Sujet : citations médiévales, extrait poésie, sagesse médiévale, poésie morale, satirique et critique. Auteur : Jean de Meung, Jean Clopinel (1250-1305) Période : moyen-âge central, XIIIe siècle. Extrait de : le codicille Manuscrit ancien : le roman de la Rose, Arsenal 5209, Bnf.
Bonjour à tous,
ous partageons, aujourd’hui, un peu de la poésie de Jean de Meung (Clopinel), en forme de citation morale. Les vers sont extraits du codicille dont nous avons déjà parlé ici. C’est un texte que l’auteur médiéval adresse à ses contemporains en forme d’exhortation morale. Même si on l’a souvent référencé ou confondu avec un autre écrit du poète qui s’appelle le testament, il semble pertinent de les différencier pour s’y retrouver un peu mieux.
“Qui autruy veult blasmer, il doit estre sans blasme; Et qui veult en blasmer, il doit avoir du blasme*: Bien dire sans bien faire, est comme feu de chausme Qu’on esteient de legier* au pied ou à la paulme.”
Jean de Meung (1250-1305) Le Codicille
Adaptation/français moderne :
“Qui autrui veut blâmer, il doit être sans blâme; Et qui veut embaumer, il doit avoir du du baume: Bien dire sans bien faire, est comme feu de chaume Qu’on éteint aisément du pied ou de la paume.”
On retrouve notamment ce codicille dans le manuscrit ancien du XIVe siècle, ms arsenal 5209 de la Bnf. consultable en ligne ici.
eplacés dans leur contexte, ces quatre pieds de vers s’adressent aux puissants, seigneurs, gens « savants » ou religieux face au peuple et aux petites gens. Il y est question de l’importance de leur probité, autant que de nécessaire cohérence entre leurs actes et leurs paroles. Au delà de simplement dénoncer la langue de bois, Jean de Meung les enjoint à être conscients de leur exemplarité s’ils prétendent recevoir en retour respect, crédibilité et même « amours » de ceux qu’ils gouvernent ou vers lesquels ils prêchent. Plus loin, il parlera même de « suivre la voye droite ». Nous sommes donc bien dans une dimension de morale, de justice, et de justesse.
Voilà tout un programme pour qui veut se livrer à l’exercice du pouvoir ou prétendre guider ses contemporains vers quelque lumière que ce soit et voilà des mots qui, à travers le temps, n’ont pas pris une ride et que l’on peut valablement reprendre aujourd’hui.
Un excellent début de semaine à tous!
Fred
Pour moyenagepassion.com. A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet : poésie médiévale, auteur, poète, épître, mécénat, François 1er, poésie de cour Période : fin du moyen-âge, début renaissance Auteur : Clément Marot (1496-1544) Titre : « Petit épître au roi »
Bonjour à tous,
lément Marot n’a que vingt-deux ans quand il écrit cette courte poésie, que l’on a souvent appelé le petit épître au roi, épître étant à prendre, ici, dans son sens littéraire et non pas liturgique, soit une poésie en vers qui prend la forme d’une missive.
En m’esbatant je fais rondeaulx en rithme, Et en rithmant bien souvent je m’enrime; Brief, c’est pitié d’entre nous rithmailleurs. Car vous trouvez assez de rithme ailleurs. Et quand vous plaist, mieulx que moy rithmassez. Des biens avez et de la rithme assez : Mais moy, à tout ma rithme et ma rithmaille, Je ne soustiens (dont je suis marry) maille. Or ce me dit (un jour) quelque rithmart : « Viença, Marot, treuves tu en rithme art Qui serve aux gens, toy qui a rithmassé? Ouy vrayement (respond je) Henry Macé, Car vois tu bien la personne rithmante Qui au jardin de son sens la rithme ente, Si elle n’a des biens en rithmoyant, Elle prendra plaisir en rithme oyant; Et m’est advis que, si je ne rithmoys, Mon povre corps ne seroit nourry moys. Ne demy jour : car la moindre rithmette C’est le plaisir où fault que mon ris mette Si vous supply qu’à ce jeune rithmeur Faciez avoir un jour par sa rithme heur*, Affin qu’on die, en prose ou en rithmant : « Ce rithmailleur qui s’alloit enrimant, Tant rithmassa, rithma et rithmonna. Qu’il a congneu quel bien par rithme on a.
