Sujet : musique médiévale, musiques anciennes, musique électronique, synthétiseur, folk médiéval, néo-folk, pagan médiéval, pagan rock, metal médiéval
Période : du Moyen Âge à nos jours
Bonjour à tous,
e Moyen Âge est à la mode. C’est encore vrai en 2020, longtemps après que Jacques le Goff ait prononcé cette phrase, en se félicitant de l’engouement de ses contemporains pour cette période de l’histoire. De la même façon, que le monde médiéval nous fait rêver, sa musique continue d’inspirer de nombreux groupes et formations. Du reste, avec déjà des centaines d’articles sur ce sujet, nous ne nous sommes pas privés ici de leur rendre hommage .
À l’image de notre définition de “Moyen Âge”, force est de constater que cette scène musicale est pourtant relativement éclectique puisque ce que l’on s’accorde à nommer « musique médiévale » déborde, souvent, très largement, du champ des compositions d’époque. Elle a, ainsi, fini par désigner, improprement, des musiques qui sonnent “médiévales” à l’oreille profane, sans pour autant venir du Moyen Âge et les tendances que l’on peut y trouver sont extrêmement variées : elles vont de l’Ethnomusicologie à des inspirations bien plus libres et plus modernes. Elles utilisent les instruments anciens, mais l’usage des instruments les plus à la pointe de la musique électronique comme les synthétiseurs s’y est, par endroits, largement introduit. Alors, pour faire un peu le tri, nous vous proposons un tour d’horizon de cette large définition que recouvre quelquefois la notion de « musique médiévale ». Au passage, nous en profiterons pour dire un mot de l’histoire de la musique électronique et de l’impact majeur du synthétiseur sur la musique moderne.
La scène des « musiques médiévales »
Sur la scène qui s’intéresse aux musiques médiévales, on peut donc trouver de tout. Sur les rivages les plus classiques, certaines formations se rangent directement sous la bannière de l’ethno-musicologie. Elles tentent alors de se situer au plus près des manuscrits anciens, de leurs notes, mais aussi de leurs instruments ; à ce sujet, on pourra réécouter avec plaisir, l’autobiographie intellectuelle de Jordi Savall dans laquelle le directeur d’orchestre catalan nous contait la naissance de sa passion pour la musique ancienne et sa longue quête de ses sources historiques.
Sur cette même scène que l’on rattache très largement, au Moyen Âge, d’autres formations voguent, plus librement, sur les rivages de la musique électro-acoustique ou même électronique. Elles font alors appel aux instruments les plus modernes comme les synthétiseurs. Il faut dire que depuis sa démocratisation, la palette incroyable de sonorités et les qualités acoustiques offertes par ce type d’instrument a séduit plus d’un musicien, y compris de formation classique. Pour les interprètes, comme pour ceux qui veulent s’essayer à la composition, le synthétiseur a également l’avantage d’ouvrir tout un champ de possibles. Retour sur l’histoire d’un instrument qui a révolutionné le monde de la musique.
L’arrivée du synthétiseur dans la musique
Les premiers synthétiseurs furent mis sur le marché grand public, il y a une quarantaine d’années, ouvrant de nouveaux horizons musicaux. Depuis, l’instrument a pris largement sa place dans l’univers de la musique mondiale et pour ceux qui l’apprécient, la magie et les possibilités créatrices restent intactes. Du point de vue du marché, l’offre ne cesse également de s’étoffer et les fabricants rivalisent d’ingéniosité pour enrichir leurs claviers de nouveaux sons et de nouvelles fonctionnalités. Aujourd’hui, on trouve sur internet, de nombreuses des boutiques d’instruments de musique, entre lesquels il faut savoir choisir. En plus, de permettre aux amateurs, comme aux musiciens confirmés, d’acheter un synthétiseur, les plus sérieuses d’entre elles savent, en effet, les guider vers l’instrument le plus adapté à leurs besoins.
Qu’est-ce qu’un synthétiseur ?
