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« Mia irmana fremosa », la cantiga de amigo III du troubadour Martin Codax, par Evo et Efrén López

trompette_marine_musique_medievale_anciennes_troubadoursSujet : amour courtois, musique, chanson, poésie médiévale, Cantigas de amigo, galaïco-portugais, troubadour, lyrique courtoise, Espagne, Portugal médiéval, parchemin Vindel
Période :  XIIIe siècle, moyen-âge central
Auteur    : Martín Codax
Titre : « Mia irmana fremosa », cantiga de amigo III
Compositeur/Interprète  :     Efrén López, (EVO)
Media    : concert, IVe cycle des arts scéniques et des musiques historiques de la cité de León, Mai 2011.

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous revenons aujourd’hui à l’Espagne médiévale du XIIIe siècle et au poète Martín Codax, à sa lyrique courtoise, à son amour de la mer de Vigo dont il était originaire et à ses Cantigas de Amigo.

Le poète s’y  met dans la peau d’une jeune fille qui attend son promis et chante son amour pour lui à ses amies ou à ses proches. Imprégné de lyrique courtoise, ces chansons souvent courtes, et presque si minimalistes et épurées qu’elles pourraient nous paraître parchemin_vindel_martin_codax_troubadour_musique_chanson_espagne_medievale_cantigas_amigo_moyen-agenaïves sont, en réalité, des fleurons de la littérature médiévale galaïco-portugaise et de l’art profane de ses troubadours.

La Cantiga de Amigo III
de Martín Codax
sur le Parchemin Vindel

Martin Codax chante l’attente du bien-aimé, sans doute parti guerroyer au loin, l’espérance de son retour, et un vague à l’âme qui s’abîme dans la contemplation de la mer et bat au rythme de ses ondes. Si l’océan en est le décorum, l’église de Vigo y revient également.

Sur la route des pèlerinages de Saint-Jean de Compostelle, la cité est alors en pleine effervescence. On y entonne certainement les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X et encore bien d’autres chants de pèlerins. Si Martin Codax n’est alors, sans doute pas, le seul troubadour à y chanter des compositions plus profanes, inspirées de la lyrique et de l’amour courtois, il est, en tout cas, un des rares, avec quelques autres, dont les compositions nous soient parvenues avec leur notation musicale, notamment, par l’intermédiaire du Parchemin Vindel, le MS M979 de la Morgan Library de New-York (sur ce document voir article suivant)

La Cantiga de Amigo III de Martín Codax, par Evo et Efrén Lopez

Efrén López et EVO, au coeur de la méditerranée traditionnelle et médiévale

Le plaisir est d’autant plus grand de vous présenter cette pièce qu’elle nous donne l’occasion de mentionner à nouveau ici le musicien, vielliste et multi-instrumentiste Efrén López et sa formation EVO. On peut, en effet, retrouver cette interprétation sur sa chaîne officielle Youtube et elle est extraite d’un concert donné en 2011, à l’auditorium de la cité de León, dans le cadre d’un festival sur les arts scéniques et les musiques historiques.

efren_lopez_chansons_musiques_medievales_anciennes_traditionnelles_méditerranéennes_passion_moyen-ageTrès actif dans le champ des musiques médiévales et anciennes, mais aussi, plus largement, dans celui des musiques traditionnelles de la méditerranée, cet artiste catalan est ouvert à toutes les rencontres et nous ne pouvons que vous conseiller, une fois de plus, de vous pencher sur ses travaux.

Nous lui avions consacré un article, il y a quelque temps déjà, aussi nous vous y renvoyons pour plus d’informations,  Efrén LÓPEZ, portrait d’un troubadour passionné de musiques médiévales et anciennes. Si vous êtes polyglotte, vous pouvez aussi consulter valablement son site web  officiel. Très fourni. il est disponible en quatre langues (espagnol, catalan, anglais et même grec) et l’artiste y partage généreusement nombre de ses productions, (musiques, vidéos, partitions, etc…).


« Mia irmana fremosa », les paroles
en gallaïco-portugais et leur adaptation

Mia irmana fremosa, treides comigo
a la ygreia de Vigo, u e o mar salido.
E miraremos las ondas.

Ma  belle*  sœur, viens avec moi
A l’église de Vigo, où la mer est agitée,
Et nous contemplerons les vagues.

Mia irmana fremosa, treides de grado
a la ygreia de Vigo, u e o mar levado.
E miraremos las ondas.

