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Du cheval et de l’herbe plus verte ailleurs, une fable médiévale de Marie de France

poesie_fable_litterature_monde_medieval_moyen-ageSujet : poésie médiévale, fable médiévale, langue d’Oil, vieux français, anglo-normand, auteur médiéval, ysopets, poète médiéval.
Période : XIIe siècle, moyen-âge central.
Titre : Dou Cheval qui s’afola d’un prei
Auteur : Marie de France (1160-1210)
Ouvrage : Poésies de Marie de France Tome Second, par B de Roquefort, 1820

Bonjour à tous,

P_lettrine_moyen_age_passion copiaour aujourd’hui, voici une fable courte de Marie de France. C’est finalement une version médiévale de l’adage « l’herbe est toujours plus verte ailleurs », à ceci près que vient s’y ajouter le thème de la « convoitise » même si celle dont il est question ici,
s’exerce à l’égard de ses propres désirs ou volontés.

marie_de_france_poesie_fables_litterature_medievale_XIIe_moyen-age_centralConcernant le titre  Dou Cheval qui s’afola d’un prei, dans le lexique de l’ancien français Godefroy (version courte)Afoler est défini de deux manières: « rendre fou » ou « blesser, meurtrir« . Ce double-sens  se prête assez bien au contenu de cette fable et sa moralité.

Dou Cheval qui s’afola d’un prei
de Marie de France

« Uns Chevaus vit herbe qui crut
Dedenz un pré ; mais n’aparçut
La haie dunt ert enclos li prez ;
Au saillir ens s’est eschiflez. 

Moralité

Ce funt Plusur, bien le savez ;
Tant cunveitent lur vulentez
Ne voient pas qu’ele aventure
En vient après pesans è dure. »

__

Un cheval vit l’herbe qui croissait
Dans un pré mais point ne vit
Autour du pré, la haute haie  ;
Voulant sauter, il s’est meurtri.

Moralité

Ainsi font certains, on le sait,
Qui tant convoitent (suivent) leurs volontés
Qu’ils ne voient pas que l’aventure
En sortira, triste et dure.

En vous souhaitant une belle  journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

Les confessions d’un malandrin d’Angelo Branduardi, grand troubadour « folk médiéval » italien des XXe, XXIe siècles

troubadour_medieval_trovatore_musique_chanson_poesie_inspiration_moyen-age_medievalSujet : chanson, poésie d’inspiration médiévale, musique, folk, poésie, résonance poétique, médiévalisme.
Période :  XXe siècle
Auteur  :  Sergueï Essénine (1895 – 1925), Etienne Roda-Gil (1941-2004), Angelo Branduardi
Titre : Confessions d’un Malandrin,
Interprète : Angelo Branduardi
Album : Confession d’un malandrin  (1981)

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionans les mystérieuses raisons qui peuvent nous pousser, enfants, à nous intéresser à l’Histoire ( un de ses aspects ou une de ses périodes en particulier), il nous a fallu compter avec un artiste italien, qui, dans les années 80, commença à illuminer de son art et de ses textes uniques  le paysage musical français. Indifférent aux modes, en plein cœur des années disco, Angelo Branduardi venait proposer ses créations, ses mélodies aux sonorités anciennes et sa grande poésie et le public en redemandait. Et peu importe alors qu’elles fussent ou non empruntées au moyen-âge historique, elles avaient une saveur toute médiévale et cet auteur-compositeur interprète, qui ne ressemblait à nul autre, semblait être un troubadour égaré dans notre monde. Venu de temps anciens aux commandes d’une mystérieux machine, il était peut-être même le dernier des troubadours italiens.

