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Citation médiévale : un proverbe moral de Christine de Pizan sur la mort

christine_de_pisan_auteur_poete_philosophe_monde_medieval_moyen-ageSujet : citations médiévales, proverbe, poésie morale, morale médiévale, proverbe moral, mort, réflexions sur la mort.
Auteur :  Christine de Pizan (Pisan) (1364-1430)
Période : moyen-âge central à tardif
Ouvrage :   Oeuvres poétiques de Christine de Pisan, publiées par Maurice Roy, Tome 3, (1896)

citations_medievales_christine_de_pisan_pizan_femme_ecrivain_poete_philosophe_proverbe_moral_moyen-age

“Quoy que la mort nous soit espouventable
A y penser souvent est prouffitable.”
  

Proverbes moraux. Oeuvres poétiques, Tome 3.

Christine de Pizan, femme de lettres et de sciences, écrivain, poétesse des XIVe et XVe siècles.

Une chanson médiévale de Pistoleta, troubadour provençal du XIIIe siècle

troubadour_provence_chanson_poesie_medievale_moyen-ageSujet : musique, chanson et poésie médiévale, troubadours, servantois, sirventes. chanson de voeux, portrait, éléments biographiques, vidas.
Titre : « Ar’ agues eu mil marcs de fin argen »,  « Puisse-je avoir mil marcs d’argent fin »
Auteur  : Pistoleta, troubadour  provençal, Aquitaine et Languedoc
Période : moyen-âge central, XIIIe siècle

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionu troubadour Pistoleta, les vidas ou le parnasse occitan nous apprennent qu’il fut lui-même le chanteur du troubadour et conteur Arnaud de Mareuil. Clerc d’assez pauvre condition, ce dernier colporta son art dans l’entourage de Raymond V de Toulouse et notamment de la soeur de ce dernier la contesse de Burlats. Il est d’ailleurs entré plus largement dans la postérité que l’artiste qui nous intéresse aujourd’hui mais il faut dire qu’à la période contemporaine de Pistoleta et au vue de leur nombre, les troubadours qui se tenaient en Provence, en Aquitaine et au delà se trouvaient exposés à une sérieuse concurrence.

Vida de Pistoleta et parnasse occitanien

« Pistoleta si fo cantaire d’en Arnaut de Maruoill e fo de Proensa; e pois venc trobaire e fez cansos con avinens sons. E fo ben grazitz entre la bona gen ; mais hom fo de pauc solatz, e de paubra enduta, e de pauc vaillimen. E tolc moiller à Marseilla ; e fes se mercadier e venc rics ; e laisset d’anar per cortz. » Le parnasse occitanien. Edtion de 1819.

Le peu d’informations biographiques que l’on trouve concernant  Pistoleta puise, de manière plus ou moins explicite, à la même source : les Vidas. Nous l’avons déjà dit par ailleurs mais il est sans doute bon de le répéter ici : issues vraisemblablement de la tradition orale provençale colportée sur les troubadours, ces « biographies »  furent rédigées près d’un siècle plus tard et se présentent toutes sous une forme plus ou moins anecdotique et romancée. Leur nature littéraire a été largement soulignée par Michel Zink qui recommande de prendre, à leur égard, un certain recul critique, en privilégiant plutôt l’analyse littéraire justement, la véritable valeur historique des faits rapportés ne pouvant, dans bien des cas, pas être corroborée par d’autres sources. Nous mettons donc quelques guillemets à ces éléments biographiques mais comme ils sont à peu près les seuls en notre possession, il nous faut bien au moins les citer ici.

Ci-contre représentation de Pistoleta, Chansonnier provençal dit chansonnier K,   manuscrit ancien, ms 12473 Bnf, milieu du XIIIe siècle)

En activité de la fin du XIIe siècle au début du XIIIe (1230), il semble donc qu’à force de colporter et de chanter les oeuvres d’Arnaud de Mareuil, Pistoleta fut lui-même tenté de s’essayer à la composition et à la rédaction de ses propres chansons. Homme de pauvre apparence et peu de moyens (toujours d’après les vidas), il se serait fait plus tard marchand en la ville de Marseille ce qui lui aurait réussi plutôt bien . Il aurait alors laisser de côté l’art de trobar et ses errances de cour en cour pour se consacrer entièrement à cette nouvelle activité.

