ous le savez si vous faites partie des visiteurs réguliers du site, de temps en temps, nous faisons un point sur les contenus publiés à date. Cela permet de mieux voir le chemin parcouru mais surtout de vous donner des pistes de recherche concrètes. Nous avons, désormais passé le cap de 1400 articles mis en ligne et, au fil des années ( 5 ans déjà), moyenagepassion a pris le tour d’une encyclopédie médiévale. Si cette dernière reste relativement modeste en taille, quelques informations peuvent s’avérer grandement utiles pour une meilleure exploration du site.
Rappelons-le. En terme de ligne éditoriale, notre vocation première a toujours été de proposer une archive permettant de découvrir le Moyen Âge historique et ses productions, autant que certaines représentations plus modernes du Moyen Âge. Ces deux dernières années, si la rubrique évènementielle que nous maintenions aussi, a forcément pâti de l’annulation de nombreux fêtes et animations médiévales, nous avons poursuivi nos efforts. Nous nous sommes concentrés sur des choses moins éphémères et le Moyen Âge historique a donc gagné en taille. L’aventure a donc continué et c’est le plus important.
Archive médiévale & textes du Moyen Âge
Une des catégories les plus appréciées du site reste son archive médiévale. Elle regroupe près de 500 poésies, chansons et extraits de littérature du Moyen Âge. Les textes présentés et commentés sont, dans leur très grande majorité, traduit par nos soins. Pour chacun d’entre eux, nous indiquons également les sources historiques et manuscrites. De fait, vous trouverez référencés et présentés sur moyenagepassion près d’une centaine de manuscrits anciens et médiévaux. Quand il s’agit de chansons, nous nous efforçons de joindre également les notations musicales anciennes, ainsi qu’une interprétation par un groupe de musique spécialisé dans le répertoire du Moyen Âge.
Tout cela étant posé, voici quelques éléments pour vous aider à tirer le meilleur parti de cette archive. Nous ne notons ici que quelques aspects généraux. Pour le reste, vous pourrez toujours explorer les catégories de la navigation de gauche ou vous servir du champ de recherche. Plus de 4000 mots-clés sont aussi référencés sur le site.
Une pléthore d’auteurs médiévaux
Un total de 65 auteurs médiévaux est déjà recensé sur moyenagepassion auquel il faut ajouter une large quantité d’anonymes. Tous ces auteurs peuvent être seigneurs ou princes, simples clercs ou jongleurs, troubadours, trouvères, chroniqueurs, écrivains, philosophes, savants, poètes de cour officiels ou plus marginaux et occasionnels, …
Quant aux thèmes couverts, ils reflètent cette diversité et se concentrent principalement sur la littérature du Moyen Âge central à celle du Moyen Âge tardif, avec quelques incursions sur le haut Moyen Âge et la Renaissance : lyrique courtoise, poésies satiriques, contes moraux, poésies politiques, légendes arthuriennes, humour médiéval, fabliaux, fables mais aussi médecine, histoire ou philosophie, sciences et techniques,… En matière de provenance, tous ces textes proviennent, en grande partie, de la France médiévale (langue d’oïl, vieux français, moyen-français, occitan médiéval) mais ils ne s’y limitent pas. Nous explorons également l’Europe médiévale : Espagne, Portugal (espagnol ancien, galaïco-portugais), Italie, Angleterre jusqu’à même des destinations méditerranéennes plus lointaines.
En plus de ces auteurs d’époque, vous trouverez, sur le site, un grand nombre de personnages du Moyen Âge qui ne sont pas nécessairement des écrivains mais que les textes proposés nous conduisent à croiser et à présenter. Enfin, pour avoir une vision complète du tableau, de nombreux historiens et médiévistes des XIXe, XXe et XXIe siècles sont cités ou invités dans nos colonnes (conférences, ouvrages, publications…) et nous comptons encore quelques auteurs contemporains venus publier leurs propres articles sur le site.
i vous aimez la musique ancienne, vous trouverez aussi, sur moyenagepassion, quantité de formations à découvrir et écouter (72 à date). Ces ensembles de musique médiévale, férus d’ethnomusicologie, sont présentés, dans le détail, avec leur fondateur, leur répertoire, ainsi que certaines de leurs œuvres et albums. Dans une catégorie à part, nous avons également répertorié des artistes que le Moyen Âge a plus librement inspirés (variations libres, emprunts textuels, folk,…).
Comme nous l’avons indiqué, les catégories et le moteur de recherche sont là pour vous aider à explorer le site au gré de vos inspirations et de vos intérêts. Mais mentionnons tout de même des thèmes comme le culte marial et l’étude que nous avons entreprise des Cantigas de Santa Maria du roi Alphonse X de Castille : 25 de ces chants sont déjà commentés, traduits en français et disponibles à l’écoute. Dans un tout autre registre et si vous aviez envie de vous rafraîchir les idées, vous pouvez également consulter nos articles contre les préjugés à l’encontre du Moyen Âge ou même encore jeter un œil sur notre rubrique citations médiévales.
