« Il est plus facile pour un homme de brûler sa propre maison que de se défaire de ses préjugés. »
Roger Bacon (1214-1294), Doctor mirabilis (« Docteur admirable »).
Citation médiévale et Sagesse du moyen-âge.
hilosophe, savant, médecin, linguiste, grammairien, astrologue et alchimiste anglais du XIIIe siècle, Roger Bacon est un franciscain qui se démarque de son époque par son génie et l’étendue de son savoir.
Ayant étudié à Paris, puis à Oxford, il est notamment l’un des premiers à avoir commenté la Physique et la Métaphysique d’Aristote. Son originalité et son ouverture d’esprit, autant que sa curiosité pour les domaines les plus étendus, lui vaudront d’ailleurs d’être fortement censuré et même persécuté à de nombreuses reprises à son époque. Il connaîtra notamment l’emprisonnement et cette citation de lui, en tète d’article, prend une toute autre profondeur quand on sait tout cela.
En science, Roger Bacon est partisan de la méthode expérimentale pour vérifier et certifier les hypothèses comme les « intuitions », et certains lui ont prêté de ce fait une certaine « paternité » dans la genèse de la méthode scientifique expérimentale moderne. En réalité, ses vues en la matière ne s’arrêtent pas aux sciences de la nature, et s’étendent dans des domaines plus vastes qui vont jusqu’à la mystique et au divin.
Du point de vue de la mécanique et quelques siècles avant Léonard de Vinci, il aurait même spéculé sur la possibilité de créer des machines volantes ou des véhicules à propulsion mécanique. En réalité, il y a tant à dire sur l’oeuvre et la vie de ce savant du moyen-âge que nous y consacrerons bientôt un portrait plus complet.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus Ier s. av. J.-C
Sujet : troubadour et trouvère, conte médiéval Type de musique : folk médiévale, folk catalan Groupe : Esquirols (les écureuils) Auteur de la chanson : Joan Vilamala Période : moyen-âge imaginaire, monde féodal Tiré de : album « Fent Cami » sorti en 1975
Le conte médiéval folk d’Esquirols
Nous continuons aujourd’hui notre ballade dans le moyen-âge rêvé ou imaginaire avec une pièce de musique et un conte évocateurs du monde médiéval mais plus moderne que véritablement anciens.
Les langues des troubadours du moyen-âge
Traduction libre du « conte médiéval »
Temps era temps hi havia en un poblet medieval un baró de mala jeia que a tothom volia mal
Il était, il y avait une fois dans une ville médiévale un baron méchant et mauvais Qui à tous voulait du mal
Amb carrossa d’or i plata passetjava tot superb pel seu terme que moria d’esquifit i famolenc
En carrosse d’or et d’argent Il passait tout fier de lui sur ses terres qui mouraient de faim et de rachitisme
Xics i grans mig morts de gana li sortien al seu pas demanant-li amb ulls plorosos que tingués d’ells pietat
Jeunes et Vieux moitié mort de faim sortaient tous sur son chemin l’implorant les yeux embués qu’il les prenne en pitié
Però ell somreia, i burleta els cridava amb veu de tro: « A pencar males abelles, necessito molt més or »
Mais lui souriait et se moquait Leur criant d’une voix de tonnerre « Au travail, mauvaises abeilles J’ai besoin de bien plus d’or »
Els diumenges a la tarda organitzava un gran joc. « Villageois venez à la fête, Vilatans vinga a la festa, a la festa de la mort »
Les dimanches après-midi Il organisait un grand jeu « Villageois, venez à la fête, A la fête de la mort »
« Vull setze joves per banda amb espases i garrots a fer d’escacs a la plaça i que guanyin els més forts »
Je veux seize jeunes en bandes avec épée et bâtons croisant le fer sur la place et que gagne le plus fort!
