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Guillaume Dufay, rondeau sur les revers de fortune par l’ensemble Obsidienne

musique_medievale_ancienne_guillaume_dufay_XV_moyen-age_tardifSujet : musique et chanson médiévales, manuscrit de Bayeux, Canonici 213, école franco-flamande, motet, rondeau, chants polyphoniques.
Auteur: Guillaume Dufay (1397-1474)
Période : moyen-âge tardif, XVe siècle.
Interprète : ensemble Obsidienne.
Album :  le jardin des délices (2004)

Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoici, pour aujourd’hui, une nouvelle pièce du maître de musique du moyen-âge tardif (d’aucuns diront des débuts de la renaissance), Guillaume Dufay, Elle est interprétée par l’Ensemble Obsidienne, sous la direction d’Emmanuel Bonnardot. 

Le Jardin des Délices, Obsidienne et le Manuscrit de Bayeux

Sorti en 2004, l’album le Jardin des Délices qui empruntait son titre au célèbre tableau du peintre néerlandais Jérôme Bosch, était dédié à des pièces tirées du manuscrit de Bayeux (lui-même daté des débuts du XVIe), ainsi qu’à des chansons et musiques de Guillaume Dufay et du compositeur franco-flamand Josqui Desprez. L’ensemble Obsidienne nous proposait donc ici de revisiter et de mettre à l’honneur le XVe siècle et on trouve dans ce Jardin des Délices un beau florilège de vingt-deux pièces, en provenance de cette période charnière entre le moyen-âge tardif et les débuts de la renaissance. Pour en faire le détail, cinq pièces sont de Guillaume Dufay, quatre de  Josquin Desprez, le reste sont des compositions, anonymes pour la plupart, issues du Manuscrit de Bayeux.

troubadours_modernes_musique_medievale_renaissanceEn 2016, l’album a fait l’objet d’une réédition, au sein d’un double album ayant pour titre « Chansons de la Renaissance » et comprenant également le CD  l’Amour de Moy  proposant des pièces de la même période, dont un grand nombre  encore issue du manuscrit ancien susnommé.

A propos de ce précieux héritage de la musique et des chansons normandes du XVe siècle qu’est le Manuscrit de Bayeux, (ou le MS Fr 9346) nous lui avions dédié un exposé détaillé dans un article précédent, aussi nous vous y renvoyons si vous souhaitez plus de détails : les richesses du manuscrit de Bayeux. Vous pouvez également le consulter directement en ligne sur le site de la BnF.

Concernant les œuvres de Guillaume Dufay et notamment la pièce que nous vous proposons aujourd’hui, on peut la trouver dans le manuscrit Canon. misc. 213 ou le Canonici 213 de la Bodleian Library d’Oxford dont nous avons également déjà parlé ici.

Par droit je puis bien complaindre et gemir, Les paroles du chant de Guillaume Dufay

C’est un  poète et compositeur bien désespéré que nous présente cette pièce du jour et ce rondeau puisque nous  le retrouvons, en effet, face à quelque revers de fortune et de fâcheuses inimitiés dont il se plaint ouvertement.

Par droit je puis bien complaindre et gemir,
Qui sui esent* de liesse et de joye. (*exempt)
Un seul confort ou prendre ne scayroye*,(*saurais)
Ne scay comment me puisse maintenir.

Raison me nuist et me veut relenquir* (abandonner),
Espoir me fault, en quel lieu que je soye:
Par droit je puis bien complaindre et gemir,
Qui sui esent de liesse et de joye.

Dechassiés* suy, ne me scay ou tenir, (pourchassé)
Par Fortune*, qui si fort me gueroye; (le sort) 
Anemis sont ceus qu’amis je cuidoye*, (croyais)
Et ce porter me convient et souffrir.

