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XIIe Festival Musique et Histoire de Fontfroide : un programme d’exception pour l’édition 2017

festival_evenement_musique_ancienne_historique_medieval_viole_gambiste_jordi_savall_Sujet : événement, festival, abbaye de Fontfroide,  musiques anciennes, musiques médiévales, Jordi Savall, Hespèrion XXI, programme.
Evénement : 12e Festival Musique & Histoire de Fonfroide, organisé par  Jordi Savall
Titre : Célébrations, hommages, solidarité & voyages insolites.
Dates : du  15 au 19 juillet 2017
Lieu : Abbaye de Fontfroide, Narbonne.

Bonjour à tous,

E_lettrine_moyen_age_passionn mars dernier, nous vous parlions déjà du Festival Musique et Histoire qui se tient chaque année à l’abbaye de Fontfroide sous l’égide du talentueux Jordi Savall et nous avons le plaisir de pouvoir en partager avec vous le programme détaillé.

Pour cette 12e édition du Festival Musique et Histoire de Fontfroide, le programme est plus que jamais ouvert sur les musiques du monde, confirmant encore s’il en était besoin de le goût de l’échange culturel de l’incomparable vielliste et directeur de formation catalan, tout autant que son implication dans l’actualité de notre monde.

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Un festival au coeur des musiques anciennes et des musiques du monde

Du samedi 15 au mercredi 19 juillet 2017, au creux des vieilles pierres de l’abbaye narbonnaise, dans la fraîcheur de ses cours et de ses belles salles, le voyage se fera donc autant dans le passé, l’Histoire et les musiques anciennes qu’à travers les frontières. Jugez plutôt les artistes présents nous viendront de destinations aussi lointaines qu’Abu Dhabi, l’Afghanistan, l’Argentine, l’Arménie, le Brésil, la Chine, la Grèce, le Mali, le Maroc, le Mexique, la Syrie, l’île de Madagascar et encore la Turquie !

Il y a aussi derrière le programme de cette édition 2017 l’intention avouée de placer le festival au coeur d’une réflexion d’actualité sur l’ouverture au monde et sur les échanges migratoires. La solidarité face au drame et aux conflits actuels qui engendrent les déplacements de population et les flux migratoires massifs que l’on sait suite au conflit syrien est aussi en question, comme le souligne le sous-titre du festival: Célébrations, hommages, solidarité & voyages insolites.

Il faut ici rappeler que Jordi Savall est aussi l’initiateur du projet européen Orpheus XXI ayant pour but l’intégration de musiciens réfugiés dans des actions et des concerts conjoints avec des musiciens professionnels. Cette année, à Fontfroide, trois concerts seront notamment le reflet de cette action mais le ton est donné par le grand maître de musique catalan pour l’ensemble de l’événement : ouverture, solidarité et sensibilisation, ce n’est pas par hasard si le programme du festival s’ouvrira, dès le premier jour, sur un voyage musical en compagnie du grand écrivain et voyageur musulman du XVIe siècle Ibn Battûta ou Ibn Batoutah (1333-1392) dont il nous faut dire un mot ici.

Ibn Battûta, un concert de Jordi Savall
sur les traces d’un grand voyageur du XIVe

De 1325 à 1349, cet aventurier berbère musulman, né à l’aube du XIVe siècle, parcourut plus de 120 000 kilomètres à l’occasion de trois grands périples qui le menèrent de son Maroc natal jusqu’aux confins du monde musulman médiéval. Parti originellement en pèlerinage vers la Mecque, à l’age de 22 ans, il finira par visiter des myriades de destinations dans une longue aventure où il prendra toute la mesure du monde musulman, de sa diversité autant que de son étendue : Inde, Asie centrale, Chine, Afrique orientale, Moyen et proche orient, Palestine, Perse, Irak, Syrie, son périple le conduira jusqu’à l’Anatolie, et encore Sumatra ou même l’Andalousie et. il s’aventura même encore, hors des terres de l’Islam, jusqu’à Constantinople.

ibn_battuta_aventurier_pelerin_musulman_medieval__moyen-age_centralQuelques années après son retour, en 1354 et à la demande du roi du Maroc Abu Inan Faris, le voyageur prodigue  dictera ses aventures à un historien, poète juge et érudit de Al-Andalous, la grande Andalousie d’alors, du nom de Ibn Juzayy al-Kalbi al-Gharnati, pour les inscrire dans la postérité.

