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Une Chanson de Rencontre, du Trouvère Moniot de Paris

toubadour_trouvere_musique_poesie_monde_medievale_moyen-ageSujet : musique, poésie médiévale, trouvère, chanson ancienne,
Titre : «Je chevauchoie l’autrier », chanson de rencontre » ou de « mal mariée »
Auteur: Jehan Moniot de Paris ( ? 1200 ?)
Période : XIIIe siècle, Moyen Âge central
Interpréte : Marc Mauillon , Festival   Muzyka w Raju, Pologne, 2015

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous partons aujourd’hui au XIIIe siècle avec une chanson du trouvère Moniot de Paris. Elle nous conte les déboires d’une mal-mariée flirtée en chemin par l’auteur qui  « chevauchoait » sur les bords de Seine avant de la rencontrer. Le texte emprunte en partie au genre de la Pastourelle et ce « l’autre jour alors que j’allais chevauchant » est aussi un départ « classique » que l’on retrouve dans plusieurs chansons du Moyen Âge. En revanche, en fait de pastourelle, il n’y a ici chanson_poesie_medievale_trouvere_XIIIe_moyen-age_central_oil_vieux_francaispoint de bergère ici, sinon un dame ( bourgeoise? ) mal mariée à un vilain et qui s’en plaint, ce qui n’est pas d’ailleurs pour déplaire au galant qui semble plutôt en prendre son partie et y voir l’occasion d’inviter la belle à convoler avec lui.

Il existait vraisemblablement au XIIIe siècle, au moins trois trouvères contemporains les uns des autres, et connus sous le nom de Moniot : Moniot d’Arras, Moniot de Paris et Moniot.  La question de l’attribution de leurs oeuvres respectives s’est donc posée, entre les spécialistes de littérature et de poésie médiévale  pour un certain nombre de pièces pour finir par être à peu près tranchée. Le Moniot qui nous intéresse aujourd’hui, Jehan Moniot de Paris à légué neuf poésies/chansons et on lui prête généralement la paternité du Dit de Fortune (écrit autour de 1278 par un Monniot avec double n), même si cela reste sujet à débat.

De la même façon, on a avancé que Moniot avait pu être un surnom pour désigner un « petit moine ». Dans cette hypothèse, l’auteur aurait donc été frère avant de se faire trouvère, mais, en réalité, il est difficile d’en être tout à fait sûr puisque, hormis les quelques chansons qu’on peut lui attribuer, on ne sait  pratiquement rien de sa vie.

L’interprète du jour Marc Mauillon

C’est le  baryton Marc Mauillon et son grand talent qui nous accompagnent dans ce voyage à la découverte du trouvère Moniot de Paris  et de cette poésie du marc_mauillon_repertoire_trouvere_poesie_chanson_medievale_moyen-age Moyen Âge central.

Seul en scène, a cappella et devant une salle comble au Festival polonais de musiques anciennes  Muzyka w Raju dont nous vous avons déjà touché un mot ici, l’artiste lyrique nous donnait à entendre, avec virtuosité, cette chanson du XIIIe siècle dans le verbe de son vieux-français original.

Son choix d’interprétation minimaliste est aussi heureux qu’audacieux. Loin des grandes orchestrations, il  nous permet d’approcher  cette poésie et sa langue de manière directe et entière, autant que de nous tenir au plus près de l’Art de ces « trouveurs » qui allaient souvent solitaires, de cour en cour et de lieu en lieu pour y chanter leur poésie et  trouver ainsi leur pitance.

Chanson de rencontre
ou chanson de Mal-marié

Je chevauchoie l’autrier
Sur la rive de Saine :
Dame de joste un vergier
Vi plus blanche que laine
Chançon prist a commencier
Souef a douce alaine.
Mult doucement li oi dire et noter :
« Honis soit qui a vilain me fist doner!
J’aim mult meus un poi de joie a demener
Que mil mars d’argent avoir et puis plorer. »

Hautement la saluai
De Deu le fil Marie
El respondi sans delai :
« Jhésus vous benïe! »
Mult doucement li priai
Qu’el devenist m’amie.
Tot errant me commençoit a raconter
Comment ses maris la bat por bien amer.
J’aim mult meus un poi de joie a demener
Que mil mars d’argent avoir et puis plorer.

« Dame, estes vos de Paris?
– Oil, certes, biau sire :
Seur Grand Pont maint mes maris,
De mauvès tout li pire.
Or puet il estre marris,
Jamès de moi n’iert sire.
Trop est fel et rioteux, trop puet parler;
Car je m’en vueil avec vos aller joer.
J’aim mult meus un poi de joie a demener
Que mil mars d’argent avoir et puis plorer.