Ma  belle sœur, viens de bonne grâce
A l’église de Vigo, où la mer est en furie,
Et nous contemplerons les vagues.

A la ygreia de Vigo, u e o mar salido,
e verra i mia madre e o meu amigo.
E miraremos las ondas

A l’église de Vigo où la mer est en furie
Il viendra, mère, mon doux ami,
Et nous contemplerons les vagues.

A la ygreia de Vigo, u e o mar levado,
e verra i mia madre o meu amado
E miraremos las ondas.

A l’église de Vigo, où la mer est agitée
Il viendra, mère, mon bien-aimé,
Et nous contemplerons les vagues.

* Fremosa : belle, jolie, charmante.


En vous souhaitant une très belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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Danse médiévale : la quinte estampie royale par le Early Music Consort de Londres

chanson_musique_danse_medievale_manuscriit_ancien_français_844_chansonnier_du_roi_moyen-ageSujet : danse, musique médiévale, estampie, manuscrit ancien, chansonnier du Roy, trouvères, troubadours, chants et musiques de Croisades.
Période : Moyen Âge,  XIIIe siècle.
Auteur : anonyme
Source :  Français 844, chansonnier du Roy.
Titre : La quinte estampie royale
Interprètes : The Early Music Consort of London – David Munrow
Album: « Music of the crusades » (1971)

Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoilà longtemps que nous n’avions publié une pièce  instrumentale tirée du Manuscrit ou Chansonnier du Roy (roi), conservé à la Bibliothèque nationale de France où il est référencé comme Français 844. Avec près de six-cent pièces en provenance principalement de la France du XIIIe siècle, l’ouvrage demeure une source inépuisable et incontournable pour qui s’intéresse de près à la musique médiévale du Moyen Âge central (voir le manuscrit en ligne sur Gallica).

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Il s’agit donc ici de la Quinte Estampie Royale, pièce dansée, prise dans le répertoire demeuré anonyme du manuscrit. Depuis leur berceau d’origine, peut-être italien ou français, ces danses  qui, par leur nature technique, avaient, selon Jean De Grouchy (1255-1320), « le pouvoir de tirer les jeunes garçons et les jeunes filles de leur vanité » (Ars Musicae) se répandirent jusqu’à l’Angleterre où elles connurent un succès certain pour s’éteindre dans le courant de la renaissance.

Linterprétation de l’estampie que nous avons choisie de partager ici est celle du Early Music Consort of London, ensemble qui fut très reconnu en Grande Bretagne dans le domaine des musiques anciennes, dans le courant des années 70 ; cet article fournira l’occasion de vous le présenter et de toucher également un mot de son directeur : David Munrow.

La Quinte Estampie Royale par le Early Music Consort of London

The Early Music Consort of London
& David Munrow

En 1967, le chanteur, musicien, multi-instrumentiste, bassoniste, pianiste, flûtiste, directeur d’orchestre et musicologue, David Munrow fondait le Early Music Consort de Londres, un ensemble dédié à un large répertoire allant du Moyen Âge à la période baroque.

musique_medievale_ancienne_directeur_David_Munrow_early_music_consort_londres_moyen-age_centralEn un peu moins de dix ans, la formation produisit près de quinze albums.  Elle s’interrompit en 1976, suite au décès prématuré de son directeur. Entre-temps, l’homme avait laissé son empreinte sur la scène des musiques anciennes britanniques en contribuant grandement à les rendre accessibles et à les populariser auprès du public. En plus d’être un surdoué, un découvreur et encore un grand collectionneur d’instruments anciens, David Munrow fut aussi un homme de média : télévision, cinéma, radio, et durant sa brève, mais brillante carrière, il n’a pas hésité à s’essayer à tout pour faire partager son enthousiasme et sa passion au plus grand nombre.

« Musique du temps des croisades »

L’album « Music of the Crusades » dont est tirée la pièce du jour est le deuxième de l’ensemble. Il propose 19 pièces sur ce thème, dont la grande majorité sont d’origine  françaises et proviennent du XIIIe siècle et du Manuscrit Français 844.

