Sujet : poésie médiévale, réaliste, ballade, auteur médiéval, acrostiche, les amours de Villon. le testament. Période : moyen-âge tardif Titre : « Le Grand Testament » Extrait Auteur : François Villon (1431- ?1463) Titre : Ballade de Villon a s’amye
Bonjour à tous,
ous publions aujourd’hui la Ballade « Qui se finist toute par R », plus connue encore sous le titre de la ballade de Villon à S’amie. C’est un poème « acrostiche », autrement dit, il contient quelques mots cachés que l’ont peut découvrir en lisant de haut en bas la première lettre des premières strophes. En l’occurrence, le poète médiéval nous y dévoile son prénom, que nous connaissions déjà, mais surtout celui de cette « mie », semble-t-il orgueilleuse et bien froide à laquelle il dédie ses rimes.
A lire les deux strophes du Grand Testament qui précèdent cette ballade, François Villonmet tout de même entre lui et la dame quelque distance et se montre même un rien blasé. Il nous explique, en effet, qu’il écrit cette poésie pour « s’acquitter envers Amours plus qu’envers elle » (la dame en question) car« oncques n’y peuz acquester (*acquérir)/ D’espoir une seule étincelle ». L’affaire est perdue, la cause semble entendue.
Cela dit, un rien de contradiction subsiste tout de même et, à l’évidence, quelques attachements puisque, pour piquant et acerbe qu’il se montre dans ce texte, notre poète médiéval priera tout de même cette Marthetout du long de le considérer un peu mieux et même de le « secourir ». Avant la ballade toujours et dans les strophes la précédant, il nous fait aussi comprendre qu’il entend faire porter ses vers à la belle pour qu’elle les lise. Le voilà donc en échec dans ses amours et, comme nous le disions quelque peu blasé, mais peut-être pas encore tout à fait « désespéré » au point de s’en tenir là.
Voici les deux strophes en question :
LXXXII Ce nonobstant. pour m’acquitter Envers amours plus qu’envers elle (Car oncque n’y peuz acquester D’espoir une seule étincelle; Ne sçay s’a tous est si rebelle. Qu’à moy : ce ne m’est grand esmoy Mais par Saincte Marie la belle! Je n’y voy que rire pour moy),
LXXXIII Ceste Ballade luy envoye. Qui se finist toute par R . Qui la portera? que j’y voye ; Ce sera Pernet de la Barre Pourveu, s’il rencontre en son erre’ Ma damoyselle au nez tortu, Il Iuy dira, sans plus enquerre: » Orde* paillarde, d’où viens-tu? »(*triste)
On recroisera encore, dans cette ballade, le thème de la beauté passagère que Villon abordera à plusieurs reprises dans son oeuvre (voir entre autre les regrets de la belle heaulmière).
Ballade de Villon à S’amye
Faulse beaulté, qui tant me couste cher, Rude en effect, hypocrite doulceur ; Amour dure, plus que fer à mascher; Nommer que puis, de ma deffaçon soeur, (1) Cherme félon , la mort d’ung povre cueûr Orgueil mussé (2), qui gens met au mourir; Yeulx sans pitié ! ne vouldrois de rigueur, Sans empirer, ung pauvre secourir ?
Mieulx m’eust valu avoir esté crier Ailleurs secours, c’eust esté mon bonheur: (3) Rien ne m’eust sceu de ce faix harier, Trotter m’en fault en fuyte et déshonneur, Haro, haro, le grand et le mineur* (4)! Et qu’est cecy? mourray, sans coup ferir, Ou pitié veult, selon ceste teneur, Sans empirer, ung povre secourir?
Ung temps viendra, qui fera desseicher, Jaulnir, flestrir, vostre espanie fleur : J’en risse alors, se tant peusse marcher, Mais nenny : lôrs (ce seroit donc foleur*), (*folie) Vieil je seray; vous, laide, et sans couleur. Or, beuvez fort, tant que ru peult courir. Ne reffusez, chassant ceste douleur, Sans empirer, ung povre secourir.
ENVOI
Prince amoureux, des amans le greigneur (5) Vostre mal gré ne vouldroye encourir, Mais tout franc cueur doit, por Nostre Seigneur, Sans empirer, ung povre secourir.
