Archives par mot-clé : moyen-âge tardif

Pérouges, histoire d’une belle cité médiévale au coeur du bugey

perouges_blason_histoire_cite_medievale_patrimoine_moyen-age_centralSujet :  histoire médiévale, plus beaux villages de France, histoire du Lyonnais, comte du Forez et de Lyon, Guichard d’Anthon. Guigues II,  Guichard de Pontigny
Période : moyen-âge central et tardif
Lieu : Pérouges (Ain – région Rhône-Alpes).

Bonjour à tous,

L_lettrine_moyen_age_passion‘agenda des sorties de fin de semaine nous amène du côté du célèbre village médiéval de Pérouges et comme il s’agit d’un lieu d’intérêt véritablement unique, nous voulons toucher ici deux mots de son histoire médiévale.

perouges_histoire_medievale_moyen-age_central_savoie_dauphine_plus_beaux_village_de_france_

 L’histoire médiévale de Pérouges

Il y a, à Pérouges, comme pour de nombreux autres sites, un fossé ou si l’on préfère une zone d’ombre entre les découvertes de l’archéologie ancienne et les éléments connus par leurs traces écrites à compter du moyen-âge central. On sait que le site  était déjà occupé plus de deux perouges_histoire_medievale_age_du_cuivre_merovingien_archeologiemille cinq cent ans avant notre ère, durant l’âge du cuivre et qu’il le fut jusqu’au XVIIIe siècle et à l’époque mérovingienne. Dans les années 80, cinquante-huit tombes couvrant cette large période furent, en effet, découvertes sur place

Sépulture mérovingienne – site archéologique de la Croix Tombée, (Musée du vieux Pérouges )

Après cela, il faut attendre le XIIe siècle pour reprendre l’Histoire en marche. La seigneurie de Pérouges était alors sous la main des comtes de Forez et de Lyon qui l’inféodèrent à Guichard d’Anthon 1er.  Nous sommes autour de l’an 1100, ce dernier est de retour victorieux de la première Croisade. Il y a conquis Jérusalem aux côtés de Girart de Roussillon. C’est dans le courant de ce même XIIe siècle qu’on trouvera la première mention d’un château sur le lieu dit nommé alors Péroges. Il est vraisemblable que le Seigneur d’Anthon le fit ériger.

Des comtes de Forez à l’Archevêché de Lyon

perouges_histoire_medievale_plus_beau_village_de_france_lieu_interetA l’approche de la fin du XIIe siècle, Guigues II,  comte de Forez et de Lyon, traite avec l’Archevêché de Lyon mettant  ainsi fin à des tensions et un conflit de près d’un siècle entre les comtes de Forez et l’Eglise pour la possession du Lyonnais.  Ce traité datant de 1173 et connu sous le nom de Permutatio est entériné par une bulle papale de 1174. L’église y cède ses terres du Forez et de Loire et récupère en échange toutes les terres lyonnaises de Guigues II, prenant ainsi la main sur la région dont elle devient la suzeraine. La  cession de la seigneurie de Pérouges, ainsi que son château sont dans les termes du traité. Ils passent donc sous le contrôle de l’archevêché lyonnais, en la personne de  Guichard de Pontigny.  Les Anthons conservent la tenue du fief.

Permutation 1173 - le traité d'échange entre le Comte de Forez et l'Eglise de Lyon (source Chapitre de Lyon — Archives départementales du Rhône )
Permutation 1173 – le traité d’échange entre le Comte de Forez et l’Eglise de Lyon (source Chapitre de Lyon — Archives départementales du Rhône )

Au XIIIe siècle, la Seigneurie de Pérouges passe par jeu de mariages des Anthon à la famille de Genève pour finalement échoir au début du XIVe aux Dauphins du Viennois qui accordèrent à la cité, entre les années 1329 et 1334, d’importants privilèges .

En 1343, le dernier dauphin du Viennois cède la seigneurie à la maison de France qui l’échangera contre d’autres terres, 11 ans plus tard, en 1354, aux comtes de Savoie. En 1469, le duc de Savoie s’étant allié à Charles le Téméraire, Louis XI envoie les troupes dauphinoises à l’assaut de Pérouges. La cité résistera bravement aux assauts et ne tombera pas. Elle recevra de ce fait, un perouges_histoire_village_medievale_dauphine_savoie_lieu_interetan plus tard, de nouveaux privilèges, cette fois ci de la main de son seigneur savoyard Philippe de Savoie: exonération de droits de fouages, subsides, péages, gabelle et Pontonnage pour un durée de 20 ans.