Par droit je puis bien complaindre et gemir,
Qui sui esent de liesse et de joye.
Un seul confort ou prendre ne scayroye,
Ne scay comment me puisse maintenir.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

L’ensemble médiéval Flor Enversa à la rencontre des troubadours et de Marcabru

troubadour_moyen-age-central_musique_chanson_poesie_medieval_occitan_oc_occitanie_MarcabruSujet : troubadours, langue d’oc, poésie, chanson et musique médiévale,  fine amour, amour courtois. ethnomusicologie.
Période : moyen-âge central, XIIe siècle
Auteur : Marcabru  (1110-1150)
Titre :  « Bel m’es quan son li fruich madur »
Interprète : Ensemble  FLOR ENVERSA

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous revenons aujourd’hui sur la poésie médiévale et bucolique du Troubadour Marcabru (Marcabrun) avec une très belle interprétation de sa chanson  « Bel m’es quan son li fruich madur », (J’aime quand les fruits sont mûrs) par l’ensemble médiéval FLOR ENVERSA que cet article va nous donner également la joie de vous présenter.

Trobar clus : la poésie hermétique et allégorique de Marcabru

marcabru_troiubadours_poesie_chanson_medievale_enluminure_miniature_retouchee_manuscrit_ancienMarcabru fait partie des trobar clus, autrement dit de ces troubadours qui pratiquent une poésie « fermée », soit relativement hermétique. On lui prête d’ailleurs souvent d’en être le chef de file. En opposition aux trobar leu ou au trobar ric qui sont dans une recherche stylistique mais dont les textes demeurent plus accessibles, Marcabru fait naître des images poétiques et allégoriques, use encore d’allusions qui ne se  livrent pas toujours facilement à la compréhension. Avec le recul du temps et la barrière de la langue, les choses se compliquent encore un peu plus, mais il n’est pas question pour autant de se priver d’approcher ce grand artiste et auteur du XIIe siècle.

Dans la poésie du jour, le troubadour nous parle de Fine Amor, autrement dit du bel amour courtois qui anoblit et élève et qu’il oppose aux pratiques des « amants perfides » et « trompeurs », qui l’avilissent et l’abaissent, même s’il en faudrait bien plus pour ternir  l’Amour véritable dont la valeur est si grande qu’il n’a ni fin, ni commencement et ne se laisse entâcher. Et comme dans de nombreux autres de ses textes, la nature vient servir de support à notre poète médiéval pour conter à la fois ses états d’âme mais aussi pour lui permettre d’illustrer son propos de manière allégorique. C’est un procédé que l’on rencontrera souvent, après lui, dans la poésie médiévale.

« Bel m’es quan son li fruich madur » par l’Ensemble Flor Enversa

FLOR ENVERSA, une formation médiévale
à la découverte de l’art des Troubadours

Fondé dans le courant de l’année 2006  par le chanteur, conteur et musicien Thierry Cornillon et la chanteuse, vieilliste, violoniste, flûtiste, Domitille Vigneron, l’ensemble FLOR ENVERSA  s’est donné pour vocation de faire revivre et redécouvrir le répertoire des troubadours occitans poesie_musique_medievale_troubadour_occitan_ensemble_Flor_enversa_Domitille_Vignerondes XIIe et XIIIe siècles.

La démarche artistique de la formation est soutenue par un sérieux travail de recherche en amont, dans les sources manuscrites, documentaires et graphiques en provenance du moyen-âge central, et l’ambition avouée des deux artistes est de se situer au plus près de cette tradition et cet art musical et poétique médiéval. Dans le même ordre d’idée, ils se sont penchés sur les instruments anciens et font même des recherches en archéo-lutherie pour les recréer. Inutile, bien entendu, d’ajouter que la langue chantée est aussi au plus près des manuscrits, mais faisons le tout de même. En un mot, nous sommes là face à un travail exigent de restitution qui se situe autant du côté artistique que du côté de l’ethnomusicologie.

A ce jour, FLOR ENVERSA a produit 4 albums sur leur thème de prédilection en s’entourant de collaborations diverses. En l’occurrence sur le morceau présenté aujourd’hui, les deux fondateurs de l’ensemble sont accompagnés d’Olivier Féraud. Pour dire un mot de cet autre Artiste, il est musicien et luthier spécialiste de la période médiévale, mais pas seulement, il est aussi docteur en anthropologie sociale et ethnologie, et membre de la Société poesie_musique_medievale_troubadour_occitan_ensemble_Flor_enversa_olivier_feraud_ethnomusicologieFrançaise d’Ethnomusicologie (voir profil détaillé d’Olivier Féraud). Outre nous fournir le plaisir de le mentionner ici, tout cela démontre, encore une fois, de tout le sérieux et de la rigueur que cet ensemble peut investir dans son approche de l’art des troubadours.