Angelo Branduardi,
le dernier troubadour italien

S’il a émergé au milieu des années 70 et leur goût prononcé pour le néo folk médiéval d’origine celtique ou même le folk « progressif », Angelo Branduardi a toujours fait figure d’être un artiste solitaire et indépendant. Loin  des influences d’autres groupes de cette période, son style demeurait déjà unique. Alors, pour tenter de le ranger quelque part, on a pu parler de « folk-rock d’influence médiévale », mais en réalité, ce que fait surtout Angelo Branduardi, c’est surtout du Angelo Branduardi.

chanson_folk_poesie_inspiration_medievale_angelo_branduardi_troubadour_italienCôté cursus, il vient d’un parcours musical classique. Violoniste soliste surdoué, formé au conservatoire Niccolò Paganini de Gènes, il en sortira à l’âge de 16 ans avec un premier prix. Il étudiera aussi un temps la philosophie et se piquera encore de poésie auprès du poète et écrivain italien Franco Fortini qui sera l’un de ses professeurs.

Entré presque par hasard dans le monde de la chanson, le baladin et multi-instrumentiste compose ses propres musiques et chante dans un nombre impressionnant de langues (italien, anglais, français, espagnol, etc…). Du côté des paroles, s’il s’inspire quelquefois de chansons traditionnelles, de textes anciens ou de poésies plus récentes, c’est presque toujours son épouse Luisa Zappa qui sera sa parolière en italien quand ils n’écriront pas les textes à quatre mains. Dans les autres langues, il choisira soigneusement ses paroliers pour proposer de véritables adaptations poétiques.

Confession d’un malandrin version française

Du côté des compositions, si elle peut sembler d’origine médiévale à l’oreille profane, la musique d’Angelo Branduardi  prend en réalité, le plus souvent sa source dans un répertoire plus classique, celui qu’il a appris au conservatoire de Gènes ; il n’y avait pas alors de formation aux musiques plus anciennes et médiévales. Ses œuvres sont donc plus résolument baroques, quelquefois renaissantes, et il va encore chercher dans le folklore méditerranéen ou même yiddish les sources de son inspiration.  Sur scène, l’artiste se laisse emporter par son art et il s’y tient souvent, les yeux fermés, chanson_folk_poesie_inspiration_medievale_confession_malandrin_angelo_branduardi_troubadour_italientout entier habité par sa musique et plongé au cœur d’une intériorité dont il demeure le seul à possèder les clés.

Maintes fois primé pour ses albums, plusieurs fois disque d’Or, il se fera un peu plus discret en France à compter du milieu des années 90, mais il restera actif artistiquement en d’autres lieux. Après de longues années de travail en Italie et en Allemagne et pour le plus grand plaisir d’un public français qui lui est resté fidèle, il reviendra avec des concerts mais aussi avec un Best Of de ses chansons françaises en 2015.

Sur la partie les plus médiévales de ses productions, dans les années 2000, il signera « L’infinitamente Piccolo », une œuvre poétique et musicale sous forme de spectacle (suivie en 2007 d’un DVD) dédiée tout entière à Saint-François d’Assise : La Lauda di Francesco (la laude, les louanges de Saint-François). 

Pour consulter l’actualité et l’agenda d’Angelo Branduardi, voici le lien vers la version française de son site web officiel.

« Les Confessions d’un Malandrin »
une chanson « d’inspiration » médiévale

Bien qu’enregistrée seulement en 1981 en langue française, en plus d’être une pure merveille, la chanson que nous vous proposons aujourd’hui a ceci de particulier qu’elle est la toute première composée par Angelo Branduardi. Ecrite à l’âge de 18 ans, presque par jeu et « dans les tourments de l’adolescence », comme il le confiera lui-même lors d’un interview à la télévision italienne, l’artiste ne se destinait alors pas du tout à être chanteur. Au hasard d’une rencontre c’est pourtant bien cette chanson  qui le propulsera dans une carrière qu’il avait été loin d’imaginer et qu’il avait projetée chanson_poesie_inspiration_medievale_serguei_essenine_poete_voyou_paysan_russebien plus  « classique ».

