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Toussaint, fête des morts et Halloween, une approche historique et ethnologique

toussaint_histoire_medievale_fetes_des_morts_halloween_anthropologie_historiqueSujet : fêtes catholiques, histoire médiévale, Toussaint, fêtes des morts, Halloween, fête celtique, fiche de lecture, analyse critique. sociologique, histoire culturelle, « celtisme », anthropologie culturelle.
Auteur de référence : Renaud Zeebroek
Article :  Persistance ou transformation ? La trajectoire d’une fête
Revue : ethnologie française (2006)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionl’approche du temps de noël et, comme chaque année, les voilà qui reviennent nos deux célébrations de début novembre : la Toussaint, fête de tous les saints et la fête des morts qui la suit. Certes, pour certains d’entre nous, elles se sont peut-être quelquefois un peu vidées de leur sens religieux premier, mais il n’en demeure pas moins qu’elles font partie de nos traditions ancrées.

Pourtant, depuis quelques années, un événement curieux survient dans le paysage culturel de notre vieille Europe catholique, alors que le gigot du repas familial du dimanche de tous les Saints est déjà presque froid et que tant nous allons, en cohorte, porté nos chrysanthèmes, jolies marguerites des morts de Brassens, pour aller communier, un instant, dans les cimetières et près des tombes, à la mémoire de nos chers disparus. En effet, au même moment et même quelques semaines avant, les citrouilles creusées ont déjà fleuri dans les grands magasins, et avec elles les déguisements et costumes variés de sorcières et de Frankenstein et encore les paquets de friandises industrielles colorées artificiellement et vendus par pack de cinq. Au demeurant pourtant, tout ce merchandising autour d’Halloween, puisque c’est de cela qu’il s’agit, qui vient comme pousser du coude nos vieilles coutumes pour tenter de s’installer un peu sur leur terrain, ou peut-être sur celui laissé vacant par une sécularisation de bon ton, a, semble-t-il, encore du mal à se faire une place.

deco_medieval_moyen-age_chretien« Mais qu’est-ce que c’est que ce truc diront encore certains ? «  au risque de passer (bientôt ou peut-être déjà) pour d’affreux rabat-joies ou même des catholiques, ce qui, dans certains recoins de notre société, est devenu presque bien pire, l’ombre de Bernardo Gui (celui du Nom de la rose) n’étant jamais bien loin ! Et on leur dira d’autant plus d’en rabattre qu’Halloween nous est quelquefois présentée comme issue d’une tradition millénaire, ayant pour origine l’antique et « sacro-sainte » culture celtique, celle d’avant la romanisation, celle d’avant l’évangélisation, bref,  celle du monde qui avait encore un sens. La fête serait, en effet, nous explique-t-on ici ou là, bien plus vieille que le christianisme lui-même. Elle aurait, au bas mot, près de 2500 ans d’histoire, et aurait même « inspiré » l’église romaine qui l’aurait bien vite recouverte de ses propres rituels, dans le courant du moyen-âge, pour en faire, d’une fête impie, joyeuse, libre, débridée et véritablement festive, une fête instituée, soit donc tout le contraire, moraliste, obligatoire, conservatrice, tristounette, etc, etc… Mais je provoque, je provoque, j’en suis conscient et je vous avoue le faire avec d’autant plus de liberté et d’impertinence que, d’une part, je ne suis pas d’une église, et que, d’autre part, la « chose celtique » véritable m’intéresse vraiment. Alors pour répondre à toutes ces questions, sans céder à un anticléricalisme primaire et lui aussi devenu « de bon ton », comment trier le vrai du faux, j’allais dire le grain de l’ivraie ? Et bien, comme d’habitude, en faisant appel à l’Histoire, au sens critique mais aussi et pour le coup aux sciences humaines.

Revisiter l’histoire avec les outils de l’anthropologie et la sociologie, pour dresser une « biographie culturelle » des objets, voilà le projet que se proposait, en effet, de suivre le sociologue Renaud Zeebroek. Dans un article paru en 2006 de la revue Ethnologie Française, pour illustrer concrètement son propos, il se lançait, ce qui tombe à pic, dans une analyse de l’histoire culturelle et sociale d’Halloween, et revisitait au passage les mythes modernes qui l’entourait. Il nous servira donc de guide pour la partie qui concerne plus particulièrement cette fête mais avant, revisitons un peu nos classiques avec l’histoire de la Toussaint et de la fête des morts catholiques.

Un peu d’histoire catholique et médiévale

Si les fêtes données en l’honneur des martyrs catholiques, sont connues dès le Ve siècle à Rome, – elles sont généralement célébrées le dimanche suivant la Pentecôte – la fête de tous les Saints et des martyrs, la Toussaint, est apparue officiellement, dans l’église catholique d’occident, à l’initiative du Pape Grégoire III dans le courant du haut moyen-âge et au tout début du VIIe siècle.

Un peu plus de deux siècles plus tard, un autre Grégoire, le IVe du nom cette fois, décrétera que la fête devait tenir place et être suivi dans l’ensemble du monde chrétien. C’est à ce dernier qu’on attribue d’avoir fixé la date au 1er novembre. A quelques cinq cent ans de là, au XIIIe siècle, l’archevêque de Gènes  Jacques de Voragine nous expliquera dans son ouvrage Légende dorée que le changement de date fut effectué « car à cette fête les fidèles venaient en foule, pour rendre hommage aux saints martyrs, et le pape jugea meilleur que la fête fut célébrée à un moment de l’année où les vendanges et les moissons étaient faites, les pèlerins pouvaient plus facilement trouver à se nourrir. »

Que la version de Jacques de Voragine soit avérée ou non, ce changement de dates expliquera les débats soulevés plus bas concernant la « récupération » par l’église de Rome de la Samain et deco_medieval_moyen-age_chretiend’Halloween.

