnF. On peut y voir Chastellain à gauche, son ouvrage à la main. Sur le trône, Charles le Téméraire, nouvellement nommé duc de Bourgogne, y tient le deuil de Philippe le Bon.  Pour l’illustration sur la poésie des princes, nous avons utilisé à nouveau une miniature du très beau Compost et Calendrier des Bergers ( Rés SA 3390) conservé à la Bibliothèque d’Angers. Celle du jour représente le supplice des orgueilleux en enfer.

Le Moyen Âge, âge des ténèbres, jacques le goff

Jacques le Goff
Jacq

Sujet : citation, historien médiéviste, mentalités médiévales, âge des ténèbres, préjugés, créations médiévales, nouvelle histoire.
Période : Moyen Âge central, long Moyen Âge
Auteur : Jacques le Goff (1924-2014)
Source : extrait d’un entretien avec François Busnel pour le magazine lire – numéro 335 ( mai 2005)

Bonjour à tous,

n 2004, Jacques le Goff faisait paraître l’ouvrage « Héros et merveilles du Moyen Age » . Il s’y penchait sur les territoires de l’Imaginaire médiéval. Héros d’un côté, merveilles de l’autre, cet essai présentait un angle original et novateur, en s’employant à retracer les mentalités médiévales dans la veine de la Nouvelle Histoire. Bien plus qu’une simple photographie historique figée, Jacques le Goff se proposait aussi de mettre cet héritage en perspective sur la durée, en montrant comment certains éléments de cet imaginaire médiéval avaient pu traverser le temps pour parvenir jusqu’à nous (cinéma, littérature, bd, etc…).

Définition et origine des « ténèbres » médiévales

À l’occasion de cette sortie, le médiéviste donna divers entretiens médias. La citation du jour est issue de l’un d’eux. Daté de 2005, cet échange était conduit par François Busnel, pour le magazine Lire. Dés son introduction, l’occasion fut donnée à l’historien de revenir sur ces fameux « âges des ténèbres » (Dark ages) longtemps utilisé pour caractériser le Moyen Âge, tout en engouffrant à leur traîne, de nombreux préjugés ou visions erronés à son encontre.

Pour qui s’est déjà penché sur le monde médiéval (sa réalité, sa complexité, ses mentalités, ses innovations,…) cet extrait-citation n’apportera pas grand chose de nouveau, ni révolutionnaire. Pour les autres, elle aura le mérite de fixer les choses, en clarifiant l’origine de certaines idées reçues sur cette période. Jacques Le Goff y fait aussi référence à quelques-uns de ses pairs et à l’héritage dans lequel il s’inscrit, de Marc Bloch à Braudel. La liste est loin d’être exhaustive. De nombreux historiens médiévistes sérieux ont contribué, depuis, à balayer les idées reçus à propos du Moyen Âge.

Une citation sur le Moyen Âge de Jacques le Goff

Pourquoi le Moyen Âge a-t-il si longtemps été considéré comme un âge de ténèbres ?

— C’est à la Renaissance que l’on a commencé à le considérer ainsi. Puis les philosophes du XVIIIe siècle ont vu en cette période un âge de foi grossière et de mœurs barbares. Pensez que l’on a donné au principal style artistique du Moyen Age le nom de « gothique », qui voulait dire « barbare »! Les humanistes et les philosophes n’ont pas su trouver ce qu’était la pensée profonde du Moyen Age, ce que l’on appellerait aujourd’hui les valeurs de la civilisation médiévale. Ces dernières ont été redécouvertes au XXe siècle, lorsque des historiens comme Marc Bloch, Fernand Braudel et, plus modestement, moi-même, ont regardé les créations médiévales, lu les textes et se sont aperçus qu’il s’agissait d’une période d’une exceptionnelle créativité.

Extrait d’un entretien au magazine Lire – numéro 335 mai 2005 – François Busnel (retrouver la suite de cet entretien sur l’Express)


En vous souhaitant une bonne journée.

Frédéric EFFE
Moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

NB : sur l’image de couverture, à l’arrière plan de Jacques le Goff, l’enluminure est tirée du manuscrit médiéval Français 6465 : Chroniques de Saint-Denis ou Grandes Chroniques de France. Elle représente le sacre de Charlemagne par le pape Léon III en l’an 800. L’ouvrage, daté du XVe siècle, est actuellement conservé au département des manuscrits de la BnF. Gallica en propose également un exemplaire numérisé à la consultation.

