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« Pourquoi viens-tu si peu à la cour? » d’Eustache Deschamps, adapté en français moderne.

poesie_medievale_satirique_eugene_deschamps_moyen_ageSujet : poésie médiévale, politique, satirique, vieux français, oil, traduction, adaptation français moderne, ballade, jeux de cour
Période : moyen-âge tardif (1346-1406)
Auteur : Eustache Deschamps
Titre : « Je n’ai cure d’être en geôle »

Bonjour à tous :

S_lettrine_moyen_age_passionuite à l’article d’hier, nous publions aujourd’hui, une adaptation / traduction en français moderne de l’une des ballades d’Eustache Deschamps que nous y présentions en vieux français, avec un visuel pour l’accompagner.

« Je n’ay cure d’estre en geôle », traduction adaptation en français moderne

Pourquoi viens tu si po a court?
Qui fuit la court, la court le fuit.

– Pour ce qu’il y fault estre sourt,
Et sanz veoir ne que  de nuit,
Estre muyaux; parler y nuit;
Or voy, or oy bien et parole :
Par ces trois poins sont maint destruit :
Je n’ay cure d’estre en geôle.

Pourquoi viens-tu si peu à la cour?
Qui fuit la cour, la cour le fuit.
– Pour ce qu’il y faut être sourd,
Ne pas y voir mieux que de nuit,
Etre muet ; parler y nuit ;
Or, je vois, entends bien et j’use de paroles :
Trois bonnes raisons pour y être détruit :
Je n’ai cure d’être en geôle.

Qui dit voir, nul ne le secourt,
Qui voit trop cler, l’en le deffuit;
Qui voit et entent, sur lui court
Chascuns, lors sera mis en bruit;
Li soulaulx fault, la lune y luit
Ténébreuse, la se rigole;
Tenez vous y toutes et tuit:
Je n’ay cure d’estre en geôle.

Qui dit voir, nul ne le secourt,
Qui voit trop clair, et on le fuit;
Qui voit et entend, sur lui court
Chacun, pour lui faire une réputation;
Les soleils manquent, la lune y luit
Ténébreuse, elle s’en réjouit;
Tenez-vous y toutes et tous:
Je n’ai cure d’être en geôle.

Car je voy qu’a ces oiseaulx sourt
En geôles po de déduit;
Ilz sont tenuz crêpes et court .
Ceuls qui ont des champs le conduit . 
Vivent frans; franchise les duit,
Et l’angeolé  pas ne vole,
Qui pour yssir hors se deruit :
Je n’ay cure d’estre en geôle. »

Car je vois que ces oiseaux sourds
En geôles ont peu de plaisir;
Ilz y sont tenus à l’étroit.
Ceux qui ont des champs les conduisent.
Vivent libres ; franchise les guide,
Et l’emprisonné pas ne vole,
Qui pour en sortir, se détruit :
Je n’ai cure d’être en geôle.

En vous souhaitant une excellente journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus  Ier s. av. J.-C

D’Eustache Deschamps à Patrice Leconte: deux ballades sur la cruauté et la vanité des jeux de Cour

eustache_deschamps_moyen-age_banquet_jeux_de_cour_cruaute_poesie_realiste_satirique_critiqueSujet : poésie médiévale, morale, critique, politique, satirique, vieux français, oil, ballade, jeux de cour, cruauté.
Période : moyen-âge tardif (1346-1406)
Auteur : Eustache Deschamps
Titre : « Je n’ai cure d’être en geôle » « Pourquoi viens-tu si peu à la cour? » « Trop de périls sont à suivre la cour ».

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous revenons aujourd’hui, vers la poésie médiévale du talentueux Eustache Deschamps pour le retrouver encore en homme lucide et désabusé, jetant sur les XIVe, XVe siècles son regard acerbe et sans concession. Poète de la distance critique et morale, auteur d’une poésie politique et réaliste aussi. il nous fait partager ici son analyse des jeux de cour et de leur hypocrisie, depuis l’intérieur. Il les a côtoyés, comme il a côtoyé le pouvoir et les puissants sa vie entière et pour bien les connaître, il finira même par les déserter. Il s’en expliquera dans plusieurs ballades et poésies et nous publions donc aujourd’hui deux d’entre elles.

moyen-age_banquet_jeux_de_cour_cruaute_poesie_realiste_satirique_critique_eustache_deschamps

« Princes, j’ay veu a mainte court en France
Maint serviteur servir par ce moien;
Et quant g*i voy si doubteuse balance,
Je ne vueil plus fors que vivre du mien. »
Eustache Deschamps   (1346-1406) et la cour des puissants

Eustache Deschamps – Patrice Leconte : anachronisme pertinent?