Quoiqu’il en soit, Louis le Pieux suivra la consigne de Grégoire IV en étendant la célébration à tout l’empire carolingien. Pour suivre le fil jusqu’à nos jours, désireuse d’en ancrer l’application, l’église en fit un fête solennelle durant le moyen-âge tardif, à la fin du XVe siècle, et bien plus tard, dans le courant du XXe, le pape Pie XI en consacra définitivement l’importance, en lui conférant la nature de fête d’obligation.

La commémoration des fidèles défunts, célébrée,  officiellement, le 2 novembre, même si, pour des raisons de calendrier, nous la célébrons en général en France le premier est, quant à elle, un peu plus tardive puisque datée du moyen-âge central. Même si les traces d’un office spécifique pour les morts lui sont antérieures, elle aurait émergé dans l’univers monastique du côté de l’abbaye de Cluny et au XIe siècle. On commémorait alors les frères disparus à l’occasion d’une « fête des trépassés », qui ne s’imposa, comme pratique liturgique officielle, généralisée au monde chrétien, que deux cent ans plus tard, au XIIIe siècle.

Soulager l’âme des défunts, prier pour qu’ils soient libérés du purgatoire si toutefois ils s’y trouvaient encore pris, cette commémoration était encore, du point de vue de l’église, une façon de rappeler aux croyants, une fois l’an, que ceux qui sont passés dans l’autre monde sont aussi et peut être même plus vivants qu’eux; comme chacun sait, du point de vue catholique, notre monde d’incarnation n’est qu’une épreuve à passer. Ô étrange paradoxe du deuil dans notre Europe occidentale catholique, ce rituel qui devait être, dans ses fondements même, plutôt une joie et une force d’espérance pour les pratiquants de la glose s’est quelquefois changé en rivières de larmes ou en des moments lourds d’émotions, mais si la pratique de cette commémoration n’est pas toujours joyeuse, elle reste tout de même un moment d’évocation important, et l’occasion d’une pensée pour tous ceux qui ne sont déjà plus de ce monde. Voilà pour la partie historique et traditionnelle.

Halloween : fête des morts celtique ?

Q_lettrine_moyen_age_passionuant à Halloween que, encore une fois, depuis quelques années, les vendeurs de potirons en résine, de costumes, d’arômes artificiels et de friandises colorées, essayent, non sans une certaine insistance, de mettre à la vente sur tous les étals ( sans grand succès, semble-t-il, pour l’instant), elle se veut résolument festive, surnaturelle, humoristique, bref joyeusement païenne. Une façon de célébrer les morts qui pourrait presque prendre, de très loin, des allures festives mexicaines. Loin de nos coutumes cérémonielles, elle vient, en tout cas, nous enjoindre à deco_halloweenfaire la fête dans un melting-pot de déguisements qui mêlent fantastique, surnaturel et autres références à un cinéma d’horreur parfois très XXe siècle et même, disons-le, hollywoodien.

Pourtant, sous ses dehors bigarrés et modernes, Halloween puiserait, nous assure-t-on,  ses origines lointaines dans la culture celtique, suivie de près depuis des temps immémoriaux par des irlandais et écossais qui l’auraient importée en Amérique du nord et au Canada, en y émigrant dans le courant des XVIIIe, XIXe siècles. On trouvera même, nous le disions plus haut, mentionner l’idée qui tendrait à affirmer qu’Halloween serait finalement le véritable ancêtre « historique » de la fête des morts, la seule, l’authentique, la véritablement populaire, la celtique et du coup aussi la gauloise, bien vite récupérée et instrumentalisée par l’Eglise et le christianisme, dans le courant du moyen-âge, avec des visées d’évangélisation des terres de l’Europe païenne.

Samain, Samonios, Halloween récupérée?

« Attribuer une origine païenne à Halloween contribue à justifier les liens que la fête entretient avec le monde de l’étrange. Dans la foulée, la relation de la fête avec le christianisme – que pourtant ni sa date, ni son nom ne font oublier – peut être facilement niée. »
Renaud Zeebroek, 
Persistance ou transformation ? La trajectoire d’une fête, Revue l’Ethnologie française 2006.

En suivant les pas du sociologue Renaud Zeebroek, sur cette hypothèse d’une Toussaint, ou plutôt d’une commémoration des morts comme forme christianisée d’une vieille tradition celtique, le raccourci semble, en réalité, et contre tout ce que l’on peut lire ici ou là, un peu court. Guéguerres d’Eglises ou querelles de clochers ? l’auteur souligne, au passage, l’influence des folkloristes protestants anglo-saxons du XIXe siècle sur cette idée de fêtes catholiques n’étant au fond, pour la plupart,  que des rituels biaisés, fondés sur les anciennes pratiques et croyances populaires païennes ou celtiques et les ayant récupérées. Bien sûr, l’histoire ne dit pas que cela ne s’est jamais produit, loin s’en faut, mais le systématiser peut tout de même avoir certaines limites.

deco_halloweenOriginellement, la Samain, Samhuin, ou Samonios auquel on rattache communément Halloween, était une fête qu’on célébrait chez les celtes, aux environs de début novembre. En réalité, historiquement nous n’en savons pas grand chose sinon qu’elle se présentait comme une fête de nouvel an et de fin de cycle, copieusement arrosée avec force banquets et avant tout destinée, semble-t-il, à l’aristocratie guerrière,  royale et religieuse (druidique). A tout le moins, aucune source historique ne permet d’établir de manière claire qu’elle était sa nature populaire, ni si ou comment elle était célébrée par le petit peuple. Pendant cette parenthèse que la fête représentait, entre deux cycles donc, celui qui se fermait et celui qui allait s’ouvrir, les Déesses (pas les âmes des hommes défunts) venues du Sid (lieu surnaturel qui pour certains auteurs contient le lieu des morts et pour d’autres non) pouvaient se manifester au guerrier (le héros, pas l’homme du commun) et lui délivrer des messages, l’élever ou le perdre.