« Je Sui Aussi… », courtoisie et sentiment amoureux au temps de Guillaume de Machaut

Sujet  : musique médiévale, chanson médiévale, maître de musique, chanson, amour courtois, chant polyphonique, ballade.
Titre  : «Je sui aussi com cils qui est ravis»
Auteur  :  Guillaume de Machaut (1300-1377)
Période  : XIVe siècle, Moyen Âge tardif
Interprète   :  Duo Misericordia
Album  : Passion, Pestilence & polyphony  (2006), Ed Magnitude.

Bonjour à tous,

n route pour le XIVe siècle, en compagnie du maître de musique Guillaume de Machaut (Machault). Nous le retrouvons ici dans une nouvelle pièce sentimentale et courtoise. Pour la mise en musique, nous avons choisi la version du duo médiéval Misericordia, ce qui nous fournira l’occasion de vous le présenter.

Amour, éloignement, douleur et langueur

Cette ballade polyphonique médiévale de Guillaume de Machaut a pour titre «Je sui aussi com cils qui est ravis» et reprend en partie les codes de la lyrique courtoise. Le poète s’y dépeint dans la posture de l’amant désemparé. Consumé par son amour, il brûle et ne tient plus en place. Bien incapable d’ôter de son esprit l’objet de son désir, il souffre dans la distance comme dans la proximité. Et ce seul refuge qu’est devenue sa pensée en la dame de ses désirs est aussi ce qui le torture et le rend presque étranger à lui-même.

Aux sources manuscrites de cette chanson

Chanson et musique médiévale avec partition de Guillaume de Machaut : je suis aussi comme cils

Du point de vue des sources médiévales et historiques, on pourra, retrouver cette ballade de Guillaume de Machaut et sa notation musicale dans le manuscrit médiéval Français 1586 dont nous avons déjà abondamment parlé. Contemporain de l’auteur-compositeur, cet ouvrage est à remarquer particulièrement parce qu’il est l’un des plus ancien répertoriés de ses œuvres. On suppose même que le maître de musique a pu y être directement associé de son vivant. La BnF a digitalisé ce très beau manuscrit médiéval et l’a mis à disposition du public. Vous pouvez donc le consulter sur Gallica.

La version de cette ballade par la formation Misericordia

Misericordia : musiques anciennes et médiévales mâtinées de folk et d’improvisation

L'ensemble de musique Duo Miséricordia

Misericordia est un duo anglais fondé aux débuts des années 1990 par Anne Marie Summers et Stephen Tyler. Depuis sa formation, cet ensemble s’est employé à faire revivre les musiques anciennes et médiévales, tout en s’autorisant des emprunts et enrichissements du côté de musiques plus folks et traditionnelles. Avec un terrain d’inspiration qui puise largement dans l’Europe du Moyen Âge, Misericordia s’est également fait remarquer pour son goût particulier de l’improvisation. Ces deux musiciens et artistes sont aussi multi-instrumentistes et ils font appel à de nombreux instruments anciens : cornemuses, vielle à roue, chalemie, flûtes, harpe, luth oriental, percussions diverses…

La discographie de Misericordia

Côté programme et enregistrement, l’ensemble a laissé à la postérité autour de 5 albums. Le duo fondateur y fait appel à divers invités et collaborations pour compléter ses orchestrations. Pour en faire un tour rapide du point de vue thématique, on trouvera des pièces du XIIIe siècle français avec l’album Robin M’aime. On pourra encore citer The olde Daunce, un album instrumental dédié aux danses médiévales et anciennes, Tempus Est Iocundum qui s’étire du côté du Codex Buranus et un premier album précoce Medieval Instrumental Music. La discographie de Misericordia s’étale de 1993 à 2006. Après cela, l’activité du duo semble un peu passée sous les radars. L’ensemble n’est du reste pas présent sur les réseaux et son site web a disparu.