1. Deffaçon soeur : soeur, cause de ma ruine
2. Mussé : caché
3. Honneur dans certains manuscrits
4. A l’aide, le grand comme le petit!
5. Le greigneur : le plus grand, le meilleur
Un excellente journée à tous !
Frédéric EFFE.
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Sujet : poésies courtes, épigrammes, ouvrage ancien, humour, gauloiserie, goliards, poésie « goliardique » Période : hiver du moyen-âge, renaissance Auteurs : collectif (1575, 1595). Clément Marot pour cette poésie. Titre : La récréation et passetemps des tristes, recueil d’épigrammes et de petits contes en vers (1862)
Bonjour à tous,
ous partageons aujourd’hui un nouvel épigramme issu de l’ouvrage récréation et passe-temps des tristes . S’ils n’étaient déjà en bonne langue françoise du XVe siècle, ces quelques vers dédiés au vin pourraient presque prendre des allures tardives de poésie goliardique, mais le XIIe siècle des goliards est déjà loin, et on continuera de chanter longtemps après eux et sans eux, comme on le fait d’ailleurs encore, les joies de l’ivresse (avec modération, mais pas toujours).
Bien sûr, il faut aussi lire de l’humour dans cette courte poésie « à boire ». Comme nous l’avions dit précédemment, celui-ci traverse de part et en part ce petit recueil d’épigrammes du moyen-âge finissant.
Pour rendre à César ce qui lui appartient et même si, comme l’ensemble des autres poésies présentes dans ce recueil, celle-ci n’est pas signée, elle est en réalité de Clément Marot. On peut la retrouver dans le Tome 3 de ses oeuvres complètes, par Pierre Jannet (1868).
De ceux qui par trop boire ont les yeux bordés d’escarlate
Le vin qui m’est si cher vendu, M’a la force des yeux ravie, Pour autant il m’est deffendu, Dont tous les jours m’en croist l’enuie: Mais puisqu’en luy seul est ma vie, Malgré les fortunes senestres Les yeux ne seront point les maistres, Sur tout le corps, car par raison, J’aime mieux perdre le fenestres, Que perdre toute la maison. La récréation et Passetemps des tristes, (ré-édition de 1862 sur la base de l’édition de 1595)
Les yeux bordés d’écarlate
‘expression « les yeux bordés d’escarlate« , autrement dit, « les yeux rouges sur les bords » suivant le Littré, ce que l’on avait à peu près compris, mais aussi dans d’autres dictionnaires anciens « les yeux aux paupières rougis » ou même encore « les yeux fort rouges » est ici employée pour désigner les marques que laissent sur leur sillage d’innombrables ivresses. Cette expression a pu aussi désigner les marques de la vieillesse. On la retrouve usitée de cette manière dans le Candide de Voltaire : « la vieille leur parla en ces termes : je n’ai pas toujours eu les yeux éraillés et bordés d’écarlate ». Elle peut encore comme ici au XVIIIe siècle, désigné un trait de laideur :
« – Qui ne seroit pas idolâtre De ces beautés, de ces trésors ; Dont la nature orna ton corps De ton nez de corail , de tes lèvres d’albâtre , De ces cheveux dorés, de ces os que ta peau Laisse aisément compter, tant elle est délicate; De tes yeux bordés d’écarlate ? Enfin , qui ne seroit charmé , belle Isabeau , De ce teint à la mosaïque, Et qui de l’arc-en-ciel imite les couleurs De cette bouche grande , oblique , Et de cette dent, fille unique, Qui porte le deuil de ses sœurs ? » Portrait d’une Laide, Le Brun. Dictionnaire de pensées ingénieuses, tant en vers qu’en prose, des meilleurs écrivains françois (1773)
En vous souhaitant une belle journée.
Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : philologie, littérature, poésie médiévale, « renouvel », nouveauté médiévale, analyse littéraire et sémantique. Période : moyen-âge central Média : vidéo-conférence, livres. Titre : La nouveauté au Moyen Âge comme expérience religieuse et poétique Conférencier : Michel Zink médiéviste, philologue et écrivain. professeur de Littératures de la France médiévale au Collège de France Lieu : Ecole nationale des chartes (2016)
Bonjour à tous !
ous avons le plaisir aujourd’hui de vous faire partager une conférence donnée en 2016 à l’Ecole Nationale des Chartes par Michel Zink, médiéviste, philologue, académicien des Arts et Lettres et éminent professeur de Littératures de la France médiévale au Collège de France.