Xics i grans mig morts de pena li sortien al seu pas demanant-li amb ulls plorosos que tingués d’ells pietat
Jeunes et Vieux moitié mort de peine Sortaient tous sur son passage L’implorant les yeux mouillés Qu’il les prenne en pitié
Però ell somreia, i burleta els cridava amb veu de tro: « A jogar batua l’olla, que a mi m’agrada aquest joc »
Mais lui souriait et se moquait Criant d’une voix de tonnerre « Tous au jeu, Diables de vous, A moi ce jeu plait beaucoup »
Un juglar passà pel poble avançada la tardor que amb senzilla veu cantava i així deia la cançó:
Au village vint un menestrel Tandis qu’avançait l’automne qui d’une voix simple chantait Et ainsi son chant disait
« Ai! del poble, ai! de la vila que té un lladre per senyor si vol pau que sigui justa l’haurà de guanyar amb suor »
Hélas, gens du peuple! Hélas gens de la ville Qui avez un voleur pour seigneur si vous voulez paix et justice, les devrez gagner par la sueur
Xics i grans tots l’escoltaven li donàven la raó els neixia l’esperança van anar a trobar el baró
Jeunes et vieux l’écoutèrent Et raison il lui donnèrent Une espérance était née Et baron s’en furent trouver
Però ell somreia, i burleta els cridava amb veu de tro: « Us faré tallar una orella si escolteu el trobador »
Mais lui souriait et se moquait Criant d’une voix de tonnerre « Je ferais couper l’oreille de qui écoute ce trouvère »
Els vilatans es negaren a pagar més els tributs, a palau armats anaren i parlaren sense embuts:
Les villageois refusèrent de payer plus de tributs, Au palais venus armés, Ils parlèrent sans retenue
« No et volem per baró nostre, no et volem ves-te’n d’aquí que si et quedes ai! de tu, a la forca has de morir »
Ne te voulons pas pour Baron, pars d’ici, ne te voulons plus, car si tu restes, Hélas!
tu devras mourir pendu
Xics i grans tots a la una li cantaven la cançó, « Ai! del poble, ai! de la vila que té un lladre per senyor »
Jeunes et vieux tous ensemble entonnèrent la chanson Hélas, du peuple, Hélas de la ville qui avez un voleur pour seigneur
I ell callava, i de ràbia, se li corsecava el cor mentre el poble repetia la cançó del trobador:
Et lui se tut, et de rage son cœur se consuma tandis que tous entonnaient la chanson du troubadour
« Ai! del poble, ai! de la vila que té un lladre per senyor si vol pau que sigui justa l’haurà de guanyar amb suor »
Hélas du peuple! Hélas de la ville! Qui avez un voleur pour seigneur Pour avoir paix et justice, les devrez gagner par la sueur.
Une très belle journée à tous!
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus Ier s. av. J.-C
Sujet : poésie médiévale, musique médiévale, chanson, trouvère, troubadour, complainte. Titre : la complainte du prisonnier ou Ja nuns hons pris Auteur : le roi Richard Coeur de Lyon. Langue originale : provençale Genre musical : rotruenge* Epoque : moyen-âge central , fin du XIIe siècle (1193-1194?) Interprète-compositeur dans la vidéo : Owain Phyfe
oici une pièce et un texte qui nous viennent tout droit du monde médiéval et du XIIe siècle. On dit, en effet, de cette complainte qu’elle a été composée, en langue provençale, par le célèbre Roi et Chevalier Richard Coeur de Lion en personne, durant sa captivité en Autriche autour des années 1193-1194. Elle est interprétée, ici, de fort belle manière et dans sa langue originale, par feu le troubadour moderne Owain Phyfe (1949-2012).
Un peu d’Histoire : une querelle de Rois
Revenant de croisades, Richard Ier d’Angleterre, dit « Coeur de Lion » est capturé par le duc Léopold V de Babenberg, autour de Vienne, en Autriche. En réalité, ce dernier agit pour le compte du roi de France Philippe Auguste. vieil « ami » de Richard, mais devenu au fil du temps son ennemi. Dans le cas précis, Philippe Auguste fait arrêter Richard Ier au motif que ce dernier l’aurait insulté publiquement durant une croisade. Les deux souverains avaient, en effet, « pris la croix », ensemble, pour la troisième croisade, lancée par le pape Grégoire VIII dans l’intention de reprendre Jérusalem et la terre sainte à Saladin, et pour laquelle l’empereur germanique Frédéric Barberousse avait déjà embarqué.
C’est durant cet emprisonnement que Richard Coeur de Lion va composer ce poème et cette complainte du prisonnier dont nous vous livrons ci-dessous la traduction/interprétation de la langue originale vers le français moderne.
Traduction, adaptation des paroles de la complainte du prisonnier de Richard Ier
Ja nus hons pris ne dira sa raison Adroitement, se dolantement non; Mais par effort puet il faire chançon. Mout ai amis, mais povre sont li don; Honte i avront se por ma reançon Sui ça deus yvers pris.
