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« Ami, venez à l’aube » : l’amour courtois à la cour d’Espagne du XVe siècle

trouveres_troubadours_musique_poesie_medievale_musique_ancienneSujet : musique médiévale, amour courtois, cour d’espagne, manuscrit ancien
Période : moyen-âge tardif, début renaissance
Titre : « Al alba venid ». Auteur : Anonyme
Manuscrit : chansonnier musical du palais, ou  chansionnier de Barbieri
Interprétes : The Dufay Collective
Album : cancionero – music for the spanish court 1470-1520 (2006)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous partageons aujourd’hui une pièce d’amour courtois que l’on chantait à la cour d’Espagne dans le courant des XVe et XVIe siècles. C’est un Villancico, soit un chant poétique traditionnel et ancien espagnol. Historiquement,  le terme de Villancico recouvre plusieurs sens: à l’origine, on désignait ainsi, en Espagne, les mélodies populaires chantées par les vilains. A la renaissance, certaines d’entre elles se convertirent en chansons à une voix ou plusieurs, accompagnées souvent au luth ou de son cousin aragonais la Vihuela (voir illustration ci-dessous).  Avec le temps, certains de ces Villancicos sont aussi devenus des chants que l’on entonnait dans les églises autour de la période de Noel.

L’auteur de la chanson que nous vous présentons ici est demeuré anonyme mais elle existait sans aucun doute à l’état oral avant sa transcription. Quoiqu’il en soit, bien que très simple et très épurée cette poésie n’aurait sans doute pas tellement sa place dans une église. Elle est, en effet, chantée par une dame à son amant et traite de l’attente amoureuse et du secret, thème récurrent de l’amour courtois qui pour être très pur ou très allégorique,  n’en est pas moins souvent polisson, disons-le, puisqu’il n’est pas rare qu’il se plaise à jouer avec les frontières de l’interdit et des conventions dans le dos des maris.

Du point de vue de son contenu, cette chanson s’inscrit encore dans la tradition des troubadours provençaux du XIIe siècle et du moyen-âge central qui ont chanté l’aube mieux que personne, ce moment déchirant où les amants doivent se séparer. En l’occurrence dans cette chanson là, il est question qu’ils s’y réunissent et d’un rendez-vous à l’aube, ce que l’on nomme en bon espagnol, une alborada, et non plus une aubade, un albada.

Venez à l’aube, mon bon ami

Le chansonnier musical du palais ou chansonnier de Barbieri

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Conservé à la bibliothèque royale de Madrid, le Cancionero Musical de Palacio, appelé encore le chansonnier de Barbieri est basé sur un manuscrit ancien datant du XVIe siècle qui contient des compositions musicales et des chansons datant du XVe au début du XVIe siècle. Nous sommes donc à la lisière de la fin du moyen-âge et du début de la renaissance. Ce travail de compilation, effectué par neuf personnes différentes au cours du temps, se serait vraisemblablement étalé  sur une période d’environ quarante ans, sous le règne de rois catholiques espagnols.

Redécouvert à la bibliothèque du palais royal, dans le courant du 17e siècle, on doit Francisco Asenjo Barbieri, célèbre compositeur madrilène du même siècle, considéré comme le créateur de la musique_chanson_moyen-age_chansonnier_du_palais_manuscrit_ancien_-Francisco_Asenjo_Barbierizarzuela, une forme de théâtre lyrique espagnol, de l’avoir retranscrit et publié pour la première fois en 1890.

(ci-contre portrait du compositeur Francisco Asenjo Barbieri)

Originellement, l’ouvrage contenait plus de 548 pièces, mais certains feuillets se perdirent et il n’en reste plus aujourd’hui que 469. Dans leur grande majorité, les compositions sont en castillan, mais il en demeure quelques unes en latin, français, catalan, basque et portugais. On y trouve des chants pour une voix, mais aussi des pièces polyphoniques qui touchent des thèmes aussi variés que l’amour, la religion, la chevalerie, l’histoire, mais encore des sujets plus politiques, burlesques ou satiriques. Hormis les compositions qui sont restées anonymes comme celle d’aujourd’hui, on y dénombre pas moins de cinquante compositeurs et ce manuscrit ancien se présente aujourd’hui comme une véritable anthologie de la musique et des chants polyphoniques de l’Espagne du début de la renaissance et de la fin du moyen-âge.