Histoire générale de Provence

En fouillant un peu plus loin dans les sources, nous trouvons encore les lignes suivantes (plutôt lapidaires) concernant notre troubadour. L’ouvrage est une Histoire générale de Provence, rédigée vers la fin du XVIIIe siècle :

« Pistoleta, après avoir longtems chanté les chansons des autres, voulut en faire ; mais il n’eut point de succès : on n’en aima que les airs qui furent trouvé agréables. Il nous reste de lui cinq chansons triviales, sur l’amour qu’il avoît pour une dame d*un haut rang, qui ne pouvoit le souffrir. C’est lui-même qui nous apprend cette circonstance dans une pièce, où il dit, que le tems qu’il passe avec elle, « lui paroit si court y que l’adieu touche presqu’au bon jour ». La dame ne devoit pas le trouver de même, s’il est vrai, comme le dit l’historien provençal, qu’il fut peu amusant, qu’il eût peu de mérite et peu d’usage du monde.

Dans ce cas-là, il fit très-bien de renoncer à la poésie, & de se faire marchand à Marseille, où il s’enrichit ; ce qu’il n’auroit pas fait dans la carrière du bel esprit, ingrate même pour les talens & où l’on se couvre de ridicules, quand on n’y porte que des prétentions. Pistoleta avoit été dans plusieurs cours : nous avons de lui une chanson dont l’envoi est au comte de Savoie, ( probablement Amédée IV), prince sage, dit-il, doué de toutes les belles qualités, aimant le mérite et se faisant aimer. »
Histoire générale de Provence T2, page 414. (1778)

Pistoleta connut-il un succès relatif ou pas du tout ? Suivant qu’ils se fient ou non aux Vidas, Les auteurs semblent plutôt mitigés sur cette question même si le changement d’orientation dans la carrière de l’infortuné troubadour semble plutôt plaider en défaveur de son art. Quoiqu’il en soit, la chanson que nous vous proposons de découvrir aujourd’hui est joliment tournée et on devine bien, à travers ses lignes, la vie de misère et les difficultés que l’artiste dut traverser, du temps où il s’exerçait à la poésie et au chant.  Sans être très caustique, ni d’une satire manifeste, elle est sans doute à ranger dans les « sirventes » pour sa dimension sociale puisqu’elle compte les misères du poète et ce même si elle comprend aussi des éléments courtois.

Servantès ou chanson de vœux adaptée
Ar agues eu mil marcs de fin argen

Contre l’Histoire générale de Provence citée plus haut, dans un ouvrage de 1893, intitulé La poésie lyrique et satirique au moyen-âge, le philologue et chartiste lyonnais Léon Clédat se rangeait lui-même, implicitement (et même mot pour mot, mais sans les citer), du côté des Vidas pour nous parler de Pistoleta :  « Il se fit troubadour à son tour, et il eut beaucoup de succès parmi les bonnes gens ». ( « E fo ben grazitz entre la bona gen ») . 

Dans la foulée, il faisait encore remarquer que la chanson du troubadour que nous vous présentons aujourd’hui avait due connaître un succès suffisamment  important pour se voir traduite en français et nous fournissait même l’adaptation de deux de ses paragraphes (hélas sans en citer la source, ni l’auteur précis).De son titre  provençal qui est, en général, la reprise de la première ligne de la chanson « Ar agues eu mil marcs de fin argen », le titre de la version française était alors devenu  « Chanson  de Voeux ».  

Pistoleta dans le Chansonnier Cangé, XIIIe siècle, Bnf.