Dans le courant du XVIe siècle, Pérouges sera échangée par les Ducs de Savoie contre d’autres terres, au profit du Baron de Meximieux, puis finalement du Baron de Monfort. La ville suivra, par la suite, le jeu des familles et des héritages nobiliaires jusque XVIIIe siècle.

Pérouges, bijou médiéval, classé parmi
les plus beaux villages de France

C’est entre le XIIIe et le XIVe siècle que le château de Pérouges sera partiellement détruit et qu’une ville fortifiée sera établie sur le site, suite à un droit de franchise concédé aux habitants du lieu. Les murs d’enceinte datant du XIIe y sont encore relativement bien conservés et c’est la seule cité de tout le département de l’Ain qui ait su préserver intacte sa physionomie comme son architecture médiévale.

histoire_medievale_perouges_village_medieval_exception_
Une belle ruelle de Pérouges – photo très réussie de Ltduende sur le site monnuage.fr

Son état de conservation est tel qu’un écrin mystérieux semble l’avoir protégée du passage du temps et l’on oublierait presque, le temps d’une ballade sur les vieux pavés de ses rues en pente, qu’elle fut sauvée des morsures du temps, au début du XXe siècle, sous la houlette d’Edouard Herriot. Depuis, sa beauté unique en a fait un lieu privilégié de tournage de film d’époques et ce n’est pas par hasard, si Pérouges est classé parmi les plus beaux villages de France. C’est une appellation amplement méritée.

Si vous passez dans la région Rhône-Alpes ou si vous ne connaissez pas encore cette belle cité médiévale, nous ne pouvons que vous conseiller de faire un crochet pour la visiter. Et s’il fallait vous convaincre qu’elle en vaut vraiment le coup d’oeil, sachez qu’entre toutes les personnalités célèbres que ses murs ont vu passer dans le courant du XXe siècle, le président américain Bill Clinton lui-même a fait le détour pour la visiter.

En vous souhaitant une belle journée !

Fred
Pourmoyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

François Villon du temps de sa jeunesse folle et un extrait commenté du grand Testament

françois_villon_poesie_francais_moyen_ageSujet : poésie, littérature médiévale, réaliste, satirique, ballade, auteur médiéval, , chanson
Période : moyen-âge tardif
Titre :  « Le Grand Testament » Extrait
Auteur :  François Villon (1431- ?1463)
Interprétes ; Alain Souchon
Chanson : je plains le temps de ma jeunesse

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous faisons, aujourd’hui, un nouveau détour du côté de la poésie réaliste de François Villon avec un bel extrait de son célèbre Grand Testament. C’est un passage bien connu dont on ne cite souvent que les derniers vers et nous voulions ici les mettre un peu mieux en perspective dans leur contexte, en les accompagnant de françois_villon_grand_testament_poesie_medievale_realiste_moyen-age_tardifquelques éclairages sur les parties pouvant demeurer obscures.

Voici donc notre Villon regardant en arrière vers le temps de sa jeunesse folle, si lointaine et déjà envolée. Joyeuse insouciance de l’adolescence, changée bientôt en regrets. Misère et galères, de déboires en déboires, la faim au ventre et la panse vide. Mais le temps s’est enfui ne laissant derrière lui que le goût de nostalgie et le constat des erreurs et  l’heure est au bilan, dans cette prison froide. Souvenir d’une vie d’inconfort, d’amours laissées en chemin, et pourtant leur survit tout de même la dignité d’avoir su ne pas abuser de ses amitiés ou si peu.

Ironie de l’histoire ou exemplarité de la rédemption?, celui dont on n’a tant voulu faire le premier « poète maudit » ou le « mauvais garçon » du moyen-âge tardif s’est fait pour des générations d’écoliers quelque peu « moraliste », puisque ses vers ont longtemps été repris par l’école républicaine  pour rappeler aux têtes blondes qui auraient pu le perdre de vue, l’intérêt d’y user leurs fonds de culottes.

francois_villon_grand_testament_extrait_poesie_medievale_moyen-age_tardif_jeunesse_temps

Le grand testament de Villon – extrait

XXIII

Je plaings le temps de ma jeunesse,
Auquel j’ay, plus qu’autre, gallé * (mené joyeuse vie)
Jusque à rentrée de vieillesse,
Car son partement m’a celé*. (ce temps est parti en cachette)
Il ne s’en est à pied allé,
N’a cheval; las! et comment donc?
Soudainement s’en est voilé,
Et ne m’a laissé quelque don.