*heur : sort, chance, bonheur
Le texte se veut léger et Marot y joue sur les mots autour de son art de rimer, tout en plaidant pour sa cause auprès de François 1er. Nous sommes en 1518, l’auteur veut alors entrer, comme son père, au service du roi. Cela fera dire à certains auteurs et notamment à Louis A. Montalant-Bougleux dans son ouvrage: « Etudes sur les poètes dans leurs relations avec les cours et, par extension, sur les bouffons, les nains, les abbés, etc » que Marot s’abaisse, ici, à des bouffonneries qui le placent un ton en dessous de l’Art poétique.
C’est une critique un peu acerbe, même si on peut comprendre d’où elle vient. Nous sommes ici en plein dans la poésie de complaisance et il faut bien reconnaître que le ton léger, l’esprit, le style, autant que les facéties du poète de cour que Marot aspirait à être et qu’il fut aussi, se donnent à lire dans cet épître, sans fausse-pudeur. Il est, par ailleurs, encore jeune quand il écrit ce texte et n’a pas encore essuyé les déboires qu’il connaîtra plus tard. Ajoutons à cela que, même après, s’il n’est pas non plus le poète sans aucune épaisseur auquel on l’a quelquefois réduit, ses accidents de parcours n’en feront jamais, non plus, le « poète maudit » qu’on fera de François Villon. De manière égale, du point de vue de son engagement politique au sens large, il reste tout autant difficile de le rapprocher d’un Rutebeuf, ou d’un Eustache Deschamps. et on n’a encore souvent avancé que ses déboires naquirent plus d’un trop grand excès de confiance dans ses protecteurs que d’une volonté farouche de se tenir dans la marge et dans l’adversité.
Pour autant, quant à ce qui est de tendre la main pour demander pitance, ce fut le lot de tous. Sauf à être puissant soi-même et s’adonner à la poésie comme un amusement ou, pour le dire autrement, le ventre plein, en vivre sans être fortuné passe nécessairement, depuis des temps reculés par le bon vouloir et la générosité de bienfaiteurs argentés; le monde médiéval n’y a pas dérogé. Plus près de nous et depuis la fin du XXe siècle, et c’est une question tout à fait ouverte, je ne sais même plus s’il est possible de « vivre » uniquement de sa poésie, même miséreux; je veux donc dire survivre. Hors des anthologies d’auteurs confirmés, des éditeurs se risquent-ils sur de nouveaux auteurs? Les gens la lisent-elle encore? Ou ne peut-elle passer que par l’art musical et la chanson, même si les deux arts ne se recouvrent pas toujours, loin s’en faut.
(ci-contre portrait de François 1er, Van Clève, 1530-1535, Musée Carnavalet, Paris)
Pour revenir à notre épître et notre auteur du jour, il en faut pour tous les goûts et c’est aussi sans doute dans cette légèreté revendiquée et assumée, dans ses mots d’esprits, ses épigrammes ou sa moquerie que Clément Marot brille le mieux. D’ailleurs, à plus de quatre cent ans de son écriture, ce petit épître au roi se lit encore très agréablement, pour l’exercice de style qu’il est resté.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
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Sujet : médecine, citations médiévales, école de Salerne, Europe médiévale, moyen-âge, ouvrage, manuscrit ancien. Période: moyen-âge central Titre: l’Ecole de Salerne (1880) Auteur : collectif d’auteurs anonymes Traducteur : Charles Meaux Saint-Marc Média : lecture audio
Bonjour à tous,
our ce qui est du post d’aujourd’hui, nous prolongeons le plaisir de la compagnie de la médecine médiévale de l’Ecole de Salerne. Il faut dire que résister à la lecture de quelques strophes du Flos Medicinae relevait de la gageure et je me suis trouvé dans l’incapacité de ne pas y céder. Et comme, pour une fois, le texte n’est pas en vieux français mais en français moderne du XIXe siècle avec, il faut l’avouer, une qualité dans la versification qui le distancie sûrement de son original latin, au niveau sémantique mais qui est savoureuse, il nous fallait un peu corser la difficulté. Alors plutôt que notre voix pour se prêter à l’exercice, nous avons décidé d’en emprunter deux autres. Du Docteur Knock à l’école des femmes, celle de Louis Jouvet est la première des deux, et pour sa filiation avec lui, autant que pour ses grandes lectures, celle de Fabrice Luchini est la deuxième. Toute ressemblance avec des personnes existantes ne pouvant être qu’allégorique, le genre auquel nous nous exerçons ici pourrait avoir pour nom l’imitation de loin.