Pour le reste de la traduction, hormis ses deux paragraphes livrés « clefs en main » par Leon Clédat (voir image en tête d’article) nous nous sommes basés pour « adapter » le reste de la chanson sur une traduction de Cyril Heshon, paru en 2003, dans la revue des langues romanes (la partition moderne que nous livrons plus haut provient du même article).  Pour être honnête,  nous n’avons pas cherché la rime et cette adaptation mériterait franchement que l’on y revienne à un moment ou à un autre. Pour le moment, elle aura au moins le mérite de rendre un peu plus intelligible l’Oc original de Pistoleta.

Ar agues eu mil marcs de fin argen
et atrestan de bon aur e de ros,
et agues pro civada e formen,
bos e vacas e fedas e moutos,
e cascun jorn .c. liuras per despendre,
e fort chastel en que·m pogues defendre,
tal que nuls hom no m’en pogues forsar,
et agues port d’aiga dousa e de mar.

Puissé-je avoir mil marcs de fin argent
Et tout autant de bon or et de roux,
Et quantité d’avoine et de froment.
Boeufs et vaches et brebis et moutons,
Et chaque jour cent livres à répandre,
Et fort château où me pusse défendre,
Tel que nul homme y forcer ne me pût ;
Puissé-je avoir port d’eau douce et de mer !…

Et eu agues atrestan de bon sen
et de mesura com ac Salamos,
e no·m pogues far ni dir faillimen,
e·m trobes hom leial totas sasos,
larc e meten, prometen ab atendre,
gent acesmat d’esmendar e de rendre,
et que de mi no·s poguesson blasmar
e ma colpa cavallier ni joglar.

Et si j’avais suffisamment  de  sens
Et de mesure comme en eut Salomon,
Ne me trompant jamais, ni en faits, ni en dits,
Et si j’étais loyal en toutes circonstances,
Large et généreux, fidèle à mes promesses,
bien prompt à m’amender et à payer mes dettes,
Et que de moi jamais on ne puisse blâmer
Ni critiquer mes faits, jongleurs ou chevaliers.

Et eu agues bella domna plazen,
coinda e gaia ab avinens faissos,
e cascun jorn .c. cavallier valen
que·m seguisson on qu’eu anes ni fos
ben arnescat, si com eu sai entendre;
e trobes hom a comprar et a vendre,
e grans avers no me pogues sobrar
ni res faillir qu’om saubes atriar.

Et si j’avais aussi une dame plaisante
aimable, belle et gaie, aux manières avenantes,
Et chacun jour pour moi des chevaliers vaillants
qui me suivent où que j’aille et où que je me tienne
Bien harnaché, comme je sais m’y entendre;
Et si j’avais assez pour acheter et vendre,
Et que grands avoirs ne me manquent jamais
Ni ne me manque rien que l’on puisse acquérir.

Car enueis es qui tot an vai queren
menutz percatz, paubres ni vergoinos,
perqu’eu volgra estar suau e gen
dinz mon ostal et acuillir los pros
et albergar cui que volgues deissendre,
e volgra lor donar senes car vendre.
Aissi fera eu, si pogues, mon afar,
e car non pois no m’en deu hom blasmar.

Car dur il est tout l’an d’aller chercher
Menus profits comme un pauvre honteux.
Aussi voudrais être heureux et tranquille
Dans mon hôtel et accueillir les preux.
Et héberger qui voudrait y descendre,
Et je voudrais leur donner sans rien vendre.
Si je pouvais, mènerais telle vie :
Quand ne le puis, ne m’en doit-on blâmer.

Domna, mon cor e mon castel vos ren
e tot quant ai, car etz bella e pros;
e s’agues mais de que·us fezes presen,
de tot lo mon o fera, si mieus fos,
qu’en totas cortz pois gabar ses contendre
qu’il genser etz en qu’eu pogues entendre.
Aissi·us fes Dieus avinent e ses par
que res no·us faill que·us deia ben estar.