Il contient principalement des chansons de troubadours et de trouvères mais on y trouve également quelques estampies royales; l’album ouvre même sur la Quinte. Sur les 19 pièces présentées, 11 sont d’auteurs anonymes. Pour le reste, on y trouve des chansons de Marcabru, Gaucelm Faidit, Guiot de Dijon, Le Châtelain de Coucy, Conon de Bethune, Thibaut de Champagne, mais encore « l’inévitable » complainte musique_danse_medievale_croisades_estampie_Early_Music_Consort_London_David_Munrow_moyen-age_centraldu Roi Richard Coeur de Lion (fait prisonnier en Autriche à son retour de Croisades), et aussi  le célèbre chant Palästinalied  du Minnesänger et poète allemand Walther von der Vogelweide (que nous aurons bientôt l’occasion de présenter ici).

L’album est toujours édité et disponible à la vente en ligne au format CD. Pour plus d’informations, en voici le lien : Music of the Crusades (Musique du temps des croisades) Il en existe même des versions vinyle à des prix plus élevés.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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La 5eme édition des Grands Tournois de la cité d’Aigues Mortes

blason_ecu_heraldique_aigues_mortes_occitanie_moyen-ageSujet : tournois, festivités historiques  fêtes, animations médiévales, combat médiéval,  histoire vivante, reconstitution
Evénement : Les Grands tournois
Période : du haut moyen-âge à Renaissance
Lieu : Aigues Mortes, Gard, Occitanie
Dates: les 9 & 10  juin 2018.

Bonjour à tous,

T_lettrine_moyen_age_passionandis qu’au sud-est de la capitale, on ira célébrer à Provins, les hommes, les bêtes et les grandes foires médiévales de la Champagne, le sud de la France ne sera pas en reste, puisque la fille méridionale de Saint-Louis, la prestigieuse et belle cité d’Aigues-Mortes y donnera ses grands tournois.

Organisé par la Fédération Française Médiévale & Renaissance, il s’agira là de la 5ème édition de l’événement. Comme les années précédentes, on entend bien couvrir de larges aspects du tournoi historique et, de fait, une grande variété de disciplines y sera fetes_animations_medievales_reconstitution_historique_tournois_chevalerie_aigues-mortes_représentée : lice à pied des XIVe et XVe siècles, tournoi d’archerie et d’arbalestrie, mais encore jeux & archerie équestre. Les épreuves  proposées tout au long du week-end donneront lieu le dimanche, en fin de journée, à des remises de prix.

Nous l’avions déjà mentionné à l’occasion de notre article sur l’édition précédente de ces Grands Tournois d’Aigues Mortes mais il vaut de le répéter. On ne badine pas avec l’Histoire, ici, et les organisateurs sont particulièrement attachés aux aspects de reconstitution. Pas question donc de présenter un fatras approximatif mais bien de respecter, au plus près, la réalité historique pour pouvoir ainsi sensibiliser le public aux différentes formes de tournois, mais aussi à leur évolution dans le temps.

Haut moyen-âge, moyen-âge central, moyen-âge tardif et pré-renaissance, les Mesnies sont ainsi classées, de manière stricte, en trois périodes. Le souci de réalisme s’étend également aux aspects périphériques de l’événement : artisanat, technologies, vêtements, aspects de la vie militaire ou quotidienne présentés dans le grand camp multi-époque installé sur place. Tout ceci n’exclut bien sûr pas le divertissement mais est plutôt censé le monter en exigence et en qualité.

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Animations permanentes,
Marché et conférences

E_lettrine_moyen_age_passionn plus des nombreuses épreuves qui rythmeront les journées et du grand camp qui réunira les différentes troupes de reconstituteurs, différentes animations seront encore prévues pour retraduire l’ambiance qui régnait autour de ces grands événements populaires et festifs du moyen-âge : musique, ateliers-spectacle ou participatifs, jeux divers, etc…

On notera également la présence sur place d’un marché artisanal médiéval, mais aussi d’une bourse d’échange de matériel médiéval.  Le samedi soir sera aussi l’occasion d’une nocturne avec danses et ripailles autour d’un bal animé. Enfin, des conférences sur des thèmes variés émailleront encore ces Grands tournois d’Aigues-mortes 2018.