XXIII.

Allé s’en est, et je demeure
Pauvre de sens et de sçavoir,
Triste, failly* (abattu), plus noir que meure*(mûre)
Je n’ay ne cens, rente , n’avoir ;
Des miens le moindre, je dy voir* (vrai)
De me desadvouer s’avance,
Oublyans naturel devoir,
Par faulte d’ung peu de chevance*. (provisions,possession)

XXIV.
Si ne crains-je avoir despendu* (dépensé),
Par friander, ne par lescher*, (friandise et gourmandise)
Ne par trop aymer riens vendu,
Qu’amys me sceussent reprocher.
Au moins qui leur couste trop cher.
Je le dys, et ne crains mesdire.
De ce ne me puis revencher*: (m’excuser)
Qui n’a meffait, ne le doit dire. 

XXV

Bien est-il vray que j’ay aymé
Et que aymeroye voulentiers ;
Mais triste cueur, ventre affamé
Qui n’est rassasié au tiers,
Me oste des amoureux sentiers.
Au fort, quelqu’un s’en recompense,
Qui est remply sur les chantiers*, (qui est bien rassasié)
Car de la panse* vient la danse. (du ventre plein)

XXVI

Hé Dieu ! se j’eusse estudié
Au temps de ma jeunesse folle,
Et à bonnes meurs dédié,
J’eusse maison et couche molle .
Mais quoy ? je fuyoye l’escolle ,
Comme faict le mauvays enfant…
En escrivant ceste parolle,
A peu que le cueur ne me fend.

Les oeuvres complètes de François Villon annotées et commentées par P.L. JACOB

U_lettrine_moyen_age_passionne fois n’est pas coutume, nous avons quelque peu levé le nez de nos dictionnaires anciens et autres recherches comparatives cette fois-ci. De fait, les notes que nous vous fournissons avec cet extrait sont, pour la plupart, tirées de la version des Oeuvres Complètes De Villon de Paul Lacroix, alias P.L. JACOB, grand érudit, écrivain et historien français du XIXe siècle. L’ouvrage date de 1854 mais est encore édité de nos jours. Il faut dire que cette version poesie_litterature_medievale_oeuvre_completes_annotees_documentees_francois_villon_Paul_Lacroix_PL_Jacob_moyen-age_tardifprésente l’avantage d’être extrêmement bien annotée et documentée, ce qui permet d’avancer rapidement sur les points d’achoppement que peut tout de même présenter, par endroits, le beau français moyen du XVe de Maître François Villon.

Pour le cas où l’acquisition de cet ouvrage vous intéresse, en voici les liens  :  Oeuvres Completes de Francois Villon

Alain Souchon chante Villon
et le temps de sa jeunesse folle

E_lettrine_moyen_age_passionn 2011, le chanteur Alain Souchon nous gratifiait d’un album intitulé « A cause d’Elles » dans lequel il reprenait dans une chanson la dernière strophe alain_souchon_chante_villon_poesie_medievale_jeunesse_testament_chansonde Villon que nous citons ici.

Treizième album studio de l’artiste poète, Souchon y reprenait des titres, poésies ou comptines  ayant bercé son enfance et ces vers de Villon s’y trouvaient.

Quelques cinquante ans avant lui, en 1959, le poète chanteur et troubadour québécois Felix Leclerc avait lui aussi repris cette même strophe en la mêlant à d’autres vers de François Villon dans une chanson ayant pour titre le testament, et dédiée à l’auteur médiéval.

Un  excellente journée à tous !

