Sujet : musique médiévale, danse médiévale, Ductia, chanson de l’Angleterre Médiévale Période : moyen-âge central, XIIIe siècle, Titre :Ductia Auteur : anonyme Interprète : The Dufay Collective Album :Miri it is. Songs And Instrumental Music From Medieval England(1995) Editeur : Chandos
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous proposons un peu de danse médiévale légère avec une Ductia en provenance de l’Angleterre du XIIIe siècle. Nous devons son interprétation à l’ensemble The Dufay Collective et elle est issue de leur troisième album, sorti en 1995, et ayant pour titre « Miri it is.Songs And Instrumental Music From Medieval England« .
Estampie, Ductia et Nota, on se souvient que ces danses du moyen-âge central, nées autour des XIIIe, XIVe siècles, peut-être en France, ont trouvé rapidement un terrain d’élection sur le sol de l’Italie et de l’Angleterre médiévales.
Danse médiévale : un Ductia du XIIIe siècle par le Dufay Collective
Miri it is. Songs And Instrumental Music From Medieval England
omme son titre l’indique, on retrouvait dans cet album du Dufay Collective, la chanson « Miri it is while sumer ilast » (dont nous vous avons déjà parlé ici), mais encore dix-neuf autres titres, entre chansons et danses, pris dans un répertoire à la fois profane et religieux.
A l’occasion de cette production, le jeune et talentueux ensemble anglais invitait le ténor John Potter(portrait ci-contre) à se joindre à lui sur l’ensemble des pièces vocales. En plus d’être une voix célèbre en Angleterre et même au delà pour avoir participé à de nombreux ensembles médiévaux et classiques, ce dernier est également un auteur et un universitaire reconnu pour sa grande expertise en musicologie, sur un répertoire qui va des musiques médiévales et anciennes, au classique et même à des pièces plus modernes. Sur le terrain vocal, cet artiste dont la carrière impressionnante a débuté dans les années 70, a déjà plus de cent albums à son actif. On y trouve même du Led Zeppelin ! La pièce du jour étant instrumentale, nous aurons très certainement l’occasion de revenir sur son travail artistique dans le futur.
Dans l’attente, cet album du Dufay Collective est toujours disponible à la vente en ligne. On le trouve au format CD mais aussi dématérialisé (MP3) ce qui offre l’avantage de pouvoir écouter un échantillon de toutes les pièces et éventuellement de les acquérir séparément. Si vous êtes intéressés ou pour en savoir plus, vous pourrez toutes les trouverer sur ce lien (ou en cliquant sur l’image de l’album): « Songs And Instrumental Music From Medieval England, format CD ou dématérialisé ».
En vous souhaitant une belle journée et une bonne écoute.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : musique, chanson médiévale, poésie médiévale, humour, trouvère, biographie, ménestrel, jongleur, auteur médiéval, vieux-français Période : moyen-âge central, XIIIe siècle. Auteur ; Colin Muset (1210-?) Titre : « Sire Cuens, j’ai viélé » Interprètes : Les productions Perceval(livre MM Le moyen-âge la renaissance, Editions J. M. Fuzeau, 1989
Bonjour à tous,
ous partons aujourd’hui aux abords du XIIIe siècle pour parler d’un trouvère célèbre du nom de Colin Muset: portrait, détails sur l’homme et sur l’oeuvre donc et, bien sûr, présentation d’une de ses chansons pour compléter le tableau.
Eléments (flous) de biographie
A l’image de nombreux autres trouvères ou troubadours de son temps, quand ils n’étaient pas eux-même des seigneurs suffisamment notables pour entrer dans l’histoire, on sait peu de chose de la vie de Colin Muset. Originaire de Lorraine ou de Champagne, il serait né au début du XIIIe siècle, autour de 1210. On ne connait pas non plus la date de son trépas mais on sait qu’entre les deux, il aurait été poète, musicien et joueur de Viole (vièle à archet).