Mon cœur  et mon château, Dame,  je vous remets
Et tous les biens que j’ai, car êtes noble et belle;
Si j’avais plus encore, présent je vous ferais,
pour peu qu’il soit mien du monde en son entier
Car en toutes les cours je vante sans ambages 
que plus belle que vous, on ne puisse trouver.
Ainsi comme Dieu vous fit, charmante et sans  égale
que jamais rien ne manque qui puisse vous contenter.

En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

Martin Codax, troubadour médiéval et la Cantiga de Amigo V par Montserrat Figueras

martin_codax_mar_de_vigo_poesie_chanson_medievale_troubadour_moyen-age_central_XIIIe_siècleSujet : amour courtois, musique, poésie médiévale,  Cantigas de amigo V, galaïco-portugais, troubadour.
Période : XIIIe siècle, moyen-âge central
Auteur : Martín (ou Martim) Codax
Titre:  Quantas Sabedes Amar Amigo
Interprètes :  Montserrat Figueras, Jordi Savall, Ferran et Arianna Savall
Album :  Du temps & de l’instant  (2005)

Bonjour à tous,

P_lettrine_moyen_age_passion copiarobablement natif de la Province de Vigo en Gallice qu’on retrouve présente dans nombre de ses chansons, Martín Codax fut un troubadour galaïco-portugais du moyen-âge central. Bien qu’il soit indéniablement l’un des poètes les plus connus et les plus diffusés de la littérature médiévale  galaïco-portugaise (« profane ») nous n’avons pas la date précise de sa naissance ou de sa mort et nous connaissons de sa vie, comme beaucoup de troubadours, uniquement ce que ses poésies nous en apprennent, c’est à dire presque rien. On situe, en général, ses activités artistiques entre le milieu du XIIIe et les débuts du XIVe siècle.

Le Parchemin Vindel

parchemin_vindel_troubadour_chanson_poesie_medieval_martin_codax_moyen-age_central_XIIIeSes oeuvres nous sont connues par les chansonniers et manuscrits anciens de lyrique galaïco-portugais ou même encore par le Parchemin Vindel. C’est d’ailleurs grâce à ce dernier document, découvert totalement par hasard au début du XXe siècle dans un exemplaire de l’ouvrage De Officiis de Cicéron  que l’on a pu retrouver les notations musicales des  chansons du poète. Le parchemin daté du milieu du XIIIe siècle et composé de plusieurs feuillets, avait vraisemblablement servi plus tardivement à un moine pour effectuer la reliure de l’ouvrage politique de l’homme d’Etat romain. C’est un libraire madrilène du nom de Pedro Vindel qui fit cette découverte en 1914. Aujourd’hui, le précieux document est conservé aux Etats-Unis, à la Morgan Library & Museum, de New York.

Ajoutons encore qu’à ce jour, le Parchemin Vindel et le Parchemin Sharrer (lui aussi découvert très tardivement, vers la fin du XXe siècle), sont les deux seuls documents anciens ayant permis de retrouver les compositions musicales originales des Cantigas de Amigo.

parchemin_vintel_poesie_chanson_medievale_amour_courtois_cantigas_amigo_galaico-portugaise_martin_codax

Le legs et les chansons de Martín Codax

Les chansons de Martín Codax sont toutes regroupées sous le genre des Cantigas de amigo ou chansons pour l’être aimé et nous sommes donc clairement ici dans le registre lyrique de l’amour courtois.

Les oeuvres léguées par le poète galaïco-portugais sont peu nombreuses ;  sept chansons ont été mises à jour pour l’instant et le parchemin Vindel a permis de retrouver la musique de six d’entre elles. Jusqu’à encore récemment le succès de ce troubadour médiéval a largement débordé la péninsule ibérique et on le trouve repris par un nombre incalculable de formations spécialisées dans les musiques anciennes, à travers l’Europe et même au delà. La musicalité de la langue galaïco-portugaise autant que la pureté et la simplicité de sa poésie y sont indéniablement pour beaucoup. Les chansons de Martin Codax les plus souvent reprises mettent en scène la mer de Vigo et ses vagues évocatrices de contemplation et de poésieC’est le cas de celle du jour à laquelle la talentueuse chanteuse lyrique soprano Montserrat Figueras prêtait son talent dans les années 2000.