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

Le fabuleux voyage d’Ibn Battûta, grand aventurier du moyen-âge central

ibn_batouta_explorateur_monde_medieval_livre_moyen-age_centralSujet : aventurier, explorateur, musulman, Islam médiéval, voyageur,
Portrait :  Ibn Battûta  (1304-1368 ?77),
Abu Abdullah Muhammad Ibn Battuta (Batutah ou Batouta)
Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle
Ouvrage : « les voyages » ou « Un cadeau pour ceux qui contemplent les splendeurs des cités et les merveilles des voyages » (1356)

« Écrivain arabe et l’un des plus grands voyageurs de tous les temps, Ibn Baṭṭūṭa est l’auteur d’un récit de voyage (Riḥla) qui, par l’ampleur du champ parcouru et les qualités du récit, constitue une des œuvres de la littérature universelle » André MIQUEL – Encyclopédie Universalis

Bonjour à tous,

P_lettrine_moyen_age_passion copiaour les besoins de l’indexation, nous reprenons ici, en le complétant largement, le portrait que nous avons dédié au grand voyageur berbère et musulman Ibn Battûta dans  l’article consacré au Festival Musique et Histoire  de Fontfroide à venir.

ibn_battuta_aventurier_pelerin_musulman_medieval__moyen-age_centralIl a fallu attendre le XIXe siècle pour que les européens découvrent ce grand aventurier, chroniqueur et témoin du monde musulman du moyen-âge central que l’on a souvent surnommé « le plus grand voyageur de tous les temps » (en opposition aux voyageurs maritimes et sur le plan de la distance parcourue par les terres, il l’est assurément).

Ayant recouvert bien plus de miles et de distance que Marco Polo, la popularité de ce pèlerin explorateur, hors du monde arabe, est sans doute, aujourd’hui plus grande dans le monde anglophone que francophone, aussi ce portrait rétablira-t-il un peu, à sa manière, l’équilibre. Voilà donc quelques mots de l’histoire de Abu Abdallah Muhammad Ibn Abdallah al-Lawati at-Tanji plus connu sous le nom de Ibn Battûta (Batutah),

ibn_battuta_aventurier_musulman_voyageur_moyen-age_central_XIVe_siecle

« Je sortis de Thandjah, lieu de ma naissance, le jeudi 2 du mois de redjeb, le divin et l’unique, de l’année 725,  dans l’intention de faire le pèlerinage de La Mecque et de visiter le tombeau du Prophète. (Sur lui soient la meilleure prière et le salut !) J’étais seul, sans compagnon avec qui je pusse vivre familièrement, sans caravane dont je pusse faire partie ; mais j’étais poussé par un esprit ferme dans ses résolutions et le désir de visiter ces illustres sanctuaires était caché dans mon sein. Je me déterminai donc à me séparer de mes amis des deux sexes, et j’abandonnai ma demeure comme les oiseaux abandonnent leur nid. Mon père et ma mère étaient encore en vie. Je me résignai douloureusement à me séparer d’eux, et ce fut pour moi comme pour eux, une cause de maladie. J’étais alors âgé de vingt-deux ans. »
Ibn Battûta — Voyages  

Un périple aux confins du monde musulman du XIVe siècle

De 1325 à 1349, cet aventurier berbère musulman, né à l’aube du XIVe siècle, parcourut plus de 120 000 kilomètres à l’occasion de trois grands périples qui le menèrent de son Maroc natal jusqu’aux confins du monde musulman médiéval.

Parti originellement en pèlerinage vers la Mecque, à l’age de 22 ans, il finira par visiter des myriades de destinations dans une longue aventure où il prendra toute la mesure du monde musulman, de sa diversité autant que de ibn_battuta_voyages_moyen-age_central_explorateur_musulman_monde_medievalson étendue : Inde, Asie centrale, Chine, Afrique orientale, Moyen et proche orient, Palestine, Perse, Irak, Syrie, son périple le conduira jusqu’à l’Anatolie, et encore Sumatra ou plus près l’Andalousie et il s’aventura même encore, hors des terres de l’Islam, jusqu’à la ville de Constantinople.

Si ses longs périples pourraient prendre par moments, les contours d’une longue errance, Ibn Battûta  connaîtra aussi des périodes de sédentarisation qui lui permettront de mieux approfondir ses observations. Démontrant d’une solide capacité d’adaptation et bénéficiant aussi de l’aura que son origine arabe lui confère dans les pays musulmans qu’il traverse et qui ne sont pas tous arabes, l’explorateur prodigue est aussi lettré et occupera des fonctions variées, au fil de ses voyages, dont, à de nombreuses reprises, celles de juge.