Nous sommes là à des lieues de la commémoration des morts chrétienne, mais ce qui est plus embêtant, nous sommes aussi loin de la fête d’Halloween non seulement dans sa forme actuelle, mais encore dans sa forme historique  la plus ancienne connue.

Le fil de l’Histoire : aux origines

Pour reprendre le fil historique, avec Renaud Zeebroek toujoursc’est dans le courant du XVIIIe siècle qu’on trouve mentionné Halloween pour la première fois.

On y célèbre alors, dans certains endroits d’Ecosse et d’Irlande et de manière diverse en fonction des régions, les pommes ou les noix et la fête est l’occasion de jeu d’adresses et de festivités autour de ces récoltes automnales. Elle donne quelquefois lieu à des « amusements » divinatoires et on y fait par exemple brûler des coquilles de noix pour projeter le devenir ou la possibilité qu’auront de jeunes couples de se former. Dans certains endroits, on la célèbre deco_halloweenencore par de grands feux ou des flambeaux. Il est alors assez peu question de déguisements et de tournées, et la seule relation au magique prend la forme de ces jeux de divinations. La fête a alors tous les dehors d’un événement familial, communautaire et rural. Elle s’inscrit dans le cadre chrétien et saisonnier et, à l’image d’autres fêtes de l’Europe catholique occidentale et du calendrier religieux d’alors, elle semble aussi célébrer l’arrivée de la nativité et l’approche de Noël. Si elle a existé, il n’y a guère de  trace d’une relation directe, ni même d’un rattachement au Samain celte à ce stade. Halloween concerne alors principalement des pratiques et traditions catholiques dans une Angleterre devenue officiellement protestante. N’étant plus encadrée par une pratique officielle, la fête aurait alors progressivement pris une nature plus ludique pour devenir « un amusement plus ou moins pris au sérieux et propre aux jeunes gens préoccupés par les rites de la séduction et les préparatifs du mariage ». (op cité).

Encore une fois, quand est-il avant cela ? Nous ne le savons pas. Selon l’auteur, si origine plus ancienne il y a, elle ne semble pas traçable concrètement, pour l’instant au moins, à l’aide de sources documentaires fiables.

Les heures américaines d’Halloween

Débarquée sur le terrain américain, Halloween, désormais bien implantée dans la culture des migrants, notamment ceux des classes supérieures, prendra encore un autre tour. C’est dans le courant du XIXe siècle, qu’on la trouve mentionnée pour la première fois sur le continent américain.  Elle sera, alors considérée comme typiquement écossaise. Les amusements et les divinations autour de la formation de jeunes couples seront encore présents même s’ils donneront moins lieu à des alliances durables. Ces derniers auront d’ailleurs tendance à disparaître avec le temps. Peut-être en se répandant dans d’autres couches sociales, la fête donnera aussi le jour à une nuit des mauvais tours ou des mauvaises farces. Ce dernier aspect, en s’urbanisant et sortant du cadre étroit des communautés rurales, prendra vite des allures de vandalisme et suscitera même la grogne, au point de conduire les jeunes contrevenants devant les tribunaux dès le début du XXe siècle. deco_halloweenMême si les milieux étudiants s’en seront emparés alors, montrant par là une récupération culturelle de la fête qui devient, dés lors, clairement « américaine », certains de ces débordements ne feront, dès lors, plus rire grand monde. Au passage, on notera qu’elle n’avait alors et depuis longtemps déjà, plus grand chose de spirituel et semblait devenir uniquement le signe du relâchement, pour ne pas dire d’une certaine forme de transgression.

Cette « nuit des méfaits » continuera, du reste, jusqu’à pratiquement la moitié du XXe siècle, prenant une nature plus préoccupante et plus excessive au fil des grandes crises économiques ou des guerres traversées. De fait, dans les années 40, on essayera du côté des institutions d’encadrement de la jeunesse, établissements scolaires et des pouvoirs publics de trouver des moyens pour atermoyer ces actes de vandalisme. Il semble que cette idée de « Trick or Treat »  durant les tournées, « une friandise ou un mauvais tour ? » émergera alors et sera encouragée. Une poignée de bonbons contre un acte de vandalisme ? Finalement, pour l’américain des années d’après guerre, l’affaire était vite réglée. Bien entendu, les commerçants de friandise et les magasins de déguisement surent aussi en tirer partie.

Pour finir, dans les années 80, on sera un peu plus réticent à laisser sortir les têtes blondes pour quémander des friandises à des inconnus et on verra alors de nouveaux divertissements émergés autour de la fête. C’est là qu’elle prendra plus résolument son côté surnaturel et horrifique, avec l’émergence, au passage, des déguisements issus du cinéma de genre. On verra alors certains adultes s’y joindre et se déguiser à leur tour.