Si l’on se fie au contenu de ses poésies, il allait de cour en cour pour proposer son art et pour subsister. Pour autant, nous ne sommes pas là face à un artiste miséreux puisque, à l’en croire toujours, il avait une servante pour assister sa famille et il avait même encore une valet pour s’occuper de sa monture.
De fait, en son temps et sur la base des poésies du Ménestrel, Gaston Paris nous a dépeint Colin Muset comme un bon vivant, menant somme toute, une existence assez bourgeoise. Marié avec au moins un enfant, il aurait été sédentaire l’hiver et plus itinérant durant l’été. « Poète, amoureux et parasite » ainsi qu’il se voyait lui-même, sa poésie oscille entre légèreté, images bucoliques, amourettes et encore des aspirations à une vie confortable et jouisseuse, entourée de bons vins et de bonne chère. On retrouvera sans peine quelques uns de ces traits dans la chanson que nous vous présentons aujourd’hui pour accompagner ce portrait et qui est une de ses plus célèbres.
Contemporain de Thibaut de Champagne, roi de Navarre, Colin Muset a-t-il fini par entrer au service et sous la protection de ce dernier ? Si on le trouve affirmé ça ou là, cela ne semble pas faire l’unanimité chez les nombreux auteurs qui se sont penchés sur lui.
Le legs de Colin Muset : comptages, débats d’experts, corpus, etc…
Signe d’une certaine reconnaissance et popularité de cet artiste médiéval en son temps, on peut trouver les oeuvres de Colin Muset dans de nombreux manuscrits anciens qui s’échelonnent entre le milieu du XIIIe et le début du XIVe siècle. Deux d’entre eux en contiennent le plus grand nombre, le MS 389 ou Le Chansonnier français de la Burgerbibliothek de Berne, et encore le Chansonnier U connu encore sous le nom de Manuscrit de Saint-Germain des près (MS français 20050). Véritable mine d’or de la chanson française (et provençale) du moyen-âge central, ce dernierest en tout cas le plus ancien dans lequel on puisse trouver des pièces de Colin Muset aux côtés de 304 autres trouvères, 333 chansons et encore 29 compositions provenant de troubadours. La chanson du jour se trouve, quant à elle, dans quatre autres manuscrits dont le manuscrit MS 5198de l’Arsenal et encore dans le MS Français 845 dont est tirée l’image ci-dessous.
Quoiqu’il en soit, du XIXe siècle jusqu’à des dates encore très récentes (2007), entre poésies non signées, simplement émargées après coup par un « rubriqueur » ou un copiste, mais aussi entre approches déductives, comptage de pieds ou longues analyses stylistiques et métriques, le nombre exact de pièces attribuées à notre trouvèredu jour a oscillé d’une douzaine à un peu plus d’une vingtaine. Les débats n’étant toujours pas clos sur le sujet, au delà de la douzaine, on se retrouve en face d’un corpus aux contours flottant différemment en fonction des experts.
Au demeurant, cela reste une production plutôt chiche, si on la compare avec celle d’autres trouvères ou jongleurs contemporains du XIIIe siècle comme un Adam de la Halle ou unRutebeuf. En dehors du fait que certaines de ses oeuvres se sont peut-être perdues, sans doute Colin Muset chantait-il, en plus de ses propres pièces, des oeuvres empruntées à d’autres. Comme nous le montrent les manuscrits d’époque, il n’aurait eu, dans cette hypothèse, que l’embarras du choix dans le large répertoire des trouvères dont il était contemporain.
Sire Cuens, j’ai viélé
n ne peut pas s’empêcher de trouver, dans cette chanson de Colin Muset sur les déboires de l’activité de trouvère, quelques similitudes avec certaines complaintes de Rutebeuf, sur le fond au moins en tout cas. L’humour est à l’évidence présent, et il faut bien avouer que l’interprétation de la pièce du jour le renforce encore, mais au delà, le texte met en scène ce fameux « je » poétique dont nous avions déjà parlé avec Rutebeuf (voir article)et que nous avions ré-abordé en parlant de la poésie deMichault Taillevent. (voir article sur le passe-temps de Michault).