A l’image des aventures de Marco Polo, la véracité de certains des récits d’Ibn Battuta sera partiellement mise en doute, mais sans entrer dans le détail de ces polémiques qui touchent principalement des points de détails sur les destinations visitées, nul ne s’aviserait aujourd’hui de nier qu’Ibn Battûta ait véritablement effectué ces immenses voyages et sillonné le monde qui lui était contemporain. Il a d’ailleurs laissé des descriptions précises de nombreux lieux traversés et des moeurs rencontrées, commentant au passage les pratiques musicales diverses qu’il croisait en chemin.

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En suivant pas à pas une partie de ce périple, Jordi Savall  est donc parti à la rencontre des musiques anciennes de certaines terres traversées par le grand voyageur et aventurier marocain. A son habitude, étudiant de près les codex et s’entourant d’artistes d’exception, venus d’horizon et de terres diverses, il a déjà réalisé un premier album en 2013 sur une première partie du voyage d’Ibn Battûta. Il avait d’ailleurs eu l’occasion de présenter cette première pièce à Fontfroide, lors d’un concert de l’édition 2015. Cette année, il ouvrira le premier concert nocturne du Samedi soir, avec un deuxième opus en hommage à ce voyageur du temps que fut Ibn Battûta. Il le fera notamment en compagnie de musiciens venant chacun de pays traversés par l’aventurier médiéval.

De voyages en découvertes : des concerts d’exception dans un cadre idyllique

Pour le reste du programme et des neufs autres concerts qui jalonneront ces quatre jours de festival, vous partirez avec Hespérion XXI, à la découverte de l’Ars Nova et de l’influence de la musique vénitienne sur l’Europe médiévale et musicale des XVe et XVIe siècles.

Musica Nova,
La musique vénitienne dans l’Europe médiéval tardive

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Vous découvrirez encore un concert autour de El Amor Brujo, (l’amour sorcier) hommage à la musique andalouse, aux sources du flamenco et de ses notes gitanes, autant qu’au grand compositeur espagnol des XIXe XXe siècles, Manuel De Falla qui s’en était épris. Ce concert sera donné par les artistes basques de la formation Euskal Barrokensemble.

Amor Brujo ou l’amour « sorcier »
aux sources du flamenco avec l’Euskal Barrokensemble.

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Ceux qui se souviennent du merveilleux film Tous les matins du monde, tout entier habité par la musique, les interprétations et les compositions de Jordi Savall auront aussi l’immense plaisir de s’y replonger, avec un concert entièrement dédié au thème en hommage au réalisateur Alain Corneau et à l’écrivain Pascal Quignard qui l’avait inspiré.

Tous les matins du monde,
Concert hommage à Alain Corneau & Pascal Guignard

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Enfin, pour suivre le programme de ces concerts du soir et de ces voyages insolites, le mercredi se clôturera sur les musiques du Pérou colonial, guidé par le Codex Trujillo, un manuscrit ancien d’exception que l’on doit à Baltasar Jaime Martinez Compañon, évêque de Trujillo qui effectua durant 3 ans à la fin du XVIIIe siècle un périple au coeur du Pérou colonial pour en ramener des illustrations, des musiques, des danses religieuses ou profanes et des impressions de voyage qui témoignent avec richesse de cette période de l’histoire de la musique sud-américaine.

A la découverte du Pérou du XVIIIe siècle avec l’ensemble Tembembe Continuo et le Codex Trujillo

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Les rythmes et les cultures des ethnies métisses, indiennes et afro-péruviennes viennent s’y mêler de manière unique aux influences musicales de l’Europe coloniale et c’est l’Ensemble mexicain Tembembe Continuo qui vous invitera à la découverte de ce Pérou historique et musical à l’occasion d’un grand concert.

Mais encore

La richesse du programme de ce XIIe festival de Fontfroide ne s’arrête pas là puisqu’il y aura encore, chaque fin d’après-midi, autour de 17h30 des concerts à la découverte des musiques anciennes, historiques et des musiques du monde. Les lundis et mercredis, deux conférences seront également données pour inviter à la réflexion sur le thème général du festival. On  s’y interrogera notamment sur la place ou le rôle possible de la musique, autant que de l’échange culturel, dans le contexte des conflits et des guerres actuels avec les problèmes migratoires aigus qu’ils soulèvent.

Pour plus de détail sur cet événement historique très particulier et unique en son genre, vous pouvez télécharger le programme détaillé de ce XIIe festival ici. 

Réservation concerts, gastronomie
et détails pratiques.

D’un point de vue pratique et gastronomique, le restaurant de l’abbaye proposera tout au long du festival des formules pour pouvoir se restaurer dans son cadre d’exception, avant les concerts du soir qui ont, en principe lieu, autour de 21h30.

Concernant ces derniers, qui, il faut bien le dire, se situent à des prix extrêmement modiques et abordables, compte tenu de la qualité des artistes présents autant que du cadre, les réservations sont ouvertes dès maintenant  sur le site de l’abbaye. Tout est là :

Réservation concerts XIIe Festival Musique et Histoire de Fontfroide  (vous pouvez également si cela vous résulte plus pratique, réserver vos place dans les billetteries FNAC).

Enfin, pour plus d’informations sur l’abbaye et pour une petite visite guidée et acoustique du lieu en compagnie de Jordi Savall, suivez ce lien vers notre premier article sur la question:  le Festival des Musiques anciennes de FontFroide avec Jordi Savall.

En vous souhaitant une merveilleuse journée et un excellent festival si vous avez la chance et l’opportunité de pouvoir vous y rendre ce mois de juillet prochain.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

L’autrier quand je chevauchoys, une chanson et pastourelle anonyme du XVe siècle

musique_poesie_chanson_profane_medievale_pastourelle_adam_de_la_halle_trouvere_arrasSujet :  musique, poésie, chanson, médiévale,  ancienne, pastourelle
Période : moyen-âge tardif
Auteur :  Anonyme (XVe siècle)
Titre : l’autrier quand je chevauchoys
Interprète :  Newberry Consort
Album : 
« De Villon à Rabelais, XVIe siècle, musiques de rue, de théâtre et de cour (1999  Harmonia Mundi)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous partageons aujourd’hui un peu de musique du XVe siècle avec une chanson médiévale, dans le plus pur style de la pastourelle, genre dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises ici et qui demeure répandu  durant tout le moyen-âge.

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On ne connait pas l’auteur de la pièce du jour et elle est demeurée anonyme. On la retrouve classée comme provenant du XVe siècle dans un ouvrage du célèbre historien médiéviste et philologue du XIXe siècle Gaston PARIS. Il est possible qu’elle soit légèrement antérieure à cette période dans la tradition orale mais elle témoigne en tout cas encore de la popularité de ce genre rupestre et champêtre, jusque dans le courant du moyen-âge tardif. Comme fréquemment pour une pastourelle, c’est le personnage du chevalier lui-même qui nous conte l’histoire, ce qui ne l’empêchera aucunement de se retrouver « le bec dans l’eau » à la fin, comme le veut la « tradition »(1) et ce malgré, cette fois, l’engagement de l’innocente et pure bergère à céder à qui sauvera sa brebis.

L’ensemble Newberry Consort

N_lettrine_moyen_age_passionous ne finissons pas de découvrir à quel point l’engouement pour la musique médiévale dépasse de loin les frontières de l’Europe. De fait, les interprètes du jour nous entraînent, cette fois, du côté du continent américain et des Etats-Unis.

Formé en 1986, originaire de Chicago, le Newberry Consort se dédie à un répertoire assez large qui va du XIIIe  au XVIIIe siècle avec même quelques incursions, à l’occasion, sur des pièces plus récentes.

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Du point de vue des concerts, l’ensemble se produit essentiellement aux Etats-Unis et comme de nombreuses formations dans le domaine des « Early Music », ses artistes s’attachent également à la sensibilisation et la pédagogie autour de leur passion. Dans ce cadre, ils sont étroitement associés à l’Université de Chicago mais aussi à la bibliothèque et au centre d’études de la Renaissance de Newberry.

De Villon à Rabelais : du moyen-âge tardif aux début de la renaissance.

E_lettrine_moyen_age_passionn 1999, ils nous gratifiaient d’un album ciblé sur le moyen-âge tardif et les débuts de la renaissance, du XVe au XVIe: Villon to Rabelais, 16th century, Music of the Streets, Theatres, and Courts (De Villon à Rabelais, 16e siècle, musiques des rues, des théâtres et des cours). Cette production et la formation y est dirigée par Mary Springfels qui est également musicienne et vielliste (au premier plan et en bas sur la photo ci-dessus).

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Le site web (en anglais) du Newberry Consort ne propose pas, pour l’instant, semble-t-il, ses productions musicales à la vente en ligne, mais on peut tout de même trouver cet album à la vente sur Amazon. En voici le lien, si cela vous intéresse :  De Villon A Rabelais Vous pouvez également cliquer sur l’image de l’album pour y accéder.

L’autrier quant je chevauchoys
les paroles 

L’autrier quant je chevauchoys,
A l’orée d’ung vert boys
Trouvay gaye bergére :
De tant loin qu’ouy sa voix
Je l’ay araisonnée,

Tanderelo !*

« Dieu vous adjust, bergére!*
Dieu vous adjust, bergére ! »


Tandis que l’araisonnoys,

Ung grant lou saillit du boys
O la goulle baée :
La plus belle des brebiz
Il en a emportée,

Tanderelo !
Dieu vous adjust, bergére!
Dieu vous adjust, bergére !

Quant la bergère si vit
Que le lou tint sa brebiz,
A haulte voiz s’escrye :
« Qui m’y rendra ma brebiz,
Et je seray s’amye ? »

Tanderelo !
Dieu vous adjust, bergére !
Dieu vous adjust, bergére!

Quant le chevalier oyt
Ce que la bergére a dit,
Mist la main à l’espée :
Au devant du lou s’en va.
La brebiz a laissée.

Tanderelo !
Dieu vous adjust, bergére !
Dieu vous adjust, bergére I

« Tenez, belle, tenez cy :
Je vous rends vostre brebiz
Saine comme les aultres ;
Or me faictes mon plaisir
Comme j’ay fait le vostre. »

Tanderelo!
Dieu vous adjust, bergére!
Dieu vous adjust, bergére !

« Chevalier, cinc cens mercyz :
Pour ceste heure n’ay loisir,
Aussi je n’oseroye ;
Et m’en eussiés sauvé dix.
Pour rien ne le feroye. »

Tanderelo !
Dieu vous adjust, bergére !
Dieu vous adjust, bergére !

Dieu vous adjust : Dieu soit avec vous, auprès de vous
*Tanderelo: terme d’usage commun dans les refrains de pastourelle.
En vous souhaitant une belle écoute, une très belle journée et un joyeux lundi !
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

 (1) Suite au  commentaire fort pertinent d’une de nos lectrices, il nous faut préciser que le genre de la Pastourelle est, en réalité, relativement hétérogène. Il est sujet à des évolutions à travers le temps  et les fins heureuses et morales ne sont pas toujours la règle.  Loin des valeurs courtoises des légendes arthuriennes,  il n’est pas rare que le chevalier tente la force sans y parvenir et que, quelquefois même, il use de violence et parvienne à ses fins.  

« Belle qui tiens ma vie », quand une chanson de la renaissance s’invite dans les légendes arthuriennes

musique_danses_medievales_manuscrit_ancien_moyen-age_tardif_renaissanceSujet : danse ancienne, pavane, basse danse, danse royale, chant polyphonique, chanson ancienne, kaamelott, chanson, musique ancienne, amour courtois.
Période : renaissance, XVIe siècle (1588)
Auteur : Thoinot Arbeau, (1520-1595) Jehan Tabourot.
Titre : « Belle qui tiens ma vie »
Ouvrage : Orchésographie
Interprète : Ensemble DEUM,  Chorale Thomas Tallis de Arduino Pertile.

Bonjour à tous,

P_lettrine_moyen_age_passion copiaour tout ceux qui aiment et ont aimé la série culte Kaamelott, la chanson « Belle qui tiens ma vie » est entrée définitivement dans le corpus des légendes arthuriennes. Ce chant est, en effet, repris de la bouche même du roi Arthur (Alexandre Astier à l’écran) dans quelques épisodes.

Alors provient-il du moyen-âge, le haut ou le « Dark age » comme l’appellent les anglais, cette période supposée contemporaine des légendes arthuriennes ou nous vient-il plutôt du moyen-âge central et des siècles qui ont vu naître la littérature et le roman arthurien ? Et bien, en réalité, la chanson ne se rattache à aucun de ces deux moyen-âge(s) et leur est postérieure de plusieurs siècles.

(désolé pour la qualité vidéo, l’audio est très bon  en revanche)

Une pavane du XVIe siècle
qui s’invite dans les légendes arthuriennes

Composée et créée par  Thoinot Arbeau, pseudonyme de Jehan Tabourot, chanoine de Langres, ce beau chant polyphonique à quatre voix date en réalité du XVIe siècle et est une pavane, soit une basse danse royale et seigneuriale de la Renaissance.

danse_ancienne_renaissance_jehan_tabourot_belle_qui_tiens_ma_vie_serie_kaamelott_legendes_arthuriennesComme nous l’avons vu ici à plusieurs reprises, ce n’est pas la première fois qu’un air ou une chanson de la renaissance ou même des siècles ultérieurs au moyen-âge s’y invite. Paradoxe ou message voilé, dans Kaamelott, le roi Arthur entonne même cette jolie pièce d’Amour courtois avec la reine Guenièvre (la très drôle Anne Girouard) qui, dans la série, est loin d’incarner celle qui tient véritablement son coeur, loin s’en faut. Dans les libertés que l’auteur prend avec son oeuvre, en voici donc une de plus, mais, encore une fois, nous l’avons mentionné ici, les légendes arthuriennes revues et corrigées par Alexandre Astier, n’ont pas l’ambition du réalisme historique. Elles se situent dans un espace imaginaire totalement assumé entre moyen-âge et modernité.

Quand la belle qui tient la vie du roi Arthur n'est pas celle qui pourrait le mieux y prétendre
Quand la belle qui tient la vie du roi Arthur n’est pas celle qui pourrait le mieux y prétendre

Du reste, peut-être même est-ce là le propre des légendes de savoir ménager, en leur sein, des espaces de liberté « contemporains » qui permettent à chacun de pouvoir mieux s’identifier.  Au fond, lors de leurs premières écritures déjà, les aventures du bon roi de Bretagne et de ses chevaliers étaient en décalage de 600 ans avec leur propos et ne se privaient pas d’y inviter des valeurs, mais aussi de beaux châteaux de pierre et des chevaliers qui étaient bien plus de leur temps que du VIe siècle auquel elles se référaient.

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danse_ancienne_renaissance_jehan_tabourot_belle_qui_tiens_ma_vie_kaameloot« Le gentil-homme la peult dancer ayant la cappe & l’efpée: Et vous aultres, veftuz de voz longues robes, marchant honneftement avec une gravité posée. Et les damoifelles avec une contenance humble, les yeulx baiffez, regardant quelquefois les affiftans avec une pudeur virginale. Et quand à la Pavane, elle fert aux Roys, Princes et Seigneurs graues, pour fe monftrer en quelque jour de feftin folemnel avec leurs grands manteaux & robes de parades. »
Thoinot Arbeau – Orchésographie (basse danses et pavanes)

Comme la citation ci-dessus, la chanson « belle qui tiens ma vie » fait donc partie d’un ouvrage paru en 1588 et intitulé Orchésographie. On en trouve encore quelques exemplaires originaux, même s’il a été réédité depuis. C’est un traité de danse qui fournit des éléments de méthode, autant que des illustrations et des compositions musicales pour en faciliter l’apprentissage.

Si cela vous intéresse, vous pouvez retrouver ce petit précis de danse ancienne sur le site de la Bnf et en version numérisée ici : Orchésographie en ligne.

Ensemble DEUM et la Chorale Thomas Tallis

L’ensemble D.E.U.M. auquel nous devons la belle interprétation de cette chanson que nous vous proposons aujourd’hui est un quartet vocal italien, issu de la chorale  Thomas Tallis de Arduino Pertile. Vous pouvez retrouver de nombreuses interprétations de cette formation sur leur chaîne youtube. Elle existe en réalité depuis 1975 et a changé de nom entre temps, mais elle continue de se produire régulièrement en concert, en Italie.

chorale_musique_ancienne_pavanne_danse_musique_renaissance_medieval_belle_qui_tiens_ma_vie

chorale_formation_musique_ancienne_chaine_youtubeAu passage même si le site web de la formation vocale dont sont issus ces quatre artistes est totalement en italien et même si vous n’êtes pas italophone, je vous conseille vivement de consulter la page où ils présentent leurs membres et les portraits tordants dont ils se sont fendus (nous vous en donnons un avant-goût ci-dessus). Classicisme et sérieux dans l’interprétation ou dans le choix de répertoire ne sont, à l’évidence, pas incompatibles avec humour et bonne humeur et c’est très agréable de se le voir rappeler.

Les paroles originales de la chanson
« belle qui tiens ma vie »

« Belle qui tiens ma vie
Captive dans tes yeux,
Qui m’as l’âme ravie
D’un sourire gracieux,
Viens tôt me secourir
Ou me faudra mourir.(bis)

Pourquoi fuis-tu mignarde
Si je suis près de toi,
Quand tes yeux je regarde
Je me perds dedans moi,
Car tes perfections
Changent mes actions.(bis)

Tes beautés et ta grâce
Et tes divins propos
Ont échauffé la glace
Qui me gelait les os,
Et ont rempli mon cœur
D’une amoureuse ardeur.(bis)

Mon âme voulait être
Libre de passions,
Mais Amour s’est fait maître
De mes affections,
Et a mis sous sa loi
Et mon cœur et ma foi.(bis)

Approche donc ma belle
Approche, toi mon bien,
Ne me sois plus rebelle
Puisque mon cœur est tien.
Pour mon mal apaiser,
Donne-moi un baiser.(bis)

Je meurs mon angelette,
Je meurs en te baisant.
Ta bouche tant doucette
Va mon bien ravissant.
À ce coup mes esprits
Sont tous d’amour épris.(bis)

Plutôt on verra l’onde
Contre mont reculer,
Et plutôt l’œil du monde
Cessera de brûler,
Que l’amour qui m’époint
Décroisse d’un seul point.(bis) « 

Thoinot Arbeau (1520-1595)


Notes :  suite à une question sur la dernière strophe de la chanson, je poste ici, à toutes fins utiles, quelques éléments de réponse.

« Plutôt on verra l’onde
Contre mont reculer »

Contremont : vers le haut. En l’occurrence, en parlant d’un cours d’eau « vers l’amont » : on aura plus de chances de voir (ou on verra avant) l’eau remonter vers l’amont ou à contre-courant… »

« Et plutôt l’œil du monde
Cessera de brûler »

L’oeil du monde est le soleil. Dans l’univers platonicien, les analogies existent entre l’astre et l’oeil. On retrouve aussi cet « Oeil du monde » dans la remonstrance au peuple de France de Ronsard, poésie qui date du même siècle que la chanson :

« La nuit j’adorerais les rayons de la Lune,
Au matin le Soleil, la lumière commune,
L’oeil du monde ; et si Dieu au chef porte des yeux,
Les rayons du Soleil sont les siens radieux,
Qui donnent vie à tous, nous maintiennent et gardent,
Et les faits des humains en ce monde regardent.

Dans la même poésie de Ronsard, il est également fait allusion à l’épisode biblique de Moïse et de la mer rouge et des ondes repoussées par lui. Jehan Tabourot y fait-il une référence lointaine dans son allégorie sur l’onde ? Difficile de l’affirmer. Peut-être ne faut-il pas aller chercher si loin.

« Pour guider ses enfants par monts et par vallées,
Qui noya Pharaon sous les ondes salées
Et fit passer son peuple ainsi que par bateaux
Sans danger, à pied sec par le profond des eaux. »

Quoiqu’il en soit donc, dans l’esprit de l’auteur, ces deux choses ne peuvent survenir et si elles le devaient, elles se produiraient avant que l’amour « qui l’étreint » ait baissé en intensité (ne décroisse d’un seul point).


En vous souhaitant une excellent journée et une belle fin de semaine!

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

Rokatanc, musique traditionnelle hongroise à la façon de Vox Vulgaris

musique_medievale_ancienne_moyen-age_central_tardifSujet : musiques, danses médiévales, traditionnelles, musiques anciennes, troubadours modernes, folk médiéval.
Ensemble, Groupe : Vox Vulgaris.
Titre : Rokatanc, la danse du renard.
Période : moyen-âge central
Album : the shape of medieval music to come
Année : 2003

Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoilà un peu de musique d’inspiration médiévale aujourd’hui avec une nouvelle pièce revisitée par la formation Vox Vulgaris dont nous vous avons déjà parlé à plusieurs reprises ici.

L’ensemble médiéval suédois Vox Vulgaris

F_lettrine_moyen_age_passion-copiaormé dans les années 90, le quatuor suédois ne légua à la postérité qu’un seul album, mêlant partitions en provenance du moyen-âge et variations improvisées en s’inspirant du Jazz fusion. La pièce du jour « Rókatánc » ou la danse du renard serait une pièce traditionnelle profane d’origine hongroise, demeurée anonyme.

vox_vulgaris_formation_musique_ancienne_medievale_moyen-age_central

En suivant le fil de certains groupes musique_monde_medievale_vox_vulgariis_album_moyen-age_centralactuels de la mouvance Folk médiévale, on retrouvera souvent, notamment sur les pièces instrumentales exécutées au biniou ou à la cornemuse, cette touche d’accélération que Vox Vulgaris mettait ici sur ce morceau. Même si le tout « sonne » médiéval, ce tempo enlevé et qui envoie marque pourtant une distance indéniable et ne laisse place à aucun doute, nous sommes bien dans un relecture et une interprétation post-médiévales.

En vous souhaitant une très belle journée!

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.