Archives par mot-clé : moyen age

Une fête en grand sur l’agenda : Brie-Comte-Robert aux heures médiévales

Sujet : fêtes médiévales, Marché médiéval, animations médiévales, compagnies médiévales, spectacles
Evénement : La Médiévale 2018 de Brie Comte Robert
Lieu : Brie-Comte-Robert,  Seine-et-Marne Île-de-France
Dates : 6 et 7 octobre 2018

Bonjour à tous,

oilà un nouvel événement à retenir  sur l’agenda de cette fin de semaine.  Il nous entraîne, cette fois, du côté de l’Île de France et de la Seine-et-Marne puisqu’il s’agit de La Médiévale officielle de Brie-Comte-Robert.

Ce week-end est, pour ainsi dire, l’avant-dernier avant que les réjouissances autour du Moyen-âge ne se mettent de manière significative en sommeil pour céder le pas à des activités plus hivernales. Pour autant, même s’il se situe au moment où les fêtes médiévales ralentissent fortement, cet événement, organisé par la municipalité de Brie-Comte-Robert, met véritablement les petits  plats dans les grands pour se hisser à la hauteur des Médiévales les plus ambitieuses.  L’affaire est, il faut le dire, rodée puisqu’il s’agit là de la 20ème édition de ces festivités, mais loin de s’asseoir sur leur brin de laurier les organisateurs semblent avoir, au contraire, redoublé leurs efforts.

Ainsi, le programme regorge d’animations et de spectacles et ne devrait connaître aucun temps mort durant les deux jours du week-end : grand marché avec près de 130 exposants attendus, village médiéval, jeux et campements d’époque, tournoi de chevalerie, musiques et concerts, arts de rue, jongleurs et saltimbanques. On y ajoutera encore une nocturne le samedi qui s’annonce épique avec un spectacle équestre suivi d’un spectacle de feu au nom prometteur de Péplum médiéval.

Pour ceux qui ont  l’œil exercé sur les compagnies avec lesquelles il faut compter dans le secteur de l’animation et du spectacle d’inspiration médiévale, vous en reconnaîtrez un certain nombre dans la liste des invités qui viendront illuminer les rues de Brie-Comte-Robert de leur art, ce samedi et ce dimanche.

Compagnies médiévales et artistes présents

Cie Vol en scène – Cie Lilamayi – Cie Ankreation – Cie Aouta – Cie La Salamandre – Aouta – Alvorada – Rhésus et les Bateleurs de Sire Jean – Les Compagnons du Gras Jambon – Fabula – Prima Nocta – Le Théâtre des 33 – Les Pies – Les Craspouilles – Soukha – Les Dragons du Cormyr – Cie Arthus – Cie du Chaland – Cie Sembadelle – Cie Yalicko – Cie Bric à Brac – Cie Ankreation – Cie Cheval Spectacle – Cie Lilamayi – Les Briards – Cie Les Bretteurs Caudaciens -Cie Sanctae Crucis Fratres

Programme détaillé ici – FB officiel de l’événement

A cette programmation très complète, on ajoutera encore la présence sur place d’une exposition de maquettes médiévales.  Vous pourrez notamment y rencontrer Pascale Lainé et ses créations. Voir nos articles précédents sur ses belles réalisations   Maquette médiévale : « Odes à Mélusine », une nouvelle oeuvre de Pascale Laîné et toute l’histoire de la fée « bâtisseuse » et aussi Exposition, invitation au rêve : les belles maquettes médiévales de Pascale Laîné.

