Sujet : Ballade, poésie médiévale, poésie satirique, réaliste, prière, frères humains. Titre : L’Épitaphe de Villon ou » Ballade des pendus » (appelé aussi « frères humains ») Auteur : François Villon (1431-1463) Période : XVe siècle, moyen-âge tardif Thème : poète médiéval, troubadour et trouvère du moyen-âge.
ur François Villon et sa vie de bohème, de prisonnier et de hors la loi, beaucoup a été dit et écrit, sur son chemin de misère et d’anticonformiste, ses douleurs du fond de ses geôles, son humour, ses amitiés, et bien sûr sa poésie réaliste ou satirique dans un moyen-âge finissant qui se prépare déjà à renaître bientôt en siècle « des lumières », mais, au bout du compte et par delà toutes les analyses de textes ou de sens, le plus beau que nous laisse cet auteur magistral, poète marginal et éclairé, reste et restera toujours à lire ou à écouter.
Cet Epitaphe de Villon ou « ballade des pendus » a été conté, lu ou dit maintes fois, chanté aussi bien sûr par Léo Ferré dans une version très inspirée mélangée de sa propre poésie, mais pour varier un peu cette fois et pour rester totalement fidèle au texte de François Villon qui se suffit à lui-même, nous avons choisi la version d’un troubadour des temps modernes.
Son nom est Mil Marie Mougenot et il est tout à la fois, chanteur, musicien, artiste, joueur de vièle à roue et autres instruments anciens qui nous apportent un peu de ce monde médiéval lointain. Cet artiste troubadour des temps modernes que vous croiserez peut-être, à l’ombre d’un rempart ou d’une tour maîtresse au hasard d’un festival ou d’une fête médiévale, propose aussi dans son répertoire, en dehors des chansons en provenance du moyen-âge, d’autres chants populaires ou encore des chants spirituels. Je vous encourage à le découvrir sur son site web ici.
« L’épitaphe de Villon »
interprété par Mil Marie Mougenot
Sur une musique de sa propre composition, filmé au Château de Crosville sur Douve en Mars 2014.
Les paroles de « Epitaphe de villon »
dans le français original de François Villon
Frères humains, qui après nous vivez, N’ayez les cueurs contre nous endurciz, Car, si pitié de nous povres avez, Dieu en aura plustost de vous merciz. Vous nous voyez cy attachez, cinq, six: Quant de la chair, que trop avons nourrie, Elle est piéça dévorée et pourrie, Et nous, les os, devenons cendre et poudre. De notre mal personne ne s’en rie ; Mais priez Dieu que tous nous vueille absoudre!
Se vous clamons, frères, pas n’en devez Avoir desdaing, quoyque fusmes occis Par justice. Toutesfois, vous savez Que tous hommes n’ont pas bon sens rassis. Intercédez doncques de Cueur rassis, Envers le Fils de la Vierge Marie Que sa grâce ne soit pour nous tarie, Nous préservant de l’infernalle foudre. Nous sommes mors, ame ne nous harie, Mais priez Dieu que tous nous vueille absoudre!
La pluye nous a débuez et lavez, Et le soleil desséchez et noirciz; Pies, corbeaux nous ont les yeux cavez, Et arraché la barbe et les sourcilz. Jamais nul temps nous ne sommes rassis Puis ça, puis la, comme le vent varie, A son plaisir sans cesser nous charrie; Plus becquetez d’oyseaulx que dez à couldre. Hommes, icy n’usez de mocquerie ; Mais priez Dieu que tous nous vueille absoudre!
Prince Jésus, qui sur tous seigneurie Garde qu’Enfer n’ayt de nous la maistrie: A lui n’ayons que faire ne que souldre. Ne soyez donc de notre confrairie; Mais priez Dieu que tous nous vueille absoudre!
Une excellente journée à tous dans la bonne humeur et la joie de ne point nous trouver pendus!
Sujet: troubadours & trouvères du moyen-âge, musique, chanson, poésie médiévale, infortune. Titre : la complainte de Rutebeuf, Pauvre Rutebeuf. Période : XIIIe siècle, moyen-âge central. Auteur : Rutebeuf, Leo ferré
L’hommage de Léo Férré au Trouvère Rutebeuf
oilà encore un article qui pourrait avoir sa place à la fois dans la catégorie musique médiévale et dans la catégories écritures, poésies, auteurs, etc… A proprement parler, il s’agit ici plus d’une mise en musique moderne, inspirée de textes médiévaux anciens, que de musique véritablement médiévale, mais, comme nous l’avons déjà souligné, le monde médiéval nous intéresse aussi dans sa « modernité » ou dans sa contemporanéité. Par ailleurs, ce très beau titre nous fournit l’occasion de parler un peu de Rutebeuf, ce grand poète médiéval du XIIIe siècle.