Pour conclure, disons un mot de notre chaîne youtube. Si elle est un peu demeurée à la traîne du site, elle s’approche désormais des 400 000 vues. Nous y passerions volontiers plus de temps mais, pour cela, il nous faudrait franchir la barre des 1000 abonnés. Ce n’est pas quelque chose sur lequel nous avons particulièrement insisté jusque là, mais sachez que vous nous aideriez grandement en vous abonnant. C’est totalement gratuit et ne requiert qu’un simple clic. Visiter la chaîne youtube de moyenagepassion.
Merci encore de votre présence et de votre lecture.
Frédéric Effe. Pour moyenagepassion.com. À la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
NB : l’enluminure, en-tête d’article, est tiré du manuscrit MS 9278 conservé au KBR Museum de Bruxelles (Débat de vraie noblesse, Buonaccorso de Pistoie – collection des ducs de Bourgogne). Elle représente l’écrivain, traducteur, prêtre et enlumineur Jehan Miélot (1420-1472) à son ouvrage.
Sujet : chanson médiévale, musique médiévale, roi troubadour, roi poète, trouvère, vieux-français, langue d’oïl, jeu-parti, amour courtois. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle. Auteur : Thibaut IV de Champagne (1201-1253), Titre : « Dame, merci ! Une rien vos demant« Interprète : Ensemble Venance Fortunat Album : Trouvères à la cour de Champagne (1996)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous entraînons au cœur du XIIIe siècle, à la cour de Champagne, cour médiévale très animée et célèbre pour la promotion qu’on y faisait des arts et notamment de la poésie et de la musique des trouvères.
Thibaut Ier, roi de Navarre et comte de Champagne est le digne héritier des premières générations de ces compositeurs poètes du nord de France qui s’étaient inspirés très directement des troubadours d’oc, à la cour de Champagne et ce, dès le milieu du XIIe siècle. Ce seigneur, roi et comte allait même se distinguer dans cet art, au point qu’on le nommera Thibaut le Chansonnier. Doté d’un grand talent de plume, il excellera dans tout ce répertoire poétique et musical médiéval et, notamment, dans le maniement des codes de la courtoisie.
Un jeu courtois pour deux voix amusées mais un brin désaccordées
La pièce du jour est de cette veine. On y questionnera, avec un brin de distance et d’humour, la jolie idée que l’Amour puisse ne pas survivre à des amants qui se seraient trop aimer. Elle est assez célèbre pour qui s’intéresse à cette période et de nombreux ensemble médiévaux l’ont déjà reprise (Alla Francesca, Ensemble Perceval, …). Plus légère que plaintive, il s’agit d’un jeu-parti entre le roi trouvère et une dame. Le poète y tiendra le rôle de l’amant dans un jeu amoureux et une relation qui, cette fois, semble un peu plus établie, quoique. Sur un ton plutôt badin, cette joute oratoire fournira l’occasion d’un jeu entre complicité et taquinerie entre les deux protagonistes. Cette histoire d’embonpoint ajoute encore un brin d’auto-dérision à ce jeu-parti, qui achève de lui donner une joli note d’humour.
Ecriture à deux mains et hypothèse de la reine Blanche
Dans ce jeu poétique à deux voix, certains auteurs ont voulu voir la reine Blanche de Castille comme interlocutrice de Thibaut de Champagne. C’est notamment le cas du copiste du manuscrit médiéval Vatican Reg lat 1522 (daté des débuts du XIVe siècle). Dans la partie de cet ouvrage intitulée « Chansons et dialogues de jeu parti d’amour » (connue aussi sous le nom de chansonnier français b), ce scribe a, en effet, donné comme titre à ce jeu- parti : « le roi de navarre et la roine blanche« . C’est, on suppose, une fantaisie de sa part. Peut-être le fit-il pour faire écho à une tradition orale ou pour pouvoir mettre un titre à toutes les poésies et jeu-partis qu’il reportait ici ? Quoi qu’il en soit, en dehors de cet ouvrage (largement postérieur à la rédaction de ce jeu-parti) aucun des copistes des autres manuscrits dans laquelle on trouve cette pièce n’ont repris ce titre, ni ne le mentionnent (y compris dans des manuscrits antérieurs au lat 1522).
Ajoutons que, de même que les médiévistes sont, en général, assez dubitatifs sur la réalité d’une aventure amoureuse entre le comte de Champagne et la reine de France, ils le sont autant sur l’hypothèse qui voudrait faire de cette dernière la co-auteure de cette pièce. On préfère donc y voir plutôt une autre complice, demeurée anonyme, ou d’autres fois encore, une dame imaginaire. À la lecture de cet échange, sa répartie toute en subtilité, nous semblerait plutôt plaider en faveur de l’existence d’une dame réelle et d’une écriture à deux mains.
Autres sources manuscrites médiévales
On peut également trouver cette chanson médiévale en forme de joute annotée musicalement dans le célèbre Ms Français 844, plus connu encore comme le chansonnier du roy ou manuscrit du roi. Nous vous avons déjà présenté, ici, de nombreuses pièces de ce précieux manuscrit médiéval conservé au Département des manuscrits de la BnF.