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

Voyage au début du XVe avec les journées médiévales d’Automne du Château ariégeois de Foix

Sujet : agenda, reconstitution, fêtes historiques, médiévales, château-fort,
Période : moyen-âge tardif, 1425
Evénement : Les médiévales d’automne du château de Foix
Lieu : Château de Foix, Ariège, Occitanie
Date : le 6 et 7 octobre 2018

Bonjour à tous,

vec la venue de l’automne, voici que nous arrive aussi la dernière édition de l’année des fêtes médiévales du château de Foix.  Cette fois-ci, loin des victoires ou des faits de guerre du célèbre Gaston Fébus, c’est plutôt autour des bâtisseurs que les organisateurs ont décidé de scénariser l’événement. Cap sur les débuts du XVe donc, et même pour être plus précis sur le mois d’octobre 1425 pour un chantier médiéval de taille.

Chantier médiéval et  bâtisseurs du XVe

Dans le contexte houleux de la guerre de cent ans, la décision a été prise d’édifier la tour ronde. Elle permettra de renforcer le dispositif défensif du château mais aussi de démontrer à tous, l’importance du Comté de Foix, autant que les richesses et la puissance militaire de son seigneur. On le sait désormais clairement et, en tout cas, nombre de médiévistes s’entendent sur cette  question, en plus de leur vocation défensive et stratégique, au moyen-âge, les châteaux sont  aussi, de manière indissociable, des symboles de pouvoir et de prestige.

Sur place ce week-end, à Foix, on pourra donc assister à de nombreuses démonstrations de savoir-faire autour des métiers de la construction et de l’architecture militaire médiévale. Que les amateurs d’action plus musclée se rassurent toutefois, ils ne seront pas en reste puisqu’il y aura aussi des divertissements de nature plus résolument militaire et belliqueuse, aux sons des ancêtres des premiers canons et des premières pièces d’artillerie d’époque.

L’événement devrait encore permettre à ses visiteurs d’assister au baptême de trois nouvelles machines médiévales arrivées dernièrement au château et qui viendront enrichir d’autant toutes ses futures animations : deux engins de guerre (un trébuchet et une pierrière) et un engin de levage (un treuil à tambour).

Le Programme de l’événement  – Page FB officielle de l’organisateur

Une très belle journée à tous !

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen-âge sous toutes ses formes

Retrouvez  nos articles précédents sur le château et sur Foix  ici :  Les Fêtes Médiévales d’été 2018Les Médiévales de Printemps 2018 –  Les Médiévales d’automne 2017Les Médiévales de Printemps 2017 –  Les Médiévales d’automne 2016 – Le Festival historique et estival de Foix 2016

Et aussi tous nos articles sur les fêtes médiévales en Occitanie

La Repentance de Rutebeuf, adaptation en français moderne sur les traces de Léon Clédat

rutebeuf_auteur_medieval_satiriqueSujet : poésie médiévale, poésie réaliste, satirique, jongleur, vieux français, langue d’oil, adaptation, traduction, « trouvère »,
Période : moyen-âge central, XIIIe siècle
Auteur ; Rutebeuf (1230-1285?)
Titre : La repentance de Rutebeuf
Ouvrage : Rutebeuf, Léon Clédat (1891)

Bonjour à tous,

oilà longtemps que nous ne nous sommes aventurés dans le moyen-âge de Rutebeuf et nous le faisons, aujourd’hui,  à la faveur d’une adaptation en français moderne de sa célèbre « repentance ».

Comme à chaque fois qu’on entre dans l’oeuvre de ce grand auteur, farceur, jongleur, conteur satirique du XIIIe siècle, en relisant ses « dits » débordant d’un « je » qui nous invective ou nous interpelle, on ne peut faire l’économie de repenser au mystère qui l’entoure. Etait-il un clerc qui occupait son temps à d’autres activités entre ses éclats poétiques et satiriques?  En lisant entre les lignes de ses poésies, on serait tout de même bien tenté de  supposer que non. Il nous le dit dans plus d’un texte,  ressassant à l’envie le tableau de ses misères : privé de ses appuis du côté des puissants, (voir la paix de Rutebeuf article, lecture audio ) ayant emprunté à tous sans jamais rendre, il en est réduit à dormir dans une couche de paille et n’a pas de quoi faire vivre décemment sa « maison » (la pauvreté Rutebeuf article, lecture audio ), et puis, à tout cela, il faut ajouter encore ses déboires de santé, un nouveau-né dont il sait s’il ne pourra le nourrir, etc, etc (la complainte de l’oeil article, lecture audio), Bref, une situation presque toujours inextricable qui, si Dieu lui-même ne l’en sauve, ne pourra trouver remède qu’auprès de quelques mains généreuses, dans son public ou chez les puissants, pour lui faire tomber quelques pièces, en retour de sa poésie.