Fondateurs d’un festival sur ce même thème, le festival TROBAREA qui se donne en août, en Provence et à Vence et qui présentait cette année sa 3e édition, les deux artistes ont aussi eu l’occasion d’intervenir, à plusieurs reprises, dans des colloques pointus sur ce sujet qu’ils maîtrisent bien. Ils organisent d’ailleurs des stages sur la question faisant intervenir des contenus aussi divers que les sources manuscrites, l’archéo-lutherie, la découverte des modes de jeux et l’improvisation, mais aussi et bien sûr la langue d’Oc.

Notons encore que ces artistes passionnés qui ont à coeur la culture, la langue, la tradition orale, la musique, et, au sens large, les arts de leur belle Provence à travers le temps, ne se limitent pas au monde médiéval. Ils ont, en effet, crée  également BLANCAFLOR un ensemble dédié aux musiques de la renaissance en langue d’oc, et  SIRIGAUDA, une  troisième formation qui se propose de faire découvrir les chants et les poesie_musique_medievale_troubadour_occitan_ensemble_Flor_enversa_Thierry-Cornillondanses traditionnels de la Provence alpine.

Quoiqu’il en soit et pour en revenir au sujet du jour, si vous aimez l’art médiéval unique des troubadours des XIIe et XIIe siècles et leur langue d’Oc aux accents chantants, ou si vous êtes même simplement curieux de les découvrir, vous apprécierez, sans nul doute, le travail artistique de Thierry Cornillon, Domitille Vigneron et de leur formation  FLOR ENVERSA.

Pour plus d’informations les concernant, ainsi que sur leur actualité, n’hésitez pas à consulter leur site web très complet : flor-enversa.com 

Bel m’es quan son li fruich madur
Paroles et approche de traduction

La traduction que nous vous livrons ici est tirée des oeuvres complètes de  Marcabru, annotées et traduites par le Docteur Jean-Marie Lucien Dejeanne (1842-1909) qui écrivit aussi sous le pseudonyme de Nabaillet. Historien local, romaniste et spécialiste de littérature gasconne, l’homme était également médecin et maire de la commune de Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées).

L’ouvrage fut publié, en 1909, à titre posthume et l’auteur lui-même ne considérait pas l’édition comme définitive. Il l’avait, en effet, engagé avec l’intention de proposer une première classification de la poésie marcabru_poesie_chanson_troubadour_gascon_medieval_occitan_traductionsdu troubadour médiéval  et concernant la traduction qu’il en fit, il entendait ouvrir des pistes pour la compréhension, « aiguillonner » même pourra-t-on lire en préface de son livre, plus qu’il ne prétendait l’épuiser totalement. De son propre avis, cette dernière n’a donc pas la prétention de la perfection.

Pour en dire encore un mot, elle est littérale, parfois intuitive, souvent assurée (peut-être trop de l’avis même encore du bon docteur lui-même). Elle ne cherche en tout cas pas l’adaptation en vers. Bien évidemment, dans le texte français, la poésie de Marcabru se dilue totalement, mais il y a toujours trois choix face à une poésie et quelque soit sa langue : la traduire et tenter d’en approcher le sens, ne pas la traduire et simplement laisser les lecteurs goûter à sa musicalité, en espérant qu’elle leur suffise et enfin l’adapter en vers et se distancier définitivement de la langue originale. Quand on aime la poésie autant que les langues, une traduction littérale même imparfaite, même si, encore une fois, elle ne peut rendre totalement justice à la beauté poétique du texte originel, demeure tout de même utile à plus d’un égard; elle n’empêche pas, par ailleurs et après coup de revenir vers le texte source pour mieux l’apprécier. Nous faisons donc le choix volontaire et assumée de la publier ici, dusse-t-elle laisser en suspens quelques interrogations.


I
Bel m’es quan son li fruich madur

E reverdejon li gaïm,
E l’auzeill, per lo temps escur,
Baisson de lor votz lo refrim,
Tant redopton la tenebror;
E mos coratges s’enansa,
Qu’ieu chant per joi de fin’ Amor
E vei ma bon’ esperansa.