Quelques années après son retour, en 1354 et à la demande du sultan du Maroc Abu Inan Faris,  il dictera ses aventures à un historien, poète, juge et érudit, ibn_battuta_voyages_moyen-age_central_explorateur_monde_medievaloriginaire de Grenade et de la grande Andalousie d’alors (Al-Andalous), du nom de Ibn Juzayy al-Kalbi al-Gharnati, pour les inscrire dans la postérité.

Par la suite, il finira vraisem-blablement sa vie en occupant la charge de juge mais l’on n’est pas vraiment fixé sur la date de sa mort qui oscille de 1368 à 1377, suivant les historiens. A l’image des aventures de Marco Polo, la véracité de certains récits d’Ibn Battuta a été partiellement mise en doute. Sans entrer dans le détail, ces polémiques ne touchent toutefois que quelques destinations qu’il dit avoir visitées. Et pour être clair, nul ne peut aujourd’hui nier qu’il ait véritablement effectué ces immenses voyages et sillonné le monde qui lui était contemporain. Nombre des observations qu’il fut le tout premier et même le seul à faire, dans certains cas, ont d’ailleurs été corroborés par des voyageurs et observateurs ultérieurs et, pour tout dire, sa sincérité est à ce point reconnu qu’on l’a encore baptisé quelquefois : « l’honnête voyageur ».

Ibn Battûta, conteur, chroniqueur et sa contribution aux sciences humaines

« Voyager vous laisse d’abord sans voix, avant de vous transformer en conteur. »
Ibn Battûta — Voyages

Dien sûr, même si le leg et les écrits d’Ibn Battuta restent d’une valeur inestimable, au regard des sciences humaines modernes et de leurs méthodes, on y rencontrera  des limites communes à tous les chroniqueurs du moyen-âge.

Apports historiques

Du point de vue de l’historien, les repères chronologiques manquent, des imprécisions et incohérences demeurent, certaines destinations décrites, nous l’avons dit plus haut, n’ont sans doute pas été visitées (ce qui, en soit, ne serait pas un obstacle majeur). En réalité, le récit d’Ibn Battuta s’approche plus d’un grand tableau ou d’une fresque, si l’on préfère, du monde musulman médiéval et des pays visités, que de chroniques historiques, à ibn_battuta_batutah_aventurier_moyen-age_monde_musulman_medieval_XIVe_siecleproprement parler. On ne sait s’il tenait un journal de bord systématique, il semble que ce n’était pas le cas, même si l’on sait, par ailleurs, qu’il a perdu des notes en chemin, en se faisant dérober ses effets,

Dictée de mémoire et après coup, sur la base de ses souvenirs, cette compilation comporte forcément certaines limites « scientifiques », même si la quantité de détails et d’anecdotes fournis ne cesse de forcer l’admiration. Pour mieux comprendre cela, il faut se souvenir que durant ses périples, Ibn Battûta  se rapproche souvent des rois, des émirs et des puissants pour bénéficier de leurs dons et de leur largesse. Bien décidé à vivre de ses voyages, il leur conte, à plus d’un tour, ses aventures, sous forme de récits. De fait, c’est une matière qui n’est donc pas restée cloisonnée en lui pour ne sortir,  par magie, que des années après ce qui explique sans doute aussi qu’il ait pu la garder aussi vive.

Alors, pour le reste, peut-il être considéré comme un historien ? Non. et encore moins au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Il n’en a ni la rigueur, ni les méthodes, à son époque nul ne les a. Il n’en a pas non plus d’ailleurs la prétention. Quoiqu’il en soit, dans le domaine de l’histoire médiévale du monde musulman, sa grande contribution ne peut être niée, pas d’avantage que l’intérêt et la valeur particulière de ses récits. A cette même époque, les historiens du monde arabe sont un peu à l’image de ceux de l’Europe médiévale, nombre d’entre eux s’occupent bien plus de grandes batailles ou des hauts faits militaires ou religieux (plus ou moins enjolivés) des seigneurs et nobles (qui, la plupart du temps, les financent et les font vivre).

ibn_battuta_voyages_portrait_livre_medieval_moyen-age_central_aventurier_monde_musulman_arabe

Dans ce contexte, Ibn Battuta apparaît comme l’un des rares à dépeindre les moeurs, les cultures et les sociétés qu’il observe. Son approche est plus celle d’un chroniqueur ou d’un journaliste; il décrit plus qu’il ne questionne en profondeur ce qu’il voit, mais il a légué un témoignage précieux par la qualité autant que par l’ampleur des destinations parcourues. Il a  encore été un des premiers voyageurs à s’aventurer en profondeur dans le centre Afrique et de même qu’il n’a pas constitué un atlas et une cartographie précise des régions traversées durant tous ses périples, son apport en géographie a longtemps été reconnu.