Quantas sabedes amar amigo, par Montserrat Figueras

Du temps & de l’instant

Pour l’interprétation de la Cantiga de Amigo du jour, la V, nous avons donc choisi l’envoûtante interprétation de Montserrat Figueras  accompagnée de Jordi Savall, de leurs deux martin_codax_troubadour_gallaico-portugais_cantiga_de_amigo_temps_et_instant_montserrat_figueras_jordi_savall_chanson_musique_medievale_XIIIeenfants Ferran et Arianna et du percussionniste Pedro Estevan.

L’enregistrement date de 2005 et il est tiré de l’album au titre français : Du temps & de l’instant.  Les artistes catalans signaient là une production familiale et intimiste présentant une sélection de pièces allant du moyen-âge central à des siècles plus récents (XVIIIe et au-delà). Ils y visitaient au passage l’Espagne, la Catalogne, l’Orient et même encore la Grèce et le mexique. L’album est toujours disponible à la vente sur le site officiel d’Alia Vox, leur maison de distribution.


Les Paroles de la Cantiga de Amigo V
et leur traduction, adaptation en français

Dans les chansons issues de Cantigas de Amigo, le troubadour met en général ses mots dans la bouche d’une demoiselle parlant de l’être aimé, le louant ou l’attendant. C’est le cas ici.

Quantas sabedes amar amigo
treydes comig’ a lo mar de Vigo:
E banhar-nos-emos nas ondas!

Jusqu’à quel point sais-tu aimer un ami (mon ami?)*
Viens avec moi à la mer de Vigo :
Et nous nous baignerons dans les vagues !

Quantas sabedes amar amado
treydes comig’ a lo mar levado:
E banhar-nos-emos nas ondas!

Jusqu’à quel point sais-tu aimer  l’être aimé (mon aimé?)
Viens avec moi à la mer de Vigo :
Et nous nous baignerons dans les vagues !

Treydes comig’ a lo mar de Vigo
e veeremo’ lo meu amigo:
E banhar-nos-emos nas ondas!

Viens avec moi à la mer de Vigo
Et nous verrons mon ami :
Et nous nous baignerons dans les vagues !

Treydes comig’ a lo mar levado
e veeremo’ lo meu amado:
E banhar-nos-emos nas ondas!

Viens avec moi dans la mer agitée
Et nous verrons mon aimé :
Et nous nous baignerons dans les vagues !


* Notez que nous traduisons  « Quantas sabedes amar »  comme « Jusqu’à quel point (COMBIEN) sais-tu aimer » ce qui me parait le plus littéral et logique même si c’est une traduction totalement hispanisante que j’assume : « Cuantas Sabeis amar… »

L’absence de ponctuation laisse à penser que « Combien sais-tu aimer, ami » sous entendu « mon ami, mon aimé » peut-être sujette à caution, ce qui pourtant serait, là encore en espagnol contemporain, sans doute plus correct et donnerait en plus à la chanson un sens différent certes, mais peut-être plus logique ou « coulant ». Comme on trouve de nombreuses traductions espagnoles à la ronde qui ajoutent l’article indéfini « UN ». « Combien sais-tu aimer UN ami ou l’être aimé » Dans le doute, je le laisse donc et garde la porte ouverte aux deux options, même si je ne suis convaincu qu’à moitié et lui préfère largement la première :  la jeune fille parlant à son propre amoureux, le « défiant » gentiment et l’invitant à la rejoindre dans les vagues. On retrouve encore et quelquefois cette phrase traduite comme « Toi qui sais aimer un ami » mais dans ce cas-là le « Quantas » est occulté et cela me semble encore moins  correct.

En vous souhaitant une belle journée.