Vous allez me dire que je n’en finis pas de chercher des peaux de banane sur lesquelles glisser et vous n’aurez sans doute pas tord, mais comme je ne cesse ici de le réaffirmer avec le poète latin Publilius Syrus du premier siècle avant notre ère: « L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient». Il faut donc bien, fidèle à cette maxime, se situer, de temps en temps, dans la prise de risque pour étonner et pour se divertir aussi.
Un OVNI médiéval
ous voici donc rendu avec une lecture audio sur le sujet très sérieux de la médecine médiévale, à la façon de Louis Jouvet et de Luchini, même si, encore une fois, ce n’est que de très loin. Techniquement, on pourrait être tenté d’appeler cela un OVNI, comprenez un Objet Versifié Non Identifié. Tout cela a un goût de fêtes de fin d’année, un goût d’enfance aussi parce que cette chose là qui consiste à s’amuser à calquer des notes, des rythmes, des accents ou des voix, en les empruntant aux autres ne s’explique pas. Elle prend sûrement sa source dans un mimétisme grégaire. On la commence comme un enfant qui joue à ressembler aux adultes, et puis elle fait partie de vous et, quelquefois, s’y enracine. Pourtant, toute réserve gardée sur la ressemblance de facto à l’original, au delà du singer, c’est aussi une question d’alchimie, une façon de prendre, un peu, de l’essence de l’autre pour le retraduire, une sorte de transmutation ou de distillation empathique. Et comme il est question d’empathie, rien ne pourrait mieux la traduire qu’une maxime un peu étirée: dis-moi qui tu singes, je te dirais qui tu es.
Alors voilà, nous y sommes. La peau de banane étant droit devant, laissez-moi prendre un peu d’élan et je suis à vous!
La médecine médiévale de Salerne avec Louis (pratiquement) Jouvet et Fabrice (presque) Luchini
Une très belle journée à tous!
Fred
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Sujet: chant, chanson, musique, poésie médiévale, amour courtois, complainte, manuscrit de Bayeux. Période : Moyen Âge tardif (XVe siècle) Auteur : Guillaume Dufay (1400-1474) Interprète ; Jose Lemos et l’ensemble Pegasus Early Music – 2015 (concert)
Bonjour à tous,
ous vous présentons, aujourd’hui, une chanson médiévale du XVe siècle. C’est un chant d’amour et une complainte, celle d’une belle pour son amant prisonnier. Présente dans le Manuscrit de Bayeux (le ms Français 9346 de la BnF), on la retrouve aussi chez Guillaume Dufay, auteur-compositeur considéré comme un des plus grands musiciens de son temps et dont il faut dire un mot ici.
Guillaume Dufay : éléments de biographie
Originaire de la région de Cambray, qui l’a vu naître autour de 1400, il y suivra l’enseignement des plus grands maîtres de musique du Duc de Bourgogne. La ville est alors dotée d’un centre de musique religieuse qui fournit des musiciens à la papauté romaine et, très jeune, Guillaume Dufay sera aussi choriste à la cathédrale de Cambrai.
Quelques vingt ans plus tard, on le retrouvera en Italie et à Rimini, au service de la famille Malatesta. Après un court épisode en France, il retournera autour de 1430, en Italie où il se tiendra rien moins qu’à la cour pontificale, devenant ainsi le musicien des papes. Il léguera d’ailleurs des messes qui feront longtemps référence auprès des musiciens des siècles suivants. Il y restera plus de six années avant de servir à la cour du prestigieux duc de Bourgogne, mais aussi à celle du duc Louis Ier de Savoie.
(Guillaume Dufay et Gilles Binchois, enluminure tirée du manuscrit Le Champion des dames, de Martin XVe siècle).
