Sujet : poésie médiévale, poésie satirique, ballade Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle Auteur ; Eustache Deschamps, Eustache Morel Titre : Mieux vaut honneur que honteuse Richesse Média : vidéo, lecture audio en vieux français
Bonjour à tous,
ous publions, aujourd’hui, une lecture audio autour de Eustache Deschamps, poète médiéval du XIVe siècle et officier d’armes à la cour sous Charles V et Charles VI. Nous en profitons pour dresser un court portrait de l’auteur et aussi pour faire lecture de la poésie « Mieux Vaut honneur que Honteuse richesse », toute chose dont nous avions parlé dans l’article que nous lui avions déjà consacré mais cette fois-ci en y ajoutant la dimension du son.
Pour plus de lectures audio, voici un petit récapitulatif de ce que nous avons déjà publié:
Sujet : poésie médiévale, poésie satirique, et réaliste, tradition « gollardique », Auteur : François Villon Titre : Ballade et « Oraison », l’âme du bon maistre Jehan Cotard Période : moyen-âge tardif, début renaissance
Bonjour à tous,
oici encore une ballade de François Villon qui nous poursuit de sa belle poésie. Cette fois, nous le retrouvons dans un texte plus « léger » où il ne nous conte pas ses propres souffrances mais nous parle avec humour d’un « supposé » feu maistre Jehan Cotard et de son goût pour la boisson.
Qui était le bon maistre Jehan Cotard ?
Sur la question de qui était ce bon maistre Jehan Cotard, on trouve les traces de deux homonymes portant ce nom là, à Paris, dans une période contemporaine de celle de Villon. Le premier est un procureur en cour d’église mais si c’est bien lui l’homme était encore vivant au moment où Villon lui dédiait ses vers. Etonnant non? Au vue de l’humour de Villon, il se peut très bien qu’il ait rédigé la ballade du vivant de son camarade de beuverie à la manière d’une farce entre amis. L’autre Jean Cotard était, quant à lui, un marchand orfèvre et bourgeois.
En réalité, il demeure difficile en réalité de savoir si l’homme auquel François Villon fait référence ici était l’un des deux homonymes que l’on a retrouvé grâce aux registres de la municipalité de Paris ou un autre que l’Histoire n’a pas retenu, faute de documents existants. *
(Ci-contre, détail d’une scène de Taverne, (à l’évidence arrosée jusqu’au parquet) Manuscrit Valère Maxime, 1470)
Comme Villon semble s’être fait de nombreux amis, à l’occasion de ses études, dont une partie d’entre eux devint plus tard « de grands seigneurs et maîtres », aucune hypothèse ne peut vraiment être écartée sur l’identité de ce maître buveur. On a également avancé, en d’autres endroits, la possibilité d’un troisième Jean Cothard mais avec un H cette fois-ci, qui était inscrit comme doyen de la confrérie Saint Jacques de Paris en 1462 et 1463. Pour être honnête, je ne sais à quel point il faut aller chercher une coquille d’orthographe dans le texte de Villon sur le nom de l’homme. Sauf erreur d’imprimerie, la rigueur de son écriture la rendrait en tout cas surprenante et de fait, à une lettre près, les recherches sur le dit Jehan Cotard pourraient sans doute nous amener assez loin.
Laissons donc le bon maître dont il est question dans cette ballade à son mystère; il reste que Villon nous le décrit comme un boit-sans-soif invétéré ce qui pourrait permettre d’inscrire cette poésie dans la tradition des chansons à boire ou même de la poésie goliardique des XIIe, XIIIe siècles qui encensait, entre autre chose, les plaisirs de la boisson et de la chair, à ceci près que la ballade du bon maistre Jehan Cotard par maistre François Villon n’est pas en latin mais en bon français du XVe siècle.
*Sources : Romaniarevue trimestrielle consacrée à l’étude des langues et des littératures romanes (Volume 2, 1873).
Ballade et Oraison de François Villon
L’âme du bon maistre Jehan Cotard
Pere Noe, qui plantastes la vigne; Vous aussi, Loth, qui bustes au rocher, Par tel party qu’Amour, qui gens engigne, De vos filles si vous feit approcher, Pas ne le dy pour le vous reprocher, Architriclin*, qui bien sceustes cest art, Tous trois vous pry qu’o vous veuillez percher L’ame du bon feu maistre Jehan Cotard!
* Loth : s’enivra dans une caverne et ses filles abusèrent de lui pour concevoir
* Architriclin : Personne responsable de l’ordonnance du festin. allusion à l’Architriclin de l’évangile qui commanda qu’on fit servir le vin en premier aux noces de Cana.
Jadis extraict il fut de vostre ligne, Luy qui beuvoit du meilleur et plus cher; Et ne deust-il avoir vaillant ung pigne,* Certes, sur tous, c’estoit un bon archer; On ne luy sceut pot des mains arracher, Car de bien boire oncques ne fut faitard. Nobles seigneurs, ne souffrez empescher L’ame du bon feu maistre Jehan Cotard!