Entre poésie goliardique, fabliaux et notes satiriques, le XIIIe se signe aussi par une forme d’émancipation de certains de ses auteurs d’avec la lyrique courtoise. Colin Musset reste un de ceux là.
« L’ami Barde n’eut point ripaille Parti sans pain et sans fruit Quand chanta pour les funérailles Du roi Loth mort dans son lit. Niah, niah, niah, niah! » Le Barde ( Didier Bénureau) –
Kaamelott, Alexandre Astier
Sans parler du clin d’oeil fait par Alexandre Astier dans Kaamelott au sujet du barde mal reçu, que cette chanson de Colin Muset ne peut manquer d’évoquer pour ceux qui connaissent la série, on trouvera cette complainte sur les mauvais donneurs, reprise par d’autres chanteurs et artistes du moyen-âge. Il faut bien dire qu’un certain idéal de pauvreté, synonyme peut-être d’une forme authenticité pour certains artistes ou auteurs romantiques du XIXe n’a rien de médiéval. Les trouvères ou troubadours du moyen-âge ne se cachent pas, en effet, de vouloir gagner quelques deniers bien mérités et un bon traitement en échange de leur art.
Les paroles de « Sire Cuens, j’ai viélé »
dans le vieux-français de Colin Muset
Sire Cuens* (Comte), j’ai viélé Devant vos, en vostre ostel : Si ne m’avez rien doné, Ne me gages acquités ; C’est vilanie ! Foi que doi Sainte Marie, Ensi ne vos sieuré je mie ; M’aumoniere est mal garnie Et, ma borse mal farcie !
Sire Cuens, car commandez De moi vostre volenté ; Sire, s’il vos vient à gré, Un biau don car me donez Par cortoisie ! Car talent ai, n’en dotez mie De raler a ma mesnie* : (retourner en ma maison) Quant g’i vois borse d’esgarnie, Ma fame ne me rit mie,
Ainz me dit : « Sire Engelé, En quel terre avez esté Qui n’avez riens conquesté ? Trop vos estes deporté Aval la vile ! Vez con vostre male plie : El est bien de vant farsie ! Honi soit qui a envie D’estre en vostre compaignie ! »
Quand je vieng a mon ostel. Et ma fame a regardé Derrier moi le sac enflé Et ge, qui sui bien paré De robe grise. Sachiez qu’elle a tost jus mise La quenoille ; sanz faintise Ele me rit ; par franchise, Ses deux braz au col me lie.
Ma fame va destrousser Ma male sans demorer* (sans attendre) ; Mon garçon va abuvrer Mon cheval, et conreer* (en prendre soin, le nourrir) ; Ma pucele* (servante, jeune fille) va tuer Il chapons, por deporter* (célébrer) A la janse aillie* (sauce à l’ail) Ma fille m’aporte un pigne* (peigne) En sa main par cortoisie… Lors sui de mon ostel sire A meolt grant joie, sanz ire, Plus que nus ne porroit dire.
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com. A la découverte du Moyen-Age sous toutes ses formes.
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, Sainte-Marie, rose, littérature courtoise, chant médiéval chrétien. Epoque : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X (1221-1284) Titre : Cantiga 10 rosas das rosas Interprète : Marina Lys(2015) Bonjour à tous,
ous poursuivons ici notre présentation, adaptation et traduction des Cantigas de Santa Maria, qui nous viennent de l’Espagne médiévale du XIIIe siècle et du règne d’Alphonse X le Sage.
Aujourd’hui, c’est une des plus célèbres de ces cantigas que nous abordons : la dixième. Elle est, comme toutes les autres, en galaïco- portugais, elle a pour titre « Rosa das Rosas » (rose d’entre les roses) et c’est une chant allégorique entre la rose, fleur des fleurs de l’occident médiéval et la Sainte vierge. Nous sommes donc à nouveau au coeur du culte marial si prégnant au moyen-âge central, et nous verrons en particulier ici comment cette place réservée à la sainte a pu hériter dans certains textes ou chants chrétiens d’alors, d’aspects tout droit sortis de la littérature profane des XIIe, XIIIe siècles, et notamment de la lyrique courtoise des troubadours et de leur fin’amor (ou fine amor).