Pour la version en graphie moderne de ce jeu-parti, nous nous sommes appuyé sur l’ouvrage Chansons de Thibault IV, comte de Champagne et de Brie, Roi de Navarre, Prosper Tarbé, (1851, Imp P. Regnier, Reims). Vous pourrez aussi la retrouver dans « Thibaut de Champagne, textes et mélodies » , Honoré Champion (avril 2018), ouvrage très complet sur l’œuvre du seigneur et trouvère médiéval. Aujourd’hui, pour découvrir ce jeu-parti en musique, nous vous proposons son interprétation par l’ensemble Venance Fortunat.
L’ensemble Venance Fortunat sur les pas des trouvères à la cour de champagne
Nous avons déjà eu l’occasion de vous présenter l’ensemble Venance Fortunat (voir article précédent). Formée en 1975, à l’initiative de sa directrice Anne-Marie Deschamps, cette formation musicale a eu l’occasion de rendre de nombreux hommages au répertoire médiéval, au long d’une carrière de plus de vingt ans.
C’est en 1996 qu’est sorti l’album dont est extrait la chanson du jour. Avec pour titre Trouvères à la cour de Champagne, il proposait pas moins de 19 titres sur ce thème pour une durée d’un peu plus de 60 minutes. On y retrouve de nombreux auteurs tels que Chrétien de Troyes, Gace Brûlé, Conon de Béthune, Raoul de Soissons ou Gautier de Coinci. Thibaut de Champagne y est également à l’honneur avec trois titres. D’autres pièces anonymes viennent compléter ce tour d’horizon des trouvères des XIIe et XIIIe siècles, dont quelques jolis motets du chansonnier de Montpellier (manuscrit H 196).
Musiciens & chanteurs présents sur cet album : Catherine Ravenne (alto), Dominique Thibaudat (soprano), Gabriel Lacascade (bariton), Bruno Renhold (tenor), Philippe Desandré (basse), Guylaine Petit (harpe)
« Dame, merci! Une rien vos demant« Jeu parti de Thibaut de Champagne
NB : à l’habitude, cette traduction maison n’a pas la prétention de la perfection. Elle est le fruit de recherches personnelles croisées entre traductions comparées et études de vocabulaire. Nous ne prétendons pas faire toute la lumière sur ce texte. Mieux même, nous espérons qu’après sa transcription de la langue d’oïl de Thibaut vers le français moderne, il conserve, tout de même, une certaine part de mystère.
Dame, merci! Une rien vos demant, Dites m’en voir, sé Dieu vous beneïe: Quant vous morrez et je – mès c’iert avant, Car après vous ne vivroie je mie -, Que devenra Amors, cele esbahie ? Que tant avés sens, valour, et j’aim tant Que je croi bien qu’après nous iert faillie.
Dame, de grâce ! Je ne vous demande qu’une chose, Dites-moi la vérité, Dieu vous bénisse : Quand vous mourrez et moi aussi – mais je partirai avant, Car après vous je ne pourrai plus vivre – Que deviendra Amour, alors tout éperdu ? Car vous avez tant de raison et de vertu, et je vous aime tant Que je crois bien qu’après nous, l’amour disparaîtra.
Par Dieu ! Thiebaut, selon mon escïent Amors n’iert ja pour nule mort perie, Ne je ne sai sé vous m’alez gabant, Que trop maigres n’estes vos encor mie. Quant nos mourons, Diex nous dont bone vie !, Bien sai qu’Amors damage i aura grant, Mais tos jors iert valors d’Amor joïe.
Par Dieu, Thibaut, selon moi, Amour n’a jamais péri pour quelque mort qui soit, Je ne sais pas, non plus, si vous êtes en train de vous moquer de moi. Car je ne vous vois pas encore si maigre que cela (syn : malportant). Quand nous mourrons – que Dieu nous donne longue vie ! – Je suis sûre qu’Amour en aura grand peine, Mais sa valeur restera toujours aussi entière et parfaite.
Dame, certes ne devés pas cuidier, Mais bien savoir que trop vous ai amée. De la joie m’en aim g’ plus et tieng chier : Et por ce ai ma graisse recovree ; Qu’ainz Deus ne fist se tres bele riens née Com vous. Mais ce me fait trop esmaier, Quant nous morrons, qu’Amors sera finée.
Dame, certes, vous ne devez pas croire, Mais bien être certaine que je vous aime trop. Et cette joie (amour) même, fait que je m’aime et m’estime davantage, Et voilà pourquoi je me suis engraissé à nouveau ; Car Dieu ne fit jamais naître chose si belle Que vous ; mais cela me donne trop d’émoi à l’idée Que quand nous mourrons, l’Amour viendra aussi à sa fin.
Taisiés Thiebaut ! Nus ne doit conmencier Raison qui soit de tous droits desevrée, Vous le dites pour moi amoloier Encontre vous, que tant avez guillée. Je ne di pas, certes que je vous hée, Mais, sé d’Amors me convenoit jugier, Ele en seroit servie et honourée.
Taisez-vous Thibaut ! Nul ne doit se lancer Dans un propos qui soit dénué de toute légitimité, Vous dites tout cela pour m’attendrir À votre endroit, après m’avoir tant trompée (raillée). Je ne dis pas, certes, que je vous hais, Mais si je devais prononcer un jugement par Amour, Je ferais en sorte que ce dernier en soit servi et honoré.