Du point de vue musical comme textuel, à la première écoute, les confessions de ce malandrin ont déjà l’air de nous transporter dans le moyen-âge des troubadours avec ce poète qui court de village en village. Fils de modestes paysans, il est devenu célèbre et on parle désormais de lui chez « les rois et les reines ». Pourtant, il reste attaché par l’âme et le cœur à sa terre natale, et il se livre, de manière touchante,  dans cette poésie.

Le souffle d’un grand poète russe
pour la musique inspirée d’un troubadour italien

Loin de trouver ses origines dans la période médiévale, les paroles de cette chanson proviennent en réalité d’un poème russe daté de 1920 et signé de la main de Sergueï Aleksandrovitch Essenine  (Serge Esenin) (1895 – 1925). Auteur de talent, encore largement reconnu en Russie, poète, « voyou »,  homme engagé aussi aux côtés de la révolution d’octobre, Essenine chanta l’âme russe et l’attachement à sa terre comme personne.

« Ce n’est pas tout un chacun qui peut chanter.
Ce n’est pas à tout homme qu’est donné d’être pomme 
Tombant aux pieds d’autrui.
Ci-après la toute ultime confession, 
Confession dont un voyou vous fait profession.

C’est exprès que je circule, non peigné,
Ma tête comme une lampe à pétrole sur mes épaules. 
Dans les ténèbres il me plaît d’illuminer
L’automne sans feuillage de vos âmes. »

Sergueï Esenin  – Extrait de Confession d’un voyou,
traduction d’Armand Robin

Cette poésie qui toucha Angelo Branduardi au cœur est inspirée directement de la vie du poète russe ; il était lui-même issu d’une famille de paysan. Consumé peut-être par sa propre sensibilité, Sergueï Essénine mit fin à ses jours à l’âge de trente ans, en laissant pour témoignage une poésie écrite de son propre sang. La version du suicide fut contestée par la famille, mais le jeune poète russe au destin tragique emporta la vérité dans sa tombe (pour quelques extraits de son oeuvre, consultez cet article d’Esprits Nomades ).

chanson_poesie_inspiration_medievale_folk_etienne_roda_gil_branduardi_confession_malandrinAyant trouvé de grandes résonances avec le poète, le jeune Angelo Branduardi signa donc l’adaptation italienne de ces « confessions d’un voyou » dans les années 70 et c’est son parolier français de prédilection, Etienne Roda-Gil qui en fit, bien plus tard, en 1981, une adaptation française très inspirée. Elle vint rejoindre d’autres chansons du troubadour italien dans un album qui portait d’ailleurs le nom de la chanson.

Ajoutons que la version italienne, elle-même magnifique, est assez fidèle dans sa trame et ses vers au poème d’origine de Sergueï Esénine qui l’avait inspirée.  On doit son « tour médiévalisant » à Angelo Branduardi qui l’avait déjà amorcé dans la version italienne par son choix de vocabulaire : le « voyou » entre autre, s’était déjà changé chez lui en « malandrin ».  Etienne Roda-Gil le suivit dans la version française et renforça encore les images médiévales  avec ces paysans qui craignaient « le seigneur du ciel et les tourbières » chez le poète russe et qui, avec lui, se mirent à craindre « les seigneurs et leur colère », avec encore ce poète dont on parlait chez « les rois et les reines » et qui, dans la version originale, chantait la Russie. Le passage à l’univers du Moyen Âge était fait et l’évocation totalement réussie.

Confessioni di un malandrino version italienne

Confessions d’un malandrin, les paroles
et l’adaptation française de Roda-Gil

Je passe les cheveux fous dans vos villages,
la tête comme embrasée d’un phare qu’on allume
Aux vents soumis je chante des orages
aux champs labourés la nuit des plages.
Les arbres voient la lame de mon visage
où glisse la souillure des injures
Je dis au vent l’histoire de ma chevelure
qui m’habille et me rassure.