Qu’est-ce que « l’esprit de cour »? Que s’y passe-t-il au quotidien de ces banquets et de ces fêtes et comment y brille-t-on? On peut difficilement penser aux jeux de cour et à leur cruauté sans évoquer l’excellent film Ridicule de Patrice Leconte. Bien sûr, l’histoire du film se passe sous Louis XVIe et à la cour de ridicule_film_historique_patrice_leconte_jeux_de_cour_cruaute_poesie_realiste_satirique_medievale_eustache_deschamps_moyen-age_tardifVersailles et près de quatre siècles après Eustache Deschamps et pourtant. Sans dire que rien n’a changé du XIVe au XVIIIe, à lire le poète du moyen-âge tardif, il semble qu’il y ait tout de même des constantes qui se dessinent dans ses jeux de pouvoir et de flatterie, dans cette hypocrisie et ces excès, cette prison du paraître dans lesquels les nobles se piègent eux-même et se trouvent intriqués, au risque d’y brûler leurs ailes.

Scène culte 1:
l’esprit au service des enjeux de pouvoir

Pour toutes ces raisons et mis entre guillemets quelques anachronismes, un peu moins de poudre et de perruques et un « esprit » qui se traduit, du temps d’Eustache Deschamps, dans un langage qui n’a pas encore la modernité de celui de la cour de Versailles, nous ne résistons pas à l’envie de partager ici, mêlés de la poésie de l’auteur médiéval, quelques extraits de ce savoureux film: la réalisation est celle d’un virtuose qui aime flirter avec la satire et la causticité, Patrice Leconte (photo plus bas dans l’article), les acteurs sont exceptionnels et nous devons les excellents dialogues  à trois scénaristes : Rémi Waterhouse, Michel Fessler et Eric Vicaut.

eustache_deschamps_poesie_medievale_politique_satirique_jeux_de_cour_film_histoirique_ridicule_patrice_leconte

Ridicule : deux mots sur l’histoire du film

Au XVIIIe siècle, Grégoire Ponceludon de Malavoy (Charles Berling), un jeune aristocrate et ingénieur des Dombes – zone marécageuse, constellée d’étangs de la région bressane -, projette d’en faire assécher les marais pour assainir son domaine et mettre ses terres en exploitation. Les paysans y vivent dans la misère, dévorés par les moustiques et les maladies et les marécages condamnent toute possibilité d’y cultiver.

satire_jeux_de_cour_film_histoirique_ridicule_patrice_leconte_realisateur_talentVenu devant la cour pour porter son projet et rencontrer le roi, le baron de Malavoy apprendra que pour progressistes et empreints de bonnes intentions qu’ils soient, ses plans ne suffiront pas seuls à gagner sa cause. Pour se faire entendre du roi et s’en rapprocher, il lui faudra, en effet, entrer à la cour, mais, plus que tout, savoir y montrer de l’esprit et y briller s’il veut espérer un entretien avec le souverain. Prêt à tout pour porter haut son projet et sauver ses gens, sous la protection du marquis de Bellegarde (Jean Rochefort) qui le prendra sous son aile, il se pliera donc au jeu et y brillera. Moeurs dissolues, cruauté, hypocrisie, perfidie , mépris, rien ne lui sera pourtant  épargné dans un Versailles décadent et abjecte sous ses perruques poudrées. Il y trouvera notamment pour ennemi cruel, sous des dehors de joutes verbales, un l’abbé au nom tout trouvé de Vilecourt (Bernard Giraudeau), religieux plein d’esprit mais totalement dévoyé, amant de la très belle et perverse Madame de Blayac (Fanny Ardant).