Apports ethnologiques

ouvrage_ancien_chroniques_voyages_ibn_batouta_batutah_aventurier_monde_medieval_moyen-age_central

Pour l’ethnologue, comme pour l’anthropologue, au regard des méthodologies actuelles de ces disciplines, là encore, l’ouvrage d’Ibn Battuta ne peut être considéré comme « scientifique », L’auteur médiéval  ne conduit pas une monographie précise et systématique des pays traversés ou des cultures rencontrées pas plus qu’il n’engage une réflexion profonde et conceptuelle à partir de ses observations (qui ne serait, de toute façon et là encore, pas de son temps). En revanche, sa contribution est là aussi de taille, pour ces sciences humaines. Certaines de ses observations sur les cérémonies de mariage, sur le patriarcat mais aussi le matriarcat et les lignées matriarcales de certains pays ou cultures qu’il visite sont d’un haut intérêt ethnologique. (voir à ce sujet l’article de Joseph Chelhod Ibn Battuta, ethnologue, sur persée). Au delà et sur le terrain des observations, la curiosité de l’explorateur médiéval  reste insatiable et s’exerce dans de nombreux domaines; moeurs sexuelles, techniques, musiques, monnaie, économie, bureaucratie, pratiques religieuses qui intéressent l’anthropologie comme l’ethnologie dans un perspective historique.

Se procurer les ouvrages Ibn Battuta.

Du point de vue de l’édition, les  récits de Ibn Battûta sont en général découpés en 3 tomes: de l’Afrique du Nord à la Mecque (tome 1), de La Mecque aux steppes russes (tome 2), et Inde, Extrême-Orient, Espagne & Soudan (tome 3).

ibn_battûta_voyages_portrait_aventurier_monde_medieval_moyen-ageLes versions que l’on retrouve le plus communément ont été traduites depuis l’Arabe en 1858 par Charles Defrémery et Beniamino Raffaelo Sanguinetti, tous deux orientalistes. On peut trouver des versions digitalisées de quelques uns de ces ouvrages d’époque sur le web.

Pour ce qui est de l’édition papier, les versions les plus récentes datent des années 1980-90. Leur traduction provient des auteurs sus-mentionnés et elles sont annotées et préfacées par Stéphane Yerasimos  (Historien, professeur des universités, spécialiste de l’empire ottoman, 1942-2005). On les trouve chez plusieurs maisons d’édition, Les éditions de la découverte sont encore, à ce jour, semble-t-il, celles qui proposent les prix les plus abordables (autour de 15 euros par exemplaire). En voici les liens:

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

Abbaye de Fontfroide: trois jours de célébrations médiévales et de découverte

metiers_anciens_monde_medieval_moeyn-age_artisan_potier_ceramiste_tour_batonSujet : événement, animation, manifestation, fêtes médiévales, abbaye de Fontfroide, métiers anciens, artisans, Moyen Âge.

Evénement : « Les Vieux Métiers d’Antan à Fontfroide et Rendez-vous aux Jardins » 
Dates : du  Samedi 3 au lundi 5 juin 2017
Lieu : Abbaye de Fontfroide, Narbonne

Bonjour à tous,

Q_lettrine_moyen_age_passionuand il s’agit de célébrer l’Histoire, l’abbaye narbonnaise de Fontfroide nous a déjà largement démontré qu’elle n’était pas en reste. Nous vous donnions, il y a quelques jours, le programme de la 12e édition de son beau Festival Musique et Histoire 2017 et nous revenons aujourd’hui en sa compagnie pour vous parler d’une autre manifestation médiévale qu’elle organise en ce début de mois de juin, et durant le week-end à venir. Entre autre ambition, il est question, cette fois-ci, de vous inviter à la redécouverte des métiers en provenance du monde médiéval.

fetes_animations_gastronomie_medievale_fontfroide_abbaye_narbonne_agenda_week_end_metiers_anciens_fauconnerie_moyen-age

Initiation, démonstrations, réalisations :
plus de dix métiers d’antan à découvrir

Il s’agit là de la deuxième édition de cet événement mais, fort du succès de la première, trois jours complets seront, cette fois, dédiés au thème. Organisé par l’abbaye, l’événement bénéficie aussi du soutien de la ville de Narbonne, ainsi que des principaux acteurs de la presse locale.