Pour parler de cette Cantiga, nous avons choisi une belle version de l’artiste, chanteuse et musicienne Marina Lys que cet article va aussi nous donner le grand plaisir de vous présenter.
La Cantiga Santa Maria 10 : Rosa das rosas par Marina Lys
Marina Lys, chanteuse, musicienne et belle égérie sur la route des fêtes médiévales
ormée au conservatoire de musique d’Orly, Marina Lys excelle autant dans le chant que dans les instruments à cordes ou à archet.
A ses premières passions pour la guitare, du registre Jazz manouche au classique, son goût pour les musiques anciennes et médiévales l’a rapidement conduite à compléter sa formation pour y ajouter, sous la houlette d’artistes et professeurs reconnus dans ce domaine, le chant mais encore des instruments aussi variés que la vièle à archet, le luth, le luthare, le bouzouki irlandais, la flûte et même la harpe ou la harpe-lyre, à l’occasion.
Le travail artistique de Marina évolue des chants chrétiens anciens aux envoûtantes mélopées séfarades du moyen-âge central, en passant par des registres plus variés et folkloriques (tziganes, celtiques ou nordiques) mais toujours inspirés par les musiques anciennes. Entre restitution historique, émotion et adaptations artistiques plus libres, elle déroule encore ses talents vocaux dans un répertoire qui couvre près de dix langues, de l’araméen, à l’hébreu, en passant par le latin, le serbe, le galaïco-portugais, le tzigane russe ou encore le suédois.
A la manière de bien des artistes, trouvères ou trobairitz des XIIe et XIIIe siècles, c’est, pour l’instant, de manière itinérante que Marina a décidé de faire partager sa passion pour les musiques anciennes, bien décidée à les faire découvrir au plus large public. Aussi, c’est dans l’ambiance enjouée d’une belle fête médiévale, dans la fraîcheur et l’atmosphère propice d’une église, ou encore dans un beau jardin,, au milieu d’un parterre de fleurs, que vous pourrez avoir le plaisir de la rencontrer et de découvrir son art.
Elle ne sera d’ailleurs pas toujours seule puisqu’elle a fondé en 2012 la troupe musicale « Jàdys » qui se dédie à un répertoire d’inspiration festif plus ouvert : musiques tzigano-médiévales et danses et chants du monde, au programme. Trois ans après sa création, le travail artistique de la formation a d’ailleurs été salué par la Fédération Française des Fêtes et Spectacles Historiques et lui a valu d’être distinguée comme le meilleur groupe 2014-2015.
Rosa das rosas, les paroles de la Cantiga 10 et leur traduction en français moderne
Questa è di lode a Santa Maria, come è bella e buona e ha gran potere.
Cette Cantiga est une louange à Sainte-Marie, à sa beauté et sa bonté et à son grand pouvoir.
Rosa das rosas e Fror das frores, Dona das donas, Sennor das sennores.
Rose d’entre les roses, fleur d’entre les fleurs Dame d’entre les dames, reine d’entre les reines
Rosa de beldad’ e de parecer e Fror d’alegria e de prazer, Dona en mui piadosa ser Sennor en toller coitas e doores. Rosa das rosas e Fror das frores, Dona das donas, Sennor das sennores.
Rose de beauté et belle apparence Et fleur de joie et de plaisir. Dame de grande piété (miséricorde) Reine pour ôter peines et douleurs Rose d’entre les roses, fleur d’entre les fleurs
Dame d’entre les dames, reine d’entre les reines
Atal Sennor dev’ ome muit’ amar, que de todo mal o pode guardar; e pode-ll’ os peccados perdõar, que faz no mundo per maos sabores. Rosa das rosas e Fror das frores, Dona das donas, Sennor das sennores.