Si vous n’avez pas encore vu ce film plus historique que médiéval, nous vous conseillons vivement une séance de rattrapage non sans conseiller aux âmes sensibles de s’abstenir, une des premières scènes du film étant, en effet, assez vitriolé.

La poésie d’Eustache Deschamps
dans le moyen-français du XIVe siècle

« Pourquoi viens tu si po a court?
Qui fuit la court, la court le fuit.
– Pour ce qu’il y fault estre sourt,
Et sanz veoir ne que  de nuit,
Estre muyaux; parler y nuit;
Or voy, or oy bien et parole :
Par ces trois poins sont maint destruit :
Je n’ay cure d’estre en geôle.

Qui dit voir, nul ne le secourt,
Qui voit trop cler, l’en le deffuit;
Qui voit et entent, sur lui court
Chascuns, lors sera mis en bruit;
Li soulaulx fault, la lune y luit
Ténébreuse, la se rigole;
Tenez vous y toutes et tuit:
Je n’ay cure d’estre en geôle.

Car je voy qu’a ces oiseaulx sourt
En geôles po de déduit;
Ilz sont tenuz crêpes et court .
Ceuls qui ont des champs le conduit . 
Vivent frans; franchise les duit,
Et l’angeolé  pas ne vole,
Qui pour yssir hors se deruit :
Je n’ay cure d’estre en geôle. »
Eustache Deschamps

Ballade : de la douleur qui peut advenir à ceux qui suivent la cour de Prince

« Mon corps se pert , use , gaste et destruit
,A court suir , qui est doubteuse vie :
On dort le jour, et y veille-on la nuit;
Et y fait-on trop de gourmenderie.
Vin barillié et viande pourrie
Y ont pluseurs ; tant d’ordure y a court
Qu’eureus est cilz qui ne la poursuit mie :
Trop de périlz sont à suir la court.

A apetit d’aucuns fault estre duit,
Et que frans cuers au félon s’umilie ,
Et telz se faint amis d’autre qui nuit ;
Blandir convient, doleur, paine et envie,
A suir ceuls qui ont la seignourie;
Aveugle fault estre, muet et sourt,
Bon fait fuir tele merancolie :
Trop de périlz sont à suir la court.

On est logiez non pas à son déduit
En poures draps et en paillarderie ;
Souventefoiz en grant noise et en bruit;
Et maintefoiz , qui bien n’y remédie,,
Plus y despent qui plus a de mesgnie.
Le temps s’en va, viellesce sus y court
Sanz guerdon ; qui s’i tient c’est folie :
Trop de périlz sont à suir la court.

Prince , li homs qui suffisance instruit,
Vit liement, et n’eust c’un seul pain cuit;
Mais curiaux en grant doleur décourt :
L’un a joie, tristeur l’autre conduit.
Or avisez ci , toutes et tuit :
Trop de périlz sont à suir la court. »
Eustache Deschamps

En vous souhaitant une excellente journée et une belle semaine!
Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

vidéo-documentaire: la guerre de cent ans en 30 minutes chrono

video_documentaire_monde_medieval_moyen-ageSujet : Guerre de cent ans, Bataille  Crecy, Azincourt, Edouard III, Philippe le Bel, Jeanne d’Arc, Charles VII.
Période : moyen-âge central à tardif (1337 – 1453)
Média : Vidéo-documentaire, France 3
Distribution :  Des Racines &t des ailes

« Le royaume de France est si noble qu’il ne peut aller à femelle. »
Chroniques  de Jean Froissart (mot prononcé aux états généraux du 2 février 1317 invoquant la loi salique)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous publions un vidéo-documentaire télévisuel produit par la très bonne émission Des Racines et des ailes de France 3 et ayant pour sujet ce conflit incontournable du moyen-âge que fut la guerre de Cent ans. C’est donc un cours de rappel pour ceux qui connaissent l’histoire sur le bout des doigts, et un cours de rattrapage pour les autres.

video_documentaire_moyen-age_monde_medieval_guerre_cent_ansBien sûr, comme il s’agit d’un survol de trente minutes, vulgarisation historique oblige, seules les grandes dates et batailles charnières y sont abordées. Quelques raccourcis historiques sont encore imposés par le format, notamment concernant le déclenchement du conflit, l’impasse sur certains dommages collatéraux, etc…, mais on ne peut traiter de manière exhaustive un sujet aussi complexe en un temps aussi court, sans faire des choix, aussi cela reste un bon documentaire pour reprendre les bases.