Jamais nul homme pris ne dira sa pensée
De manière juste et sans fausse douleur ;
Mais il peut faire l’effort d’une chanson ;
J’ai beaucoup d’amis, mais pauvres sont leurs dons.
La honte sera sur eux si, faute de rançon,
Je reste deux hivers prisonnier.
Ce sevent bien mi home et mi baron Ynglois, Normant, Poitevin et Gascon Que je n’ai nul si povre compaignon Que je lessaisse por avoir en prison; Je nou di mie por nule retraçon, Mais encor sui [je] pris.
Ils le savent bien, mes hommes et mes barons,
Anglais, Normands, Poitevins et Gascons :
Que jamais je n’eu si pauvre compagnon
Pour le laisser, faute d’argent, en prison.
Je ne le dis pas pour leur en faire reproche
Mais je suis encore prisonnier.
Or sai je bien de voir certeinnement Que morz ne pris n’a ami ne parent, Quant on me faut por or ne por argent. Mout m’est de moi, mes plus m’est de ma gent, Qu’aprés ma mort avront reprochement Se longuement sui pris.
Maintenant, je sais pour vrai et certain
Que morts ou prisonniers n’ont amis ni parents,
Quand ils me laissent ici pour or ou pour argent
C’est bien mal pour moi, mais pire pour mes gens,
Qui jusqu’après ma mort en auront le reproche,
S’ils me laissent ici prisonnier
N’est pas mervoille se j’ai le cuer dolant, Quant mes sires met ma terre en torment. S’il li membrast de nostre soirement Quo nos feïsmes andui communement, Je sai de voir que ja trop longuement Ne seroie ça pris.
Je ne m’étonne plus si j’ai le coeur souffrant
Car mon seigneur* met ma terre en tourment
Il ne se souvient plus de notre serment
Que nous fîmes ensemble au Saint,
Mais je sais bien en vérité que guère longtemps
Je ne serai, en ces lieux, prisonnier
(* Richard fait référence ici au roi Philippe Auguste)
Ce sevent bien Angevin et torain, Cil bacheler qui or sont riche et sain Qu’encombrez sui loing d’aus en autrui main. Forment m’amoient, mais or ne m’aimment grain De beles armes sont ores vuit li plain Por tant que je suis pris.
Ils savent bien Angevins et Tourangeaux,
Ces jeunes gens désormais riches et forts :
Que suis captif, loin d’eux, aux mains d’autrui.
Ils m’aimaient fort alors, ne m’aiment plus du tout.
Les belles armes ont déserté les plaines
Depuis que je suis prisonnier.
Mes compaignons que j’amoie et que j’ain Ces de Cahen et ces de Percherain Di lor, chançon, qu’il ne sunt pas certain, C’onques vers aus ne oi faus cuer ne vain; S’il me guerroient, il feront que vilain Tant con je serai pris.
Mes compagnons que j’aimais et que j’aime,
Ceux de Caen et ceux du Perche,
Conte pour moi, chanson, qu’ils ne sont pas fidèles
Quand jamais envers eux, mon coeur ne fut faux ou vide.
S’ils guerroient contre moi, ils se portent en vilains
Tant que je serais prisonnier.
Contesse suer, votre pris souverain Vos saut et gart cil a cui je me clain Et por cui je sui pris. Je ne di mie a cele de Chartain, La mere Looÿs.
Soeur comtesse, votre titre souverain
Vous sauve et vous garde de celui à qui je fais appel
Et qui me tient prisonnier !
Je ne le dis pas pour celle de Chartres*,
Le mère de Louis.
(* la comtesse de Chartes)
*rotruenge : « genre de poésie lyrique des troubadours et trouvères, caractérisé par un refrain interne, situé dans le corps de la strophe, au milieu ou à la fin » (http://cnrtl.fr/definition/rotruenge)
Sujet : architecture et charpente médiévale, halles de marché, halles médiévales, halles et marchés couverts. Métier du moyen-âge : charpentier
Période : moyen-âge central.