J’aime quand les fruits sont mûrs
et que reverdissent les regains,
et quand les oiseaux, par le temps obscur,
baissent le ramage de leur voix,
tant ils redoutent les ténèbres;
Et mon coeur est transporté,
Car je chante par joie le fine Amour
et je vois ma bonne espérance.

II
Fais amie, amador tafur,

Baisson Amor e levo·l crim,
E no·us cuidetz c’Amors pejur,
G’atrestant val cum fetz al prim
Totz temps fon de fina color,
Et ancse d’una semblansa;
Nuills hom non sap de sa valor
La fin ni la comensansa.

Faux amis, amants perfides
rabaissent Amour et relèvent le crime;
et ne vous imaginez pas qu’Amour soit devenu pire (en soit entaché),
car il vaut autant qu’aux premiers jours
toujours il fut de pure couleur
et d’une même apparence;
nul homme ne sait de sa valeur [de son pouvoir]
la fin ni le commencement.

III
Qui·s vol si creza fol agur,

Sol Dieus mi gart de revolim
Qu’en aital Amor m’aventur
On non a engan ni refrim
Qu estiu et invern e pascor
Estau en grand alegransa,
Et estaria en major
Ab un pauc de seguransa.

Croira qui voudra les folles augures
Dieu seul me garde de changer
car je m’aventure en un Amour
sans trouble, ni tromperie
En été comme hiver et pâques [printemps],
je suis en grande allégresse
et je l’aurais encore plus grande
avec un peu plus de certitude (sécurité).

IV
Ja non creirai, qui que m’o jur,

Que vins non iesca de razim,
Et hom per Amor no meillur
C’anc un pejurar non auzim,
Qu’ieu vaill lo mais per la meillor,
Empero sivm n’ai doptansa,
Qu’ieu no’m n’aus vanar, de paor
De so don ai m’esperansa.

Jamais je ne croirai, quiconque me le jure,
que le vin ne sorte pas du raisin
Et que l’homme par Amour ne soit pas rendu meilleur,
car jamais nous n’avons appris
qu’un seul en soit devenu pire,
cependant j’ai de l’incertitude,
Au point que je n’ose  m’en vanter, par peur
de ce qui est l’objet de mon espérance. (de perdre)

V
Greu er ja que fols desnatur,

Et a follejar non recim
E folla que no’is desmesur;
E mais albres de mal noirim,
De mala brancha mala flor
E fruitz de mala pesansa
Revert al mal outra’l pejor,
Lai on Jois non a sobransa.

Il sera certes difficile que le fou se dénature
et ne recommence pas à faire des folies,
et que folle (folie?) soit sans démesure
mauvais arbre vient de mauvaise nourriture,
de mauvaise branche, mauvaise fleur,
et fruit de mauvaise pensée
retourne au mal, sinon au pire,
là où Joie n’est pas souveraine.

VI
Que l’Amistat[s] d’estraing atur

Falsa del lignage Caïm
Que met los sieus a mal ahur,
Car non tem anta ni blastim,
Los trai d’amar ab sa doussor,
Met lo fol en tal erransa
Qu’el non remanria ab lor
Qui·l donava[n] tota Fransa.

L’amitié perverse aux étranges attachements
des descendants de Caïn
les entraîne dans le malheur,
car elle ne craint honte ni blâme,
les empêche d’aimer par sa douceur ( les éloigne de l’Amour vrai);
elle met le:fou en telle erreur (errance ? perplexité)
qu’il ne resterait plus avec ceux  (qu’ils ne s’y résigneraient même pas)
même si on leur donnait la France entière (?)


En vous souhaitant une merveilleuse journée.
Frédéric EFFE.

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La ballade de mercy de François Villon, façon folk médiéval avec Corvus Corax

poesie_medievale_epitaphe_villon_ballade_pendu_erik_satie_lecture_audioSujet : poésie médiévale, poésie réaliste, auteur médiéval. ballade, folk médiéval.
Auteur : François Villon (1431-?1463)
Titre : Ballade de Mercy (Merci)
Période : moyen-âge tardif, XVe siècle.
Interprétes  :  Corvus   Corax. Album: Seikilos 2006

Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoilà quelque temps que nous n’avons parlé à la fois de François Villon   et de Folk médiéval et ce sont, cette fois-ci, les allemands de  Corvus Corax qui nous en fournissent  l’occasion. En 2005, le groupe enregistrait en effet, dans le texte,  La Ballade  par laquelle Villon  crye  mercy  à chascun, connue encore sous le nom de Ballade de Mercy,  en nous proposant cette poésie médiévale avec force orchestration et rien moins qu’une sérieuse touche celtique.