The Dufay Collective, les interprètes du jour

musiques_chants_medievaux_manuscrit_ancien_chansonnier_musical_du_palais_barbieri_dufay_collectiveCrée en 1987 par une bande de joyeux musiciens anglais, le groupe s’est spécialisé, depuis son origine, dans l’interprétation des musiques anciennes, sur une période allant du moyen-âge à la renaissance. Leur nom « The Dufay Collective » est d’ailleurs directement inspiré de celui de Guillaume Dufay (1397-1474), compositeur franco-hollandais qui fut au milieu du XVe siècle considéré comme comptant parmi les plus grands de son temps,

On doit, à ce jour, près de 11 albums au Dufay collective et ils ont aussi collaboré à la composition de plusieurs bandes originales cinématographiques de films d’époque et même d’un Harry Potter. Vous noterez, au passage, que les groupes anglais sont quand même bien les seuls à se fendre d’une couverture d’album décalée,  humoristique et presque rock pour présenter des musiques médiévales, interprétées finalement de manière plutôt « classique » et « conventionnelle ». Si vous allez faire un tour sur leur site web, vous retrouverez d’ailleurs bien cet esprit.

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Les paroles originales en espagnol

Al alba venid, buen amigo,
al alba venid.

Amigo el que yo más quería,
venid al alba del día.

Amigo el que yo más amaba,
venid a la luz del alba.

Venid a la luz del día,
non trayáis compañía.

Venid a la luz del alba,
non traigáis gran compañía.

Leur traduction en français

A l’aube venez, bon ami
A l’aube venez.

Ami, celui que je voudrais le plus
Venez à l’aube du jour.

Ami celui que j’aimais le plus
Venez à la lumière de l’aube.

Venez à la lumière du jour
N’amenez point de compagnie.

Venez à la lumière de l’aube
N’amenez pas grande compagnie.


Une très belle journée à tous!
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval  sous toutes ses formes

Edito de rentrée

Bonjour à tous,

L_lettrine_moyen_age_passiona fin septembre approche et il est temps de faire notre édito de rentrée. Il est d’abord et avant tout, en forme d’un grand merci pour tous ceux qui nous suivent déjà et nous en profitons pour souhaiter du même coup, une bienvenue chaleureuse à tous nos nouveaux visiteurs.

edito_rentree_2016_monde_medieval_moyen-age_moyenagepassionMoyenagepassion est une sorte de machine à remonter le temps pour voyager dans le moyen-âge de ses périodes les plus reculées jusqu’à nos jours. Pour les curieux comme les passionnés, c’est aussi un  laboratoire d’expérimentation pour explorer et découvrir tout en se divertissant, les mille ans d’histoire fascinante que couvre le monde médiéval.

Depuis ses premiers pas et à quelques rares exceptions près, nous avons publié, quotidiennement, un nouvel article, quelquefois plus. De fait, aujourd’hui, à près de neuf mois de lancement, vous pourrez y retrouver près de 300 articles sur des sujets aussi variés que l’histoire, la poésie, la littérature, la musique, la science, les châteaux, les manuscrits anciens, des livres ou romans plus récents sur le sujet, mais aussi sur des événements d’actualité ou des festivals  célébrant le moyen-âge, et même encore des billets d’humour.