Ci-dessous, une vidéo ludique réalisée avec le moteur du jeu vidéo medieval engineers
n dehors des beaux châteaux de pierre et des merveilleuses fortifications qui subsistent autour de certaines villes, en dehors de la majesté de nos églises ou de nos cathédrales, ou encore de certaines rues de nos villes de France qui ont gardé dans leurs merveilleux dédales ou dans leurs maisons à colombage la marque indélébile de l’architecture médiévale, le moyen-âge nous a aussi légué ces édifices majestueux qui trônent souvent sur les places de nos villages, non loin des églises, et que sont les halles de marché couvertes. Bien sûr, on connaît les marchés « ouverts » ou « couverts » depuis l’antiquité, mais la construction de ces halles couvertes que nous voyons encore dans nos villes et villages de France de nos jours est devenue véritablement florissante à partir du XIIIe siècle au coeur du moyen-âge central. (photo ci-contre les halles de marché de Saint Antonin Noble Val)
Un Bâtiment populaire au cœur des échanges économiques et commerciaux des villes et villages du moyen-âge.
Véritable lieu d’échange commercial et symbole de l’activité économique médiévale, ces halles de marché couvertes ont fleuri durant une grande partie du moyen âge et font partie des constructions populaires de cette période. L’essor économique que connaîtra l’Europe médiévale du XIe siècle au XIIIe siècle se traduira, en effet, par la multiplication des échanges commerciaux et l’on verra alors dans les marchés des villes arriver des marchants italiens, de Venise, de Gène ou de Florence. Les fermes pourront aussi y écouler leur surplus de produits tandis que les artisans, cordonniers ou autres marchands de peaux, lingères ou fripiers pourront y étaler leurs plus belles offres. A la faveur de cette activité économique florissante, on fera également construire des espaces couverts pour héberger ces activités afin qu’elles puissent tenir place et se poursuivre en cas de pluie ou par gros temps. (photo ci-dessus les halles de marché médiévales de la Bastide de Sérrou)
Dans les bastides, ces villes nouvelles du XIIIe siècle, elles trouveront leur place sur la place centrale de la cité et accueilleront parfois à l’étage des greniers à grains ou la maison communale. On y vendait alors toute sorte de produits et biens sûr aussi des bêtes, raison pour laquelle on les construisait de manière aussi ouverte. (photo ci-dessus les halles de marché couvert d’Egreville)
Ces édifices majestueux se distinguent par leur charpente très élaborée et leur absence de murs. La toiture repose en effet sur des poteaux de bois ou de pierre, offrant ainsi un espace abrité et ouvert pour tout type d’échanges commerciaux. Les plus belles œuvres de la charpenterie médiévale s’y expriment. Elles sont, la plupart du temps, calquées sur le modèle des granges de l’époque et faites par les mêmes charpentiers, véritables experts dans leur Art. Les couvertures peuvent être de bois, de chaumes ou de tuiles. (photo ci-contre les halles de Crèmieu (Isère), chef d’oeuvre de la charpenterie médiévale du XVe siècle).
Les communautés de métiers, ancêtres du compagnonnage
Il est probable même s’il reste difficile de le savoir qu’à cette époque on est déjà dans une structure de type compagnonnage. Le métier semble en effet un peu plus ouvert les premières mentions de cette organisation n’apparaissant, en effet, qu’au début du XVIIIe siècle même si on en trouve quelques traces au XVe. Il peut s’agir alors de guildes ou de corporation et l’on parle concernant la charpenterie de « communauté de métiers ». Si vous désirez en savoir plus sur cette question, je vous renvoie, une fois n’est pas coutume, à cet article de Wikipédia, bien sourcé et assez complet et qui fournit une bonne base de départ sur la charpenterie au moyen-âge et sur ces questions. Vous aurez à partir de là la possibilité de partir en étoile sur les références indiquées ou de croiser avec d’autres sources. Si le sujet vous passionne, en voici une autre assez pointue, « De la charpente romane à la charpente gothique en Normandie … » par Frédéric Épaud. (photo ci-contre « Charpentiers travaillant à la basilique, » 1317, Bibliothèque Nationale de France).
Quelques exemples supplémentaires de ce merveilleux patrimoine historique.
Une dimension sociale et d’échanges
conservée jusqu’à nos jours
La grande majorité de ses halles quand elles ont pu connaître un entretien régulier, ou même des restaurations complètes dans le courant des siècles suivant leur construction, sont encore en fonction et accueillent toujours les petits ou grands marchés, lieux de convivialité qui célèbrent souvent la culture des produits locaux, le goût de la rencontre et de la qualité, dans la bonne humeur. Voilà ce qui se passe quand le patrimoine historique français rencontre la culture populaire dans ce bel héritage architectural qui nous vient tout droit du monde médiéval.