Fréderic EFFE
Pour moyenagepassion.com
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Médecine médiévale préventive et recettes de cuisine « médicales »

medecine_medievale_ecole_salerne_science_savant_Regimen_SanitatisSujet : médecine, citations médiévales, école de Salerne,  ouvrage, manuscrit ancien.  cuisine, alimentation, médecine préventive.
Période: moyen-âge central (XIe, XIIe siècles)
Titre:  l’Ecole de Salerne (traduction de 1880)
Auteur :  collectif d’auteurs anonymes
Traducteur : Charles Meaux Saint-Marc

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionvant que les livres de recettes et de cuisine n’apparaissent en nombre, une grande partie des ouvrages du moyen-âge central parlant de diététique, d’alimentation et même de recettes se trouvait dans les traités de médecine.

Dans le courant du XIIe siècle, émanent de l’Ecole de Salerne mais différent du Flos Medicinae (que nous continuons de dérouler aujourd’hui ici), on trouve ainsi un ouvrage rédigé par Petrus Musandinus, maître de la célèbre école  italienne : la summula de medecine_medievale_preventive_alimentation_repas_ecole_salerne_extraits_moyen-age_central_XIIepreparatione ciborum et potuum infirmorum.  C’est un traité de préparation de mets et boissons à destination des malades et qui se présente déjà comme un véritable livre de recettes. Nombre de celles qui s’y trouvent décrites proviennent d’ailleurs de la cuisine de l’époque. Dans le même esprit, mais un peu plus tard, en 1300, on retrouvera, entre autres ouvrages, un autre traité latin, tiré de la traduction partielle d’une source arabe du XIe siècle, « le Livre des plats et des condiments » (Liber de ferculis et condimentis).  Quelque temps plus tard on trouvera même une partie de traité médicale consacrée aux sauces Opusculum de saporibus que son auteur avait rédigé à l’attention d’un évêque.  Avouez que de nos jours, on se figurerait assez mal revenir de chez son généraliste avec comme ordonnance, la recette de la meilleure sauce au poivre vert pour le magret.

Au fil du temps les deux genres d’ouvrage, même s’ils partageront les mêmes recettes finiront par se différencier de plus en plus, l’exigence appelant les médecins à être plus précis dans leurs arguments et à détailler un peu mieux les effets de leurs recettes, en prévoyant notamment certains ajustements pour qu’elles assurent une équilibrage satisfaisant des humeurs. Ces traités d’hygiène et de médecine préventive ont-ils contribué à répandre certains usages alimentaires ? Peut-être. Ont-ils entériné plus que devancer certaines moeurs ayant trait à la gastronomie et au goût  ? Sans doute. On se reportera valablement à la source, citée en pied d’article, pour un approche plus complète de ces questions.

Règles générales applicables au repas
du FLos Medicinae ou Regimen Sanitatum

S_lettrine_moyen_age_passion‘il n’a pas pour propos de donner des recettes précises, comme nous avons déjà pu nous en rendre compte ici, le Flos Medicinae côtoie de près le sujet de l’alimentation. Dans la partie plus générique de l’ouvrage qui ne touche pas encore à la liste des plantes et leurs usages, qu’il s’agisse de nourriture, de boissons ou de règles à suivre, le thème demeure central et récurrent. La médecine médiévale n’a d’une manière générale, absolument aucun doute sur le fait que la méthode la plus naturelle et efficace de prévention de la santé résidait dans la qualité des aliments et l’alimentation et dans les règles entourant ces pratiques. On notera d’ailleurs, au passage, dans l’extrait d’aujourd’hui que l’on prêtait tant de crédit et d’importance à la nourriture, la boisson et leurs usages que l’ombre de la peste ou de la lèpre se trouvaient fréquemment associées à certaines mauvaises pratiques. Pour le reste et comme on le constatera, la modération reste toujours au coeur de ce traité médiéval de l’Ecole de Salerne.