video_documentaire_moyen-age_guerre_cent_ans_azincourt_crecy_monde_medieval_bases_chronologiques

video_documentaire_guerre_cent_ans_arc_long_anglaisUne parenthèse y est même ménagée pour y visiter la belle cathédrale de Bourges et nous avons encore le point de vue de deux historiens, un du côté anglais et l’autre du côté français tout au long du reportage, pour bien montrer que l’Histoire a fini par panser les blessures des deux côtés: les français ayant oublié l’outrecuidance et la barbarie sanguinaire des anglais qui combattaient même le dimanche, autant que l’assassinat sauvage et injuste de la plupart des nobles de France lors d’Azincourt et de Jeanne d’Arc, plus tard, et de leur côté, ces derniers se sont finalement consolés de leur cuisante défaite en repensant à la nullité des français à Crecy et à Azincourt, qu’ils continuent de venir commémorer en autobus (qu’on imagine anglais, bien sûr) ou en relisant ce gros menteur de Shakespeare qui n’a fait rien qu’exagérer le tout pour leur mettre la grosse tête. Bon, mais ça va, je plaisante là!

T_lettrine_moyen_age_passionout de même au sortir de tout cela, niveau stratégie militaire, il reste un constat un peu gênant: mettre près de cent ans pour se rendre compte que l’arc long ça pique et qu’il faut s’en méfier, ça fait quand même un peu long même s’il est vrai, comme le fait remarquer l’historien Olivier Naulleau (est-il cousin de Eric et surtout est-ce vraiment une question pertinente dans le cadre de cet article?) que la foi dans la chevalerie et ses valeurs avaient alors une grande place dans l’idée de la gloire et de la guerre du côté français. Cela ne peut tout expliquer. Il y a peut-être encore des histoires de discipline militaire, mais aussi certainement quand même des bons et des mauvais chefs de guerre dans toute cette histoire. Crécy (1346), Azincourt (1415), après les nombreuses guerres de croisades, les armées royales des XIVe et XVe siècles sont tout de même censées être un peu plus professionnalisées et disciplinées que celles des siècles précédents.

video_documentaire_moyen-age_guerre_cent_ans_monde_medieval_bases_chronologiques

Côté réalisation, le reportage est, comme toujours dans le cadre de ce programme, impeccable avec de très belles idées notamment pour les scènes de reconstitution des batailles et un mélange de miniatures d’époque en 2D, traitées dans une profondeur 3D très réussi. Dit comme ça, ça à l’air un peu compliqué mais une fois devant, vous comprendrez.

Au passage, nous en profitons d’ailleurs pour reposter ici, une  illustration très sérieuse que ce conflit nous avait déjà inspirée.

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En vous souhaitant une très belle journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com
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Une chanson d’amour Courtois par le roi poète Thibaut de Champagne

thibaut_le_chansonnier_troubadour_trouvere_roi_de_navarre_comte_de_champagneSujet : chanson médiévale, poésie, amour courtois, roi troubadour, roi poète
Période : moyen-âge central
Auteur : Thibaut de Champagne (1201-1253)
Titre : chanson d’amour ou « Por conforter ma pesance »
Manuscrit ancien : le chansonnier du roi
Interprètes : Alla Francesca. Vocal: Emmanuel Vistorky, Harpe: Brigitte Lesne

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passion‘est toujours un plaisir que d’approfondir la découverte de Thibaut de Champagne à travers ses chansons et ses compositions. Roi de Navarre, Comte de Champagne, il est entré dans la légende comme Thibaut le Chansonnier en léguant à la postérité pas moins de soixante chansons. Son répertoire est large et va de la chanson courtoise à des chansons plus engagées sur le plan politique ou religieux, en passant encore par le jeu-parti, ce divertissement médiéval qui prenait la forme de  joutes verbales entre troubadours où alternant les couplets chaque protagoniste défendait une positon contraire. Au niveau stylistique, on prête généralement à ce noble chevalier et poète d’avoir revisité des formes classiques de son temps tout en y amenant sa propre touche d’humour et de distance.

