Archives par mot-clé : poésie

« Mort saisit (tous) sans exception », Villon et le grand Testament.

poesie_medievale_epitaphe_villon_ballade_pendu_erik_satie_lecture_audioSujet : poésie médiévale, poésie réaliste, auteur médiéval. mort, extrait
Auteur : François Villon (1431-?1463)
Période : moyen-âge tardif, XVe
Ouvrage : extrait du grand Testament. Oeuvres complètes et commentés de François Villon par P.L Jacob (1854)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous partageons un court extrait et une strophe du Grand Testament de François Villon sur la Mort. Le poète médiéval nous rappelle la vacuité du statut social ou des richesses face à l’inéluctable faucheuse, comme on le retrouvera rappelé dans certains ballades d’Eustache Deschamps, entre autres auteurs. Le thème n’est d’ailleurs pas propre à l’Europe médiévale, même s’il est empreint ici de valeurs chrétiennes.

Ajoutons que cette mort plane de manière tout à fait particulière sur cette partie de l’oeuvre de Villon qui la pense alors proche et ne sait pas encore, au moment où il écrit ses vers, qu’il va être gracié.

« Je congnoys que pauvres et riches,
Sages et folz, prebstres et laiz (1)
Nobles, vilains, larges et chiches,
Petitz et grans, et beaulx et laidz,
Dames à rebrassez colletz, (2) 
De quelconque condicion,
Portant attours et bourreletz, (3)
Mort saisit sans exception. »
François VILLON (1431-?1463)
Le Grand Testament – Extrait

(1) Laïcs
(2) vêtements bordés de fourrures
(3) bourreletz Coiffe d’époque luxueuse

villon_poesie_medievale_grand_testament_mort_moyen-age_tardif

Q_lettrine_moyen_age_passionuelques strophes plus loin, on retrouvera encore cette plume et ce verbe réaliste dont François Villon a le secret et il nous y décrira  la mort dans le détail, un peu comme il l’avait fait pour les pendus de son épitaphe.

« La mort le fait frémir, pâlir,
Le nez courber, les veines tendre,
Le col enfler, la chair mollir,
Jointes et nerfs croître et étendre.
Corps fémenin, qui tant es tendre.
Poly, souef, si précieux,
Te faudra il ces maux attendre ?

Oui, ou tout vif aller ès cieux. »

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
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Eustache « Brûlé » Deschamps : une ballade sur les ravages de la guerre de cent ans

poesie_ballade_medievale_guerre_de_cent_ans_eustache_deschamps_moyen-age_tardif_XIVSujet : poésie médiévale,  satirique, morale, réaliste, littérature médiévale, ballade, français ancien, Vertus, guerre de cent ans.
Période : moyen-âge tardif
Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406)
Titre : «J’aray desor a nom  brûlé des champs »
Ouvrage :  Poésies morales et historiques d’Eustache Deschamps, Georges Adrien Crapelet (1832)

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passionélèbre ballade d’Eustache Deschamps, la poésie que nous publions aujourd’hui nous conte par la bouche de l’auteur médiéval des ravages de la guerre de cent ans dans la plaine de Champagne. Les batailles ont laissé derrière elles tant de misère et de ruine qu’il faudrait désormais appeler le poète « brûlé Des Champs ».

Nous y apprenons des choses sur les origines du poète et sur sa ville de coeur et de naissance: Vertus, dont il nous conte les douceurs d’avant-guerre. Mal en point financièrement pour avoir dû restaurer son domaine, il en appelle aussi aux soutiens des plus grands, princes et seigneurs, pour l’aider à rétablir sa « maison ».

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Ballade  du domaine d’Eustache
brûlé
par les anglais

Ce titre est celui donné par G.A. Crapelet dans son ouvrage de 1832. Dans son édition des œuvres d’Eustache Deschamps,  le Marquis de Queux de Saint-Hilaire  donnera quant à lui comme « titre » à cette ballade :  « Il ne doit plus s’appeler Eustache, mais Brûlé  des Champs ».

Je fu jadiz de terre vertueuse,
Nez de Vertus, le paiz renommé
Ou il avoit ville tresgracieuse
Dont li bon vin sont en maint lieux nommé;
Jusques a cy avoit mon nom nommé,
Eustace fu appelle dès enfans;
Or sui tous ars, s’est mon nom remué: (1)
J’aray desor a nom Brûlé des Champs.

Dehors Vertus ay maison gracieuse
Ou j’avoye par long temps demouré,
Ou pluseurs ont mené vie joyeuse,
Maison des champs l’ont pluseurs appelle ;
Mais, Dieu merci (2), toute plaine de blé,
Ont les Angles le feu bouté dedens ;
Deux mille frans m’a leur gerre cousté:
J’aray desor a nom Brûlé des Champs.

Las ! ma terre est destruitte et ruyneuse,’
Je suis désert, destruit et désolé;
Fuir m’en fault, ma demeure est doubteuse,
Se je ne sui d’aucun reconforté; ,
Ainsi seray de mon lieu rebouté,
Comme essilliez, dolereux et meschans,(3)
Se mes seigneurs n’ont de mon fait pitié :
J’aray desor a nom Brûlé des Champs.

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NOTES

(1)« Or sui tous ars, s’est mon nom remué » : il ne me reste plus rien ou je suis à nu et j’ai perdu jusqu’à mon nom.
(2) « Dieu merci » : Dieu ait pitié de moi.
(3) Comme essilliez, dolereux et meschans : comme exilé, ruiné, triste et malheureux.