Pour conclure

A_lettrine_moyen_age_passionlors, Halloween, fête des morts originellement païenne et celtique? Ni l’un, ni l’autre semble-t-il. A l’étudier avec le sociologue Renaud Zeebroek on en perd en tout cas largement le fil. Il se situe clairement à contre-courant des idées en vogue sur la question en démontrant qu’elles sont bien plus le fruit d’une mythologie séculaire, issue de la modernité, que d’une histoire deux fois millénaire. Est-ce une surprise ? Pas tant que cela. Le monde celte tel qu’on nous le représente, prend souvent, il faut bien le constater, des allures de fourre-tout. Il est de ce dernier comme il est du moyen-âge, un faire-valoir commode, un univers à la mode auquel on fait tout dire, la promesse d’un rêve ouvrant sur des espaces imaginaires infinis : »J’adooooore tout ce qui est celtique ! » « D’accord, mais qu’est-ce qu’il est vraiment ? » Et s’il existe un médiévalisme qui revisite le deco_halloweenmoyen-âge avec quelquefois bien plus de fantaisie que de sérieux, il existe aussi indéniablement un « celtisme » (pardonnez ce néologisme), territoire magique de tous les possibles, univers à succès, terre d’opposition aussi ou se mélange une certain « wiccanisme » ou paganisme des XIXe, XXe, bref, une mythologie bien souvent plus moderne que réellement ancienne, avec sans doute en arrière plan, un désir d’évasion spirituelle, loin des terres historiques d’une Europe des valeurs chrétiennes, dans un monde « projeté » de l’avant christianisme, même si, de ce monde là, par les sources écrites en tout cas, il faut bien reconnaître que nous ne savons que très peu de choses. Tout cela reste, en tout cas, une belle matière à débat et à réflexion.

En vous souhaitant, pour étrange que puisse paraître l’expression, elle ne l’est pas tant que ça, une heureuse fête de la Toussaint et une joyeuse fête des morts.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

L’ensemble médiéval Flor Enversa à la rencontre des troubadours et de Marcabru

troubadour_moyen-age-central_musique_chanson_poesie_medieval_occitan_oc_occitanie_MarcabruSujet : troubadours, langue d’oc, poésie, chanson et musique médiévale,  fine amour, amour courtois. ethnomusicologie.
Période : moyen-âge central, XIIe siècle
Auteur : Marcabru  (1110-1150)
Titre :  « Bel m’es quan son li fruich madur »
Interprète : Ensemble  FLOR ENVERSA

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous revenons aujourd’hui sur la poésie médiévale et bucolique du Troubadour Marcabru (Marcabrun) avec une très belle interprétation de sa chanson  « Bel m’es quan son li fruich madur », (J’aime quand les fruits sont mûrs) par l’ensemble médiéval FLOR ENVERSA que cet article va nous donner également la joie de vous présenter.

Trobar clus : la poésie hermétique et allégorique de Marcabru

marcabru_troiubadours_poesie_chanson_medievale_enluminure_miniature_retouchee_manuscrit_ancienMarcabru fait partie des trobar clus, autrement dit de ces troubadours qui pratiquent une poésie « fermée », soit relativement hermétique. On lui prête d’ailleurs souvent d’en être le chef de file. En opposition aux trobar leu ou au trobar ric qui sont dans une recherche stylistique mais dont les textes demeurent plus accessibles, Marcabru fait naître des images poétiques et allégoriques, use encore d’allusions qui ne se  livrent pas toujours facilement à la compréhension. Avec le recul du temps et la barrière de la langue, les choses se compliquent encore un peu plus, mais il n’est pas question pour autant de se priver d’approcher ce grand artiste et auteur du XIIe siècle.

Dans la poésie du jour, le troubadour nous parle de Fine Amor, autrement dit du bel amour courtois qui anoblit et élève et qu’il oppose aux pratiques des « amants perfides » et « trompeurs », qui l’avilissent et l’abaissent, même s’il en faudrait bien plus pour ternir  l’Amour véritable dont la valeur est si grande qu’il n’a ni fin, ni commencement et ne se laisse entâcher. Et comme dans de nombreux autres de ses textes, la nature vient servir de support à notre poète médiéval pour conter à la fois ses états d’âme mais aussi pour lui permettre d’illustrer son propos de manière allégorique. C’est un procédé que l’on rencontrera souvent, après lui, dans la poésie médiévale.

« Bel m’es quan son li fruich madur » par l’Ensemble Flor Enversa

FLOR ENVERSA, une formation médiévale
à la découverte de l’art des Troubadours

Fondé dans le courant de l’année 2006  par le chanteur, conteur et musicien Thierry Cornillon et la chanteuse, vieilliste, violoniste, flûtiste, Domitille Vigneron, l’ensemble FLOR ENVERSA  s’est donné pour vocation de faire revivre et redécouvrir le répertoire des troubadours occitans poesie_musique_medievale_troubadour_occitan_ensemble_Flor_enversa_Domitille_Vignerondes XIIe et XIIIe siècles.

La démarche artistique de la formation est soutenue par un sérieux travail de recherche en amont, dans les sources manuscrites, documentaires et graphiques en provenance du moyen-âge central, et l’ambition avouée des deux artistes est de se situer au plus près de cette tradition et cet art musical et poétique médiéval. Dans le même ordre d’idée, ils se sont penchés sur les instruments anciens et font même des recherches en archéo-lutherie pour les recréer. Inutile, bien entendu, d’ajouter que la langue chantée est aussi au plus près des manuscrits, mais faisons le tout de même. En un mot, nous sommes là face à un travail exigent de restitution qui se situe autant du côté artistique que du côté de l’ethnomusicologie.

A ce jour, FLOR ENVERSA a produit 4 albums sur leur thème de prédilection en s’entourant de collaborations diverses. En l’occurrence sur le morceau présenté aujourd’hui, les deux fondateurs de l’ensemble sont accompagnés d’Olivier Féraud. Pour dire un mot de cet autre Artiste, il est musicien et luthier spécialiste de la période médiévale, mais pas seulement, il est aussi docteur en anthropologie sociale et ethnologie, et membre de la Société poesie_musique_medievale_troubadour_occitan_ensemble_Flor_enversa_olivier_feraud_ethnomusicologieFrançaise d’Ethnomusicologie (voir profil détaillé d’Olivier Féraud). Outre nous fournir le plaisir de le mentionner ici, tout cela démontre, encore une fois, de tout le sérieux et de la rigueur que cet ensemble peut investir dans son approche de l’art des troubadours.