FB de l’événement – Programme détaillé des Grands tournois

Voir article sur l’édition précédente de l’événement – Découvrir l’Histoire médiévale d’Aigues-Mortes

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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Conférence : le travail en milieu urbain au Moyen-âge, avec l’historienne médiéviste Julie Claustre

conferences_audio_video_moyen-age_monde_medieval_agriculture_paysan_serfs_vilain_moyen-ageSujet: ville médiévale, métiers médiévaux, travail moyen-âge, artisans, corporations, corps de métiers valorisation, culture technique, histoire médiévale, médiéviste
Période : moyen-âge, du XIIe au XVe siècles
Média: conférence vidéo, chaîne youtube
Lieu: Musée de Cluny, décembre 2017
Titre: Travailler en ville au Moyen Âge
Conférencière: Julie Claustre

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous reprenons la suite du cycle passionnant de conférences proposées par  le Musée de Cluny sur le travail au moyen-âge et qui valait vraiment que nous lui consacrions quelques  articles séparés. Après le travail de la terre avec Didier Panfili, celui des chantiers avec Cécile Sabathier et celui des moines et des monastères avec Elisabeth Lusset, l’intervention du jour a pour objet le travail dans la ville médiévale. Elle nous est proposée par l’historienne médiéviste Julie Claustre.

Réalité de la ville médiévale :
entre espace urbain espace rural

Dans la ville du moyen-âge, espace urbain et espace rural s’interpénètrent et les frontières entre nature et agriculture, d’un côté et, de l’autre, activités proprement urbaines et espace construit y sont bien moins tranchées qu’aujourd’hui. A ce titre, comme l’intervenante du jour nous le rappellera, au début du XVe siècle on trouve encore à Paris de nombreuses parcelles cultivées ou dédiées ville_medievale_enluminures_conference_moyen-ageà l’élevage des animaux destinés à nourrir les habitants de la ville. Un tiers de l’espace leur est même consacré. Le phénomène débordera largement la période médiévale puisque laboureurs et vignerons vont se côtoyer, dans la capitale, jusqu’au XVIIe siècle.

(ci-contre, chronique de Girart de Roussillon, construction d’une église à Saint-Denis (XVe siècle)
Bibliothèque de vienne, 

Au milieu de ce savant mélange d’urbanité et de ruralité, émergent pourtant des spécificités liées à la vie urbaine et notamment certains métiers qui lui sont propres. C’est de ce travail là dont il est question dans la conférence du jour. Dans ce vaste champ de pratiques, elle se concentrera en particulier sur certaines activités « productives » et marchandes de la cité, sur leur organisation et sur les représentations qui s’y trouveront bientôt attachées. On y parlera donc de diversité même mais encore de corporations, de culture technique et d’une valorisation hétérogène des savoirs-faire qui ne rimera pas systématiquement avec la reconnaissance sociale de ces acteurs ni avec leur réussite économique.

« Le travail en ville au moyen-âge » par Julie Claustre (Musée de Cluny)

Julie Claustre est maître de conférences en Histoire du moyen-âge  à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et attachée au Laboratoire de Médiévistique Occidentale de Paris.

Activités productives citadines

« …Vraiment on eût volontiers dit qu’en qu’en la ville se tenait une foire perpétuelle, tant elle regorgeait de richesses, cire, poivre, graines et fourrures de vair et de gris, et toutes marchandises qui se peuvent imaginer. »  Chrétien de TroyesPerceval le Gallois ou contes de Graal

Fourmillement, diversité, technicité

En partant de l’arrivée du Gauvain de Chrétien de Troyes à Escavalon, la première réalité à laquelle nous confronte le travail dans la ville médiévale tient autant de la diversité et de l’effervescence  :  « bons ouvriers qui travaillent aux métiers les plus variés »  fonderies d’or et d’argent, orfèvreries, travail des émaux, du verre, du cuir, fabrication d’armures et d’écus, draperie et textile, fourrures, épices, etc. Tout s’y fabrique et tout s’y vendent et l’image est celle d’un fourmillement, de l’opulence, mais encore d’une forme « d’excellence » (le mot est moderne mais l’idée est là).

Savoir-faire, technicité, complexité des opérations réalisées, à travers certaines formes d’artisanat urbain, il est donc question de maîtrise et les villes des XIIe, XIIIe et XIVe siècles verront s’organiser autour de ces métiers de véritables corporations (« mestier », « guildes », etc…) qui deviendront bientôt les interlocuteurs privilégiés du pouvoir et qui auront même une forme de représentation d’influence variable, dans les instances décisionnaires de certaines cités.

conference_moyen-age_ville_medievale_activites_commerciales_travail_effervescence
La ville médiévale. « Le Chevalier errant ». BnF, département des Manuscrits, Français 12559, Thomas III de Saluces,

Naissance et développement
d’organisations corporatives des métiers

Ces « corporations » régiront bientôt les droits d’entrée et de sorties des individus à l’intérieur de leurs différentes spécialités, leurs conditions d’exercice, leurs filières d’apprentissage et mettront en place de véritables chaînes pour contrôler et réglementer chaque métier, tout autant que pour garantir la qualité de leurs oeuvres ou productions. Un peu plus tard dans le temps, certaines d’entre elles seront même à l’initiative de la constitution de caisses pour aider leurs membres victimes de maladies professionnelles ou même pour financer leur funéraille.