Niveaux de lecture
Ces conférences peuvent quelquefois s’avérer un peu ardues, mais nous les postons toujours avec un double objectif. Le premier, bien sûr, tient au contenu même de la conférence et à son objet. Sa finalité est ici toujours de tenter de mieux approcher et, si possible, de mieux comprendre le moyen-âge.
Le deuxième objectif (ou niveau de lecture) est ce que l’on pourrait appeler un « méta » niveau*. A travers ces conférences, l’Histoire et ses disciplines connexes se livrent, en effet, à nous dans leurs méthodes, leurs modes opératoires, leurs angles d’approche, etc. Au delà des contenus historiques présentés, l’Histoire, en tant que science, nous en apprend ainsi sur sa manière de « faire de l’Histoire » et c’est donc l’occasion de mieux découvrir la variété de ses méthodes d’investigation, autant que les disciplines qui lui sont indirectement ou directement attachées.
Nous voilà donc, en quelque sorte, servis deux fois. De fait, nous le sommes même une troisième parce que cela nous donne toujours l’occasion de découvrir un grand esprit ou un grand chercheur de notre temps.
Nous devons ajouter encore ici, par parenthèse, qu’il y a encore à peine 15 ans, il aurait été à peine envisageable que certaines universités ou Ecoles supérieures nous ouvrent ainsi gracieusement leurs portes, directement et sur le web. La Cité des Sciences et de l’Industrie fut sans doute précurseur dans ce domaine, en proposant déjà, il y a quelques années, ses cycles de conférences au format Real Media. Elle le fait d’ailleurs toujours et nous ne pouvons que vous conseiller de faire un tour sur leur site web, si vous êtes curieux de Sciences de l’Homme au sens large. Il faut savoir trier le grain de l’ivraie, dans la masse de médias postés chaque jour sur le web, il y a de l’excellence et de belles occasions d’apprendre; pour en revenir à notre objet du jour, les conférences de l’Ecole Nationale des Chartesvisent systématiquement haut et fournissent toujours de belles occasions de le faire. Nous les en remercions encore ici.
Un mot peut en cacher un autre
« Rien de ce que le Moyen Âge exprime, rien de ce que nous croyons en comprendre, rien de ce qui nous touche ou nous rebute en lui, qui ne doive être mis en doute, vérifié, éprouvé. Sa littérature ne veut pas dire ce que nous pensions, elle ne veut pas toucher là où à la première lecture elle nous touche, elle fourmille d’allusions qui nous échappent. »
Michel Zink – Bienvenue au Moyen Âge
On trouve dans cette conférence de Michel Zinksur la notion de nouveauté au moyen-âge, l’illustration même d’une vérité que les historiens médiévistes , et avec eux philologues, ne cessent de ressasser: « Gardons nous de juger trop vite les hommes du moyen-âge à l’aulne de nos valeurs présentes », et corollaire de cette « mise en garde » de principe : « prenons avec réserve les réalités supposées qui peuvent se nicher derrière les mots de la poésie et de la littérature médiévale, même quand ces derniers nous semblent si familiers et si proches que l’on pourrait être tenté de faire l’économie d’en interroger le sens.
Fort heureusement, si nous avions encore la tentation naturelle de tomber dans ce travers, tout cela ne saurait survenir plus avant, grâce à la brillante démonstration que nous livre ici Michel Zink. En plus de nous introduire à un jeu de piste littéraire et sémantique fort plaisant, à la poursuite d’une « nouveauté » médiévale, loin, bien loin de nos notions modernes de neuf et de nouveau, il nous enseigne que la quête du sens des mots et vocables passe nécessairement par l’étude patiente et comparée, au coeur des sources littéraires et des textes. Finalement, ce n’est qu’au bout de ce travail de reconstruction minutieux que nous pouvons espérer obtenir comme récompense la possibilité de percevoir l’essence même du monde médiéval.