Le « Pauvre Rutebeuf » chanté par Léo Ferré, poète, anarchiste, écorché, emporté lui aussi, est un hommage rendu à ce trouvère satirique du XIIIe siècle qui aura a permis au grand public de le découvrir. Cette chanson a été reprise maintes et maintes fois et, si d’aventure, vous entrez son titre dans youtube, vous allez en découvrir une avalanche de versions, reprises et autres, toutes issues de l’originale de Léo Ferré. Me concernant, je retiens en plus de la version ci-dessous du poète anarchiste des temps moderne, celle de Philippe Léotard pour la parenté de coeur entre les deux hommes, et aussi celle de Joan Baez pour la curiosité.
Qui était Rutebeuf?
Poète, écrivain et trouvère de la fin du moyen-âge central, Rutebeuf a vécu sa vie, comme la plupart des artistes de cette époque, misérable. C’est aussi un écrivain de la rupture et ses oeuvres s’orientent plus sur la description de sa propre condition sociale ou des misères et de la pauvreté de son temps, que sur l’amour courtois chanté alors par les trouvères et troubadours. Nul doute que Rutebeuf se situe dans la prise de risque. et l’on dit aussi de lui qu’il est l’ancêtre spirituel de François Villon
De fait, Rutebeuf puise dans la satire et dans un regard sans concession sur son temps, comme le fera François Villon lui-même, près de deux siècles plus tard. Son répertoire contient aussi de nombreux jeux de mots et traits d’humour dans le texte même s’il est difficile aujourd’hui d’en percevoir toutes les nuances.
Une biographie qui demeure mystérieuse
On ne sait pas grand chose de précis sur la naissance de Rutebeuf. Il serait né en Champagne mais l’ensemble de sa carrière d’auteur semble s’être faite à Paris. On ne le connait que sous ce surnom comique de « Rutebeuf » qui fait allusion à sa nature rustre ou rude, et qui semble déjà servir d’excuses à d’éventuelles libertés ou audaces qu’il s’autoriserait dans ses textes, comme pour se les faire pardonner par avance. Par contraste aussi, cette rudesse sur laquelle il insiste, appelle l’attention d’un auditoire sur des propos qui sont finalement bien plus fins et « ambitieux » qu’ils ne veulent s’avouer.
Peut-être faut-il encore voir dans ce surnom la distanciation que l’homme veut mettre avec « l’auteur », pour se réserver plus de champ ? Dans les pirouettes de ce trouvère qui ne se prive pas de rire de tout et à tout propos, ce « Rustre Boeuf » est, sans doute aussi, une tentative d’esquiver les possibles conséquences de ses dires satiriques à l’encontre des gens de pouvoir (religieux, universitaires, haute noblesse) ?
Liberté de jeu et de ton
« Rutebeuf oeuvre rudement, souvent, dans sa rudesse, il ment. »Citation de Rutebeuf.
De fait, l’oeuvre de Rutebeuf se signe par une grande liberté de ton : « n’attendez pas de moi de la justesse, de la finesse« , nous disait-il, réfugié derrière ce pseudonyme et son personnage, un peu lourd. Pourtant, ses textes ont traversé les siècles et l’on découvre, au prisme de son regard acerbe, tout un monde médiéval.
Sainte Marie l’Egyptienne (bibliothèque nat de france)
Pour le reste, était-il le plus grand de son temps ? Sauf à se fier aux manuscrits anciens pour établir la popularité des auteurs médiévaux (voir conférence de Richard Trachsler sur la codicologie), la subjectivité règne toujours en maître dans cette matière. Reste que Ruteboeuf a laissé derrière lui une oeuvre abondante et prés de quatorze mille pieds de vers à redécouvrir. On pourra y trouver des poésies, des pièces de théâtres, des fabliaux, des poèmes satiriques, de miracles et encore des hagiographies* (*écriture et textes sur la vie et l’œuvre de saints, Sainte Marie l’égyptienne, Sainte Elysabel de Hongrie).
« Pauvre Rutebeuf », la complainte de Rutebeuf
Ce texte de Léo Ferré est donc une chanson librement inspirée de la poésie de Rutebeuf. Remaniée et traduite en français moderne, elle empreinte à divers textes de l’auteur médiéval. Sur le fond et pour la référence au titre notamment, je vous conseille de voir ces deux articles complémentaires sur ce trouvère et poète médiéval : « la pauvreté Rutebeuf » et « Lecture audio de Rutebeuf en français moderne et en vieux français«
Que sont mes amis devenus Que j’avais de si près tenus Et tant aimés Ils ont été trop clairsemés Je crois le vent les a ôtés L’amour est morte Ce sont amis que vent emporte Et il ventait devant ma porte Les emporta.
Avec le temps qu’arbre défeuille Quand il ne reste en branche feuille Qui n’aille à terre Avec pauvreté qui m’atterre Qui de partout me fait la guerre Oh vent d’hiver Ne convient pas que vous raconte Comment je me suis mis à honte En quelle manière.