Dame, Diex doint que vos jugiez a droit Et conoissiés les maus, qui me font plaindre ! Que je sai bien, quels que li jugement soit, Sé je en muir, Amors convendra faindre, Sé vous, dame, ne la faites remaindre Dedans son leus arrière où ele estoit ; Q’à vostre sens ne porroit nus ataindre.
Dame, Dieu fasse que votre jugement soit juste et que vous connaissiez les maux dont je me plains. Puisque je sais bien que quel que soit le jugement, Si j’en meurs, l’Amour en sera affecté, Àmoins que vous, dame, ne le fassiez revenir Dans le lieu où il se tenait auparavant, Car nul autre ne pourra, en cela, atteindre votre sagesse (habilité).
Thiebaut, s’Amors vous fet pour moi destraindre, Ne vous grief pas, que s’amer m’estouvoit, J’ai bien un cuer qui ne se savroit faindre.
Thibaut, si Amour vous fait tourmenter pour moi, N’en éprouvez pas trop de peine, car s’il me fallait aimer, J’ai bien un cœur qui ne saurait le dissimuler (mon cœur ne reculerait pas).
En vous souhaitant une fort belle journée. Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
NB : sur l’image d’en-tête, l’enluminure d’arrière-plan provient du Manuscrit médiéval Français 12625 dit Chansonnier dit de Noailles de la BnF (à consulter ici) . À droite, le portrait recolorisé de Thibaut de Champagne provient d’une peinture sur toile de Francisco Mendoza (XIXe siècle). Elle est exposée dans le salon du trône du Palacio de la Diputación Foral de Navarra, à Pamplone (Espagne).
Sujet : chanson, poésie d’inspiration médiévale, musique, folk, poésie, médiévalisme. Période : XXe siècle Auteur : Luisa Zappa, Angelo Branduardi, Etienne Roda-Gil VF (1941-2004) Titre : A la foire de l’est Interprète : Angelo Branduardi Album : À la foire de l’est (1978)
Bonjour à tous,
our les nombreux passionnés de Moyen Âge, l’intérêt pour cette période peut avoir eu les déclencheurs les plus variés. Cela a pu être la vue d’un vieux château, d’une cathédrale, un jouet qu’on vous aura offert, enfant, une forteresse de carton, un chevalier de plastique ou de plomb, peut-être encore la lecture d’un conte, d’un livre, la découverte d’un film… Quelquefois, il peut même s’agir d’une simple évocation, d’une référence lointaine.
Un parfum de Moyen Âge
Aujourd’hui, au vu du peu de place réservée à ces 1000 ans d’Histoire dans les programmes scolaires, il semble que ce soit tout de même plus par le cinéma, la littérature, ou encore le ludique, que s’immisce le monde médiéval dans nos vies. Georges Duby n’est plus à la télévision pour nous conter le temps des cathédrales et l’on y parle de toute façon, de moins en moins, de culture, de livres et si peu d’histoire. Quand il ne s’agit pas d’un déclic dû au patrimoine, c’est alors, bien souvent, d’un Moyen Âge totalement reconstruit ou idéologisé que peut naître notre intérêt. Pourtant, il ne faut pas désespérer. Nombre d’entre nous sont partis de ces mondes médiévaux fantaisistes pour aller, ensuite, à la rencontre de réalités plus historiques. Il faut, quelquefois, un départ émotionnel ou imaginaire pour susciter la curiosité et l’envie de voir plus loin.
On le constate aussi, quels que soient les canaux qu’il emprunte, le Moyen Âge ne cesse de fasciner. On peut donc supposer qu’il continuera de trouver son chemin, d’une manière ou d’une autre. Qui sait ? Les générations les plus récentes auront peut-être plus de chances de le découvrir au cœur d’une BD fantasy, d’un jeu vidéo, dans un festival ou une foire médiévale ? Quelquefois, du reste, ce n’est pas une seule chose qui leur feront aimer mais un faisceau d’éléments épars qui ont fini par former un tout, une suite de circonstances ou même une sorte « d’effet papillon » que même une mélodie aux accents anciens a pu alimenter.
Un détour inhabituel
Je dois le dire, je n’affectionne pas particulièrement l’exercice de l’autobiographie. Par principe, je ne m’y plie pas et je m’en défie, restant de l’avis (classique) qu’il ne présente guère d’intérêt, à défaut d’avoir un destin très spécial et de s’entendre vraiment sur cette définition.
À partir du dernier tiers du XXe siècle, avec l’avènement de la société du tout médiatique, le genre a aussi été largement dévoyé par certaines maisons d’éditions. On a vu alors des quantités d’autobiographies inondées les présentoirs des librairies à intervalles réguliers : anecdotes, témoignages, grands étalages dérivés de vies de people, politiques, animateurs, « fils de », « conjoint de », « ami de », sans autre intérêt qu’un sticker « vu à la télé » ou l’argument de la « célébrité » (1).