Nouveauté médiévale et essence du moyen-âge : un mot peut nous cacher un monde
Alors, plongeons avec ce grand spécialiste de littérature ancienne, au coeur du moyen-âge central et de ses mentalités, pour suivre avec lui le fil d’une l’aventure passionnante, celle de la « nouveauté » au sens médiéval et littéraire du terme. Et à la question posée par lui, en clin d’oei au dicton : « qu’y a-t-il de nouveau sous le soleil du moyen-âge? » nous pourrons alors répondre, « qu’il n’y a de nouveau pour le monde médiéval que l’acuité de la conscience de ce qui est éternel ».
On le verra (et cette remarque est à notre compte plus qu’au sien), avec ce « renouvel » et cet éternel recommencement médiéval nous sommes à large distance de nos « nouveautés » modernes qui, en osant un néologisme un peu laid, sont peut-être le fruit d’une sorte de « nouveautisme »,idéologiehéritée d’un(e) cult(ure) techniciste et post-industrielle de l’innovation à tout prix, et qui voudrait, par instants, voir du « nouveau » partout ou à tout le moins nous en vendre l’idée, et ce y compris là où il n’y en a pas. En bref, nouveauté médiévale et nouveauté moderne, la question reste à jamais posée de ce que nous inventons vraiment.
La nouveauté au Moyen Âge comme expérience religieuse et poétique
Michel Zink, parcours et parutions
Même s’il évolue, la plupart du temps, dans les couloirs de nos universités, écoles et académies les plus prestigieuses, pour qui s’intéresse à la littérature et la poésie médiévale il est difficile de ne pas avoir entendu parler de Michel Zink et si c’est le cas, il faut bien vite rattraper ce retard.
Parcours
Né en 1945 en région parisienne, à Issy-les-Moulineaux, Michel Zinkest normalien de formation et agrégé de lettres classiques. Après avoir enseigné dans diverses universités (Sorbonne, Toulouse, Paris IV), il a été de 1995 à 2016 en charge de la chaire de Littératures de la France médiévale au Collège de France.
Académicien et attaché sous divers titres à de nombreuses Académies en France et à l’étranger, directeur de collections thématiques dans le monde de l’édition, co-directeur de la revue Romania, la liste est longue des titres honorifiques qui lui sont attachés et des fonctions qu’il occupe ou a pu occuper tout au long de sa carrière. Il a également reçu de nombreux prix au niveau français et européen pour ses travaux. Pour en prendre connaissance dans le détail, nous vous invitons à consulter sa biographie sur les pages du Collège de France.
Conférences, publications, émission de radios
Du point de vue publication et ouvrages, on le retrouve aux commentaires, à l’adaptation et à la publication de textes de grands auteurs du moyen-âge : Rutebeuf, le Roman de Rose, Froissart, les troubadours, etc et on lui doit encore de nombreux livres d’ordre plus général sur la littérature et la poésie médiévale, chrétienne ou profane (c’est une distinction que nous faisons ici mais qu’il ne fait pas lui-même). Nous vous proposons ici une sélection de quelques unes de ses parutions.
Outre ses publications, vous pourrez encore trouver de nombreux programmes de radios, notamment sur France Inter, dans lesquels il est intervenu ou intervient encore. Il animait notamment, en 2014 un programme court sur France inter dans lequel il présentait quelques réflexions et textes courts de poésie et de littérature du moyen-âge. Ces chroniques ont donné lieu à un publication sous le même titre que l’émission : Bienvenue au moyen âge. (photo et lien à droite dans le tableau ci-dessus). On trouve encore sur le web quelques autres conférences données ici ou là ou quelques programmes radio. Voici deux liens utiles sur ces aspects :
Sujet : musique, poésie médiévale, trouvère, chanson ancienne, Titre : «Je chevauchoie l’autrier », chanson de rencontre » ou de « mal mariée » Auteur: Jehan Moniot de Paris( ? 1200 ?) Période : XIIIe siècle, Moyen Âge central Interpréte : Marc Mauillon , Festival Muzyka w Raju, Pologne, 2015
Bonjour à tous,
ous partons aujourd’hui au XIIIe siècle avec une chanson du trouvère Moniot de Paris. Elle nous conte les déboires d’une mal-mariée flirtée en chemin par l’auteur qui « chevauchoait » sur les bords de Seine avant de la rencontrer. Le texte emprunte en partie au genre de la Pastourelle et ce « l’autre jour alors que j’allais chevauchant » est aussi un départ « classique » que l’on retrouve dans plusieurs chansons du Moyen Âge. En revanche, en fait de pastourelle, il n’y a ici point de bergère ici, sinon un dame ( bourgeoise? ) mal mariée à un vilain et qui s’en plaint, ce qui n’est pas d’ailleurs pour déplaire au galant qui semble plutôt en prendre son partie et y voir l’occasion d’inviter la belle à convoler avec lui.