Fondateurs d’un festival sur ce même thème, le festival TROBAREA qui se donne en août, en Provence et à Vence et qui présentait cette année sa 3e édition, les deux artistes ont aussi eu l’occasion d’intervenir, à plusieurs reprises, dans des colloques pointus sur ce sujet qu’ils maîtrisent bien. Ils organisent d’ailleurs des stages sur la question faisant intervenir des contenus aussi divers que les sources manuscrites, l’archéo-lutherie, la découverte des modes de jeux et l’improvisation, mais aussi et bien sûr la langue d’Oc.

Notons encore que ces artistes passionnés qui ont à coeur la culture, la langue, la tradition orale, la musique, et, au sens large, les arts de leur belle Provence à travers le temps, ne se limitent pas au monde médiéval. Ils ont, en effet, crée  également BLANCAFLOR un ensemble dédié aux musiques de la renaissance en langue d’oc, et  SIRIGAUDA, une  troisième formation qui se propose de faire découvrir les chants et les poesie_musique_medievale_troubadour_occitan_ensemble_Flor_enversa_Thierry-Cornillondanses traditionnels de la Provence alpine.

Quoiqu’il en soit et pour en revenir au sujet du jour, si vous aimez l’art médiéval unique des troubadours des XIIe et XIIe siècles et leur langue d’Oc aux accents chantants, ou si vous êtes même simplement curieux de les découvrir, vous apprécierez, sans nul doute, le travail artistique de Thierry Cornillon, Domitille Vigneron et de leur formation  FLOR ENVERSA.

Pour plus d’informations les concernant, ainsi que sur leur actualité, n’hésitez pas à consulter leur site web très complet : flor-enversa.com 

Bel m’es quan son li fruich madur
Paroles et approche de traduction

La traduction que nous vous livrons ici est tirée des oeuvres complètes de  Marcabru, annotées et traduites par le Docteur Jean-Marie Lucien Dejeanne (1842-1909) qui écrivit aussi sous le pseudonyme de Nabaillet. Historien local, romaniste et spécialiste de littérature gasconne, l’homme était également médecin et maire de la commune de Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées).

L’ouvrage fut publié, en 1909, à titre posthume et l’auteur lui-même ne considérait pas l’édition comme définitive. Il l’avait, en effet, engagé avec l’intention de proposer une première classification de la poésie marcabru_poesie_chanson_troubadour_gascon_medieval_occitan_traductionsdu troubadour médiéval  et concernant la traduction qu’il en fit, il entendait ouvrir des pistes pour la compréhension, « aiguillonner » même pourra-t-on lire en préface de son livre, plus qu’il ne prétendait l’épuiser totalement. De son propre avis, cette dernière n’a donc pas la prétention de la perfection.

Pour en dire encore un mot, elle est littérale, parfois intuitive, souvent assurée (peut-être trop de l’avis même encore du bon docteur lui-même). Elle ne cherche en tout cas pas l’adaptation en vers. Bien évidemment, dans le texte français, la poésie de Marcabru se dilue totalement, mais il y a toujours trois choix face à une poésie et quelque soit sa langue : la traduire et tenter d’en approcher le sens, ne pas la traduire et simplement laisser les lecteurs goûter à sa musicalité, en espérant qu’elle leur suffise et enfin l’adapter en vers et se distancier définitivement de la langue originale. Quand on aime la poésie autant que les langues, une traduction littérale même imparfaite, même si, encore une fois, elle ne peut rendre totalement justice à la beauté poétique du texte originel, demeure tout de même utile à plus d’un égard; elle n’empêche pas, par ailleurs et après coup de revenir vers le texte source pour mieux l’apprécier. Nous faisons donc le choix volontaire et assumée de la publier ici, dusse-t-elle laisser en suspens quelques interrogations.


I
Bel m’es quan son li fruich madur

E reverdejon li gaïm,
E l’auzeill, per lo temps escur,
Baisson de lor votz lo refrim,
Tant redopton la tenebror;
E mos coratges s’enansa,
Qu’ieu chant per joi de fin’ Amor
E vei ma bon’ esperansa.

J’aime quand les fruits sont mûrs
et que reverdissent les regains,
et quand les oiseaux, par le temps obscur,
baissent le ramage de leur voix,
tant ils redoutent les ténèbres;
Et mon coeur est transporté,
Car je chante par joie le fine Amour
et je vois ma bonne espérance.

II
Fais amie, amador tafur,

Baisson Amor e levo·l crim,
E no·us cuidetz c’Amors pejur,
G’atrestant val cum fetz al prim
Totz temps fon de fina color,
Et ancse d’una semblansa;
Nuills hom non sap de sa valor
La fin ni la comensansa.

Faux amis, amants perfides
rabaissent Amour et relèvent le crime;
et ne vous imaginez pas qu’Amour soit devenu pire (en soit entaché),
car il vaut autant qu’aux premiers jours
toujours il fut de pure couleur
et d’une même apparence;
nul homme ne sait de sa valeur [de son pouvoir]
la fin ni le commencement.

III
Qui·s vol si creza fol agur,

Sol Dieus mi gart de revolim
Qu’en aital Amor m’aventur
On non a engan ni refrim
Qu estiu et invern e pascor
Estau en grand alegransa,
Et estaria en major
Ab un pauc de seguransa.

Croira qui voudra les folles augures
Dieu seul me garde de changer
car je m’aventure en un Amour
sans trouble, ni tromperie
En été comme hiver et pâques [printemps],
je suis en grande allégresse
et je l’aurais encore plus grande
avec un peu plus de certitude (sécurité).

IV
Ja non creirai, qui que m’o jur,

Que vins non iesca de razim,
Et hom per Amor no meillur
C’anc un pejurar non auzim,
Qu’ieu vaill lo mais per la meillor,
Empero sivm n’ai doptansa,
Qu’ieu no’m n’aus vanar, de paor
De so don ai m’esperansa.