Pour en donner une définition simple, voici celle que nous en donne l’encyclopédie Universalis :
« Les synthétiseurs sont des instruments de musique électroniques, capables de produire et de modifier électroniquement des sons, et fréquemment associés à un traitement informatique. Le synthétiseur engendre des signaux électriques ondulatoires, qu’il soumet ensuite à une série de transformations sélectionnées par l’interprète ou par le compositeur : transformations d’intensité, de durée, de fréquence, de timbre…. » Encyclopédie Universalis – Voir article
Un peu d’histoire
Un long chemin a été parcouru, depuis l’invention des premiers claviers et de l’orgue hydraulique du grec Ctésibios, au III siècle avant Jésus-Christ. Si le Moyen Âge a particulièrement aimé les instruments à cordes, à vent et à archet, il a aussi vu se généraliser l’usage de l’orgue dans les églises. Il avait, depuis Ctésibios, fait de larges progrès. Pour les musiciens plus itinérants, le monde médiéval a également su mettre des claviers dans les instruments les plus originaux et les plus inattendus : on pense à l’Organistrum qui a sans doute donné naissance à l’incontournable Vielle à roue.
Pour arriver aux premiers synthétiseurs, il faut faire un véritable bond dans le temps. Ce n’est, en effet, que vers la fin du XIXe siècle en 1896 que l’inventeur américain Thaddeus Cahill (1867-1934) créa l’un des ancêtres les plus étonnants des synthétiseurs. Il le baptisa Telharmonium. Son idée de base : générer de la musique à l’aide de l’électricité et pouvoir la diffuser au moyen des lignes téléphoniques dans certains établissements (restaurants, hôtels, etc…). Une sorte de pianiste d’ambiance à distance. À l’époque, le projet sembla un peu fou. Le résultat le fut aussi : un instrument de plus de 200 tonnes qui fonctionnait avec des rouages et des aimants et sur lequel chaque note de la gamme possédait sa propre roue. Chacune d’entre elle tournait à une certaine vitesse pour générer la bonne fréquence. On était loin de la technologie et de la qualité utilisée dans les synthétiseurs les plus récents, mais les principes ouvrirent la voie à de recherches futures pour donner lieu aux instruments que nous connaissons.
Les synthétiseurs à l’ère de la musique moderne
Si le choix d’instruments electro-acoustiques est, aujourd’hui, très vaste, l’avènement des synthétiseurs dans les années 60-70 a offert aux compositeurs qui ont su se les approprier d’infinies perspectives. De fait, introduit par Les Beatles en 1966, cet instrument d’un genre nouveau, n’allait cesser de s’imposer dans l’univers musical moderne. Au milieu des 70’s, le rock progressif et symphonique lui donnerait de belles lettres de noblesse avec des groupes comme Genesis, Supertramp, et tant d’autres. Lunaire, astral, psychédélique, il entraîne alors ses audiences dans de longues mélopées aux sons presque extra-terrestres et fait la joie du public.
Entre la fin des 70’s et le début des 80’s, plus qu’un instrument d’accompagnement, le synthétiseur allait donné lieu à un genre à part entière : la musique électronique. Une forme que des artistes comme Marc Cerrone ou Jean-Michel Jarre, en France, ou encore des groupes comme Residents, Kreftwork, Mike Oldfied, du côté anglo-saxons allaient porter haut. Encore une fois la liste est si longue qu’on aurait grand peine à la faire, mais avec ces formations, le synthétiseur et ses possibilités ont fait le tour du monde.
Dans ces mêmes années 80, la commercialisation des premiers Yamahas allaient encore venir soutenir cet usage croissant du synthétiseur sur la scène musicale. Après cela, en dehors des musiques ou compositions entièrement basées sur son utilisation, on le retrouve partout. Il est de tous les styles : disco, funk, rap, RnB, jazz, folk. Il se taillera également de belles parts dans des groupes comme les Talking Heads, Weather Report et bien d’autres d’encore. La musique est, dès lors, entrée dans une nouvelle ère et même une bonne partie de ceux qui étaient montés au créneau à l’arrivée de l’instrument ont même fini par l’accepter avec le temps.