Je revois l’étang, de mon enfance
où les roseaux et toutes les mousses dansent
et tous les miens qui n’ont pas eu la chance
d’avoir un fils sans espérance.
Mais ils m’aiment comme ils aiment la terre
ingrate à leurs souffrances à leur misère
Si quelqu’un me salissait de reproches
ils montreraient la pointe de leur pioche.

Paysans pauvres mes père et mère
attachés à la boue de cette terre
Craignant les seigneurs et leurs colères
pauvres parents qui n’êtes même pas fiers
d’avoir un fils poète qui se promène
dont on parle chez les rois et chez les reines
qui dans des escarpins vernis et sages
blesse ses pieds larges et son courage.

Mais survivent en moi comme lumière
les ruses d’un voyou de basse terre
devant l’enseigne d’une boucherie campagnarde
je pense aux chevaux morts mes camarades
Et si je vois traîner un fiacre
jaillit d’un passé que le temps frappe
je me revois aux noces de campagne
parmi les chairs brulées des paysannes.

J’aime encore ma terre, bien qu’affligée
de troupes avares et sévères
c’est le cri sale des porcs que je préfère
à tous les discours qui m’indiffèrent.
Je suis malade d’enfance et de sourires
de frais crépuscules passés sans rien dire
Je crois voir les arbres qui s’étirent
se réchauffer puis s’endormir.

Au nid qui cache la couve toute neuve
j’irai poser ma main devenue blanche
mais l’effort sera toujours le même
et aussi dure encore, la vieille Écorce.
Et toi le grand chien de mes promenades
enroué, aveugle et bien malade
tu tournes la queue basse dans la ferme
sans savoir qui entre ou qui t’enferme.

Il me reste des souvenirs qui saignent
de larcins de pain dans la luzerne
et toi et moi mangions comme deux frères
chien et enfant se partageant la terre
Je suis toujours le même, le sang,
les désirs, les mêmes haines
sur ce tapis de mots qui se déroule
je pourrais jeter mon coeur à vos poules.

Bonne nuit faucille de la lune
brillante dans les blés qui te font brune
de ma fenêtre j’aboie des mots que j’aime
quand dans le ciel je te vois pleine
La nuit semble si claire
qu’on aimerait bien mourir pour se distraire
qu’importe si mon esprit bat la campagne et
qu’on montre du doigt mon idéal.

Cheval presque mort et débonnaire
à ton galop sans hâte et sans mystère
j’apprends comme d’un maître solitaire
à chanter toutes les joies de la terre
De ma tête comme d’une grappe mure
coule le vin chaud de ma chevelure.

De mon sang sur une immense voile pure,
je veux écrire les rêves des nuits futures…

En vous souhaitant une belle journée et une très belle écoute.

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
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« Fay ce que doiz et adviengne que puet » un ballade morale d’Eustache Deschamps à son fils

eustache_deschamps_ballade_poesie_medievale_enluminure_clerc_etudes_science_savant_moyen-age_tardifSujet : poésie médiévale, littérature médiévale, poésie morale, ballade, moyen français, valeurs morales, loyauté,honneur,
Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Eustache Deschamps  (1346-1406)
Titre :  Fay ce que doiz et adviengne que puet
Ouvrage : Poésies morales et historiques d’Eustache Deschamps GA Crapelet (1832)

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passionap sur le XIVe siècle avec une nouvelle ballade d’Eustache Deschamps. Le poète médiéval la destina explicitement à son fils et comme dans nombre de ses poésies morales, il y est question de droiture, d’honneur, de loyauté, de non-convoitise, bref d’un code de conduite pour soi mais aussi, bien sûr, valeurs chrétiennes obligent, devant l’éternel.  Comme il se plait souvent à le souligner, (il le fera à nouveau ici) ces valeurs et ce code transcendent les classes sociales et s’adressent à tous. Par elles, tout un chacun peut s’élever mais aussi se « sauver ».