Jamais je ne croirai, quiconque me le jure,
que le vin ne sorte pas du raisin
Et que l’homme par Amour ne soit pas rendu meilleur,
car jamais nous n’avons appris
qu’un seul en soit devenu pire,
cependant j’ai de l’incertitude,
Au point que je n’ose  m’en vanter, par peur
de ce qui est l’objet de mon espérance. (de perdre)

V
Greu er ja que fols desnatur,

Et a follejar non recim
E folla que no’is desmesur;
E mais albres de mal noirim,
De mala brancha mala flor
E fruitz de mala pesansa
Revert al mal outra’l pejor,
Lai on Jois non a sobransa.

Il sera certes difficile que le fou se dénature
et ne recommence pas à faire des folies,
et que folle (folie?) soit sans démesure
mauvais arbre vient de mauvaise nourriture,
de mauvaise branche, mauvaise fleur,
et fruit de mauvaise pensée
retourne au mal, sinon au pire,
là où Joie n’est pas souveraine.

VI
Que l’Amistat[s] d’estraing atur

Falsa del lignage Caïm
Que met los sieus a mal ahur,
Car non tem anta ni blastim,
Los trai d’amar ab sa doussor,
Met lo fol en tal erransa
Qu’el non remanria ab lor
Qui·l donava[n] tota Fransa.

L’amitié perverse aux étranges attachements
des descendants de Caïn
les entraîne dans le malheur,
car elle ne craint honte ni blâme,
les empêche d’aimer par sa douceur ( les éloigne de l’Amour vrai);
elle met le:fou en telle erreur (errance ? perplexité)
qu’il ne resterait plus avec ceux  (qu’ils ne s’y résigneraient même pas)
même si on leur donnait la France entière (?)


En vous souhaitant une merveilleuse journée.
Frédéric EFFE.

Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

La Cantiga 49 par l’ensemble Syntagma et un mot du culte marial

musique_medievale_cantigas_santa_maria_166_enluminures_moyen-ageSujet : musique médiévale, Cantigas Santa Maria, galaïco-portugais, lyrisme médiéval, culte marial,
Période : 
XIIIe, moyen-âge central
« Auteur » : 
Alphonse X de Castille, Alphonse le Sage (1221-1284)
Interprète : 
Ensemble Syntagma
Titre: 
Cantiga de Santa Maria 49

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous suivons de nouveau, aujourd’hui, le fil des Cantigas de Santa Maria, célèbres chants et odes à la vierge composés sous le règne et sous la férule d’Alphonse X de Castille.

Cette fois, nous parlons de la Cantiga 49, et nous vous en présentons une version interprétée par l’excellent ensemble de Musiques Anciennes Syntagma. Pour plus d’informations sur cette formation musicale et son directeur Alexandre Danilevsky, nous vous invitons à vous reporter à l’article détaillé les concernant. Nous en profitons Alphonse le Sage, médiateur entre la Sainte Vierge et les musiciens, Cantigas Santa Maria, Miniature du Manuscrit MS TI1 de l'Escorialaussi pour toucher  un mot du culte marial dans l’Occident médiéval et chrétien.

Alphonse le Sage, ici « conteur » des Cantigas Santa Maria et médiateur entre la Vierge et les musiciens, Miniature du Manuscrit MS TI1 de l’Escorial, XIIIe  (1284)

La Cantiga 49 : des pèlerins perdus & sauvés, histoire d’un miracle et d’une apparition

En introduction de ce chant poétique galaïco-portugais du XIIIe siècle, dédié à la Sainte-vierge, on trouve la phrase suivante : « Esta é de como Santa Maria guiou os romeus, que yan a sa eigreja a seixon e erraran o camo de noite. »  

Ce qui donne, une fois adapté en français moderne :  « Cette Cantiga conte comment Sainte-Marie guida les pèlerins qui se rendaient à son église de Soissons et s’étaient perdus la nuit, en chemin. »

Ainsi, ce chant nous narre le récit de pèlerins que la nuit avait surpris en pleine montagne. Perdus et effrayés, ils se mirent à redouter l’attaque de voleurs et à prier la vierge de leur pardonner leurs péchés et de les protéger, afin qu’aucun mal ne leur soit fait. Le deco_medieval_moyen-age_chretienmiracle survint et la Sainte leur apparut dans une grande lumière pour les guider dans l’obscurité,  jusqu’à leur destination. Comme le conteur (est-ce Alphonse le sage lui-même?) nous le rapporte, à la fin du chant, dès leur arrivée à l’église de Soissons, nos voyageurs, sains et saufs, se mirent à genoux devant l’autel et prièrent, à nouveau, la vierge pour la remercier.

Bien sûr, entre temps, le poète nous aura expliqué à quel point tout cela démontre combien il faut se garder de faire le mal et garder foi en la Sainte Vierge qui jamais n’oublie ses ouailles. Elle vient, nous dira-t-il encore, les secourir des « grands soucis et angoisses qui ne cessent de les assaillir » et cette histoire n’est qu’un exemple parmi tant d’autres des miracles qu’elle peut accomplir pour ceux qui lui sont dévoués, car « il a vu de nombreuses hommes et femmes qu’elle a assistés, de jour comme de nuit ». Comme le chant le scandera d’ailleurs tout du long, en guise de refrain :

« Ben com’ aos que van per mar
a estrela guia, 
outrossi aos seus guiar 
vai Santa Maria. »

« Comme ceux qui vont par les mers,
sont guidés par l’étoile
Elles vient aussi  guider les siens
Sainte-Marie. »

La Cantiga Santa Maria 49, dirigée par le talentueux  Alexandre Danilevsky

L’importance du culte marial au moyen-âge central

Présent à l’origine du christianisme et dans son essence même pourrait presque t-on dire, le culte autour de la Sainte Vierge, prendra dans l’occident médiéval, et à partir du XIe siècle, des proportions fortement marquées. On lui vouera alors un véritable amour et quand on ne voudra, ni n’osera s’adresser directement à Dieu, ou même au Christ (qui plus que le « fils » du créateur est aussi considéré comme Dieu lui-même incarné et mort en croix. cf Thibaut de Champagne), on s’adressera souvent et avec, poesie_musique_medievale_cantigas_santa_maria_alphonse_X_le_Sage_manuscrit_ancien_escurial_XIIIe_sièclesemble-t-il plus de facilité, à sa Sainte-Mère dans l’espoir qu’elle intercède auprès de lui.