Corvus Corax: rock folk néo-médiéval

L_lettrine_moyen_age_passiona postérité de François Villon a dépassé les frontières de la France auprès des amateurs de poésie médiévale et même de poésie tout court, mais il demeure toujours amusant de constater les étranges travers que les auteurs prennent, quelquefois, pour nous revenir. Cette fois-ci, ce n’est donc pas par la Russie (voir article), mais par l’Allemagne que Villon le fait.

Fondé à l’origine et en 1989 par deux allemands de l’Est ayant profité de la chute du mur de Berlin pour passer en RFA,  en laissant derrière eux un Corbeau apprivoisé ( d’où le nom du groupe),  Corvus Corax a gratifié depuis, son public, d’une bonne trentaine de productions entre albums studio, opéras, dvd et albums live.

corvus_corax_folk_neo_medieval_allemand_francois_villon_poesie_realiste_XVe_moyen-age_tardif

Toujours actifs depuis leur création, avec quelques changements de musiciens et d’artistes en cours de route qui n’ont pas affecté l’existence du groupe, ils se produisent principalement en concert en Allemagne, avec quelques dates dans d’autres pays européens en proposant leur style néo-médiéval, soit une musique aux tendances rock et folk et aux accents celtiques et nordiques prenant sa source d’inspiration dans le moyen-âge. La bande utilise de nombreux instruments d’époque. cornemuses et autres chalumeaux Corvus_corax_francois_villon_ballade_de_mercy_folk_neo-medieval_poesie_moyen-age_tardif_XVeet en fabriquent même de spéciaux pour chercher de nouvelles sonorités aux accents anciens.

Ajoutons que cette ballade de Villon, tiré de leur album   Seikilos, sorti en 2002 est la seule de l’auteur du CD. Cet album est disponible  à la vente en ligne, sur le lien suivant : Seikilos de Corvus Corax

Pour suivre de plus près les Corvus Corax, vous pouvez consulter leur site web (en allemand et en anglais).

La Ballade  par laquelle Villon
crye  mercy  à  chascun

francois_villon_ballade_de_merci_mercy_poesie_medievale_moyen-age_tardif

Dans cette ballade, Villon, se sachant condamné, implore la pitié de tous, en égratignant encore au passage, les tortionnaires et bourreaux qui l’ont soumis au dur régime du pain, de l’eau et de la torture et, avec eux, Thibaud d’Aussigny, le sévère et puissant évêque d’Orléans, responsable de son enfermement à Meung-Sur-Loire  et que Villon fit entrer dans la postérité avec lui. Et Villon crie ici, du fond de sa geôle, même si cette poésie semble plutôt être déclamée dans la rue, à l’attention de tout ce petit peuple qui y vit et que le poète connaît si bien. Dans le second tome de son excellent ouvrage sur la vie du poète médiéval « François Villon, sa vie, francois_villon_ballade_mercy_poesie_medievale_moyen-age_tardifson temps » (1913), Pierre Champion y verra même, de son côté, une référence certaine aux crieurs de corps qui annonçaient alors les noms des morts.

Pour en terminer, les paroles utilisées par Corvus Corax dans leur interprétation de cette ballade de Villon, étant un peu modernisée, nous avons préféré publier ici une version plus fidèle à la langue originelle de Villon. Elle est tirée des oeuvres de Maistre François Villon, par Jean-Henri-Romain Prompsault (1835) dont nous avons déjà parlé ici; l’ouvrage nous sert d’ailleurs aussi de guide principal pour les annotations.

A Chartreux et à Célestins,
A Mendians et à Dévotes,
A musars et claquepatins (1),
A servans et filles mignottes
Portants surcotz et justes cottes,
A cuideraulx d’amours transis, (2)
Chaussant, sans méhaing, fauves bottes,
Je crye à toutes gens merciz.