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S_lettrine_moyen_age_passioni nous y parlons très sérieusement et quelquefois plus trivialement d’Histoire, nous n’oublions pas non plus, dans nos pérégrinations, le moyen-âge imaginaire, celui qui vit encore dans nos esprits et même encore celui qui nous transporte jusqu’aux rivages du fantastique et de la fantaisie sur les ailes des dragons. C’est en effet, dans la confrontation de ses faits historiques comme de sa résonance réelle ou révée,  que nous voulons saisir le monde médiéval.  Que nous a-t’il légué? Que nous en reste-t’il? Comment s’invite-t’il encore dans nos vies, dans nos valeurs, dans notre imaginaire? Etait-il donc si barbare? Y était-on si misérable et si triste que nous l’ont conté les georges_duby_histoire_monde_medieval_moyen-age_temps_des_cathedralessiècles qui le suivirent ou que nous le découvrait même parfois le Georges Duby au temps des cathédrales, dans de grands élans lyriques et dramatiques télévisuels? Pour paraphraser Pierre Desproges qui voulait vivre heureux en attendant la mort, ne pouvait-on y vivre heureux en attendant la peste?

Sans aller dans ces deux extrêmes, peut-être faut-il trouver une juste demi-mesure et si vous suivez moyenagepassion depuis quelques temps déjà, vous avez déjà compris que c’est à cela que nous nous employons. De la deuxième moitié du XXe siècle jusqu’à récemment, les historiens médiévistes se sont employés à réhabiliter cette période et c’est avec ce regard neuf, que nous tentons de l’aborder nous-même, pour démontrer qu’on peut, aujourd’hui, s’intéresser au monde médiéval sans pour autant le considérer moyenâgeux.

Li livres dou tresor, une encyclopédie médiévale du XIIIe siècle par Brunetto Latini
Le livre du trésor, une encyclopédie médiévale du XIIIe siècle par Brunetto Latini

T_lettrine_moyen_age_passionoute proportion gardée et en forme de clin d’oeil,  il y a derrière tout cela un projet un peu foufou qui n’est pas sans évoquer les projets d’encyclopédie auxquels certains auteurs médiévaux pouvaient s’atteler, seuls. Nous avons de notre côté, le parchemin et la plume en  moins, mais le multimédia et la souris en plus, avec des images, des illustrations, des vidéos, des documentaires, des films, des conférences et même des lectures audio en vieux français. Au final, encore une fois en le comprenant plus dans son sens médiéval que contemporain et en le projetant un peu dans le temps, cela pourrait prendre la forme d’une sorte de petite encyclopédie médiévale artisanale qui, sans trop se prendre au sérieux, se mettrait par instant à rêver qu’elle puisse, peut-être un jour, devenir idéale, comme l’était le beau palais du facteur Cheval.

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Le palais idéal du facteur Cheval à Hauterives (drôme)

Nous allons donc, de notre côté, pierre par pierre, continuer de l’édifier. Vous êtes déjà des milliers tous les mois à nous  encourager à le faire et nous vous remercions encore du fond du coeur pour cela, et pour ceux qui nous découvrent, restez encore un peu, vous êtes les bienvenus!

En vous souhaitant une très belle journée à tous.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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Humour grivois et Amours interdites, une épigramme de Clément Marot

humour_medieval_grivoiseries_epigramme_amours_interditesSujet : humour, poésie médiévale, grivoiserie, humour grivois, épigrammes, vieux français.
Auteur : Clément Marot (1496-1544)
Période : moyen-âge tardif, début de la renaissance
Titre : épigramme.

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, pour égayer cette journée, nous partageons une épigramme humoristique, grivoise et anticléricale de Clément Marot. Ames chastes s’abstenir donc mais ne vous en offusquez point! Hors de l’amour courtois, il faut bien que toutes les formes d’amours médiévales trouvent ici leur place.