Intrication du politique et de l’économique

On notera, au passage, l’implication des pouvoirs seigneuriaux dans ces processus dans un véritable dialogue qui s’installera alors entre pouvoir politique et économique. Les instances de la ville y auront bien sûr un intérêt de contrôle social tout autant que fiscal et même encore militaire et participatif, mais le phénomène dénotera aussi, sur certains secteurs clés, d’une véritable volonté d’implication du pouvoir politique dans la « signature » des productions.

C’est notamment souvent le cas du secteur de la draperie et on s’en étonne moins quand on sait l’importance que ce dernier a revêtu pour le développement intra-muros de nombreuses villes draperie_artisanat_medieval_travail_ville_moyen-age_livres_12_freresmédiévales mais aussi pour leur rayonnement économique et culturel « hors frontières ». Dans le courant du moyen-âge central, nombre de cités européennes ont été, en effet, littéralement propulsées vers l’avant par la vente et l’exportation de leurs textiles.

(ci contre, étapes de confection textile, illustrations tirées du manuscrit allemand
« Le livre de douze frères des maisons mendel, » (XIVe)
cité dans la conférence.)

L’activité en question emploie aussi une main d’oeuvre conséquente aux différentes étapes de sa production qui justifiera d’un large crochet de l’intervenante de cette conférence, pour nous le détailler. On notera  notamment avec elle et pour en donner la mesure, qu’une ville comme Florence employait, à un moment donné de son histoire médiévale, plus d’un quart de ces habitants dans ce secteur.

Valorisation sélective

Le développement de ces métiers urbains, en particulier ceux liés à la production et à la « création » de la matière (opérations techniques réputées complexes), donnera le jour à une valorisation générale de leur exercice et de leurs productions, mais il ne suffira pourtant pas qu’on les loue ou qu’on les consacre sur les vitraux des cathédrales pour en faire de larges voies d’accès à la richesse ou à l’opulence économique. Si, là-encore les drapiers ont souvent tiré leur épingle du jeu (on pourrait peut-être y ajouter certaines productions stratégiques de la ville qui ont prises, draperie_artisanat_medieval_enluminures_travail_ville_moyen-age_livres_12_frerespour des raisons locales et historiques, une importance particulière au regard de leur exportation ), certains secteurs sont exclus de cette valorisation et certains métiers, à l’intérieur de secteurs pourtant valorisés, le sont aussi. L’historienne nous en donnera ici quelques exemples éloquents.

Dans le même ordre d’idées, compétence et  maîtrise d’oeuvre technique ne garantiront pas toujours à leurs détenteurs, fussent-ils aux échelons les plus élevés de leur profession, une indépendance financière ; ainsi,  certains maîtres artisans seront même contraints de se ranger sous le régime du salariat pour pouvoir subsister. D’égale façon, des barrières financières, réglementaires , sociales ou légales existeront aussi pour passer du statut de salarié à celui d’artisan indépendant ou de maître d’oeuvre. Enfin, on pourra encore ajouter aux limites de cette valorisation, des différences de reconnaissance qui touchent encore les notions de genre, puisque masculin et féminin ne sembleront pas s’y trouver logés à la même enseigne.

Pour conclure sur un voeu pieux et tout en rendant grâce à la qualité de ces interventions proposées par le Musée de Cluny, on peut espérer que d’autres conférences viendront compléter le tableau sur le sujet immensément vaste du travail dans la ville au moyen-âge. Si bonne soit-elle, une seule conférence ne saurait en effet l’épuiser. On pense notamment à d’autres secteurs  et métiers (métiers de bouche, restauration, etc…), mais aussi aux activités urbaines de service ou encore pourquoi pas aux métiers de la justice, de la régulation ou de la loi, pour ne donner que ces quelques exemples.

Pour le moment, sachons toutefois nous contenter et disons-le encore une fois, en les articulant, ces quatre belles conférences nous offrent un panorama assez complet de la réalité du travail au moyen-âge et des règles qui le régissent et demeurent une véritable mine d’information. Merci donc encore une fois au Musée du moyen-âge pour partager gracieusement tout cela avec le public sur sa chaîne youtube.

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.