Mal ait qui me maria,
Tant en ait or li prestre;
A uin vilain me dona
Felon et de put estre.
Je croi bien que poir n’a
De ci jusqu’à Vincestre.
Je ne pris tout son avoir pas mon soller
Quand il m bat et laidange por amer.
J’aim mult meus un poi de joie a demener
Que mil mars d’argent avoir et puis plorer.

En non Deu je aimerai
Et si serai amée
Et mon mari maudirai
Et soir et matinee,
Et si me renvoiserai
El bois sos la ramée.
Dames de Paris, amée, lessiés ester
Vos maris et si venés o moi joer
J’aim mult meus un poi de joie a demener
Que mil mars d’argent avoir et puis plorer.

En vous souhaitant une  merveilleuse journée et une bon début de semaine dans la joie.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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Bernay en normandie célèbre Les Médiévales de Judith de Bretagne

bernay_lieux_interet_histoire_medievale_fetes_judith_de_bretagne_moyen-age_centralSujet : fêtes, festivités, marché, animation, compagnies médiévales, sortie historique, agenda week end,
Période: moyen-âge central (an 1000)
Lieu : Bernay  (Eure, Normandie)
EvénementsLes Médiévales de Judith
Dates : les 17  & 18  juin 2017

Bonjour,

N_lettrine_moyen_age_passionous ajoutons un événement de plus à l’agenda des fêtes et réjouissances médiévales de cette fin de semaine. Il se déroule cette fois ci en Normandie, à Bernay, et l’on y célébrera les mille ans de la disparition de Judith de Bretagne.

fetes_festivites_medievales_judith_de_bretagne_bernay_moyen-age_centralInscrite depuis 2012 au label Villes et pays d’art et d’Histoire, Bernay est un cité de charme dont l’origine nous ramène aux portes du XIe siècle et du moyen-âge central.

Dans les premières années de l’an Mil, Richard II, duc de Normandie, concède le site en douaire à son épouse Judith de Bretagne. Elle y fondera bientôt une abbaye et la zone, marécageuse avant cela, ne le demeurera guère longtemps. Sous la coupe des bénédictins, de lourds travaux d’aménagement et d’assainissement y seront, en effet, entrepris ainsi que la construction d’une abbatiale.

A partir de là, le site suivra son développement commercial et économique et à la fin du XIIe siècle, Bernay sera au coeur d’une industrie du drap florissante, et ouvrira encore ses richesses et ses productions à l’ensemble de sa province, à l’occasion de foires et de grands marchés. Au XIIIe siècle, la cité recevra la bénédiction de Saint Louis  (Louis XI) en personne qui y fondera un hôtel dieu.

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Durant ce même siècle, la découverte d’un statuette de la vierge « Notre-Dame de la Couture » dont la légende conte qu’elle aurait été déterrée par un mouton donnera naissance à la construction d’une église et de nombreux pèlerins accourront bientôt en nombre vers l’endroit pour le visiter. Après un XIVe siècle mouvementé, sous les assauts de la guerre de cent ans et les changement de main, la ville sera finalement reprise et reviendra à nouveau à la couronne française.

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Le programme des Médiévales de Judith

C_lettrine_moyen_age_passionette fin de semaine et pour toute la durée du week end, c’est donc sa fondatrice Judith de Bretagne que la cité se propose de célébrer en fêtant les mille ans de sa mort, datant du 16 juin 1017.

judith_de_bretagne_bernay_histoire_medievale_fetes_celebration_moyen-ageDeux jours complets de festivités lui seront donc réservés avec marché médiéval, arts, animations et musique de rue, spectacles gratuits : contes et légendes, fauconnerie, meneurs de loup, spectacles équestres, et j’en passe.

Il y aura aussi un camp médiéval mené par plusieurs compagnies conjointes : Les Galops de l’histoire, La Mesnie des Chevaliers de St Georges et St Michel, La Guilde Médiévale. Au programme, vie de camp comme au moyen-âge avec diverses échoppes effectuant devant vous force démonstrations d’artisanat d’époque. On pourra également s’y s’initier à l’escrime médiévale, assister à des tirs de balistes et aussi, découvrir les techniques de combats issus du  célèbre et mystérieux manuscrit de Talhoffer.  Précisons encore que tout au long de ces célébrations, de nombreux ateliers y ont été ménagés pour le jeune public.