Amateur de contrepieds, au sein d’un monde qui encourage, de plus en plus, le rêgne ostentatoire du « moi je », voir du « moi tout » dans l’impudeur débridée des réseaux, je suis doublement plus partisan d’éviter les pièges du genre et d’y surseoir. Pour aborder le sujet du jour, je ferai toutefois, une exception : la seule, en 1400 articles, j’espère que vous me la passerez (sans quoi vous avez toujours l’option d’aller directement à la section : « Angelo, entre médiévalisme et médiéval »). De mon côté, cet exercice m’a semblé alimenter la réflexion sur les méandres complexes par lesquelles certaines choses viennent quelquefois se cristalliser en nous. Ainsi, ce détour me permettra de mieux parler d’Angelo Branduardi, grand troubadour italien contemporain, mais encore d’amour des langues, de racines et de billard à bandes, des mystères de l’identité et de certaines convergences. J’y ferai aussi un court tribut à certains anonymes que l’histoire n’a pas retenus mais qui continuent d’exister dans les replis de l’âme et le cœur de ceux qui les ont connus. Puissent mes mots et mon verbe ne pas troubler leur repos éternel dans leur beau lit de fleurs, aux côtés du Seigneur et de la madone en lesquels ils ont cru.
Branduardi, grand « trovatore italiano »
J’ai découvert Angelo Branduardi, au début des années 80 et à l’adolescence. Je crois me souvenir que j’étais tombé par hasard, sur un de ses titres en italien chez un disquaire : la Demoiselle ou plutôt la pulce d’Acqua (la puce d’eau), mais, à la réflexion, peut-être est-ce plutôt mon père qui me l’avait fait découvrir ? Dans ses voitures rutilantes et toujours impeccablement tenues, il écoutait alors beaucoup de musique. Suite à cela, j’avais, en tout cas, acheté l’album complet de Branduardi. J’ai toujours préféré les albums aux singles.
Dans la nuée des 33 tours vinyles et plus encore des 45 tours qui faisaient la joie des consommateurs d’alors, ce troubadour unique en son genre faisait un peu figure d’OVNI. Look improbable, coupe de cheveux plus proche des égéries de la pop noire américaine du milieu des 70’s que de la mode des 80’s, auxquels il ajoutait encore, violon, instruments anciens et mélodies surgies tout droit d’un lointain passé : ni rock yéyé, ni disco, ni funk, ni reggae, ni pop. Je n’avais alors absolument aucune culture en matière de musique classique ou baroque. Ce n’était simplement pas de mon milieu et pour moi, le folk branduardien évoluait dans une période de référence que mon imaginaire rattachait, confusément, au Moyen Âge, sans chercher bien plus loin. Une chose était certaine : chez lui, tout était différent et il n’était pas de ce temps.
Un peu de racines et de terre de Saint-Marin
Si Branduardi chantait déjà en français, c’est à sa langue d’origine, l’italien, que ma préférence allait. C’était la langue maternelle de mon père et de ses frères et sœurs, ces ritals venus tenter leur chance en France après guerre et à l’aube des années 50. À 30 ans de là, ils ne la parlaient pratiquement plus au quotidien sauf à l’occasion des grandes fêtes de famille, quand ils la chantaient ou qu’ils se racontaient entre eux de vieilles anecdotes passées. Originaires de la république de Saint-Marin, fraîchement débarqués en France entre l’enfance et l’adolescence, tous ceux qui étaient restés depuis, sur le territoire (la plupart), sœurs comme frères, s’étaient mariés à des français ou des françaises. Ils en avaient donc adopté la langue de longue date, et même le principal de la culture, pour ne pas dire l’ensemble. Comme tous mes cousins du côté paternel, j’étais, moi aussi, né d’une de ces unions franco-italiennes, Saint-Marinais par mon père, dauphinois par ma mère.
À celui qui ne roulait pas les R et à ses frères
D’entre tous ses frères et sœurs, mon père était le seul qui ne roulait pas les R en parlant le français. Il était le plus jeune de la fratrie. Débarqué à l’âge de 9 ans sur le sol de l’hexagone, il avait eu le temps d’en embrasser totalement la langue, sans conserver même un soupçon d’accent. Il n’avait pas fait que l’adopter, il aimait sa musique, sa profondeur. Il la parlait même avec humour et esprit et un riche vocabulaire que seule une passion pour le français, associée au goût de la lecture, avaient pu lui permettre d’entretenir. Quelques années après l’arrivée de la famille en France, il avait décroché, « haut la main », son Certificat d’études, faisant l’admiration de sa mère et de ses frères et sœurs. On était au début des années 50. Ces derniers avaient même insisté pour qu’il poursuive ses études, en se proposant de l’y aider, mais il avait refusé. A l’âge de 14 ans, il voulait se mettre, comme eux, au travail pour alléger le fardeau de cette grande famille. Ils étaient 8 enfants élevés par une mère seule. Le père était resté en Italie pour travailler la terre. En France, à cette époque, Sante, rebaptisé Pierre sur l’état civil, l’ainé d’entre eux, âgé d’à peine 20 ans, faisait de son mieux pour les faire vivre, aidé par Romeo, Raymond, qui, du haut de ses seize ans, s’était déjà mis au travail depuis deux ans déjà. Entrées précoces dans la vie active et sur le marché du travail, dans ses années 50, le lot était le même pour bien des ouvriers et des enfants français.