Pour le reste, à la grâce de Dieu donc et advienne que pourra :  Fay ce que doiz et adviengne que puet. Dans le refrain de cette balladeon retrouve le grand sens de la formule et la plume incisive du maître de poésie  du moyen-âge tardif.

Georges Adrien Crapelet
et la renaissance d’Eustache Deschamps

ballade_poesie_medievale_eustache_deschamps_moyen-age_XIVeOn peut trouver cette ballade dans plusieurs oeuvres complètes de l’auteur médiéval et notamment dans l’ouvrage de Georges Adrien Crapelet (1789-1842) cité souvent ici : Poésies morales et historiques d’Eustache Deschamps. Pour rendre justice à cet écrivain et imprimeur des XVIIIe, XIXe siècles, il faut souligner qu’après de longs siècles d’un oubli pratiquement total de la poésie d’Eustache Deschamps, c’est lui  qui l’exhuma patiemment des manuscrits, en publiant, en 1832,  l’ouvrage  en question et sa large sélection de poésies et de textes.

Les experts littéraires et historiens contemporains de Crapelet ne s’y sont d’ailleurs pas trompés en reconnaissant alors les grandes qualités de son travail autant, du même coup, que celles de la poésie d’Eustache Deschamps. Si vous en avez la curiosité, on trouve dans le Journal des Savants de la même année 1832, un article fort élogieux de l’historien François Just Marie Raynouard  à propos de l’ouvrage de Crapelet et de ses travaux.

Près de deux cents ans après sa parution, ce livre est toujours ré-édité par diverses maisons d’éditions, en version papier. C’est, pour l’instant, l’éditeur Forgotten books qui est le mieux positionné du point de vue tarifaire, avec une édition brochée de belle finition. En voici le lien, s’il vous intéresse: Poésies Morales Et Historiques D’Eustache Deschamps, Ecuyer,  Huissier D’Armes Des Rois Charles V Et Charles VI, Chatelain de Fismes Et Bailli de Senlis.

A la suite de G.A. Crapelet, Le Marquis de Queux de Saint-Hilaire, Gaston Reynaud, et d’autres auteurs encore du XIXe se décidèrent à leur tour, à publier les oeuvres complètes de l’auteur médiéval. S’il n’est pas devenu aussi célèbre qu’un Villon, Eustache Deschamps  a tout de même, grâce à tout cela et depuis lors, reconquis quelques lettres de noblesse bien méritées.

Sans minimiser aucunement le rôle joué par Crapelet dans la redécouverte de cette oeuvre conséquente, il faut se resituer dans le contexte historique et ajouter que les XVIIIe et le XIXe furent de grands siècles de redécouverte de l’art, de la poésie et de la littérature médiévale.

« Fay ce que doiz et adviengne que puet »
dans le moyen-français d’Eustache Deschamps

Soit en amours, soit en chevalerie,
Soit ès mestiers communs de labourer,
Soit ès estas grans, moiens, quoy c’om die,
Soit ès petis, soit en terre ou en mer,
Soit près, soit loing tant come on puet aler,
Se puet chascun net maintenir qui veult,
Ne pour nul grief ne doit a mal tourner :
Fay ce que doiz et aviengne que puet.

Car qui poure est, et vuiz* (dépourvu) de villenie,
Devant tous puet bien sa teste lever ;
Se loiaulx est l’en doit prisier sa vie
Quand nul ne scet en lui mal reprouver ;
Mais cilz qui veult trahir ou desrober
Mauvaisement, ou qui autrui bien deult* (doloir, faire du tort),
Pert tout bon nom, l’en se seult* (souloir : avoir coutume) diffamer.
Fay ce que doiz et adviengne que puet.

N’aies orgueil ne d’autrui bien envie,
Veueilles toudis aux vertus regarder,
T’ame aura bien, le renom ta lignie ;
L’un demourra, l’autre est pour toy sauver :
Dieux pugnist mal, le bien remunerer
Vourra aux bons; ainsi faire le suelt*(de souloir).
Ne veuillez rien contre honeur convoiter.
Fay ce que doiz et aviengne que puet.