A fillettes montrans tétins,
Pour avoir plus largement hostes,
A ribleurs meneurs de hutins (3)
A basteleurs traynant marmottes,
A folz et folles, sotz et sottes,
Qui s’en vont sifflant cinq et six
A marmousetz et mariottes, (4)
Je crye à toutes gens merciz,

Sinon aux trahistres chiens mastins
Qui m’ont faict manger dures crostes, (5)
Et boire eau maintz soirs et  matins,
Qu’ores je ne crains pas trois crottes.
Pour eulx, je feisse petz et rottes ;
Voulentiers, si ne fusse assis;
Au fort, pour éviter riottes, (6)
Je crye à toutes gens merciz.

S’on leur froissoit les quinze costes
De bons mailletz, fortz et massis ; 
De plombée,  et de telz pelotes. (7) 
Je crye à toutes gens merciz.

Notes

(1)  Musars :  badauds. oisifs. Cliquepatins ; « galopins » qui court les rues.
(2)  Cuideraulx : de « cuideor »: présomptueux. Vaniteux élégamment chaussés.
(3) Ribleurs  : coureurs de nuit, crapules faisant du tapage de nuit
(4) Marmousets : petits garçon et petites filles
(5)  Crostes : croûtes de pain
(6) Au for pour éviter riottes ; Du reste pour éviter toute querelles
(7) De plombées  et de tels pelotes : garnis de plombs ou de choses semblables.

 En vous souhaitant une très belle journée.
Fred

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La Cantiga 49 par l’ensemble Syntagma et un mot du culte marial

musique_medievale_cantigas_santa_maria_166_enluminures_moyen-ageSujet : musique médiévale, Cantigas Santa Maria, galaïco-portugais, lyrisme médiéval, culte marial,
Période : 
XIIIe, moyen-âge central
« Auteur » : 
Alphonse X de Castille, Alphonse le Sage (1221-1284)
Interprète : 
Ensemble Syntagma
Titre: 
Cantiga de Santa Maria 49

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous suivons de nouveau, aujourd’hui, le fil des Cantigas de Santa Maria, célèbres chants et odes à la vierge composés sous le règne et sous la férule d’Alphonse X de Castille.

Cette fois, nous parlons de la Cantiga 49, et nous vous en présentons une version interprétée par l’excellent ensemble de Musiques Anciennes Syntagma. Pour plus d’informations sur cette formation musicale et son directeur Alexandre Danilevsky, nous vous invitons à vous reporter à l’article détaillé les concernant. Nous en profitons Alphonse le Sage, médiateur entre la Sainte Vierge et les musiciens, Cantigas Santa Maria, Miniature du Manuscrit MS TI1 de l'Escorialaussi pour toucher  un mot du culte marial dans l’Occident médiéval et chrétien.

Alphonse le Sage, ici « conteur » des Cantigas Santa Maria et médiateur entre la Vierge et les musiciens, Miniature du Manuscrit MS TI1 de l’Escorial, XIIIe  (1284)

La Cantiga 49 : des pèlerins perdus & sauvés, histoire d’un miracle et d’une apparition

En introduction de ce chant poétique galaïco-portugais du XIIIe siècle, dédié à la Sainte-vierge, on trouve la phrase suivante : « Esta é de como Santa Maria guiou os romeus, que yan a sa eigreja a seixon e erraran o camo de noite. »  

Ce qui donne, une fois adapté en français moderne :  « Cette Cantiga conte comment Sainte-Marie guida les pèlerins qui se rendaient à son église de Soissons et s’étaient perdus la nuit, en chemin. »

Ainsi, ce chant nous narre le récit de pèlerins que la nuit avait surpris en pleine montagne. Perdus et effrayés, ils se mirent à redouter l’attaque de voleurs et à prier la vierge de leur pardonner leurs péchés et de les protéger, afin qu’aucun mal ne leur soit fait. Le deco_medieval_moyen-age_chretienmiracle survint et la Sainte leur apparut dans une grande lumière pour les guider dans l’obscurité,  jusqu’à leur destination. Comme le conteur (est-ce Alphonse le sage lui-même?) nous le rapporte, à la fin du chant, dès leur arrivée à l’église de Soissons, nos voyageurs, sains et saufs, se mirent à genoux devant l’autel et prièrent, à nouveau, la vierge pour la remercier.