« Bon clerc est qui mieux sait mentir. » ?

Personnage complexe et multifacette, tout à la fois ou tour à tour, moraliste, satirique, grave, goguenard ou bonimenteur. « Rude ou rustre » comme une excuse à ses mauvaises manières et à « son ignorance », comprenons sa franchise. « Boeuf » tranquille, lent et lourdaud ?  Non pas. mais plutôt résolu et qui charge ses cibles pour les renverser de son verbe impitoyable. Rutebeuf est encore ce trouvère qui présente, en permanence, à son public le miroir de ses infortunes et de  ses misères, en les invitant même à en rire.

Quelle est la part du vrai et de l’artifice ? Faut-il prendre tous les complaintes de ses  « Je » pluriels, au premier degré, comme certains auteurs ont parfois choisi de le faire ? Sous le fard du jongleur,  ces misères sont-elles vraiment siennes ? Dans ses jeux littéraires et stylistiques, il les instrumentalise en tout cas, pour les mettre totalement au service de son personnage, une façon de quémander sa pitance pour son art de jongleur, qui lui fournit, peut-être, au passage une nouvelle excuse pour se dégager des implications de ses dits et de leur force satirique : « Ne me punissez pas ou ne me jugez pas trop durement pour mes propos, Je suis un pauvre type, miséreux, « mal foutu », malchanceux, et Dieu le fait déjà. »

« Ci a boen clerc, a miex mentir ! » Rutebeuf  nous le dira lui-même dans cette poésie du jour « Bon clerc est qui mieux sait mentir ».  Nombre de spécialistes de littérature médiévale et médiévistes contemporains nous enjoindront à la même prudence dans l’approche de ses textes. Même s’il n’est pas non plus question de rejeter comme en bloc tout ce qu’il nous dit pour vrai, ne pas tomber trop vite dans le premier degré, y mettre quelques guillemets.  Au sortir, entre mise en scène et vérité, entre complainte et humour, du « je » au « jeu » de ce grand maître du style, bien malin celui qui, aujourd’hui, pourrait dire où est et qui est le véritable Rutebeuf.

Rutebeuf, par Léon Clédat
Dans la lignée des découvreurs du XIXe

Il faut bien l’avouer, sans quelques connaissances solides en vieux français, la langue de Rutebeuf reste relativement opaque, pour ne pas dire  totalement. De fait, nous en profitons ici pour vous parler d’un petit livre datant de la fin du XIXe siècle et toujours édité sur lequel nous nous sommes largement appuyés : Rutebeuf par Léon Clédat (1891).

Assez concis, l’ouvrage balaye l’oeuvre du poète médiéval sur un peu plus de 200 pages, en en offrant de larges passages traduits et adaptés en vers, de manière heureuse et agréable, tout en restant assez proche du texte original. Pour les amateurs de la vision de « l’infortuné » Rutebeuf par Léo Ferré, vous y trouverez rien moins que des traductions qu’on retrouve pratiquement reprises telles quelles dans les chansons du vieux lion anarchiste parisien du XXe siècle et qui laissent à supposer que ce livre est peut-être passé dans ses mains.