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« Frère Thibault, sejourné gros et gras,
Tirait de nuit une garce en chemise
Par le treillis de sa chambre: où le bras
Elle passa, puis la tête y a mise,
puis tout le sein, mais elle fut bien prise,
Car son fessier y passer ne peut onc:
“Par la morbieu, ce dit le moine adonc,
Il ne m’en chaut de bras, tétin ne tête;
Passez le cul, ou vous retirez donc,
Je ne saurois sans lui te faire fête.”
Clément Marot (1496-1544)

Chasteté et célibat des religieux,
le premier concile du Latran

P_lettrine_moyen_age_passion copiaour rappel, dans les premiers siècles de la religion chrétienne, si la vie monacale supposait le célibat, la chasteté n’était pas imposée de manière formelle à tous les religieux et une certaine tolérance régnait même à l’égard des moines qui, par leur style de vie, empruntaient un chemin christique. L’image du Christ étant associée à la pauvreté, à la chasteté et au célibat, ils en héritaient, en quelque sorte, dans leurs voeux et continuent d’ailleurs toujours de le faire. Dan Brown et son Da Vinci code n’y ayant rien changé, la madeleine demeure toujours plus proustienne que christique.

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Le moine entreprenant, Francis Hayman, peintre anglais du début du XIIXe siècle.

L’interdiction formelle du mariage ou du concubinage pour les prêtres, par l’église catholique romaine,  au premier Concile œcuménique du Latran de 1123 fit suite, en réalité, à des siècles de débat sur la question mais, cette fois-ci, le don se durcit. On menaça d’annulation les mariages existants et on élargit même la mesure de célibat aux clercs. Sur ces points, l’église catholique romaine et l’église d’Orient furent longtemps en désaccord et cette position prise par Rome, fut même à l’origine d’un forme de schisme. Ces règles prônées par l’église catholique se sont posées, toutefois, comme un point de discipline propre à cette dernière et n’ont pas été érigées en dogme; outre une forme de mimétique christique, les questions du célibat comme de la chasteté sont d’ailleurs encore présentées de nos jours comme le signe, pour ceux qui ont décidé de rentrer dans les ordres, d’un engagement et d’un dévouement total envers Dieu comme envers l’église. moines_pretres_religieux_volage_amour_humour_poesie_medievale_clement_marot_L’église orientale décida, quant à elle, de ne pas s’y plier.

Pour autant, qu’il s’agisse de chasteté comme de célibat, une fois le concile diffusé sur le sol de l’Europe chrétienne, il  ne fut pas simple de le faire appliquer aux prêtres et sans doute encore moins aux clercs. De fait, si les moines ou les religieux volages émaillent de leurs facéties grivoises le moyen-âge comme les siècles suivants, le fait correspond indéniablement à une réalité et pour longtemps encore, l’humour populaire comme un certain anticléricalisme en feront largement leurs choux gras, comme le faisait alors Clément Marot dans cette épigramme. (ci-dessus l’escapade amoureuse du jeune novice dans la version filmée du Nom de la Rose  d’Umberto Eco par Jean Jacques Annaud)

Du côté de l’église, ce débat, censé avoir été tranché il y a plus de neuf siècles, est,  du reste, demeuré  ouvert  jusqu’à nos jours.

En vous souhaitant une belle journée!
Fred
Pour moyenagpassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

Jordi Savall, musicien chercheur insatiable, au carrefour de la méditerranée médiévale

oud_musique_medievale_chretienne_juive_arabe_jordi_savall_hesperion_XXISujet : musique ancienne et médiévale, musiques et cultures méditerranéennes, oud. viole de gambe
Période : Moyen Âge central à la Renaissance
Titre : Danse de l’âme.
Groupe : Hespèrion XXI, Jordi Savall, AliaVox
Interprète: Driss El Maloumi (oud)
Album : Orient-Occident 1200-1700 (2006)

Bonjour à tous,

T_lettrine_moyen_age_passionisser un dialogue entre les musiques anciennes et médiévales de l’Espagne chrétienne, juive et musulmane, de l’Italie, du Maroc, de Perse, d’Afghanistan, ou encore de l’empire ottoman, telle était l’ambition de Jordi Savall et de son ensemble musique_danse_medievale_chretienne_juive_musulmane_moyen-age_jordi_savallHespèrion XXI dans un album de 2006, ayant pour titre Orient-Occident et dont nous vous proposons aujourd’hui d’écouter une pièce.