Durant cette longue carrière au service de la haute noblesse et des papes, l’auteur-compositeur, musicien et chanteur fusionnera le style français avec le style Italien, en les enrichissant encore d’apports anglais pour donner naissance à ce que l’on a appelé l’école franco-flamande, une école qui brillera pendant près de deux cents ans, et sera reconnu, notamment, pour son art polyphonique. Guillaume Dufay léguera, à la postérité, de nombreuses compositions liturgiques dont des messes et des motets (compositions à plusieurs voix et à capela, apparues dans le courant du XIIe siècle), mais également des compositions profanes, comme celle que nous vous proposons ici, et plus de quatre-vingt chansons qu’on peut lui attribuer avec certitude et qui on été toutes composées avant que ne débute sa carrière à la cour pontificale.
Manuscrit ancien : le codex Canonici 213
L’ouvrage dont est tirée la chanson et composition du jour est un manuscrit ancien, connu sous le nom codex Canonici 213 et plus précisément : Manuscrit. Ms. Canonici misc. 213. Conservé à la bibliothèque Bodleian d’Oxford, il contient, essentiellement, des chants polyphoniques, religieux ou profanes provenant de la première partie du XVe siècle.
On y retrouve les compositions de 55 auteurs, principalement de l’école bourguignonne et de l’école franco-flamande, tels que Gilles Binchois (Gilles de Binche), Guillaume Dufay, mais aussi Arnold de Lantins et Hugo de Lantins.
On doit au musicologue et au critique John Stainer (1840-1901), d’avoir fait connaître ce manuscrit, à la fin du XIXe siècle en présentant et éditant plus de 50 de ces pièces. Sauf erreur de notre part et pour l’instant au moins, le manuscrit original, ne semble pas être consultable en ligne.
Les interprètes du jour : quand le monde médiéval conquiert New-York
Fondé en 2005, Pegasus Early Musicest un groupe événementiel spécialisé qui organise des concerts et fédère des artistes et des passionnés autour d’un répertoire musical, allant du moyen-âge à la période romantique.
Avec des visées de distribution autant que de sensibilisation, la fondation produit, depuis près de douze ans, plus de 400 concerts par an. Elle organise également divers événements et concours pour faire connaître et appuyer de jeunes talents dans le domaine des musiques anciennes. Pour vous donner un aperçu de leur philosophie et de leur vocation, voici ce qu’ils en disent eux-mêmes:
« Pour les musiciens qui se produisent dans nos concerts, la musique ancienne est une forme d’art vivant, avec sa tradition dynamique d’improvisation et d’innovation; Son esprit de collaboration intense; Son incroyable capacité à communiquer des instincts et des émotions humaines sophistiqués; Et l’intimité directe de son style musique de chambre. Nous sommes passionnément convaincus que la musique ancienne peut être pleine de sens dans le contexte de la société contemporaine, et nous voulons partager cela avec notre public. » – Pegasus Early Music
La majorité des concerts ayant lieu dans la région de New-York, sauf à être français (ou francophones) expatriés, le meilleur moyen de découvrir leur travail reste leur chaîne youtube sur laquelle ils partagent sans compter, avec de très belles prises de son, là encore, ou même leur site web que vous pourrez trouver ici : Pegasus Early Music.
Il faut souligner ici la prestation du célèbre Jose Lemos (portrait ci-contre), contre-ténor brésilien formé au Conservatoire de Musique de Nouvelle-Angleterre et à ce jour, mondialement reconnu et primé pour ses prestations dans des registres aussi divers que l’opéra et les musiques anciennes.
Les paroles de la chanson médiévale
de Guillaume Dufay
La belle se sied au pied de la tour, Qui pleure et soupire et mène grand dolour. Son père lui demande: fille qu’avez-vous Volez-vous mari ou volez-vous seignour?
Je ne veuille mari, je ne veuille seignour, Je veuille le mien ami qui pourrit en la tour. Par Dieu ma belle fille alors ne l’aurez-vous Car il sera pendu demain au point du jour.
Père si on le pend enfouyés moi dessous, Ainsi diront les gens ce sont loyales amours.
En vous souhaitant une merveilleuse journée.
Fred
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