Telle seigneuresse* (reine) doit-on bien aimer Qui de tout le mal nous peut préserver Et peut pardonner pour tous les péchés Qu’on fait dans le monde par mauvais goût ( à mauvais escient) Rose d’entre les roses, fleur d’entre les fleurs
Dame d’entre les dames, reine d’entre les reines
Devemo-la muit’ amar e servir, ca punna de nos guardar de falir; des i dos erros nos faz repentir, que nos fazemos come pecadores. Rosa das rosas e Fror das frores, Dona das donas, Sennor das sennores.
Nous devons l’aimer (beaucoup) et bien la servir Car elle peut nous garder des fautes Et nous faire repentir des erreurs Que nous commettons, nous, pécheurs, Rose d’entre les roses, fleur d’entre les fleurs
Dame d’entre les dames, reine d’entre les reines
Esta dona que tenno por Sennore de que quero seer trobador, se eu per ren poss’ aver seu amor, dou ao demo os outros amores. Rosa das rosas e Fror das frores, Dona das donas, Sennor das sennores.
Cette dame là que je tiens pour reine et dont je veux être le troubadour Si je pouvais obtenir (gracieusement) son amour Je laisserai au démon tous les autres amours Rose d’entre les roses, fleur d’entre les fleurs
Dame d’entre les dames, reine d’entre les reines
Culte Marial et lyrique courtoise
Littérature profane, littérature religieuse
vec cette Cantiga 10 et ses louanges à la Sainte-Vierge, nous nous situons dans le registre du grand chant « adapté » de la lyrique courtoise profane, appliqué au culte marial. Ici, le croyant s’assimile en effet lui-même au troubadour et les sentiments voués à la Sainte viennent pratiquement se calquer sur la lyrique courtoise, ou y être transposés. C’en est même au point que le poète se dit prêt à « jeter au diable » toutes ses autres amours s’il gagnait l’amour de la Vierge.
A partir de son émergence à la fin du XIIe et dans le courant du siècle suivant, c’est une tendance que l’on retrouvera souvent dans le culte marial. Certains médiévistes feront même l’hypothèse que l’entrée de la lyrique courtoise au sein des chants liturgiques et de la littérature religieuse mariale a été une forme de réponse « politique » pour, en quelque sorte, reprendre à son compte les éléments de la littérature profane, tout en proposant une alternative pieuse et acceptable à la Fin’amor, qui, par ses transgressions et ses formes assez clairement adultérines n’était pas tout à fait du goût de l’église. Quelques auteurs parlent de calquage littéral, ou même de « registre parasite » de la littérature courtoise profane, d’autres médiévistes restent un peu plus nuancés et mettent l’accent sur une forme adaptée et recomposée. Sans non plus verser dans la naïveté, peut-être n’y a-t-il pas eu là que des volontés d’instrumentalisation, mais aussi, par moments, quelques élans sensibles de la part des auteurs religieux qui, inspirés par certains éléments de la lyrique courtoise et par certaines de ses valeurs chevaleresques aussi, se mettent au diapason d’une société qui à travers sa littérature et son art, est en train de repenser le sentiment amoureux au coeur même de ses valeurs (1).
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
(1)Hors de l’Espagne médiévale et des Cantigas de Santa Maria, on trouvera un exemple saisissant de ces questions de transposition de la lyrique courtoise au culte marial, dans l’oeuvre du trouvère et moine bénédictin Gautier de Coinci et on pourra valablement se reporter, comme point de départ, à un article publié en 2010 par Jean-Louis Benoit dans la revue Le Moyen : « La dame courtoise et la littérature dans Les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci »
Sujet : musique et chanson médiévales, manuscrit de Bayeux, Canonici 213, école franco-flamande, rondeau, chants polyphoniques. Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle. Auteur: Guillaume Dufay (1397-1474) Titre : bon jour, bon mois. Interprète : Ensemble Unicorn Album : DUFAY, chansons (1995)
Bonjour à tous,
n cette fin de semaine de reprise, alors que les agapes du réveillon et leurs bulles semblent déjà bien loin, nous profitons d’être encore dans le temps des voeux pour publier une chanson médiévale d’un des musiciens et compositeurs les plus prisés du XVe siècle: Guillaume Dufay.