Bien sûr, entre temps, le poète nous aura expliqué à quel point tout cela démontre combien il faut se garder de faire le mal et garder foi en la Sainte Vierge qui jamais n’oublie ses ouailles. Elle vient, nous dira-t-il encore, les secourir des « grands soucis et angoisses qui ne cessent de les assaillir » et cette histoire n’est qu’un exemple parmi tant d’autres des miracles qu’elle peut accomplir pour ceux qui lui sont dévoués, car « il a vu de nombreuses hommes et femmes qu’elle a assistés, de jour comme de nuit ». Comme le chant le scandera d’ailleurs tout du long, en guise de refrain :

« Ben com’ aos que van per mar
a estrela guia, 
outrossi aos seus guiar 
vai Santa Maria. »

« Comme ceux qui vont par les mers,
sont guidés par l’étoile
Elles vient aussi  guider les siens
Sainte-Marie. »

La Cantiga Santa Maria 49, dirigée par le talentueux  Alexandre Danilevsky

L’importance du culte marial au moyen-âge central

Présent à l’origine du christianisme et dans son essence même pourrait presque t-on dire, le culte autour de la Sainte Vierge, prendra dans l’occident médiéval, et à partir du XIe siècle, des proportions fortement marquées. On lui vouera alors un véritable amour et quand on ne voudra, ni n’osera s’adresser directement à Dieu, ou même au Christ (qui plus que le « fils » du créateur est aussi considéré comme Dieu lui-même incarné et mort en croix. cf Thibaut de Champagne), on s’adressera souvent et avec, poesie_musique_medievale_cantigas_santa_maria_alphonse_X_le_Sage_manuscrit_ancien_escurial_XIIIe_sièclesemble-t-il plus de facilité, à sa Sainte-Mère dans l’espoir qu’elle intercède auprès de lui.

Alphonse le Sage, priant devant la vierge Marie et l’arbre de Jessé, Cantigas Santa Maria, Miniature du Manuscrit MS TI1 de l’Escorial (1284) 

De la même façon, pour paraphraser l’historien, écrivain et académicien chrétien Daniel Robs (1901-1965), spécialiste de ces questions dans un article de 1952 (références plus bas dans cet article), on se tournera plus favorablement vers les Saints dans une recherche de « médiateurs » qui apparaissent plus proches, peut-être plus terrestres et donc mieux à même de comprendre les faiblesses de notre nature humaine, autant que les souffrances et les petites misères à laquelle elle se trouve exposée.

Quoiqu’il en soit, pour en revenir au culte voué à Sainte-Marie, il s’étendra dans l’Europe catholique, bien au delà de l’Espagne médiévale et ne se limitera pas, loin s’en faut, aux Cantigas de Santa Maria. La puissance de cette dévotion religieuse, mais aussi affective et directe, qui pourra même parfois prendre des tours passionnels, s’affirmera encore aux XIIe et XIIIe siècles.

deco_medieval_moyen-age_chretien« Marie, Mère du Christ, est aimée d’un amour qui ne ressemble à nul autre, comme une mère à qui l’on cache ses peines, comme à une avocate qui plaidera en haut lieu la cause des pécheurs, et même presque comme une surnaturelle amante ; n’est-elle pas celle que le franciscain Jacques de Milan, dans l’Aiguillon d’amour, appelle « la ravisseuse des cœurs » ? On recherche dans l’Ancien Testament les figures qui prophétisent la sienne ; on médite – Eva, Ave, – le mystère qui fait que la faute de la première femme ait été rachetée par le moyen d’une autre femme.  »
Daniel-Rops  – Le Moyen-âge époque mariale.
Revue 
Marie (1952)

Pour faire écho à cette citation, on retrouve d’ailleurs littéralement cette idée du rachat de la faute de l’Eve originale, dans cette Cantiga 49 : « Ca ela nos vai demostrar  de como nos guardemos  do demo e de mal obrar, e en como gãemos o seu reyno que non á par, que nos ja perdemos  per don’ Eva, que foi errar per sa gran folia ». « Elle (la Sainte Vierge) nous montrera comment nous garder du démon et du mal, et comment nous gagnerons son Royaume sans égal, et ce que nous avons perdu par la faute de Doña Eva, qui est tombée dans l’erreur par sa grande folie. » 