Que sont mes amis devenus Que j’avais de si près tenus Et tant aimés Ils ont été trop clairsemés Je crois le vent les a ôtés L’amour est morte. Le mal ne sait pas seul venir, Tout ce qui m’était à venir M’est avenu.
Pauvre sens et pauvre mémoire M’a Dieu donné le Roi de gloire Et pauvre rente Et droit au cul (1) quand bise vente Le vent me vient Le vent m’évente L’amour est morte Ce sont amis que vent emporte Et il ventait devant ma porte Les emporta Les emporta…
Voilà quelques mots sur un artiste médiéval et sa poésie, mise en musique et en texte de manière moderne par un troubadour de notre temps, une belle complainte qui nous vient du moyen-âge et qui se trouve être finalement intemporelle.
Une très belle journée à vous!
Fred
moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Notes
(1) Pour répondre aux commentaires sur cette question. Ce « Droit au cul » provient du texte original de Rutebeuf modifié par Léo Ferré (l’original médiéval est « Et froit au cul quant byze vente »). Il appartient donc bel et bien à la version du poète anarchiste du XXe et vient de sa plume. 800 ans après Rutebeuf, le texte de Léo a, dit-on, choqué quelques oreilles ce qui lui a même valu, dans un premier temps, une censure de la chanson et, en tout cas, de rares diffusions.
Joan Baez, dans sa reprise, n’a pas reculé et a gardé l’esprit et la lettre original de Léo mais quelques interprètes français ont cru bon de le remplacer, de leur propre chef par « Droit au Coeur ». Cela a même valu à l’une d’elle d’essuyer les foudres de Léo, qui aurait appelé la maison de disque pour faire interdire cette version édulcorée qui, en plus de trahir sa lettre, trahissait celle de Rutebeuf. L’anecdote raconte que Léo Ferré aurait même envoyé un télégramme à la chanteuse en question en lui disant : « Madame, de mon temps, on ne confondait pas encore le cul avec le coeur ! Bien à vous de derrière le monde… Rutebeuf.
Pour ceux qui auraient encore quelques doutes, je les invite à réécouter la version originale de Léo ici :
Sujet : Poésie médiévale, poésie satirique. Auteur : François Villon (1431 -1463) Titre : Ballade Villon Période : fin du moyen-âge, bas moyen-âge
Anticonformiste, enfant terrible du XVe siècle, brigand, poète médiéval « maudit » et merveilleux à la fois, François Villon (1431-1463) fascine encore et, à dire vrai, il faudrait bien plus qu’un petit billet de blog pour en parler, mais comme il faut bien commencer par quelque chose voilà un premier texte de lui. Côté période, nous sommes au milieu du quinzième donc en limite de bas moyen-âge.
ous lui faisons suivre une vidéo d’un parfait inconnu du web mais qui a sa chaîne youtube et qui propose une adaptation totalement extraordinaire de ce texte ici en langue anglaise adapté de la version russe de cette prière « pour » et non pas « de » Villon . Force est de constater que durant longtemps, et peut-être même encore aujourd’hui, malgré les louables efforts de ses admirateurs sur notre sol, le maître de poésie médiévale Villon est souvent plus connu à l’extérieur de France qu’à l’intérieur de ses frontières. C’est en tout cas, une interprétation magistrale et un moment suspendu d’émotion totale que nous propose ce jeune chanteur là. Pour faire bonne mesure, nous mettons aussi la version originale de cet hommage à Villon, par Boulat Chalvovitch Okoudjava, auteur compositeur interprète soviétique du début du vingtième siècle et que l’on a appelé quelquefois le Brassens Russe.
« Pense à moi un peu » ou « La Prière de François Villon »
traduction : Jean Besson, François Maspero (1983)
Tant que la terre tourne encore, tant que le jour a de l’éclat, Seigneur, donne à chacun de nous ce qu’il n’a pas : Donne au sage une tête, un cheval au peureux, Donne à l’homme heureux de l’argent… et pense à moi un peu. Tant que la terre tourne encore, Seigneur, elle est en ton pouvoir ! Donne à qui veut régner l’ivresse du pouvoir, Donne, au moins jusqu’au soir, repos au généreux, A Caïn le remords… et pense à moi un peu. Je sais : pour toi tout est possible, et je crois en ton sage esprit, Comme un soldat mourant croit en ton Paradis, Comme croit chaque oreille à tes propos de paix, Comme à soi-même on croit, sans savoir ce qu’on fait ! Seigneur Dieu, mon Seigneur, toi dont l’oeil vert rayonne, Tant que la terre tourne encore et soi-même s’étonne, Tant qu’il lui reste encore et du temps et du feu, Donne à chacun sa part… et pense à moi un peu.
Adaptation anglaise
Version russe
Alors c’est beau ou pas?
Une très belle journée à vous!
Fred
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