Avant d’en conclure, nous ne résistons pas à l’envie de vous donner un avant-goût du spectacle de feu prévu le samedi en nocturne et mené pas la Compagnie artistique Agartha.

Pour le reste, retrouvez tout le programme des Médiévales de Judith de Bretagne à Bernay ici.

En vous souhaitant une excellent week end quels que soient les lieux et les joies vers lesquels vous mènent vos pas.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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Tournoi Médiéval et Béhourd au Palais du Tau de Reims, site historique d’exception

behourd_art_martial_combat_arme_armure_reconstitution_historique_tournoi_chevalerie_joute_medieval_moyen-ageSujet: Béhourd, combat,tournoi, armes et armures anciennes,chevalerie, art martial médiéval, , reconstitution historique, lieux d’intérêt.
Période: moyen-âge central à tardif
Evénement : Tournoi Médiéval au Palais du Tau
Lieu  : Reims ( Marne, Grand Est)
Date : Samedi 17 juin 2017
Organisateurs : Fédération française de Béhourd Centre des monuments nationaux.

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passione samedi, le Palais archiépiscopal du Tau à Reims accueille, dans sa cour d’honneur, douze équipes venues de la France entière pour un Tournoi de Béhourd exceptionnel. Au programme, charges en armures et fers croisés, durant un après-midi complet, les preux combattants s’affronteront en  mêlée de 5 VS 5.

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Quand Béhourd & combat médiéval
riment avec patrimoine

O_lettrine_moyen_age_passionrganisée et encadrée par la Fédération Française de Béhourd, pour le Centre des monuments nationaux, l’objectif de l’événement est à la fois de livrer un grand spectacle de combat à l’arme ancienne, tout en valorisant le cadre historique et deco_medievale_epeepatrimonial du somptueux Palais du Tau.

L’idée est, à tous points de vue, excellente et en plus de ravir le public, elle ne peut que séduire également les pratiquants de Béhourd qui sont, en général, aussi enthousiastes à l’idée d’en découdre qu’ils sont férus et passionnés de moyen-âge et de lieux chargés d’Histoire.

Avant d’aller plus loin et si vous souhaitez plus d’information sur cet art martial qui fait revivre les combats anciens en armures et armes d’époque (très précisément reconstituées), nous vous invitons à lire cet article: Sylvain Tape-dur et la passion du Béhourd. (au passage, comme Sylvain fait partie de l’équipe des hommes du Nord qui se trouvera sur place et qu’il contribue lui aussi sur place à Reims, ce samedi).

behourd_combat_medieval_armures_armes_anciennes_moyen-age_tournoi_Reims_Palais_monument_patrimoine

Le Palau du Tau,
haut lieu de l’Histoire de France

A_lettrine_moyen_age_passionccolé à la belle cathédrale gothique, le Palais du Tau  fut, depuis le haut moyen-âge et dès le Ve siècle, le lieu de résidence des évêques et archevêques de Reims.

La présence de la Sainte Ampoule, relique hautement sacrée dont la légende conte qu’une colombe l’apporta du ciel à Saint-Rémi afin qu’il l’utilisa lors de la cérémonie de baptême de Clovis, célèbre premier roi Franc chrétien et personnage mythique de l’histoire de France, tout cela, associé à la puissance politique de l’archevêché de bapteme_clovis_reims_haut_moyen-age_cathedrale_sacre_roi_de_franceReims, a fait de l’endroit, un lieu d’exception et de grande importance historique depuis le haut moyen-âge mais peut-être plus encore, depuis le moyen-âge central.

(ci-contre, détail,
le Baptême de Clovis,
Jean Alaux, 1825) 

De fait, à partir du XIe siècle, le Palais du Tau a également fait office de résidence royale, puisque durant 800 ans, de Henri 1er en 1027 à Charles X en 1825, la cathédrale est devenue le lieu officiel du Sacre des monarques français. A quelques rares exceptions près, le Palais a ainsi vu la grande majorité d’entre eux y célébrer leur couronnement.

1179, Sacre de Philippe-Auguste à Reims - Grandes Chroniques de France par Jean Fouquet, XVe, BnF MS Français 6465
1179, Sacre de Philippe-Auguste à Reims – Grandes Chroniques de France par Jean Fouquet, XVe, BnF MS Français 6465

A_lettrine_moyen_age_passionu fil des siècles. l’ensemble du site qui héberge le Palais du Tau et la cathédrale a été l’objet de nombreux aménagements, rénovations, et reconstructions. L’eau a coulé sous les ponts depuis la première cathédrale du Ve siècle qui vit se baptiser de Clovis, jusqu’à l’actuelle, et le palais lui-même a connu de profondes transformations architecturales, passant du roman au gothique flamboyant du XVe siècle, pour finir par se fixer dans une forme classique dans le courant du XVIIe siècle.