Fusion moderne et musiques médiévales
Pour revenir aux ensembles qui s’inspirent de la musique médiévale sans se priver d’y introduire des instruments électroniques et synthétiques, on y retrouve, diverses familles et finalement des genres assez variés : certains de ces groupes sont assez proches des partitions d’époque. On citera, par exemple, la formation suédoise Vox Vulgaris et son superbe album The shape of medieval music to come daté 2003. En 1997, mettant la main à la patte, les Dead can Dance avaient aussi revisité, avec énergie, quelques danses et musiques médiévales dans leur album Songs And Dances of Gothic and Renaissance Period. Leur version du Saltarello du Manuscrit de Londres Add 29987 est ainsi resté dans les mémoires.
À ces formations qui collent aux mélodies et aux compositions du Moyen Âge, tout en leur apportant une touche de sonorité modernes, s’ajoutent celles qui mêlent librement, dans leur répertoire, musiques folk & traditionnelles (celtiques, nordiques, irlandaises, etc…) et mélodies médiévales. On peut même trouver, quelquefois, chez elles, des compositions maison à des lieues de toutes mélodies historiques. D’un point de vue puriste, si on range quelquefois ces formations dans le champ des musiques médiévales, c’est un peu par glissement. Pour être juste et dans l’esprit, il est, en effet, plus question d’inspiration, de souffle lointain, et la fusion opérée puise, souvent, du côté des mondes imaginaires, pour évoquer un certain moyen-âge idéalisé : épique, celtique ou fantastique. Nous y sommes souvent plus dans la musique moderne.
Aux origines du folk, rock, pop médiéval
On peut trouver la racine historique de nombre de ces inspirations, dans un certain mouvement du revival Folk, daté justement des années 70, période de grande effervescence créatrice musicale. Avec la volonté d’opérer un certain retour à la nature et à l’authenticité, les jeunes artistes d’alors explorent de nouveaux territoires. Ils repartent ainsi à la conquête de musiques plus traditionnelles et cherchent dans la culture populaire et folklorique des racines et peut-être même un sens que la société moderne faute à leur donner. C’est une génération de musiciens et d’artistes influencés aussi par la vague rock progressive anglo-saxonne et « le mouvement des fleurs » américain. Peut-être peut-on encore y ajouter pour une partie d’entre eux, la redécouverte de Tolkien et d’un certain Moyen Âge idéalisé, dont s’étaient aussi emparés une partie de ces mêmes étudiants des 70’s, aux Etats-Unis. Quoiqu’il en soit, sous ces différentes influences, la créativité se libérera pour donner lieu à de nouvelles fusions musicales. Avec sa capacité à produire les sons les plus étonnants et les plus divers, le synthétiseur se prêtera tout particulièrement à l’atmosphère de ce type de compositions. Dans les années 90, 2000, ces tendances musicales autour d’un « Moyen Âge » revisité et élargi se confirmeront, peut être impulsées par ceux ayant grandi, dans les années 70/80, bercé par ce folk nouveau : des enfants de Malicorne et d’autres groupes de cette génération.
On parle désormais de Folk médiéval, de néo-folk médiéval. On pourrait presque parler de pop ou de World Music médiéval. Sont venus s’y ajouter des styles de musique plus rock : le pagan rock, le rock métal médiéval, etc. Il existe encore, de nos jours, une scène importante dans ce domaine. On connait des groupes au large succès comme Faun, Corvus Corax, mais cette tendance ne ne se limite pas à l’Allemagne, ni au nord de l’Europe. Elle a aussi gagné la France avec de nombreux festivals. Aussi ne vous étonnez pas. Vous pourrez y croiser une vielle à roue faisant de l’œil à une basse, ou une belle harpe complice d’un synthétiseur. Ici, sur le terrain de l’art et de la fusion, la modernité rejoint le Moyen Âge historique, musical ou quelquefois imaginaire. Cela peut-être très plaisant, même si d’un point de vue factuel, nous ne sommes techniquement plus tout à fait dans une définition historique de ce qu’est la musique médiévale.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.