C’est donc un rondeau, une chanson de voeux pour célébrer la nouvelle année. Elle est tirée du manuscrit ancien référencé MS Canonici 213, précieux témoin de la musique de l’école franco-flamande et de l’école bourguignonne de la première moitié du XVe siècle, qui se trouve conservé à la Bodleian Library de Oxford.
Cinquante compositions du Moyen Âge retranscrites depuis le MS Canonici 213
S’il n’existe pas de version consultable en ligne de l’original du codex MS Canonici 213, les plus curieux d’entre vous mais aussi les musiciens qui nous suivent, désireux d’approcher dans le détail quelques partitions de Guillaume Dufay, seront heureux d’apprendre qu’une version du XIXe est tout de même disponible en ligne. Elle comprend une cinquantaine de partitions retranscrites depuis le manuscrit de la Bodleian Library. En voici le lien : Dufay and his contemporaries _ fifty compositions, Fac similé du Canonici 213 par Sir John Stainer et John Frederick Randall Stainer, 1898.
Bon jour, bon an, l’interprétation de l’ensemble Unicorn
Les chansons de Guillaume Dufay par l’ensemble Unicorn
La version que nous vous proposons aujourd’hui de cette pièce du Moyen Âge tardif est tirée d’un album de l’Ensemble Unicorn sorti en 1995 et dédié entièrement aux chansons de Guillaume Dufay. Nous l’avions déjà évoqué ici, on y trouve 17 pièces prises dans le registre « profane » de l’oeuvre du compositeur. Elles vont de l’amour courtois à des pièces plus festives, en passant par quelques pièces plus graves. L’album est toujours disponible à la vente en ligne au format CD ou même au format MP3 dématérialisé, sous le lien suivant : Dufay – Chansons – The Unicorn Ensemble.
(vous pouvez également cliquer sur la pochette ci-contre pour accéder au lien).
Bon jour, bon mois : les paroles
dans le verbe de Guillaume Dufay
Cette pièce en moyen-français soulève peu de difficultés de compréhension, mais nous vous fournissons tout de même quelques clés, à toutes fins utiles. Ajoutons que si « l’estraine » désignait un cadeau effectué au jour de l’an, et dont la tradition remontait aux romains, l’expression bonne estraine voulait aussi dire « bonne chance ». (petit dictionnaire de l’ancien français Hilaire Van Daele). Au vue du contexte, c’est sans doute plutôt au cadeau que Guillaume Dufay faisait ici référence.
Bon jour, bon mois, bon an et bonne estraine Vous doinst* (donne) celuy qui tout tient en demaine (1) Richesse, honnour, sainté, joye sans fin, Bonne fame* (renommée), belle dame, bon vin, Pour maintenir la creature saine.
Apres vous doint qu’en joye on vous demaine* (conduise, tienne) Et lyesse* (joie) tantost* (aussitôt, sans attendre) on vous ameine; Ainsi pourrez avoir, soir et matin, Bon jour, bon mois, bon an et bonne estraine; Vous doinst celuy qui tout tient en demaine, Richesse, honnour, sainté, joye sans fin.
Et puis vous doint esperance certaine Sans tristesse, sans pensee villaine; Tous voz desirs acomplir de cueur fin. Sans contredit soyez en la parfin* (à la toute fin) Lassus* (là-haut) logee en gloire souveraine.
Bon jour, bon mois, bon an et bonne estraine Vous doinst celuy qui tout tient en demaine, Richesse, honnour, sainté, joye sans fin, Bonne fame, belle dame, bon vin, Pour maintenir la creature saine.
(1) demaine : de domaine, possession seigneuriale, en l’occurrence, il fait référence ici à Dieu. « Celui qui tient tout en ses possessions. »
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.