Son histoire architecturale ne s’arrête pas là puisqu’il a été encore l’objet d’une campagne de restauration au début du XIXe, à l’occasion du Sacre de Charles X. Près d’un demi-siècle plus tard, en 1860, le célèbre architecte Eugène Viollet-Le-Duc mettra lui-même la main à la pâte en restaurant une partie du bâtiment. Par la suite, fortement endommagé par les bombardements de la première guerre palais_du_tau_reims_monument_historique_patrimoine_national_residence_royale_moyen-age_centralmondiale, comme le fut aussi la cathédrale, le palais connut, au milieu de XXe siècle, un autre vaste de chantier de reconstruction.

Il est, depuis 1907, classé monuments historiques et se trouve également inscrit, depuis 1991 au patrimoine mondial de l’UNESCO, tout comme la cathédrale.

Ce samedi, c’est donc dans la cour du palais, contemplés par plus de mille cinq cent ans d’Histoire et sous le regard de toute la royauté française passée, que nos valeureux combattants et guerriers du Béhourd, presque mais pas tout à fait tout droit sortis du moyen-âge, puisqu’ils sont bien de notre temps, croiseront vaillamment le fer, le temps d’un tournoi épique.

Pour les Informations, tarifs et détails pratiques sur l’événement, rendez-vous sur le site web du centre des monuments nationaux.

En vous souhaitant une merveilleuse journée et une excellente fin de semaine !

Fred
Pour moyenagepassion.com

« Pardonnez-moi, Prince, si je
s
uis foutrement moyenâgeux. »

Georges Brasssens – Le moyenâgeux –  1966

Quan vei la lauzeta mover: Bernart de Ventadorn, grand troubadour du XIIe siècle

trouveres_troubadours_musique_poesie_medievale_musique_ancienneSujet : musique, poésie, chanson médiévale, troubadours, occitan, langue occitane, amour courtois, fin’amor, langue d’oc.
Période : moyen-âge central, XIIe siècle
Auteur : Bernart de Ventadorn, Bernard de Ventadour. (1125-1195)
Interprète : Gérard Zuchetto
Titre : Quan vei la lauzeta mover (quand je vois l’alouette)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous nous rendons aujourd’hui en terres d’Oc, pour découvrir ou redécouvrir la poésie chantée d’un des plus  grands représentants de l’Art des troubadours occitans du moyen-âge central et  du XIIe : Bernart de Ventadorn (francisé Bernard de Ventadour).

Sa vie nous est connue principalement au travers de ses propres oeuvres et notamment de manière posthume par les « vidas », ces biographies de troubadours attribuées (au moins pour celle de Bernard de Bernard de Ventadour, enluminure, Manuscrit 12473 , BnF (XIIIe siècle)Ventadorn) au troubadour et  poète Uc de Saint-Circ    (1213 -1257).

Bernard de Ventadour,
Manuscrit 12473 , BnF (XIIIe)

Ces vidas  apparaissent au XIIIe et près d’un demi-siècle après la mort du célèbre poète. Elles se destinaient à  témoigner de l’art des trouveurs occitans et à introduire leurs œuvres poétiques et leurs chansons.

La vida de Bernart de Ventadorn

La vida de Bernart de Ventadorn nous conte ainsi que le poète était d’origine limousine. On le dit d’humble lignage. Il aurait fréquenté la cour d’Alienor d’Aquitaine dont il serait tombé amoureux et qu’il aurait suivi après que cette dernière se fut mariée au duc de Normandie et roi d’Angleterre Henri II Plantagenet.  Plus tard, notre poète et « trouveur » aurait servi à la cour de Raymond V de alienor_aquitaine_bernard_ventadour_ventadorn_lauzeta_poesie_musique_medievale_troubadoursToulouse, pour, plus tard, renoncer à son art poétique en se faisant moine à l’Abbaye de Dalon, en Dordogne où il finira sa vie.