Du côté de la datation de cette traduction (partielle )  de Léon Clédat, un certain nombre de romanistes ou de médiévistes  se sont, me direz-vous, frottés depuis à l’exercice. C’est vrai. Mais ceux qui nous suivent savent que nous cédons souvent aux charmes des grands découvreurs, historiens et paléographes du XIXe siècle et on aurait tord d’y voir, de notre part, une sorte de marotte désuète. Il s’agit pour nous bien plus d’une façon d’avoir les idées claires sur les origines et sur ce que nous devons véritablement à tous ces auteurs. Durant ce siècle, l’Histoire, en tant que science, a connu des bouillonnements sans précédent. Elle y a affirmé d’autant ses méthodes et la littérature médiévale y fut sujette à un véritable fourmillement d’études.

On s’affaire alors autour des manuscrits en s’évertuant à les rendre lisibles au plus grand nombre :  attribution, versions croisées des oeuvres dans les différents documents et codex, nouvelles poésies mises à jour, auteurs ressortis de l’ombre dans lequel les tenaient les lettres gothiques et serrées incompréhensibles au profane,…, Au fil du XIXe et jusque même les premiers années du XXe, toutes les raisons sont bonnes pour enchaîner les publications autour des mêmes auteurs médiévaux. Bien sûr, on s’escrime, voire on s’écharpe aussi, sur les sens, les nuances, les interprétations et les corpus, les approches, mais qu’on se rassure, dans une certaine mesure, les historiens, romanistes et médiévistes le font encore.

Bien entendu,  sur certains aspects et sur certains faits,  on peut aisément convenir que de nouvelles choses ont été découvertes depuis, faits ou documents, affinement de la datation, etc… Notre vision de la littérature et du moyen-âge a changé. Certains experts du XXe ont également beaucoup compté dans l’approche de certains auteurs médiévaux sur la partie biographique quelquefois, sur la façon de nous distancier encore d’avec leurs productions, sur de nouvelles hypothèses qu’ils ont pu mettre à jour, etc. Pour autant, pour revenir à Rutebeuf  et concernant son adaptation, sans vouloir sous-estimer les avancées de la linguistique autour du français ancien ou du vieux français, ni minimiser les efforts d’auteurs plus modernes sur ces questions, l’ouvrage de Léon Clédat trouve encore bien sa place dans une bibliothèque autour du jongleur médiéval.

S’il vous intéresse, il est toujours édité et on peut le trouver en ligne au format broché et même au format kindle

En  croisant cet ouvrage  avec les grands travaux de Michel Zink qui, par humilité sans doute,  a fait le choix de privilégier dans son approche le sens, sur les vers, vous pourrez encore enrichir d’autant la lecture de cette poésie satirique et de ses trésors cachés (voir Rutebeuf, Oeuvres complètes en deux tomes, Michel Zink, 1990),

Quant à la question posée plus haut de savoir qui est Rutebeuf (ce qu’on ne sait finalement toujours pas), mais surtout celle de comment approcher ses différents niveaux de lectures, on trouvera encore chez ce brillant chartiste et philologue, expert de littérature médiévale, doublé d’une vraie plume qu’était Léon Clédat, quelques éléments pertinents à ranger au compte de l’Histographie. La question étant complexe et non tranchée, pour en compléter l’approche, on pourra toujours se reporter aux nombreux et brillants auteurs modernes qui continuent d’essayer de démêler son « Je »  de ses « jeux ».

La repentance de Rutebeuf

Notes sur l’adaptation en français moderne

Pour cette version de la repentance de Rutebeuf (en vieux-français, Ci coumence la repentance Rutebeuf), nous empruntons donc à Léon Clédat la traduction de la plupart des strophes. Comme il en avait laissé trois en berne, nous nous y sommes modestement attelés en usant pour nous éclairer des travaux de Michel Zink mais aussi de quelques copieux dictionnaires d’époque. Autant vous le dire tout de suite, nous y avons pour l’instant consacré moins d’heures que nous l’aurions souhaité et nos strophes mériteraient largement une repasse. Nous la ferons sans doute plus tard dans le temps, mais à tout le moins vous aurez une première approche de leur sens.