L’album « Passion, Pestilence et Polyphony« 

Album de musique médiévale du Duo Misericordia sur Guillaume de Machaut

L’album Passion, Pestilence & polyphony est paru en 2006. A son occasion, les deux duettistes s’étaient entourés de la collaboration de Helen Barber et Terry Mann. L’ambition de cette production était d’être une incursion dans les musiques et chansons d’un XIVe siècle présenté comme « Dark and troubled ». à l’écouter, cette « pestilence » n’est pourtant pas ce qui saute le plus aux yeux. L’ensemble Misericordia y explore le répertoire qui passe par l’Italie, la France et encore l’Angleterre médiévale et offre 17 pièces assez variées. La polyphonie y tient un place majeure et Guillaume de Machaut y est plutôt à l’honneur avec entre autres pièces : douce dame jolie, je suis aussi, puisqu’en oubli, J’aime sans penser, Donnez Signeurs … Il côtoie aussi sur l’album Francesco Landini et d’autres auteurs, ainsi que des pièces instrumentales (trottos et istampittas). Misericordia ne faillit pas, ici à sa réputation puisqu’on retrouve, par endroits, leur goût de l’improvisation.

Cet album peut encore être trouvé à la distribution sous forme CD. En ligne, on trouve également sa version dématérialisée : Passion, Pestilence and Polyphony

Artistes ayant participé à cet album

Anne Marie Summers (cornemuse, voix, flûte à bec, vielle à roue, harpe) – Steve Tyler ( vielle à roue, harpe gothique, citole, dulcimer) – Helen Barber (voix) – Terry Mann (voix, percussions, davul, darabouka, riqq, …)


« Je suis aussi… » de Guillaume de Machaut
Paroles en moyen-français & traduction

Je sui aussi com cils qui est ravis,
Qui n’a vertu, sens ne entendement,
Car je ne suis a nulle riens pensis,
Jour ne demi, temps heure ne moment,
Fors seulement a m’amour
Et sans partir en ce pencer demour
Soit contre moy ; soit pour moy, tout oubli fors
Li qu’aim mieus cent mille fois que mi.

Je suis aussi comme celui qui est en extase (1)
Qui n’a ni vertu, ni raison, ni entendement,
Car je suis incapable de penser à rien,
ni un Jour, ni la moitié d’un, en aucune saison, heure, ni moment
A rien d’autre qu’à mon amour.
Et sans m’en séparer, je demeure en cette pensée
Soit contre moi, soit pour moi, j’oublie tout sauf
Que je l’aime cent mille fois plus que moi.

Quant je la voy, mes cuers est si espris
Qu’il art et frit si amoureusement
Qu’a ma manière appert et a mon vis;
Et quant loing sui de son viaire gent,
Je languis à grant dolour:
Tant ay désir de veoir sa valour.
Riens ne me plaist; tout fui, tout ay guerpi
Fors li qu’aim mieus cent mille fois que mi.

Quand je la vois, mon cœur est tant épris
Qu’il brûle et frissonne si amoureusement
Que cela se voit sur ma conduite et mon visage
Et quand je suis loin de son gentil visage
Je languis à grande douleur
Tant j’ai le désir de voir ses vertus
(d’être sa présence de)
Rien ne me va, je fuis tout, je rejette tout,
Sauf elle que m’aime cent mille fois plus que moi.

Einsi lonteins et pres langui toudis,
Dont changiés sui et muez tellement
Que je me doubt que n’en soie enhaïs
De meinte gent et de li proprement.
Et c’est toute ma paour;
Car je n’i sçay moien, voie ne tour,
Ne riens n’i puet valoir n’aidier aussi
Fors li qu’aim mieus cent mille fois que mi.

Ainsi, lointain ou proche, je languis toujours,
Ce qui m’a changé
(fig perdre la tête) et transformé grandement
De sorte que je ne doute pas que j’en sois haï
De maintes gens et d’elle aussi;
Et c’est ma grande crainte;
Car je ne connais ni le moyen, ni ne voit de tour (
de façon)
Ni rien qui puisse venir à mon secours,
Sauf elle que m’aime cent fois plus que moi.

(1) dictionnaire Godefroy court : « pris de rage » – Littré : moderne, Malherbe : « saisi d’un transport qui absorbe toutes les facultés de l’âme« 


En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

NB : l’enluminure utilisée pour l’image en-tête d’article est tirée du même manuscrit français 1586. Elle fait même l’ouverture de l’ouvrage qui débute par la pièce le Temps pascour ou Le jugement du roi de Bohème (dit Jugement du roi de Behaigne) de Guillaume de Machaut.