Du samedi 3 animation_evenement_spectacle_atelier_medieval_decouvertes_metiers_ancien_moyen-age_abbaye_fontfroide_Narbonneau lundi 5 juin, Il y aura donc sur place plus de dix échoppes venues représenter des corps de métiers anciens variés. Installés dans la cour et les jardins de l’abbaye, en costumes d’époque, ces artisans  effectueront sous vos yeux leurs plus belles réalisations et vous feront aussi découvrir des savoir-faire et des techniques que l’on aurait pu croire à jamais perdues, mais c’était sans compter sur leur passion pour le moyen-âge et son héritage.

En plus de la forge, la poterie, la calligraphie, le filage textile ou la cuisine médiévale, et pour n’en citer que quelques uns de plus,  il y aura ce week end à Fontfroide des métiers que l’on a moins l’occasion de croiser dans ce type de manifestation : un atelier de frappe de monnaie,  une herboristerie pour découvrir les bienfaits et les vertus des plantes. Les  fondeurs – ces artisans  spécialistes des métaux et souvent itinérants qui fabriquaient les cloches des églises – y seront aussi représentés et il y aura encore un atelier d’archerie pour apprendre, dans le menu détail, les secrets de la fabrication des arcs et des flèches. Dans le souci de vous ménager quelques surprises, nous ne voulons pas tout dévoiler ici, aussi cette liste n’est pas exhaustive et d’autres échoppes vous attendent sur place.

Autres animations et spectacles sur place

Pour faire bonne mesure et s’assurer que l’événement soit une réussite complète, les organisateurs de l’abbaye ont encore ajouté, c’est de circonstance, d’autres cordes à leur arc. Il y aura notamment, dans les temps forts de cette manifestation, de grands spectacles de fauconnerie et de rapaces en vol libre, donnés deux fois par jour, sur les trois jours que couvre l’événement.

Patrice Poitier maître fauconnier passionné

fetes_festivals_evenement_medievales_fauconnerie_spectacles_rapaces_patrice_potier_abbaye_fontfroide

C’est le désormais réputé Patrice Potier qui sera en charge de cette partie des animations. Passionné de rapaces depuis plus de 30 ans, ce fauconnier met en place de véritables spectacles aériens mettant en scène jusqu’à dix rapaces, le tout dans le plus grand respect des oiseaux. L’artiste insiste, en effet, toujours sur le fait qu’il est avant tout  « au service des oiseaux » et à en juger par la qualité, autant que le succès actuel de ses prestations, ces derniers le lui rendent bien.

Mini-ferme pour le ravissement des enfants

Pour le divertissement et le plus grand plaisir des plus petits et des enfants, une mini-ferme et son lot d’animaux domestiques sera installée sur place le samedi et le lundi.

Gourmets et envies gourmandes sur place

Pour ceux qui souhaiteront se restaurer sur place, l’auberge de l’abbaye « La Table de Fontfroide » proposera tout au long de l’événement un menu spécial moyen-âge. Du côté des petits creux ou des envies plus informelles, il y aura aussi dans la cour une échoppe spéciale baptisée « La cuisine des Convers », à la découverte des saveurs médiévales à déguster  sur le pouce (crêpes fetes_rejouissances_ripailles_medievales_auberge_abbaye_fontfroideau sarrasin, pois chiche à la catalane, poulet farci, etc…). Le caveau de l’abbaye sera également ouvert pour des dégustations de vins.

Voilà, mes amis, quelques informations sur cette belle manifestation médiévale à  visiter cette fin de semaine, si vous vous tenez dans le sud des terres de France  ou dans la région de Narbonne.

Pour le reste, informations, questions, détails, tarifs, accès et programme complet : voyez le programme détaillé ici.

Une très belle journée  à tous.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.