Vertus en Champagne, la ville de Eustache Deschamps, gravure du XVIIe par Claude Chastillon
Vertus en Champagne, la ville de Eustache Deschamps, gravure du XVIIe par Claude Chastillon

En vous souhaitant une excellente journée.
Fred

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Rutebeuf, poète de l’infortune, une « biographie » radiophonique de 1979

poesie_litterature_medievale_realiste_satirique_moral_moyen-ageSujet : poésie médiévale, poésie réaliste, satirique, trouvère, élément de biographie, ménestrel, jongleur, lectures, traduction, auteur médiéval.
Période : moyen-âge central, XIIIe siècle.
Auteur ; Rutebeuf (1230-1285?)
Titre : Poèmes de l’Infortune et de la Croisade
Programme : Agora, Gilles Lapouge.
Invité : Jean Dufournet
Média : émission radio – France Culture

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passion‘est toujours un plaisir de revenir à la poésie de Rutebeuf, autant qu’aux mystères qui entourent rutebeuf_poete_medieval_infortune_satirique_poesie_realiste_moyen_age_centralcet l’homme et, aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir une émission que France Culture lui consacrait en 1979.

Proposé par Gilles Lapouge, ce programme résume les quelques éléments de biographie que nous possédons sur le poète et nous gratifie également de quelques extraits-lectures  dans le verbe original ou traduit de Rutebeuf dont le Dit des ribauds de Grève auquel nous avions déjà dédié un article ici.

On y parle encore des ménestrels, jongleurs et trouvères du moyen-âge, en compagnie de l’érudit et médiéviste Jean Dufournet (1933-2012) qui présente, ici, son ouvrage de traduction de poésies choisies de Rutebeuf : Poèmes de l’Infortune et de la Croisade. Au delà, Il nous entraîne à la découverte des double-sens, des finesses de langage et de l’humour de l’auteur médiéval.

Emission Agora – France Culture – Autour de Rutebeuf

Autour de la poésie et des auteurs
Coup de coeur chaîne youtube

J_lettrine_moyen_age_passion‘ajoute pour lui faire ici une mention spéciale que cette émission est postée sur l’excellente chaîne youtube de Arthur Yasmine dédiée à la poésie au sens large.

Poète et écrivain lui-même, engagé pour un art poétique vivant, Arthur Yasmine a été, lui-même, primé en 2016 chaine_youtube_coup_de_coeur_monde_medieval_histoire_musique_ancienne_moyen_agepour son ouvrage Les clameurs de la ronde  (Prix Amélie Murat), Et quand il laisse de côté, pour un instant, sa plume, cet auteur très prometteur trouve encore le temps  de débusquer des programmes radiophoniques de qualité et des émissions rares autour de la poésie. Qu’il en soit chaleureusement remercié ici. La chaîne youtube qu’il anime est de très grande qualité et nous ne pouvons que vous enjoindre à la visiter.

En vous souhaitant une excellente journée et une très bonne écoute de ce programme autour de Rutebeuf.

Fred
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Fleur de poésie françoyse: un quatrain de la fin du moyen-âge et des débuts de la renaissance

poesie_medievaleSujet :  poésie ancienne, huitains, poésies courtes, épigrammes, ouvrage ancien.
Période :  moyen-âge tardif, début renaissance
Auteurs    : collectif (édition originale de 1542)
Titre    :  La fleur de poésie Françoyse, annoté par A Van BEVER, 1909

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous postons un quatrain issu de l’ouvrage   la fleur de poésie françoyse.  Nous sommes à la toute fin du moyen-âge dans un siècle de transition qui est aussi celui de l’aube de la renaissance et comme toutes les épigrammes et poésies courtes de ce petit recueil du fleur_de_poesie_francoyse_poesie_debut_renaissance_moyen-age_tardifmilieu du XVIe siècle, ces vers ne sont pas signés et sont demeurés anonymes. Sont-ils de Melin de Sainct Gelays, de Clément Marot ?  Difficile de l’affirmer. Peut-être sont-ils plutôt d’un de leurs « disciples » ?

Nous l’avons dit dans nos articles précédents sur le sujet, dans le courant du XVIe siècle, cette poésie de cour légère qui se tourne vers le mot d’esprit et le divertissement plait et trouve ses émules.

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« Je suis à moy et à moy me tiendray,
Aultre que moy n’aura sur moy puissance,
Tout à part moy joyeulx me maintiendray,
Sans que de moy aulcun ayt jouissance. »

Quatrain.  Anonyme – XVe, XVIe siècle 
La Fleur de poésie françoyse (1542)

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R_lettrine_moyen_age_passionesitué dans le contexte général de l’ouvrage, qui, plus que tout autre thème, chante les peines, les joies et les déboires d’amour sous toutes leurs formes, y compris les plus grivoises, ce quatrain qui nous conte la liberté d’une indépendance retrouvée, se réfère sans doute plus à la fin d’une histoire de coeur qu’à l’affranchissement de toute forme de pouvoir, au sens large.

Dommage ! Ainsi  isolés, ces quatre vers pourraient presque prendre ce sens plus profond et philosophique d’une liberté que rien, ni personne ne saurait contraindre ou soumettre. Cela serait étonnant pour l’époque et même presque jusqu’à aujourd’hui, et, il faut bien l’avouer, ne serait pas tout à fait pour nous déplaire, mais il semble qu’ils faillent plutôt les restreindre au registre amoureux. Même ainsi cela dit, ils conservent une puissance indéniable et une belle force libératoire.

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Voir d’autres articles sur la fleur de poésie françoyse et les recueils de poésies courtes du moyen-âge tardif ou des débuts de la renaissance.

En vous souhaitant une très belle journée
Fred

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