Pour parenthèse, à l’heure largement sonnée de la malbouffe, la relation directe entre alimentation et santé est une idée qui ne fait aucun doute pour personne et quand on s’intéresse un peu à certains travaux médicaux sérieux et récents, on sait bien aujourd’hui que l’on ne peut pas manger à l’envie n’importe quelle « préparation » industrielle (en restant poli) et compter, par la suite, sur la médecine et une pastille miracle pour se sauver. Depuis l’après guerre, on peut compter près de soixante ans d’industrialisation extrême de la nourriture, de ses processus de production et avec eux  decole_salerne_citation_medecine_medievale_regles_repas_alimentation_XIIe_moyen-age_central‘introduction en force de la chimie dans nos assiettes. Comparé avec des millénaires d’une toute autre pratique, c’est une durée finalement assez courte pour en mesurer les véritables conséquences même si quelques conclusions claires ont déjà été tirées (graisses, sel et sucre saturés, faible valeur nutritive, obésité, maladies coronariennes, etc.. Le reste demeure quelquefois nébuleux entre les enjeux économiques croisées et un prétexte de « nourrir la planète » (ce qui n’est toujours pas totalement le cas) qui a bien souvent couvert des pratiques débridées à visées uniquement mercantiles. Dans un monde du « à chacun son boulot », nourrir et soigner sont/étaient devenus des pratiques dissociées, phénomène pâlement compensé par l’introduction des « alicaments » (encore du marketing) dans lesquels on ajoute toutes sortes de « compléments » (encore de laboratoires), pour compenser les carences vitaminiques ou nutritives des produits industriels de masse.  Drôle de planète…

Tout cela étant dit et sans aucunement prétendre vous en gâter le plaisir, voici quelques nouveaux vers du Flos Medicinae autour des repas. De fait et pour le clin d’oeil, ces rimes vous inspireront peut-être quelques conseils à l’approche des agapes de fin d’année. Et si vous êtes de ceux qui vous y adonnez, bien décidés à attendre début janvier pour penser aux bonnes résolutions et pour ne rien gâcher de la fête, peut-être céderez-vous tout de même, à l’attrait poétique de leur charme médiéval un peu désuet, mais pas si inepte sur le fond.

Règles générales pour tous les repas
du Flos medicinae  ou l’Ecole de Salerne

Un Repas te nuira, s’il n’est dans ton usage:
D’aliments étrangers, fruit, poisson, ou breuvage,
Crains la saveur perfide, et défends ta santé
De l’ivresse fréquente et du vin frelaté.

Boire après chaque mets est un précepte utile,
Auquel applaudira ton estomac docile.
Ne bois jamais sans soif, ne mange pas sans faim:
L’excès en ces deux points enfante un mal certain.

Consulte la raison, et, si tu rrfen veux croire,
Quand tu quittes le bain, souviens-toi de peu boire.
Instruit des soins à prendre, un médecin prudent
Les trace avec méthode, et des écueils défend

Son client rassuré. D’une table modeste,
Convive rarement (la chose est manifeste)
Sortit malade, au lieu qu’un repas somptueux
Attire et médecins et cent maux avec eux.

Ne prends, que pour céder à prière trop forte,
Des mets très-différents, des vins de mainte sorte;
Crains du lait et des vins le mélange odieux:
Sinon, sur toi la lèpre étend son voile affreux.

Avant les mets servis comme en quittant la table,
Lave tes mains selon l’usage respectable.
Nul écart de régime, à moins que ta santé
N’approuve un changement qu’elle-même a dicté

Le malaise suivrait, Hippocrate l’atteste,
Du régime adopté le changement funeste.
Un régime uniforme, excellent médecin,
Surpasse des docteurs l’art et le savoir vain.

Pauvres, de simples mets couvrez la pauvre table,
Le régime est pour vous un repas délectable.
Un superbe festin gâte les estomacs,
Tandis qu’un sommeil pur suit un léger repas.

La santé se conserve avec l’économie;
La lourde gourmandise abrège et rompt la vie.
Un médecin l’a dit: Le sage ne meurt pas,
Qui jamais ne s’assit qu’à modeste repas.

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen-Âge sous toutes ses formes.

Sources utiles et documentées  :  Cuisine et médecine au Moyen Âge, Bruno Laurioux