Un amour inconditionnel de la langue française
Rossano, mon père, devenu Rossino par une faute de frappe de l’officier d’état civil, puis Roland, après sa nationalisation, s’était donc mis au travail. Plus tard, il avait fait son service militaire, s’était marié, et le temps passant, il avait continué d’entretenir cet amour de la langue. Les générations d’alors s’astreignaient presque toutes à la lecture de la fameuse PQR (presse quotidienne régionale) et de ses nouvelles mais il l’avait aussi prolongé par une oreille attentive, le goût des textes, des chansons et, surtout, des lectures : pas de philosophie, ni de choses trop absconses, plutôt des poésies, des fictions, des romans chinés chez les bouquinistes dont une bonne dose de Fleuve noir et de polars : Charles Exbrayat, Frédéric Dard, plus tard, quelques incontournables comme Les Ritals ou Les Russkoffs de Cavanna,…
Littérature de gare ? On l’appelait quelquefois ainsi d’un air dédaigneux dans les couloirs de la grande littérature. On en est revenu. C’était souvent des pépites langagières, des petits trésors d’humour des années 70-80, du temps où Audiard était dialoguiste et Brassens, chansonnier. Ils finiraient tous deux au panthéon du Français de ces années là. Autre époque, autre niveau d’éducation, mais que d’exigence et de style et que d’amour de la langue sous ces plumes ciselées !
À l’image de Frédéric Dard, avec ses 300 romans pour 220 millions d’exemplaires, plus d’un auteur de ces années là aurait sans doute mérité sa place dans les académies ou les Lagarde et Michard, à défaut de la revendiquer. Quant à la grande littérature, au delà d’un certain mépris de classe, pas question, ici, de lui tourner le dos. Nombreux sont ceux qui pourraient s’accorder sur la grandeur de Balzac ou Hugo. Mais en matière d’amour de la langue, la seule vérité qui compte est que chacun puisse trouver un porte ouverte pour entrer. Et si quand la culture ouvrière s’entiche du goût des mots, ses nourritures spirituelles peuvent avoir quelquefois la modestie et la beauté simple des fleurs des champs, son amour du verbe reste toujours sincère. Sur l’échelle de l’attachement il ne démérite pas et se fout de l’échelle sociale ou de l’étiquette « populaire ». Il aime la phrase comme un étranger, un poète ou un Lucchini, apprenti coiffeur, pourrait l’aimer, avec la même fraîcheur et le même enthousiasme.
De mon côté, j’héritais de tous ses bouquins, de la main à la main. Je lui dois ainsi un certain nombre de mes premières lectures hors cadre, le goût des histoires et de la fiction et, plus important encore, la découverte que lire un roman pouvait être autre chose qu’un « devoir » scolaire : un plaisir indicible, une porte ouverte sur le monde, une liberté dont il ne faudrait jamais laisser quiconque vous priver. J’avais déjà, de mon côté, cultivé ce jardin secret.
Le chemin à l’envers
Pour revenir à notre troubadour du jour, mes doubles origines me portaient alors vers l’exotisme de cette partie de mes racines et je tendais l’oreille à tout ce qui sonnait italien. Comme mon père avait fait le chemin de sa langue maternelle au français, après avoir emprunté les routes de l’exil, peut-être fallait-il, pour une raison étrange, que je le parcoure à mon tour en sens inverse ? C’était sans doute un peu injuste pour mes origines maternelles, elles aussi modestes, même si je ne reniais rien de ma langue de chair.
Avec mes premières lectures, j’apprenais à peu à peu à l’apprivoiser mais je grandissais aussi dans un quartier ouvrier pluriethnique. Des mondes cloisonnés s’y côtoyaient et s’y entrechoquaient même parfois, et si les choses se passaient dans l’ensemble, la définition à mettre sur « être français » n’allait pas toujours de soi. Dans ce contexte, difficile quelquefois de se situer mais ces doubles racines culturelles jouait, finalement, plutôt en ma faveur. Si j’étais fils de l’hexagone par ma naissance et la moitié de mon sang, on se plaisait souvent à me dire italien pour mieux m’accepter. Déjà caméléon, je m’y pliais volontiers, en en jouant même. Il me faudrait du temps et même vivre, à mon tour, plus tard, l’expatriation, pour comprendre mes vraies racines. Loin de cette grisaille à loyers modérés, je dois aussi avouer que la bienveillance et la bonne humeur de ces oncles et tantes latins, autant que leur nature festive et leurs accents chantants résonnaient au plus profond de moi : leur bonne humeur, leurs chants, leurs rires, leurs histoires, leurs leçons de vie, leur vrai sens de la famille et de la fête, et, de l’ouvrier à l’artisan, je les aimais tous, sans réserve, dans leur joie et leur simplicité.
Comment n’aurais-je pas pu, alors, me réclamer au moins un peu de cet héritage, ni même m’y sentir légitime ? En vérité, je m’y identifiais presque totalement. Si les radios populaires de ces jeunes années 80 diffusaient déjà les Toto Cotugno ou les Richard Cocciante et si le « Svalutation » de 76 d’Adriano Celentano n’était pas encore trop loin, Branduardi su toucher, en moi, des cordes différentes. Au collège, contre l’allemand qu’on recommandait alors avec autorité (le plus grand marché d’Europe), j’avais pris l’italien en deuxième langue. Rien n’aurait pu m’en dissuader ; question d’absolue nécessité. J’y montrai rapidement des aptitudes que je voulais innées et, au cœur de cet entre-deux culturel dans lequel j’oscillais, les mélodies du trovatore italien et sa poésie allaient tombées à point nommé.