Alphonse le Sage, priant devant la vierge Marie et l’arbre de Jessé, Cantigas Santa Maria, Miniature du Manuscrit MS TI1 de l’Escorial (1284) 

De la même façon, pour paraphraser l’historien, écrivain et académicien chrétien Daniel Robs (1901-1965), spécialiste de ces questions dans un article de 1952 (références plus bas dans cet article), on se tournera plus favorablement vers les Saints dans une recherche de « médiateurs » qui apparaissent plus proches, peut-être plus terrestres et donc mieux à même de comprendre les faiblesses de notre nature humaine, autant que les souffrances et les petites misères à laquelle elle se trouve exposée.

Quoiqu’il en soit, pour en revenir au culte voué à Sainte-Marie, il s’étendra dans l’Europe catholique, bien au delà de l’Espagne médiévale et ne se limitera pas, loin s’en faut, aux Cantigas de Santa Maria. La puissance de cette dévotion religieuse, mais aussi affective et directe, qui pourra même parfois prendre des tours passionnels, s’affirmera encore aux XIIe et XIIIe siècles.

deco_medieval_moyen-age_chretien« Marie, Mère du Christ, est aimée d’un amour qui ne ressemble à nul autre, comme une mère à qui l’on cache ses peines, comme à une avocate qui plaidera en haut lieu la cause des pécheurs, et même presque comme une surnaturelle amante ; n’est-elle pas celle que le franciscain Jacques de Milan, dans l’Aiguillon d’amour, appelle « la ravisseuse des cœurs » ? On recherche dans l’Ancien Testament les figures qui prophétisent la sienne ; on médite – Eva, Ave, – le mystère qui fait que la faute de la première femme ait été rachetée par le moyen d’une autre femme.  »
Daniel-Rops  – Le Moyen-âge époque mariale.
Revue 
Marie (1952)

Pour faire écho à cette citation, on retrouve d’ailleurs littéralement cette idée du rachat de la faute de l’Eve originale, dans cette Cantiga 49 : « Ca ela nos vai demostrar  de como nos guardemos  do demo e de mal obrar, e en como gãemos o seu reyno que non á par, que nos ja perdemos  per don’ Eva, que foi errar per sa gran folia ». « Elle (la Sainte Vierge) nous montrera comment nous garder du démon et du mal, et comment nous gagnerons son Royaume sans égal, et ce que nous avons perdu par la faute de Doña Eva, qui est tombée dans l’erreur par sa grande folie. » 

Ainsi donc, on lui élèvera des cathédrales que l’on baptisera de ce « Notre Dame » que les cisterciens auront contribué à consacrer et promulguer dans un rapprochement avec les valeurs courtoises qui confirme encore la nature fortement affective de la relation qu’on entretient avec la Sainte. On fera de grands pèlerinages vers ses lieux saints (cathédrales, églises ou lieux d’apparition). On donnera encore pour elle des miracles. Bernard de Clairvaux, empreint de deco_medieval_moyen-age_chretiendévotion, s’enflammera pour elle et les poètes du moyen-âge lui voueront encore d’innombrables odes, hommages ou prières.  Au final, le culte marial se répandra dans le monde chrétien et son imagerie, et Sainte-Marie trouvera, au sein de l’église comme dans le coeur des hommes du moyen-âge, une place bien plus grande qu’aucune époque lui avait jamais consacrée, devenant indissociable de la religion catholique et de l’occident médiéval, ce qui fera encore dire à l’Historien Daniel Rops dans un grand élan, indéniablement affectif et chrétien :

« Ainsi, en occupant dans la religion la place éminente que nous lui voyons, le culte de la Vierge donne au Christianisme une nuance de tendresse unique, irremplaçable : il est un des fleurons du Moyen Âge. »  Daniel Rops. – Opus cité. 

Les paroles originales de la Cantiga 49

On notera que, dans la version musicale présentée plus haut, le texte de la Cantiga 49 est plus court que l’original et ne présente que la première partie de l’histoire. De notre côté, nous avons choisi de vous livrer, ici, le texte complet.

Au passage, pour les plus anglophones d’entre vous, notez que l’Université d’Oxford a mis en ligne un base de données très utile pour l’étude et la compréhension des Cantigas de Santa Maria. Vous n’y trouverez pas la traduction littérale de l’ensemble des chants, mais de bonnes pistes pour les comprendre et surtout d’excellentes références en termes de bibliographie, de manuscrits anciens et d’imagerie médiévale. Si cela vous intéresse, elle se trouve ici : The Oxford Cantigas de Santa Maria Database.

Ben com’ aos que van per mar
a estrela guia,
outrossi aos seus guiar
vai Santa Maria.

Ca ela nos vai demostrar
de como nos guardemos
do demo e de mal obrar,
e en como gãemos
o seu reyno que non á par,
que nos ja perdemos
per don’ Eva, que foi errar
per sa gran folia.