Et quel titre mieux que celui que nous vous présentons ici pouvait représenter l’essence même de ce projet merveilleux consistant à réunir autour du même album tant de cultures et de musiques anciennes? Et pour cause, il s’appelle la danse de l’âme et nous provient du Maroc. L’ombre de Paco de Lucia plane sur ses accents presque flamenco et dans le toucher incroyable du virtuose  Driss El Maloumi (ici en photo) et de cet oud qui prend vie et devient magique entre ses doigts.

Une danse de l'âme envoûtante interprétée par un virtuose de l'oud
Une danse de l’âme envoûtante interprétée par un virtuose de l’oud

Un peu d’histoire de l’oud

Concernant cet instrument ancien, son origine se perd dans la nuit des temps. Au moyen-âge, on note sa présence à partir des IX, Xe siècles et il pourrait être originaire de Perse ou de Mésopotamie. Son ancêtre, le barbat, un des plus vieux lute connu au monde, était, quant à lui, utilisé  plus d’un siècle avant notre ère et proviendrait d’Asie centrale, avant d’être rapidement adopté par les arabes et la culture musulmane qui le firent évoluer. Sous sa forme actuelle, il est vraisemblable que l’Oud ait émergé en Andalousie, dans l’Espagne médiévale musulmane. Du moyen-âge à nos jours, son succès ne s’est pas démenti et on le retrouve dans une grande partie du berceau méditerranéen, à la racine des musiques traditionnelles et populaires, autant que spirituelles.

La renaissance spirituelle, philosophique, scientifique du moyen-âge central en occident, s’est jouée autour de la méditerranée et s’est faite indéniablement dans la rencontre et dans le choc culturel avec l’orient et le moyen-orient. Nul ne conteste plus aujourd’hui l’apport, en quelque sorte inattendu, des croisades que l’Europe chrétienne était allée mener pour des raisons autant spirituelles qu’économiques et dont les croisés ramenèrent bien d’autres trésors que matériels.

De près de cinq siècles de ces expéditions en terre sainte et en orient, il résulta, au final, peu de victoires, peu de gloire et beaucoup de drames, et ces croisades répétées verront, au fil des siècles, s’étioler la motivation même des plus fervents. Mais au delà du fer croisé et du sang versé, il y eu aussi, et peut être plus que tout autre chose, dans la rencontre si barbare fut-elle par endroits, l’héritage des richesses musique_ancienne_medievale_jordi_savall_orient_occident_oudinfinies du savoir et de la culture: la médecine d’Avicenne, Averroès, tant d’autres auteurs, et à travers eux, la redécouverte d’Aristote que les arabes étaient occupés à commenter et à étudier, mais aussi des apports en sciences physiques, mathématiques et militaires.

Il est touchant de voir qu’à travers les siècles et dans ce projet musical trans-culturel, au carrefour des trois grandes religions et des cultures du berceau méditerranéen, Jordi Savall (en photo ci-contre) tisse, sur une partition de noires et de blanches, le fil d’échanges millénaires et, au delà des tensions, des incompréhensions ou des volontés, souvent déraisonnables de part et d’autre, de faire plier l’autre à ses raisons, le maître de musique catalan nous montre finalement le chemin d’une fraternité retrouvée.

Pour conclure, nous empruntons, ici, un extrait du commentaire de l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf sur cet album, qui résume à merveille ce de quoi il s’agit exactement :

« Au cours de ce voyage dans le temps et l’espace, nous nous demandons à chaque instant si les conflits auxquels nous sommes accoutumés ne sont pas trompeurs, finalement, et si la vérité des hommes et des cultures ne réside pas plutôt dans ce dialogue des instruments, des accords, des cadences, des gestes et des souffles. Monte alors en nous un sentiment de joie profonde, né d’un acte de foi : la diversité n’est pas forcément un prélude à l’adversité ; nos cultures ne sont pas entourées de cloisons étanches ; notre monde n’est pas condamné à des déchirements sans fin ; il peut encore être sauvé… N’est-ce pas là, d’ailleurs, depuis le commencement de l’aventure humaine, la raison première de l’art ? »

En vous souhaitant une très belle journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com
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