Était-ce l’origine de son art que je percevais simplement comme très ancien, dans mon inculture musicale ? Pas seulement. Tout l’ensemble était comme une réconciliation : un voyage temporel, culturel et littéraire dans lequel je retrouvais comme une lointaine réminiscence de ce qu’une partie de moi aurait pu être, sans le hasard des exodes, des destins et des unions ; et c’était un peu comme se regarder dans un miroir à facettes où se reflétait à la fois ce que j’étais et ce que j’aurais pu être, tout en ne l’étant déjà plus. Et puis bien sûr, il y avait aussi cette poésie de Branduardi, ces références « médiévales » à l’art des troubadours, et la musicalité de cette langue qui, autant que le français, s’était mis à me parler comme si je l’avais toujours eu en moi, cachée quelque part et n’attendant que d’être révélée.
Angelo, entre médiévalisme et médiéval, des trésors de références
Qu’est-ce qui fait qu’une poésie vous touche ? Le pincement d’une corde secrète de l’âme ? Son entrée en résonnance avec un terrain profondément émotionnel, connu ou même en friche et que son verbe éveille ? Comme dans tous les arts, la magie peut opérer sans avoir toutes les clefs du texte, de sa profondeur ou de ses références. Avec Branduardi, c’était cela même qui s’accomplissait. S’il avait fini par incarner, pour moi, l’idée du monde médiéval, sa poésie portait en elle et lui insufflait un incomparable supplément d’âme : « Lapulce d’acquache l’ombra ti rubò e tu ora sei malato » : cette « demoiselle qui a volé ton ombreet maintenant, te voilà malade « . Ou encore « Il cilegio », cette merveilleuse chanson du cerisier dont voici un extrait :
Già ero vecchio e stanco Per prenderla con me Ma il vecchio giardiniere Rinunciare come può All’ultimo suo fiore Se l’inverno viene già
J’étais déjà vieux et malade Pour la prendre avec moi Mais le vieux jardinier Renonce comme il le peut À sa dernière fleur Si l’hiver arrive déjà.
Contre la première lecture, cette superbe chanson n’était pas qu’un chant mélancolique et superbe sur l’hiver de la vie ou de la séduction. Je découvrirai plus tard son origine dans un vieux chant religieux anglais du XVe siècle : le Cherry Tree Carol. D’inspiration biblique, il mettait en scène le vieux Joseph et parlait de son amour pour Marie, dans les évangiles apocryphes du pseudo-Matthieu (autour de 650). Dans la version anglaise du Moyen Âge tardif, le palmier dattier avait déjà été changé contre un cerisier.
Tant d’autres chansons d’Angelo Branduardi m’ont touché que je ne me hasarderai pas à en faire la liste complète, au risque d’en oublier. La lepre nella luna, conte superbe et fataliste du lièvre naïf et joueur, trahi par ses amis, le singe et le renard. « Cogli la prima mela« , chanson de liberté devenue « Va où le vent te mène » en français. Et puis encore ces magnifiques Confessioni di un malandrino ,Confessions d’un malandrin inspirées du poète russe Sergueï Essenine et qu’Etienne Roda-Gil allait réussir à rendre vibrantes et sublimes dans la langue de Molière. Je dois dire ici que, pour m’être senti alors jalousement privilégié (comme seul un adolescent peut l’être) de comprendre Branduardi dans le texte, cet auteur si particulier que fut Roda-Gil, anarchiste libertaire, né de républicains espagnols exilés, parolier fidèle aussi de Julien Clerc, eu sans aucun doute une grande importance pour le troubadour milanais, en lui permettant de traverser brillamment la frontière franco-italienne. Il lui a, en effet, servi, bien plus que de simples traductions, de véritables poésies et il fut d’ailleurs le complice de Branduardi sur la grande majorité de ses albums français. Ajoutons que cette frontière n’a été qu’une parmi d’autres franchie par Angelo, artiste de dimension internationale qui a notamment chanté en italien, français, anglais, espagnol et même allemand.
La foire de l’est et tutti quanti
Dans un autre album daté de 1976, viendrait cette Fiera delle Este, une Foire de l’est plus légère, un peu enfantine qui nous occupe aujourd’hui. Bien des années plus tard, en avançant sur ce chansonnier médiéval qu’est aussi Moyenagepassion, j’en découvrirai l’origine juive et ancienne. Comme les inspirations musicales d’Angelo Branduardi sont souvent plus baroques et folk que médiévales, son œuvre est aussi pavée de nombreuses références non nécessairement liées au Moyen Âge, mais qui valent d’être débusquées.
À heures perdues, je cherche, quelquefois, encore le sens de certaines d’entre elles et qu’importe que son œuvre prenne ses sources dans un champ bien plus large que le monde médiéval ; l’alchimie et la magie du « trovatore » italien a opéré profondément en moi depuis longtemps déjà. Par le hasard de la vie et de ses trajectoires, elles s’y sont à jamais cristallisées, aux côtés de la quête de sens et d’identité d’un gamin de 15 ans et ses rêves d’Italie autant que de troubadours et de châteaux forts. Bientôt, d’autres références littéraires, cinématographiques, musicales viendraient s’y ajouter mais le grand Angelo Branduardi conserverait toujours une digne place, dans cette formation première et un peu imprécise d’un Moyen Âge imaginaire. Alors Auguri Maestro et longue vie !