Ainsi donc, on lui élèvera des cathédrales que l’on baptisera de ce « Notre Dame » que les cisterciens auront contribué à consacrer et promulguer dans un rapprochement avec les valeurs courtoises qui confirme encore la nature fortement affective de la relation qu’on entretient avec la Sainte. On fera de grands pèlerinages vers ses lieux saints (cathédrales, églises ou lieux d’apparition). On donnera encore pour elle des miracles. Bernard de Clairvaux, empreint de deco_medieval_moyen-age_chretiendévotion, s’enflammera pour elle et les poètes du moyen-âge lui voueront encore d’innombrables odes, hommages ou prières.  Au final, le culte marial se répandra dans le monde chrétien et son imagerie, et Sainte-Marie trouvera, au sein de l’église comme dans le coeur des hommes du moyen-âge, une place bien plus grande qu’aucune époque lui avait jamais consacrée, devenant indissociable de la religion catholique et de l’occident médiéval, ce qui fera encore dire à l’Historien Daniel Rops dans un grand élan, indéniablement affectif et chrétien :

« Ainsi, en occupant dans la religion la place éminente que nous lui voyons, le culte de la Vierge donne au Christianisme une nuance de tendresse unique, irremplaçable : il est un des fleurons du Moyen Âge. »  Daniel Rops. – Opus cité. 

Les paroles originales de la Cantiga 49

On notera que, dans la version musicale présentée plus haut, le texte de la Cantiga 49 est plus court que l’original et ne présente que la première partie de l’histoire. De notre côté, nous avons choisi de vous livrer, ici, le texte complet.

Au passage, pour les plus anglophones d’entre vous, notez que l’Université d’Oxford a mis en ligne un base de données très utile pour l’étude et la compréhension des Cantigas de Santa Maria. Vous n’y trouverez pas la traduction littérale de l’ensemble des chants, mais de bonnes pistes pour les comprendre et surtout d’excellentes références en termes de bibliographie, de manuscrits anciens et d’imagerie médiévale. Si cela vous intéresse, elle se trouve ici : The Oxford Cantigas de Santa Maria Database.

Ben com’ aos que van per mar
a estrela guia,
outrossi aos seus guiar
vai Santa Maria.

Ca ela nos vai demostrar
de como nos guardemos
do demo e de mal obrar,
e en como gãemos
o seu reyno que non á par,
que nos ja perdemos
per don’ Eva, que foi errar
per sa gran folia.

Ben com’ aos que van per mar …

E ar acorre-nos aqui
enas mui grandes coitas,
segund’ eu sei ben e oý,
quaes avemos doitas;
ca muitos omees eu vi
e molleres moitas
a que el’ acorreu assi
de noit’ e de dia.

Ben com’ aos que van per mar…

E, segund’ eu oý dizer,
ha mui gran conpanna
de romeus ar foi guarecer
en ha gran montanna,
en que ss’ ouveran de perder
con coita estranna,
porque lles foi escurecer
e perderon via.

Ben com’ aos que van per mar…

E sen aquest’ un med’ atal
enos seus corações
avian mui fero mortal,
ca andavan ladrões
per y fazendo muito mal;
porend’ orações
fezeron todos y sen al,
quis come sabia.

Ben com’ aos que van per mar…

E chamand’ a Madre de Deus,
com’ é nosso costume,
que dos graves pecados seus
perdess’ ela queixume;
e logo aqueles romeus
viron mui gran lume
e disseron: «Ai, Sennor, teus
somos todavía.»

Ben com’ aos que van per mar…

E en aquel gran lum’ enton
viron ha mui bela
moller de corp’ e de faiçon,
e ben come donzela
lles pareceu; e pero non
siia en sela,
mas ta na mã’ un baston
que resprandecia.

Ben com’ aos que van per mar…

E poi-la donzela chegou,
todas essas montannas
do seu gran lum’ alumou,
e logo as compannas
dereito a Seixon levou
e per muit’ estrannas
terras en salvo os guiou
come quen podia.

Ben com’ aos que van per mar
a estrela guia,
outrossi aos seus guiar
vai Santa Maria.

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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