Le code

Vert le vieux français de Rutebeuf,
Gris les strophes adaptées de Léon Clédat.
Noir notre pâle complément d’adaptation des strophes manquantes.

Ci coumence la repentance Rutebeuf

I
Laissier m’estuet le rimoier,
Car je me doi moult esmaier
Quant tenu l’ai si longuement.
Bien me doit li cuers larmoier,
C’onques ne me soi amoier
A Deu servir parfaitement,
Ainz ai mis mon entendement
En geu et en esbatement,
C’onques n’i dignai saumoier.
Ce pour moi n’est au Jugement
Cele ou Deux prist aombrement,
Mau marchié pris a paumoier.

Renoncer me faut a rimer,
Et je me dois moult étonner
Quand l’ai pu faire si longtemps!
Bien me doit le cœur  larmoyer
Que jamais ne me pus plier
A Dieu servir parfaitement.
Mais j’ai mis mon entendement
En jeu et en ébattement,
Jamais ne daignai dire psaumes.
Si ne m’assiste au Jugement
Celle en qui Dieu reçut asile,
J’ai passé bien mauvais marché.

II
Tart serai mais au repentir,
Las moi, c’onques ne sot sentir
Mes soz cuers que c’est repentance
N’a bien faire lui assentir.
Coment oserai je tantir
Quant nes li juste auront doutance ?
J’ai touz jors engraissié ma pance
D’autrui chateil, d’autrui sustance:
Ci a boen clerc, a miex mentir !
Se je di: « C’est par ignorance,
Que je ne sai qu’est penitance ».
Ce ne me puet pas garentir.

Tard je viendrai au repentir.
Pauvre moi! Point ne sut comprendre
Mon fol cœur  ce qu’est repentance,
Ni à bien faire se résoudre!
Comment oserais-je mot dire
Quand justes même trembleront ?
Tous les jours j’engraissai ma panse
Du bien d’autrui, d’autrui substance.
Bon clerc est qui mieux sait mentir.
Si je dis « C’est par ignorance,
Car je ne sais qu’est pénitence »,
Cela ne peut me garantir* (sauver)

III
Garentir ? Diex ! En queil meniere ?
Ne me fist Diex bontés entiere
Qui me dona sen et savoir
Et me fist en sa fourme chiere ?
Ancor me fist bontés plus chiere,
Qui por moi vout mort resovoir.
Sens me dona de decevoir
L’Anemi qui me vuet avoir
Et mettre en sa chartre premiere,
Lai dont nuns ne se peut ravoir
Por priere ne por avoir:
N’en voi nul qui revaigne arriere.

Me sauver ? Dieu ! De quelle manière ?
Dieu, dans sa bonté entière 
En me donnant sens et savoir (raison et sagesse)
Me me fit-il à sa chère image  ?
Et me fit Bonté d’avantage
(celui) Qui pour  moi, a reçu la mort.  (le Christ)
Me donnant le sens (l’intelligence, le bon sens) de duper
L’ennemi (le diable) qui me veut avoir
Et mettre en sa geôle première
Là d’où nul ne peut s’enfuir
Contre prières ou contre avoirs.
Je n’en vois  nul  en revenir

IV
J’ai fait au cors sa volentei,
J’ai fait rimes et s’ai chantei
Sus les uns por aux autres plaire,
Dont Anemis m’a enchantei
Et m’arme mise en orfentei
Por meneir au felon repaire.
Ce Cele en cui toz biens resclaire
Ne prent en cure m’enfertei,
De male rente m’a rentei
Mes cuers ou tant truis de contraire.
Fusicien n’apoticaire
Ne m’en pueent doneir santei.

J’ai fait au corps sa volonté,
J’ai fait rimes et j’ai chanté
Sur les uns pour nus autres plaire
Car l’Ennemi m’a enchanté
Et rendu mon Âme  orpheline
Pour la mener au noir repaire.
Si celle en qui brille tout bien
Ne prend en souci mon affaire,
Mauvaise rente m’a valu
Mon cœur  d’où me vient tel tourment.
Médecins ni apothicaires
Ne me peuvent donner santé.