* Pigne : traduit par peigne dans un ouvrage de 1835. ainsi que dans le glossaire de la langue d’Oil de Alphonse Bos. Pour le sens général de ces deux vers, nous proposons quelque chose comme : « Et même s’il ne possédait pas grand chose
D’entre tous, il n’était pas du genre à lâcher sa prise. »
Comme um viellart qui chancelle et trepign L’ay veu souvent, quand il s’alloit coucher; Et une foys il se feit une bigne,* Bien m’en souvient, a l’estal d’ung boucher. Brief, on n’eust sceu en ce monde chercher Meilleur pion, pour boire tost et tard. Faictes entrer quand vous orrez hucher* L’ame du bon feu maistre Jehan Cotard.
* Bigne: Bosse
*orrez hucher : entendrez frapper à la porte)
ENVOI.
Prince, il n’eust sceu jusqu’a terre cracher; Tousjours crioyt: Haro, la gorge m’ard! Et si ne sceut oncq sa soif estancher, L’ame du bon feu maistre Jehan Cotard.
Aparté Georges Brassens et François Villon
En lisant encore les références à Villon entre les lignes de Brassens, voici un texte assez peu connu du chanteur contemporain du XXe siècle ayant pour titre « la légion d’Honneur ». Il est notoire que Georges Brassens refusa cette légion d’honneur quand on la lui proposa, mais il ne chanta pas cette chanson pourtant de son vivant. On doit à Maxime le Forestier de l’avoir fait connaître, à titre posthume puisque Georges Brassens ne l’enregistra jamais de son vivant. On y trouve quelque vers en référence à ce Jehan Cotard dont Villon nous parle, que je vous livre ici:
« L’âme du bon feu maistre Jehan Cotard
Se réincarnait chez ce vieux fêtard.
Tenter de l’empêcher de boire un pot
C’était ni plus ni moins risquer sa peau.
Un soir d’intempérance, à son insu,
Il éteignit en pissotant dessus
Un simple commencement d’incendie.
On lui flanqua le mérite, pardi !
Depuis que n’est plus vierge son revers,
Il s’interdit de marcher de travers.
Car ça la fout mal d’ se rendre dans les vignes,
Dites du Seigneur, faire des faux pas
Quand on est marqué du fatal insigne.
La Légion d’honneur ça pardonne pas. » Georges Brassens. La légion d’Honneur
Voici l’interprétation de la Légion d’Honneur
de Georges Brassens par Maxime le Forestier
Une très belle journée à tous!
Fred
Pour moyenagepassion.com « A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes »
Sujet : poésie médiévale, auteur, poéte, chevalier, chevalerie, tournoi, poète satirique. Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle Auteur : Eustache Deschamps (1346 -1406) Titre : Ballade. Au tournoi Ouvrage : Poésies morales et historiques d’Eustache Deschamps, par Georges Adrien Crapelet, 1832
Bonjour à tous,
ous avons déjà posté, il y a quelques temps ici, un premier article sur Eustache Deschamps, dit Morel (et non l’inverse), cet auteur très particulier du XIVe siècle que l’on met volontiers en droite ligne d’un Rutebeuf et en parenté d’un François Villon pour sa verve et ses productions satiriques mais aussi, en référence à Villon, pour ses ballades, genre qu’il affectionne particulièrement et dont on lui attribue de l’avoir fait évoluer.
Même s’il fréquente de près la cour et les rois, en étant à leurs services (voir article précédent sur cet auteur), Eustache Deschamps n’hésite jamais, en effet, à s’adonner à l’art de la critique morale, religieuse ou politique, et pour tout dire à la poésie satirique ce qui lui vaudra, d’ailleurs et à plusieurs reprises, de se faire quelques ennemis et d’essuyer quelques déboires puisqu’on cherchera à l’éloigner des couloirs du pouvoir. On y parviendra d’ailleurs pour un temps au moins; nul doute que la satire ne paye pas et ne fait jamais bon ménage avec le pouvoir. Voici ce que nous dit G.A Crapelet dans son ouvrage du XIXe siècle sur le poète :
« La hardiesse des pensées est surtout remarquable chez Eustache Deschamps et lui a valu de longues inimitiés qui lui ont fermé le chemin de la fortune et les faveurs de la cour, qu’il ne cesse pourtant de réclamer dans ses ballades pour ses longs et loyaux services. » Citation de Georges Adrien Crapelet, Opus cité
Pour ses témoignages, pour son regard acerbe et sa langue déliée, autant que pour ses apports largement reconnus sur l’art poétique et en stylistique, Eustache Deschamps reste, sans conteste, un poète et un auteur médiéval à redécouvrir. A noter que sa longévité et le fait qu’il écrivit sans relâche, lui ont permis de nous léguer un oeuvre conséquente de plus de 80 000 vers et de nombreux textes précieux sur le monde médiéval.