L’ENVOY

Beaus filz, chascuns se doit loiaulx porter,
Puisqu’il a sens, estre prodoms l’estuet* (estoveir: falloir,être nécessaire)
Et surtout doit Dieu et honte doubter :
Fay ce que doiz et aviengne que puet.

En vous souhaitant une excellente  journée.

Frédéric EFFE
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François Villon, la bible en ligne avec la bibliographie exhaustive de Robert D. Peckham

françois_villon_poesie_francais_moyen_ageSujet : François Villon, Bibliographie, site d’intérêt, poésie médiévale, médiévalisme, manuscrits anciens, sources bibliographiques
Période : du Moyen Âge tardif (XVe) à nos jours.
Auteur/EditeurRobert Dabney Peckham

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionepuis plus de 30 ans, Robert Dabney Peckham, docteur en philosophie, précédemment professeur émérite et chercheur en littérature, civilisation et langue française à l’Université de Tennessee, à Martin aux Etats-Unis, s’est évertué, entre autres activités, à répertorier toutes les parutions existantes autour de François Villon. On lui doit d’ailleurs entre autres parutions sur le sujet, une bibliographie exhaustive parue en 1990 aux Editions Garland (Library of the Humanities).

Du Villon médiéval
au médiévalisme autour de  Villon

Loin de se limiter aux manuscrits anciens ou aux biographies et études critiques autour de l’auteur médiéval, les travaux de Robert Peckham  couvrent toutes les formes que l’oeuvre de Villon a pu et peut encore prendre à travers le monde : littéraires, cinématographiques mais aussi toponymiques, culturelles, populaires, iconiques, anecdotiques, etc… Son intérêt va donc de l’approche de Villon dans le texte et dans son contexte médiéval jusqu’au Villon « représenté », « recrée », « instrumentalisé »,  « fantasmé » par notre monde moderne. Autrement dit, le médiévalisme autour du poète l’a également interpellé. De fait, on en comprend bien l’intérêt puisque les formes, même les plus distantes en apparence de l’oeuvre du maître de poésie médiévale ou de sa personne, ont encore beaucoup à nous apprendre sur ce dernier, autant que sur les représentations modernes que nous nous en faisons.

francois_villon_bibliographie_poesie_medievale_moyen-age_tardif_medievalisme_robert_peckham_bibliographe_sources_articlesIl s’agit donc là d’un travail de fond et de systématisation unique et Robert D. Peckham est reconnu pour sa grande expertise dans ce domaine. En plus de ses propres publications, il a apporté sa contribution dans nombres d’ouvrages et articles, principalement en langue anglaise.  Pour plus de détails sur ses parutions ainsi que ses nombreux titres, vous pouvez utilement vous reporter à  ce lien.

Pour n’en citer que quelques unes, on pourra mentionner dans l’ouvrage « Medievalism in North America« ,  publié par Kathleen Verduin en 1994, l’article « Villon in America » dans lequel  le chercheur américain nous entraîne à sa suite, dans un passionnant voyage à la découverte de la destinée américaine de l’oeuvre de François Villonde ses premières traductions anglaises  au milieu du XIXe siècle jusqu’à ses adaptations les plus modernes, en passant par les « imitations » poétiques de Robert Lowell un peu avant les années 60.

On peut encore citer ici l’article « Villon’s electronic future » dans: Villon at Oxford: The drama of the text. Proceedings of the conference held at St-Hilda’s-College, Oxford, March 1996 (ouvrage que nous avons déjà mentionné à l’occasion d’un post sur le « je » poétique au XVe siècle et à propos de Michault Taillevent et Villon). Aux premiers pas d’internet, Robert Peckham traçait, dans cette contribution, un véritable plan d’action pour inventorier la présence en ligne de Villon et pour tirer partie le meilleur partie de ce média. On y mesurait déjà toute l’ampleur de la tâche autant que les ambitions du bibliographe. Dans la continuité de cet article, il a d’ailleurs mis en oeuvre sans attendre son plan d’action en créant la Société François Villon et son site web.