V
Je sai une fisicienne
Que a Lions ne a Vienne
Non tant com touz li siecles dure
N’a si bone serurgienne.
N’est plaie, tant soit ancienne,
Qu’ele ne nestoie et escure,
Puis qu’ele i vuelle metre cure.
Ele espurja de vie oscure
La beneoite Egyptienne:
A Dieu la rendi nete et pure.
Si com est voirs, si praigne en cure
Ma lasse d’arme crestienne.

Je connais une physicienne (femme médecin)
A  Lyon, ni même à Vienne
Pas plus que dans le monde entier
Il n’est si bonne chirurgienne.
Il n’y a de plaie, fut-elle ancienne
Qu’elle ne nettoie et ne récure.(désinfecter)
Elle expurgea de tout péché
La bienheureuse égyptienne
La rendant à Dieu, nette et pure
Comme elle le fit (Si vrai que), puisse-t-elle soigner
Ma pauvre et lasse âme chrétienne

VI
Puisque morir voi feble et fort,
Coument pantrai en moi confort,
Que de mort me puisse deffendre ?
N’en voi nul, tant ait grant effort,
Que des piez n’ost le contrefort,
Si fait le cors a terre estendre.
Que puis je fors la mort atendre ?
La mort ne lait ne dur ne tendre
Por avoir que om li aport.
Et quant li cors est mis en cendre,
Si couvient l’arme raison rendre
De quanqu’om fist jusqu’a la mort.

Comme je vois mourir faibles et forts
Où trouver en moi réconfort
Qui de mort me puisse défendre ?
N’en voit nul, malgré ses efforts
Dont elle n’ôte des pieds le support
Pour faire, au sol, son corps s’étendre.
Qu’y puis-je, sinon la mort attendre ?
La mort n’épargne ni durs, ni tendres
Peu lui chaut avoirs et apports
Et quand le corps est rendu cendre,
A l’âme il faut bien raison rendre 
De ce qu’elle fit jusqu’à la mort.

VII
Or ai tant fait que ne puis mais,
Si me covient tenir en pais.
Diex doint que ce ne soit trop tart !
J’ai touz jors acreü mon fait,
Et j’oi dire a clers et a lais:
« Com plus couve li feux, plus art. »
Je cuidai engignier Renart:
Or n’i vallent enging ne art,
Qu’asseür est en son palais.
Por cest siecle qui se depart
Me couvient partir d’autre part.
Qui que l’envie, je le las.

J’ai tant fait que plus je ne puis
Aussi me faut tenir en paix
Dieu veuille que ne soit trop tard!
Tous les jours j’ai accru mon fait,
Et chacun dit, clerc ou laïque
« Plus le feu couve, plus il brûle ».
J’ai pensé engeigner * (tromper) Renard
Rien n’y valent engins ni arts,
Tranquille il est en son palais.
Pour ce siècle qui se finit,
Il m’en faut partir d’autre part
Nul n’y peut rien, je l’abandonne.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

munificence ou bravoure ? l’avis du sage SAADI

saadi_mocharrafoddin_sagesse_persane_moyen-age_XIIIe_siecleSujet : citations médiévales, sagesse persane, poésie morale, conte moral, munificence, générosité, bravoure
Période : moyen-âge central, XIIIe siècle
Auteur :   Mocharrafoddin Saadi (1210-1291)
Ouvrage :   Gulistan, le jardin des roses   traduit par Charles Defrémery (1838)

« On demanda à. un sage laquelle était préférable,  de la munificence ou de la bravoure. Il répondit : « Celui qui a de la munificence n’a pas besoin de la bravoure.

La main de la libéralité vaut mieux que le bras   de la force. »

citation_medievale_sagesse_persane_saadi_munificence_charite_contre_bravoure