Ballade du tournoi, d’Eustache Deschamps
Les paroles en moyen français
Aujourd’hui, cette poésie médiévale que nous présentons de lui nous replonge dans l’ambiance des tournois de chevaliers, avec les espoirs d’y gagner honneur, gloire et avec tout cela, d’y conquérir le coeur de belles demoiselles. Cette ballade a été écrite pour un tournoi ayant eu lieu près de Paris, à Saint-Denis pour être plus précis, au début du mois de mai 1389 (ci-contre les tournois au XIIIe et XIVe, enluminure Codex Manesse, Allemagne, 1310-1340).
Comme on se rapproche déjà considérablement de notre français moderne, je n’ai pas annoté ou adapté ce texte qui se comprend, il me semble en tout cas, très bien.
Armes, amours, déduit, joye et plaisance, Espoir, desir, souvenir, hardement, Jeunesce aussi , manière et contenance , Humble regart trait amoureusement , Genz corps , joliz , parez très richement , Avisez bien ceste saison nouvelle , Ce jour de may , ceste grant feste est belle Qui par le Roy se fait à Saint-Denys ; A bien jouster gardez vostre querelle Et vous serez honnorez et chéris.
Car là sera la grant biauté de France , Vint chevaliers, vint dames ensement, Qui les mettront armez par ordenance Sur la place toutes d’un parement, Le premier jour ; et puis secondement Vint escuiers chascun sa damoiselle , D’uns paremens joye se renouvelle ; Et là feront les héraulx pluseurs cris Aux bien joustans; tenez fort vostre selle , Et vous serez honnorez et chéris.
Or y perra qui bien ferra de lance , Et qui sera de beau gouvernement Pour acquérir d’Amour la bienvveillance , Et qui durra ou harnois longuement ; Cilz ara los, doulz regart proprement Le monsterra; Amour, qui ne chancelle, L’enflambera d’amoureuse estincelle. Honneur donrra aux mieulx faisans les pris ; Avisez tous ceste doulce nouvelle, Et vous serez honnorez et chéris.
Envoi
Servans d’amours , regardez doulcement Aux eschaffaux anges de paradis, Lors jousterés fort et joyeusement , Et vous serez honnorez et chéris.
En vous souhaitant une belle journée à tous, mes amis, Longue vie!
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : poésie médiévale, poésie satirique Période : moyen-âge tardif, XVe siècle Auteur : François Villon (1431-1463) Titre : « Lays, au retour »
Bonjour à tous,
‘est après sa sortie de la prison du château de Meung-sur-Loire, où l’évêque d’Orléans Thibault d’Aussigny l’avait fait emprisonner que François Villon écrira ce LAYS et son œuvre majeure, le testament.
Le doute subsiste encore sur les motifs de cet emprisonnement qui n’est pas le premier dans la vie du turbulent poète, sans doute de menus larcins à la faveur d’une passe où il se trouvait sans le sou, ce qui lui est arrivé également plus d’une fois. Incarcéré durant l’été 1461, François Villon en sortira quelques mois après en octobre, gracié par le roi Louis XI qui venait d’être investi de la couronne, à la suite du décès de son père Charles VII et qui faisait alors le tour de son royaume.
Le poète gardera encore longtemps les traces de cet emprisonnement où on lui fit subir des sévices, dont le terrible supplice de l’eau qui consistait à forcer le prisonnier à ingurgiter de l’eau en quantité. Il évoquera cette torture dans un autre texte, l’épître en forme de ballade à ses amis : « En ses boyaux verse eau à gros bouillon ». Vient-il hanter parfois de son air goguenard, les geôles du château lui qui a triomphé des siècles pour s’inscrire dans l’Histoire?
Peu de temps après les faits, se retrouvant encore mêlé à une rixe dans laquelle un de ses amis blessera à coup de couteau le notaire pontifical François Ferrebouc, François Villon sera de nouveau arrêté et cette fois-ci condamné à être pendu. Il fera appel de la décision et sera finalement condamné à dix ans de bannissement. Il sortira de nouveau de prison en 1463 et disparaîtra à jamais sans qu’on ait jamais su s’il avait été assassiné par l’une de ses mauvaises fréquentations ou par un quelconque de ses ennemis, ou s’il était allé chercher ailleurs et en province une seconde vie. Il avait alors 32 ans et emportait avec lui son mystère, ne nous laissant pour legs que sa grande poésie.
Les paroles du Lay de François Villon.
« Au retour de dure prison, Où j’ay laissé presque la vie, Se Fortune a sur moy envie, Jugez s’elle fait mesprison! Il me semble que, par raison, Elle deust bien estre assouvie, Au retour.
Cecy plain est de desraison, Qui vueille que de tout desvie; Plaise à Dieu que l’ame ravie En soit, lassus, en sa maison, Au retour ! »
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com