Les « vidas »  sont aujourd’hui étudiées plus, ou au moins autant, pour leur valeur littéraire que pour l’authenticité historique de leurs affirmations. Il est donc difficile de savoir si Bernart de Ventadorn fut vraiment amoureux d’Alienor d’Aquitaine comme l’affirme Uc de Saint Circ  ou s’il s’agit là d’une façon romancée de présenter la vie du grand troubadour occitan.

« Et el s’en parti e si s’en anet a la duchessa de Normandia, qu’era joves e de gran valor e s’entendia en pretz et en honor et en bendig de lausor. E plasion li fort las chansos e·l vers d’En Bernart, et ella lo receup e l’acuilli mout fort. Lonc temps estet en sa cort, et enamoret se d’ella et ella de lui, e fetz mantas bonas chansos d’ella. Et estan ab ella, lo reis Enrics d’Engleterra si la tolc per moiller e si la trais de Normandia e si la menet en Angleterra. En Bernart si remas de sai tristz e dolentz, e venc s’en al bon comte Raimon de Tolosa, et ab el estet tro que·l coms mori. Et En Bernart, per aquella dolor, si s’en rendet a l’ordre de Dalon, e lai el definet. »

« (…) Et il s’en sépara (l’épouse du vicomte de Ventadour) et s’en alla à la duchesse de Normandie qui était jeune et de grande valeur et qui comprenait le prix et l’honneur et les belles paroles de louange et elle le reçut et l’accueillit très bien. Longtemps il fut en sa cour et fut amoureux d’elle et elle de lui et fit beaucoup de bonnes chansons d’elle. Et étant près d’elle le roi Henri d’Angleterre la prit pour femme et l’emmena de Normandie et l’emmena en Angleterre. En Bernart resta de ce côté triste et douloureux et s’en alla au bon comte de Toulouse et fut près de lui jusqu’à ce que le comte mourût. »

Vida de Bernart De Ventadorn – Extrait

L’auteur médiéval légua quarante-cinq chansons considérées comme de véritables fleurons de la langue occitane dans sa forme la plus aboutie. Il y chante le fin’amor, cet amour courtois que les troubadours porteront haut et fort durant le XIIe siècle et qui influencera les formes littéraires du sentiment amoureux durant de nombreux siècles après eux.

Gérard Zuchetto, un troubadour moderne
à la recherche des trésors occitans

Musicien, interprète  et chercheur, Gérard Zuchetto a consacré son temps, ses recherches et son talent à l’art  des troubadours des XIIe et XIIIe siècles. Nous sommes avec cet artiste, passionné de musiques médiévales au point d’en être devenu expert, autant dans la performance artistique que dans l’ethnomusicologie, c’est à dire dans le parti-pris de restitution au plus près de l’esprit de l’art des trobadors. Créatif, il propose également des compositions plus libres d’inspiration autour de ce même thème.

musique_poesie_chanson_medievale_ancienne_troubadours_bernard_de_vendatour_ventadorn_gerard_zuchetto_moyen-age_centralSes recherches se déclinent en productions musicales, mais aussi en films et encore en ouvrages sur la question. Au fil du temps, une troupe s’est d’ailleurs formée autour de Gérard Zuchetto qui produit spectacles, concerts et autres événements en relation avec l’art des troubadours et la culture occitane, sous les labels et appellations Trob’Art production et Troubadours Art Ensemble. Vous trouverez le détail  de leurs activités et productions, ainsi que leur agenda sur leur site web:  art-troubadours.com.

La primavera d’amore, Trovatori XII-XIIIe

Dans cet album enregistré en 1997 et sorti l’année suivante chez Foné, Gérard Zuchetto était accompagné des musiciens et instrumentistes  Patrice Brient et Jacques Khoudir  pour mettre à l’honneur son sujet de prédilection et nous proposer entre autre, cette très belle version de la célèbre Lauzeta de Bernart de Ventadorn.

troubadours_bernard_ventadorn_ventadour_gerard_zuchetto_musique_poesie_chanson_medievale_amour_courtois_lauzeta


Quan vei la lauzeta mover : les paroles en occitan & adaptation en français moderne

Can vei la lauzeta mover
De joi sas alas contra’l rai,
Que s’oblid’ e’s laissa chazer
Per la doussor c’al cor li vai,
Ai! Tan grans enveya m’en ve
De cui qu’eu veya jauzion!
Meravilhas ai, car desse
Lo cor de dezirer no’m fon

Quand je vois l’alouette
agiter de joie ses ailes
face aux rayons [du soleil],
s’oublier et se laisser choir
dans la douceur qui au cœur lui vient,
hélas ! une si grande envie me pénètre
de ce bonheur que je vois,
que je tiens à miracle
si mon coeur ne se consume pas de désir.