Pour ce qui est de la pièce du jour, comme son titre l’indique, il s’agit d’une chanson d’amour courtois dans laquelle le roi poète, victime impuissante et consentante de ses sentiments amoureux, chante  à sa dame la douce flamme qui le retient prisonnier.

Alla Francesca : à la découverte du Thibaut de Champagne et du Chansonnier du roi

On doit à la très sérieuse formation artistique et musicale Alla Francesca, spécialisée dans le répertoire des musiques anciennes et médiévales un album entier sur le roi troubadour.

Les chansons sont tirées du manuscrit du roy (roi) ou chansonnier du roi, ouvrage d’importance majeure pour la musique médiévale des XIIe et XIIIe siècles qu’il s’agisse de danses, de pièces instrumentales, comme de chansons monophoniques ou polyphoniques.

chanson_musique_medievale_amour_courtois_thibaut_de_champagne_roi_troubadour_chansonnier_alla_francesca

chanson_musique_medievale_amour_courtois_thibaut_de_champagne_troubadour_chansonnier_alla_francesca_Emmanuel_VistorkyL’interprétation qu’ils font de cette pièce d’amour courtois de Thibaut de Champagne, tout en délicatesse avec une harpe pour seul accompagnement et cette voix tout en notes graves vous emportera peut-être à la cour de Champagne ou de Navarre du XIIIe siècle, pour vous y faire revivre les plus belles heures du roi chansonnier. Nous n’avons bien entendu aucune trace de la voix originelle de ce dernier, mais je dois avouer que l’incarnation subtile et toute en élégance qu’en fait le chanteur Emmanuel Vistorky est fort convaincante, en plus d’être très agréable à écouter.

Les paroles de la chanson d’amour de Thibaut le Chansonnier & leur adaptation en français moderne

Por conforter ma pesance
Faz un son.
Bons ert, se il m’en avance,
Car Jason,
Cil qui conquist la toison,
N’ot pas si grief penitance.
E! é! é!

Pour soulager mon cœur lourd
Je compose un air.
Il  serait bon qu’il puisse m’aider
Car Jason,
Celui qui conquit la toison,

Ne subit pas si dure pénitence.
Hé, hé, hé !

Je meïsmes a moi tence,
Car reson
Me dit que je faz enfance,
Quant prison
Tieng ou ne vaut raençon;
Si ai mestier d’alejance.
E! é! é!

Je me fais à moi-même des reproches
Car ma Raison
Me dit que je fais une folie
De rester dans une prison
Où il n’y a de rançon qui vaille.
J’ai donc bien besoin de soulagement.
Hé, hé, hé !

Ma dame a tel conoissance
Et tel renon
Que g’i ai mis ma fiance
Jusqu’en son.
Meus aim que d’autre amor don
Un regart, quant le me lance.
E! é! é!

Ma dame est si reconnue
Et renommée
Que j’ai mis toute confiance
jusqu’en elle

Plus  que l’amour d’une autre,  je préfère
un seul regard,   quand c’est elle qui me le lance.
Hé, hé, hé !

Melz aim de li l’acointance
Et le douz non
Que le roiaume de France.
Mort Mahon!
Qui d’amer qiert acheson
Por esmai ne pour dotance!
E! é! é!

J’aime mieux sa présence
Et son doux nom
Que le royaume de France.
Maudit soit, par Mahomet !
Qui l’Amour veut accuser
En ce qu’il apporte peine et souffrance.
Hé, hé, hé !

Bien ai en moi remenbrance
A conpaignon;
Touz jorz remir sa senblance
Et sa façon.
Aiez, Amors, guerredon!
Ne sosfrez ma mescheance!
E! é! é!

J’ai en moi  mes souvenirs
Qui m’accompagnent ;
Pour chaque jour contempler son image
Et son visage.
Amour, accordez-moi récompense,
Ne souffrez pas mon malheur !
Hé, hé, hé !

Dame, j’ai entencion
Que vos avroiz conoissance.
E! é! é!

Dame, j’espère bien
Que vous saurez faire preuve de discernement.
Hé, hé, hé !

En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.