Le site web de la « Société François Villon »
Inventorier Villon sous toutes ses formes

Toujours opérationnel, vingt ans après que son auteur et éditeur en ait défini les grandes lignes, le site web de la Société François Villon a donc pour ambition d’être un véritable lieu d’échange, d’informations mais aussi, bien sûr, d’inventorier régulièrement de nouveaux liens et de nouvelles parutions imprimées, électroniques et digitales autour du grand maître de poésie médiévale.

francois_villon_poesie_medievale_bibliographie_liens_references_medievalisme_robert_peckhamComme  Robert Peckham a pris le parti de l’exhaustivité, les liens couvrent de vastes domaines en relation à Villon. Ils sont  aussi identifiés à travers le monde et couvrent des écrits dans plus de 16 langues. En relation avec l’objectif défini, ils ne sont pas tous « académiques », l’intérêt restant bien d’embrasser l’œuvre de Villon au sens le plus large possible. Pour reprendre les propres mots de Robert Peckham qui exprimait déjà en 1996 l’ambition à laquelle il s’est tenu depuis :

« Bien sûr, tous ces documents ne seront pas d’une nature savante.  Certains tombent dans la catégorie (avec un petit « c ») de l’iconographie culturelle et sont les validateurs inconscients du statut de Villon, en liant le distant à un présent ou un passé récent plus accessibles. En vérité, tandis que Villon pourra fournir aux étudiants de littérature française un matériel de lecture canonique et de riches moments de vie intellectuelle pour un universitaire, pour l’homme moyen, c’est un bar sur la rue Wiener à Kreuzberg, un magasin de chaussures à Montréal, un night club à Bruxelles, ou le Caveau François Villon, un bistrot de la rue de l’Arbre Sec à Paris. …. » 

Robert D. Peckham « Villon’s electronic future », Proceedings of the conference held at St-Hilda’s-College, Oxford, 1996 (trad moyenpassion

restaurant_francois_villon_medievalisme_poesie_medievale(Photo devanture du restaurant
François Villon à Lyon )

En relation avec le travail éditorial entrepris et les nombreuses ressources identifiées (plus de 500 liens), le site propose encore régulièrement un bulletin actualisé de ses nouvelles trouvailles. Du reste, nos articles sur François Villon n’ont pas échappé à la sagacité de ce grand bibliographe américain puisque leurs liens sont même intégrés au dernier bulletin. Avec un petit ou un grand c, l’histoire ne le dit pas, mais nous sommes quoiqu’il en soit, ravis. de les y savoir présents.

Pour le reste, en un mot comme en cent, si vous aimez Villon et que vous vous y intéressez de près ou de loin, ce site est une référence incontournable sur cet auteur médiéval. Pour des recherches poussées ou même, par simple plaisir, on peut y flâner des heures durant, en découvrant sans cesse de nouvelles choses.

Lien vers le dernier bulletin de la Société François Villon

De la vie à la scène

robert_peckham_francois_villon_bibliographie_poete_auteur_medievale_moyen-age_medievalismePour clore cet article, ajoutons que depuis 2013, même s’il continue à éditer régulièrement le bulletin en ligne de la Société François Villon, ce très sérieux docteur en philosophie et universitaire émérite étant, par ailleurs (comme on s’en doutait déjà), passionné de poésie et même de musique, a décidé de se dédier entièrement à cet art. Il joue et chante donc désormais ses propres compositions sur scène accompagné d’une l’autoharpe, (une variance américaine de la cithare). Sur ces aspects, vous pouvez consulter sa nouvelle bio ici (en anglais) : TennesseeBob Peckham.

En vous souhaitant une excellente  journée.

Frédéric EFFE
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