Ailas! Tan cuidava saber
D’amor, e tan petit en sai,
Car eu d’amar no’m posc tener
Celeis don ja pro non aurai.
Tout m’a mon cor, e tout m’a me,
E se mezeis e tot lo mon;
E can se’m tolc, no’m laisset re
Mas dezirer e cor volon.

Hélas ! Je croyais tant savoir
sur l’amour et j’en sais si peu !
Car je ne peux me retenir d’aimer
celle que je ne peux atteindre.
Elle a tout mon coeur, elle m’a tout entier,
elle-même et tout l’univers.
Elle ne m’a rien laissé,
sauf le désir et un coeur fou.

Anc non agui de me poder
Ni no fui meus de l’or’ en sai
Que’m laisset en sos olhs vezer
En un miralh que mout me plai.
Miralhs, pus me mirei en te,
M’an mort li sospir de preon,
C’aissi’m perdei com perdet se
Lo bels Narcisus en la fon.

Je n’eus sur moi plus de pouvoir
et je ne m’appartins plus,
du jour où elle me laissa mirer en ses yeux,
miroir qui beaucoup me plaît.
Miroir, depuis que je me suis miré en toi,
les soupirs profonds m’ont fait mourir.
Je suis perdu comme se perdit
en la fontaine le beau Narcisse.

De las domnas me dezesper;
Ja mais en lor no’m fiarai;
C’aissi com las solh chaptener,
Enaissi las deschaptenrai.
Pois vei c’una pro no m’en te
Vas leis que’m destrui e’m cofon,
Totas las dopt’ e las mescre,
Car be sai c’atretals se son.

Je désespère des femmes ,
jamais je ne me fierai à leurs paroles;
de même que j’avais coutume de les louer,
de même je les déprécierai.
Pas une pour me défendre
auprès de celle qui me détruit et me confond !
Je les hais toutes et les renie,
car je sais bien qu’elles sont toutes ainsi.

D’aisso’s fa be femna parer
Ma domna, per qu’eu’lh’ o retrai,
Car no vol so c’om voler,
E so c’om li deveda, fai.
Chazutz sui en mala merce,
Et ai be faih co’l fols en pon;
E no sai per que m’esdeve,
Mas car trop puyei contra mon.

Bien femme aussi apparaît ma dame,
et c’est pourquoi j’enrage,
car elle ne veut pas ce qu’on doit vouloir,
elle fait ce qu’on lui défend.
Je suis tombé en pitoyable fortune.
J’ai bien fait le fou sur le pont,
et je ne sais pourquoi je m’égare,
voulant monter contre mont.

Merces es perduda, per ver,
Et eu non o saubi anc mai,
Car cilh qui plus en degr’aver,
Non a ges, et on la querrai ?
A ! Can mal sembla, qui la ve,
Qued aquest chaitiu deziron
Que ja ses leis non aura be,
Laisse morrir, que no l’aon.

Perdue la pitié vraiment
(et de cela je ne me doutai jamais),
car celle qui devait en avoir le plus
n’en a pas; et où la chercherai-je ?
Ah ! Quelle apparence trompeuse ! En la voyant,
l’imaginerait-on capable de laisser mourir
un passion malheureuse
qui jamais ne s’épanouira sous ses lois ?

Pus ab midons no’m pot valer
Precs ni merces ni’l dreihz qu’eu ai,
Ni a leis no ven a plazer
Qu’eu l’am, ja mais no’lh o dirai.
Aissi’m part de leis e’m recre;
Mort m’a, e per mort li respon,
E vau m’en, pus ilh no’m rete,
Chaitius, en issilh, no sai on.

Puisque plus rien ne peut valoir,
ni prière, ni pitié, ni un droit qui fut le mien,
puisque nullement ne lui plaît
le fait que je l’aime, jamais plus je ne lui parlerai,
je me sépare d’elle et je renonce.
Elle me tue, et c’est un mort qui parle.
Et je m’en vais, puisqu’elle ne me retient,
malheureux, en exil, je ne sais où.

Tristans, ges non auretz de me,
Qu’eu m’en vau, chaitius, no sai on.
De chantar me gic e’m recre,
E de joi e d’amor m’escon.

Tristan, vous n’aurez rien de moi,
car je m’en vais, malheureux, je ne sais où.
Je mets un terme à mes chants et y renonce.
Loin de la joie et de l’amour je me cache.


En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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