Ben com’ aos que van per mar …

E ar acorre-nos aqui
enas mui grandes coitas,
segund’ eu sei ben e oý,
quaes avemos doitas;
ca muitos omees eu vi
e molleres moitas
a que el’ acorreu assi
de noit’ e de dia.

Ben com’ aos que van per mar…

E, segund’ eu oý dizer,
ha mui gran conpanna
de romeus ar foi guarecer
en ha gran montanna,
en que ss’ ouveran de perder
con coita estranna,
porque lles foi escurecer
e perderon via.

Ben com’ aos que van per mar…

E sen aquest’ un med’ atal
enos seus corações
avian mui fero mortal,
ca andavan ladrões
per y fazendo muito mal;
porend’ orações
fezeron todos y sen al,
quis come sabia.

Ben com’ aos que van per mar…

E chamand’ a Madre de Deus,
com’ é nosso costume,
que dos graves pecados seus
perdess’ ela queixume;
e logo aqueles romeus
viron mui gran lume
e disseron: «Ai, Sennor, teus
somos todavía.»

Ben com’ aos que van per mar…

E en aquel gran lum’ enton
viron ha mui bela
moller de corp’ e de faiçon,
e ben come donzela
lles pareceu; e pero non
siia en sela,
mas ta na mã’ un baston
que resprandecia.

Ben com’ aos que van per mar…

E poi-la donzela chegou,
todas essas montannas
do seu gran lum’ alumou,
e logo as compannas
dereito a Seixon levou
e per muit’ estrannas
terras en salvo os guiou
come quen podia.

Ben com’ aos que van per mar
a estrela guia,
outrossi aos seus guiar
vai Santa Maria.

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

 

Médiévales d’automne, le château de foix fête le retour glorieux de ses chevaliers

foix_ville_medievale_festival_festivites_moyen-age_idees_sortiesSujet : agenda,reconstitution, fêtes historiques, médiévales, tournoi,
Période : moyen-âge central, 1362
Evénement : Médiévales d’Automne « Revivez le temps des chevaliers »
Lieu : Château de Foix (Ariège)
Date : les 7 et 8 octobre 2017

Bonjour à tous,

Q_lettrine_moyen_age_passionuelle belle programmation que celle qui permet, d’une fête Médiévale à l’autre et dans un même lieu, de se replonger au coeur du moyen-âge lointain, tout en suivant le vrai fil de l’Histoire.

Dans notre article de mai dernier sur les médiévales de printemps du château de Foix, nous avions laissé l’endroit en 1362. La belle forteresse était alors en effervescence et sur le pied de guerre puisqu’il était question pour Gaston Fébus (ou Phébus) et ses troupes d’aller croiser le fer contre les Armagnacs. Et voilà que cette fin de semaine,  à l’occasion des médiévales d’automne du château, ils nous reviennent, cette fois, fetes_journees_animations_medievales_chateau_foix_ariege_reconstitution_historique_XIVe_moyen-agede la bataille, les fiers chevaliers, au côté de leur Lion des Pyrénées, victorieux et joyeux.

Ont-ils déjà les poches pleines d’avoir soutiré l’énorme rançon pour la prise de Jean 1er comte d’Armagnac et de son allié le baron de Launac dont on dit qu’elle fit à l’époque  du seigneur de Foix un des hommes les plus fortunés de son temps ? Peut-être. La liesse sera, en tout cas, de la partie, n’en doutons pas, pour célébrer leur grande victoire à la bataille de Launac.

Au programme des médiévales d’automne du château de Foix

P_lettrine_moyen_age_passion copiaour animer la fête et la célébration, plus de 50 reconstituteurs seront présents au château, cette fin de semaine. Durant deux jours, un grand camp sera dressé avec de nombreux ateliers participatifs et d’initiation :  artisanat (forge, taille de pierre etc,…), techniques de tir à l’arc et à l’arbalète, fabrication de cotte de maille et d’arcs, Des visites seront aussi organisées par des personnages haut en couleurs. Venus du moyen-âge pour l’occasion, ils vous serviront de guides, au sein du XIVe siècle, sur des thèmes aussi variés que  la vie quotidienne, l’art de la calligraphie et des copistes, les armes de guerre, et encore l’architecture médiévale et les techniques de construction en usage à cette époque.

foix_fetes_animations_journees_medievales_chateau_ariege_chevalier_gaston_febus_moyen-age

Le samedi et le dimanche, en milieu d’après-midi, un grand tournoi de bretteurs sera aussi organisé en l’honneur de Gaston Fébus qui sera, bien entendu, présent pour l’occasion. Dans les animations prévues, on notera encore la présence du chroniqueur Olivier de Robert, célèbre conteur et écrivain ariégeois.  Accompagné de troubadours, jongleurs et ménestrels, il fera revivre pour vous, par le menu détail, le récit de la grande bataille.

tournoi_chevalier_gaston_phebus_febus_chateau_foix_animations_fetes_medievales_2017_ariege_XIVeConsultez le programme des  Médiévales d’automne du château de Foix ici

En bref et comme à l’habitude, c’est un véritable voyage dans le temps et une belle sortie qui vous attendent ce week end, entre les remparts du château de Foix. Au passage, nous en profitons pour saluer l’oeuvre du département de l’Ariège, propriétaire de ce bel édifice médiéval et monument historique classé, pour la qualité des manifestations historiques qui s’y trouvent organisées. En plus de leur dimension festive, il y a toujours là de grands efforts de scénarisation et un véritable parti-pris de restitution historique, mais aussi de transmission. Et puisque nous y sommes, saluons aussi l’excellent travail de communication fait par le site web sites-touristiques-ariege.fr autour de ces événements. Alors encore Bravo à eux et longue vie aux journées médiévales de Foix, en toute saison ! Quant à ceux qui pourront s’y rendre ce week end, nous vous souhaitons d’y passer d’excellents moments.

Une très belle journée à tous !

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes