Sujet : Ballade médiévale, poésie médiévale, satirique, épitaphe, poésie réaliste, pendus, frères humains,lecture audio. prière, Période : moyen-âge tardif, bas moyen-âge. Auteur : François Villon (1431-1463) Titre : Epitaphe à Villon, Ballade des pendus Interprète :Bernard Lavilliers Album : Histoires en scène (2000)
Bonjour à tous,
oici une autre lecture audio de la mythique ballade des pendus de François Villon en ce lundi de presque fêtes. L’interprétation du jour est aux couleurs stéphanoises puisque c’est une stéphanois célèbre qui nous la conte: Bernard Lavilliers, le mauvais garçon au grand coeur de la chanson française, dont on ne présente plus la longue et brillante carrière,
Qui, mieux que lui, qui a chanté les prisons, Betty, le Ghetto, le banditisme, et encore la complainte des ouvriers aux mains d’or pouvait, sans crainte, s’approcher de Villon et de son épitaphe? Je vous laisse en juger. En tout cas, moi je trouve qu’il passe extrêmement bien même si, pour mettre un petit bémol sur son introduction, le clergé n’était sans doute pas le seul pouvoir à régner sous Louis XI.
De fait, du moyen-âge central au moyen-âge tardif, le jeu politique et coercitif se jouait sans doute, de manière plus subtile, entre les mains du pouvoir régalien, celles du pouvoir féodal encore présent durant ce XVe siècle et celles de l’église et du clergé. Dans le contexte, le règne de Louis XI est même plutôt une période où la royauté s’affirme, dans la lignée d’un mouvement amorcè sous Philippe-Auguste et poursuivi depuis, comme un pouvoir avec lequel il faut compter. Le souverain s’appuiera sur le petit peuple pour oeuvrer contre les feudatairesdans le sens de la centralisation et, dans un autre registre, il défendra aussi les paysans vaudois contre l’inquisition épiscopale, dans le Dauphiné.
Sans relation avec l’affaire dauphinoise, Louis XI fera encore longtemps emprisonné le cardinal Jean de la Balue pour trahison et le pape devra même intervenir pour que l’homme échappe de peu à l’exécution.
Pour le reste, si vous vous souvenez, nous avions déjà parlé un peu de Louis XI, à l’occasion d’un article sur le poète Théodore de Banville qui lui avait dédié ce verger du roi Louis constellé de pendus. Après avoir connu une réputation de roi tyrannique et sanguinaire que lui avaient fait certains de ses contemporains, il a, depuis, été quelque peu réhabilité par les historiens, au moins dans le rôle politique qu’il a joué pour la France.
Du reste, comme c’est par la grâce de ce roi que François Villon sera libéré du joug de sa prison de Meung-sur-Loire, dans laquelle il aurait certainement fini par périr, sans Louis XI, le grand maître de poésie médiévale n’aurait sans doute jamais pu léguer à la postérité son grand testament. Alors, même si de son vivant, ce dernier a sans doute mieux connu le règne de Charles VII que celui de Louis XI, et au moins pour cela, moi je dis: « Vive le Roé! »
Quoiqu’il en soit, place à un grand artiste! Bernard Lavilliers, sa voix unique et la belle poésie de Villon.
En vous souhaitant une belle journée!
Fred
pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet : poésie médiévale, poésie réaliste, satirique, trouvère, Vieux français, langue d’oil, ribauds, misère, hiver. Période : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur ; Rutebeuf (1230-1285?) Titre : le diz des ribaux de grève. Média : lecture audio, par André Brunot.
Bonjour à tous,
our commencer cette semaine sous le signe médiéval, nous vous proposons une lecture audio celle de la célèbre poésie de Rutebeuf: le Diz des Ribauds de Grève. Il y est encore question de misère et d’hiver, mais cette fois-ci, ce n’est pas de sa propre infortune dont Rutebeuf nous parle mais de celle des miséreux qui se tiennent alors sur la place de Grève, à Paris.
Comme nous le soulignions dans la lecture audio du « Dit de l’oeil », même si l’on est pas certain de l’origine de Rutebeuf que l’on a peut-être un peu vite désigné comme champenois, ce dont on reste sûr c’est qu’il a passé la majeure partie de sa vie à Paris, en tout cas au moins celle durant laquelle il a rédigé ses oeuvres connues de nous. Et puisqu’elle est le théâtre de cette poésie qu’il nous a léguée, nous en profiterons aussi ici pour dire un mot de la place de Grève de Paris à l’époque médiévale.
Avant d’entrer un peu plus dans ce détail et de vous proposer cette lecture pleine de force qui fait honneur à la poésie de Rutebeuf, nous voulons également dire un mot du comédien auquel nous la devons.
Tribut à André Brunot
Sociétaire de la comédie française, André Brunot (1879-1973) fut un comédien célèbre en son temps, même s’il n’a pas eu le succès d’un Jouvet. Premier prix de comédie au conservatoire de Paris en 1903, il mena une longue carrière sur les planches et au théâtre et sa carrière cinématographique lui permit de tourner près de trente films.
La lecture audio qu’il nous fait de la poésie de Rutebeuf sur les Ribauds de Grève est tirée d’une excellente anthologie poétique audio en 3 volumes, que nous proposait la bibliothèque Nationale de France en 1958, et ayant pour titre : « Trésor de la poésie lyrique française ». Le premier volume était dédié au moyen-âge et c’est de là que provient la pièce du jour.
Le dit des ribauds de Grève de Rutebeuf,
lecture poétique audio
La place de Grève du temps de Rutebeuf
A l’époque médiévale, sur cette place des bords de Seine, rebaptisée depuis place de l’Hotel de Ville, se réunissaient les travailleurs, autant que les oisifs et les miséreux en quête de pitance ou de travail (le terme de « faire la Grève » viendrait de là).
Il est difficile de savoir si Rutebeuf s’adresse publiquement et directement aux gueux et aux miséreux dans cette poésie, mais plus qu’une des pirouettes caustiques auquel il nous a habitué, elle dénote d’une véritable empathie de sa part, à l’égard de ces malheureux sans le sou à l’approche des rigueurs de l’Hiver. Il y rapproche, sans aucun doute, toute proportion gardée, ses propres misères.
La place de Grève, à la fin du XVIe (1583) Theodor Josef Hubert Hoffbauer (1839-1922)
« C’était (la place de Grève au XIIIe siècle) un lieu de déchargement des lourdes marchandises venues par eau. Des débardeurs, des « ribauds » s’y affairaient. Notre soif de couleur locale et même, nos idées toutes faites sur la ville médiévale ont de quoi se satisfaire. Tout le folklore « troubadour et mâchicoulis » est là, depuis ces « escoliers » toujours prêts à se quereller mais bons garçons au demeurant, jusqu’à ces foules de religieux dont les divers ordres, profitant de la piété du Saint roi Louis IX, avaient proliféré, sans oublier les hordes de pauvre – tels les « Trois-cents Aveugles », tels les lépreux du « Champ-pourri » qui mendiaient dans les rues, ou les « musardes » (les prostitués) que guettaient fort les regards naïfs de jeunes paysans débarqués depuis peu, avec leur porte-
monnaie fraîchement rempli. »
A la recherche d’une « voie de Paradis » dans le Paris de RUTEBEUF, Françoise Barteau. Historienne médiéviste. « Tiré de Errances et parcours parisiens de Rutebeuf à Crevel », Univerisité de la Sorbonne, 1986
Les exécutions en place de Grève
On admet, généralement, que la première exécution qui eut lieu sur la place Place de Grève date de 1310. On la doit à deux évêques, celui de Paris, assisté de celui de Cambrai alors « Docteur et inquisiteur de la Foi en France »*. Elle prit la forme d’un bûcher et on y brûla pour hérésie, la mystique chrétienne et poétesse flamande Marguerite Porete (ou Perrette). Pour faire bonne mesure, on en profita pour livrer également ses écrits aux flammes, soit son ouvrage: « Le Miroer (miroir) des âmes simples et anéanties ». Tout fut conduit avec l’aval du bon roéPhilippe le Bel, mais il faut dire qu’il était bien lancé (pour ne pas dire bien chaud), puisque c’est cette même semaine qu’il fit aussi brûler les premiers templiers.
Quoiqu’il en soit, ce fut là, la première d’une longue série d’exécutions publiques en place de Grève, qui ne s’acheva que plus de cinq siècles plus tard, en 1822. Aux vues des dates, Rutebeuf n’a pas connu cette vocation de la place dont il nous décrit les Ribauds puisqu’il a disparu autour de 1285.
Exécution en place de Grève, 1757, gravure sur bois, anonyme.tiré d’un Almanach de colportage. Source : criminocorpus.org
Le Diz des Ribauds de grève dans le vieux français d’oil original et parisien de Rutebeuf
Ribaut, or estes vos a point : Li aubre despoillent lor branches, Et vos n’aveiz de robe point, Si en avrez froit a vos hanches. Queil vos fussent or li porpoint Et li seurquot forrei a manches. Vos aleiz en estai si joint, Et en yver aleiz si cranche, Vostre soleir n’ont mestier d’oint, Vos faites de vos talons planches. Les noires mouches vos ont point; Or vos repoinderont les blanches.
La traduction en français moderne
de Michel Zink de l’Académie française:
« Ribauds, vous voilà bien en point! Les arbres dépouillent leurs branches et d’habit vous n’en avez point, aussi aurez-vous froid aux hanches. Qu’il vous faudrait maintenant pourpoints, surcots fourrés avec des manches! L’été vous gambadez si bien, l’hiver vous traînez tant la jambe! Cirer vos souliers? Pas besoin: vos talons vous servent de planches. Les mouches noires vous ont piqués, A présent c’est le tour des blanches »
En vous souhaitant un excellent début de semaine et une belle journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
* Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris par Mr. Henri Sauval, Avocat du Parlement (1724)
Sujet : poésie et chanson médiévales, poésie morale, poésie goliardique, golliards, poésie latine, traduction français moderne. Période : XIIe, XIIIe siècle, moyen-âge central Titre : O fortuna, Carmina Burana Manuscrit ancien : chants de Benediktbeuern Compositeur : Carl Orff (Karl) Chef d’Orchestre :Eugen Jochum Orchestre: Berlin Orchestra German Opera
Bonjour à tous,
ous revenons, aujourd’hui, vers une pièce d’anthologie de la musique classique « moderne » composée dans les années 35 par Carl Orff et basée sur le manuscrit ancien des chants de Benediktbeuern du nom du monastère dans lequel on le trouva dans le courant du XIXe siècle. Véritable anthologie de la poésie lyrique, profane et goliardique des XIIe, XIIIe siècles, l’ouvrage contient plus de trois cent chants aux thèmes aussi divers que le jeu, l’amour, l’alcool, des pièces satiriques et moralisantes mais aussi deux pièces de théâtre d’inspiration plus liturgique. La grande majorité des textes est en latin et quelques uns des textes sont en germain et en langue romane. Certains des chants sont annotés musicalement mais ce n’est pas le cas de tous.
Le compositeur allemand Carl Orff (1895-1982) a grandement contribué à la popularisation d’une partie de ces poésies qui lui ont inspirées la cantate « Carmina Burana« . L’œuvre a fait, depuis, le tour du monde, et son succès ne se tarit toujours pas puisqu’elle continue d’être jouée jusqu’à ce jour par de nombreux orchestres et dans de nombreux pays. Ici, c’est la mythique introduction et fermeture de cette œuvre gigantesque que nous vous proposons et qui a pour titre « o Fortuna ».
Du point de vue du manuscrit, la pièce du jour se trouve sur le même feuillet que celui de l’illustration de la roue de la Fortune (voir reproduction ci-dessous). La symbologie en est claire, la roue tourne dans le sens des aiguilles d’une montre et conte l’impermanence de la « Fortune » pris au sens « chance » « succès » « destinée(heureuse) » « sort » et pas nécessairement monétaire comme on l’entend souvent au sens moderne du terme.
Regno, regnavi, sum sine regno, regnabo, « Je règne, j’ai régné, je ne règne plus, je régnerai ». Le roi perd sa couronne, choit, n’est plus rien et puis, la regagne. Jouet de la fortune, l’homme ne contrôle pas sa destinée. Il ne peut que subir ce que le sort (personnifié ici au centre de l’illustration), lui réserve.
On trouve encore sûrement derrière cela, l’idée qu’il faut se résoudre à n’avoir que peu de prise et de satisfaction en ce bas-monde. Dans le moyen-âge chrétien et même pour la pensée la plus profane de cette époque, le paradis reste à jamais un ailleurs que se situe toujours dans l’après-vie.
Le manuscrit des chants de Benediktbeuern ou Carmina Burana (1225-1250)
« O Fortuna » de Carmina Burana
les paroles traduites en français actuel
O fortuna Velut Luna statu variabilis, semper crescis aut decrescis; vita detestabilis nunc obdurat et tunc curat ludo mentis aciem, egestatem, potestatem, dissolvit ut glaciem.
O Fortune Comme la lune A l’état changeant Toujours tu croîs Ou tu décrois. La vie détestable D’abord opprime Et puis apaise Par un jeu à l’esprit aiguisé. La pauvreté Le pouvoir Elle les fait fondre comme la glace.
Sors immanis et inanis, rota tu volubilis, statu malus, vana salus, semper dissolubilis obumbrata et velata michi quoque niteris; nunc per ludum dorsum nudum fero tui sceleris.
Sort monstrueux Et informe, Toi la roue changeante, Une mauvaise situation, Une prospérité illusoire, Fane toujours, Dissimulée Et voilée Tu t’en prends aussi à moi Maintenant par jeu, Et j’offre mon dos nu A tes intentions scélérates.
Sors salutis et virtutuis michi nunc contraria est affectus et defectus semper in angaria Hac in hora sine mora corde pulsum tangite, quod per sortem stemit fortem, mecum omnes plangite!
Sort qui apporte le salut Et le courage Tu m’es maintenant opposé Affaibli Et épuisé Comme de la mauvaise herbe. A cette heure, Sans tarder Cœur de cordes vibrantes Puisque le sort Renverse même le fort Venez tous pleurer avec moi !
En vous souhaitant une fort belle journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com. « L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus Ier s. av. J.-C
Sujet : poésie médiévale, politique, satirique, vieux français, oil, traduction, adaptation français moderne, ballade, jeux de cour Période : moyen-âge tardif (1346-1406) Auteur : Eustache Deschamps Titre : « Je n’ai cure d’être en geôle »
Bonjour à tous :
uite à l’article d’hier, nous publions aujourd’hui, une adaptation / traduction en français moderne de l’une des ballades d’Eustache Deschamps que nous y présentions en vieux français, avec un visuel pour l’accompagner.
« Je n’ay cure d’estre en geôle », traduction adaptation en français moderne
Pourquoi viens tu si po a court? Qui fuit la court, la court le fuit. – Pour ce qu’il y fault estre sourt, Et sanz veoir ne que de nuit, Estre muyaux; parler y nuit; Or voy, or oy bien et parole : Par ces trois poins sont maint destruit : Je n’ay cure d’estre en geôle.
Pourquoi viens-tu si peu à la cour? Qui fuit la cour, la cour le fuit. – Pour ce qu’il y faut être sourd, Ne pas y voir mieux que de nuit, Etre muet ; parler y nuit ; Or, je vois, entends bien et j’use de paroles : Trois bonnes raisons pour y être détruit : Je n’ai cure d’être en geôle.
Qui dit voir, nul ne le secourt, Qui voit trop cler, l’en le deffuit; Qui voit et entent, sur lui court Chascuns, lors sera mis en bruit; Li soulaulx fault, la lune y luit Ténébreuse, la se rigole; Tenez vous y toutes et tuit: Je n’ay cure d’estre en geôle.
Qui dit voir, nul ne le secourt, Qui voit trop clair, et on le fuit; Qui voit et entend, sur lui court Chacun, pour lui faire une réputation; Les soleils manquent, la lune y luit Ténébreuse, elle s’en réjouit; Tenez-vous y toutes et tous: Je n’ai cure d’être en geôle.
Car je voy qu’a ces oiseaulx sourt En geôles po de déduit; Ilz sont tenuz crêpes et court . Ceuls qui ont des champs le conduit . Vivent frans; franchise les duit, Et l’angeolé pas ne vole, Qui pour yssir hors se deruit : Je n’ay cure d’estre en geôle. »
Car je vois que ces oiseaux sourds En geôles ont peu de plaisir; Ilz y sont tenus à l’étroit. Ceux qui ont des champs les conduisent. Vivent libres ; franchise les guide, Et l’emprisonné pas ne vole, Qui pour en sortir, se détruit : Je n’ai cure d’être en geôle.
En vous souhaitant une excellente journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com « L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus Ier s. av. J.-C