Il existait vraisemblablement au XIIIe siècle, au moins trois trouvères contemporains les uns des autres, et connus sous le nom de Moniot : Moniot d’Arras, Moniot de Paris et Moniot. La question de l’attribution de leurs oeuvres respectives s’est donc posée, entre les spécialistes de littérature et de poésie médiévale pour un certain nombre de pièces pour finir par être à peu près tranchée. Le Moniot qui nous intéresse aujourd’hui, Jehan Moniot de Paris à légué neuf poésies/chansons et on lui prête généralement la paternité du Dit de Fortune(écrit autour de 1278 par un Monniot avec double n), même si cela reste sujet à débat.
De la même façon, on a avancé que Moniot avait pu être un surnom pour désigner un « petit moine ». Dans cette hypothèse, l’auteur aurait donc été frère avant de se faire trouvère, mais, en réalité, il est difficile d’en être tout à fait sûr puisque, hormis les quelques chansons qu’on peut lui attribuer, on ne sait pratiquement rien de sa vie.
L’interprète du jour Marc Mauillon
C’est le baryton Marc Mauillon et son grand talent qui nous accompagnent dans ce voyage à la découverte du trouvère Moniot de Paris et de cette poésie du Moyen Âge central.
Seul en scène, a cappella et devant une salle comble auFestival polonais de musiques anciennes Muzyka w Raju dont nous vous avons déjà touché un mot ici, l’artiste lyrique nous donnait à entendre, avec virtuosité, cette chanson du XIIIe siècle dans le verbe de son vieux-français original.
Son choix d’interprétation minimaliste est aussi heureux qu’audacieux. Loin des grandes orchestrations, il nous permet d’approcher cette poésie et sa langue de manière directe et entière, autant que de nous tenir au plus près de l’Art de ces « trouveurs » qui allaient souvent solitaires, de cour en cour et de lieu en lieu pour y chanter leur poésie et trouver ainsi leur pitance.
Chanson de rencontre
ou chanson de Mal-marié
Je chevauchoie l’autrier Sur la rive de Saine : Dame de joste un vergier Vi plus blanche que laine Chançon prist a commencier Souef a douce alaine. Mult doucement li oi dire et noter : « Honis soit qui a vilain me fist doner! J’aim mult meus un poi de joie a demener Que mil mars d’argent avoir et puis plorer. »
Hautement la saluai De Deu le fil Marie El respondi sans delai : « Jhésus vous benïe! » Mult doucement li priai Qu’el devenist m’amie. Tot errant me commençoit a raconter Comment ses maris la bat por bien amer. J’aim mult meus un poi de joie a demener Que mil mars d’argent avoir et puis plorer.
« Dame, estes vos de Paris? – Oil, certes, biau sire : Seur Grand Pont maint mes maris, De mauvès tout li pire. Or puet il estre marris, Jamès de moi n’iert sire. Trop est fel et rioteux, trop puet parler; Car je m’en vueil avec vos aller joer. J’aim mult meus un poi de joie a demener Que mil mars d’argent avoir et puis plorer.
Mal ait qui me maria, Tant en ait or li prestre; A uin vilain me dona Felon et de put estre. Je croi bien que poir n’a De ci jusqu’à Vincestre. Je ne pris tout son avoir pas mon soller Quand il m bat et laidange por amer. J’aim mult meus un poi de joie a demener Que mil mars d’argent avoir et puis plorer.
En non Deu je aimerai Et si serai amée Et mon mari maudirai Et soir et matinee, Et si me renvoiserai El bois sos la ramée. Dames de Paris, amée, lessiés ester Vos maris et si venés o moi joer J’aim mult meus un poi de joie a demener Que mil mars d’argent avoir et puis plorer.
En vous souhaitant une merveilleuse journée et une bon début de semaine dans la joie.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.