De Chad Gadya à la foire de l’est, les pâques juives au violon de Branduardi
L’origine de cette chanson d’Angelo Branduardi prend racine dans la tradition hébraïque. Son titre original est Chad Gadya ou Had Gadia. Du point de vue de ses traces écrites formelles, elle apparaît, pour la première fois, dans une Haggadah imprimée à Prague et datée du XVIe siècle.
La Haggadah, texte ancien hébreu réglant le rituel du Séder durant la pâque juive est, quant à lui, fort ancien. Bien antérieure au XVIe siècle, elle daterait de plus de deux millénaires. Même si l’on sait que l’ensemble de ce rituel a pu s’enrichir au cours du Moyen Âge, la langue originelle de cette Chad Gadya trouvée dans ce manuscrit de Prague — un mélange d’araméen et d’hébreu — continue de poser question à de nombreux érudits quant à sa datation possible. Est-elle bien plus ancienne qu’il n’y parait ou a-t-elle été inspirée de chansons à récapitulation européennes médiévales ? En dehors de cette version imprimée à la Renaissance, on en daterait une première mention autour des XIIe, XIIIe siècles par le rabbin Elazar ben Yehuda of Worms (1160-1238). En dehors de la question des ses origines, la dimension symbolique de Chad Gadya a également fait couler beaucoup d’encre.
Les mystères de de Chad Gadya
Chad Gadya conte, à première vue, l’histoire d’un agneau « acheté pour deux sous sur le marché » et qui entraînera, malgré lui, des événements en cascade. Pourtant, plus qu’une comptine enfantine au premier degré, son sens demeure bien plus profond et symbolique. Elle est même considérée comme ayant une grande valeur en matière de transmission de l’histoire juive, des parents vers les enfants. Ainsi, au delà de sa simple apparence, ce chant se présente plutôt comme un enseignement sacré, une parabole sur l’exode du peuple juif qui se termine par le retour en Israël.
D’un point de vue traditionnel, Chad Gadya est d’ailleurs, chanté à la fin du « séder« , moment de la pâque juive (Pessa’h) qui commémore, notamment à destination des plus jeunes, l’accession du peuple juif à la liberté, au départ de l’Egypte. Durant ce rituel, on sert un plateau initiatique fait d’aliments très particuliers, ainsi qu’un dîner fait de viande d’Agneau.
Alla fiera dell’est, l’album
C’est Luisa Zappa, l’épouse d’Angelo Branduardi, qui adapta la chanson Had Gadia en italien en changeant l’agneau en souriceau (topolino). La version française serait, quant à elle, signée d’Etienne Roda-Gil comme les huit autres morceaux composant cet album. L’opus italien sortit en 1976, le français deux ans plus tard.
En ligne, on trouve encore quelques vinyles d’occasion de la version française ou même la version italienne en version MP3 ou CD. En dehors de cela, le violoniste, chanteur et compositeur italien n’est pas avare de partage sur sa chaîne youtube et on y trouve de nombreux extraits de concerts. À l’âge de 71 ans, il est encore très actif sur la scène musicale et nous saluons ici, à nouveau, sa belle carrière et sa longue vie de musique et de poésie. Pour suivre son actualité vous pouvez aussi vous reporter à son site web officiel.
« Alla fiera dell’est » d’Angelo Branduardi
Alla fiera dell’est, per due soldi Un topolino mio padre comprò. Alla fiera dell’est, per due soldi Un topolino mio padre comprò. E venne il gatto che si mangiò il topo Che al mercato mio padre comprò. E venne il gatto che si mangiò il topo Che al mercato mio padre comprò.
Alla fiera dell’est, per due soldi Un topolino mio padre comprò. E venne il cane che morse il gatto Che si mangiò il topo Che al mercato mio padre comprò.
Alla fiera dell’est, per due soldi, Un topolino mio padre comprò. E venne il bastone che picchiò il cane, Che morse il gatto che si mangiò il topo Che al mercato mio padre comprò.
Alla fiera dell’est, per due soldi, Un topolino mio padre comprò. E venne il fuoco che bruciò il bastone Che picchiò il cane che morse il gatto Che si mangiò il topo Che al mercato mio padre comprò.
Alla fiera dell’est, per due soldi Un topolino mio padre comprò, E venne l’acqua che spense il fuoco Che bruciò il bastone che picchiò il cane Che morse il gatto che si mangiò il topo Che al mercato mio padre comprò.
Alla fiera dell’est, per due soldi Un topolino mio padre comprò. E venne il toro che bevve l’acqua Che spense il fuoco che bruciò il bastone Che picchiò il cane che morse il gatto Che si mangiò il topo Che al mercato mio padre comprò.
Alla fiera dell’est, per due soldi Un topolino mio padre comprò. E venne il macellaio che uccise il toro Che bevve l’acqua che spense il fuoco Che bruciò il bastone che picchiò il cane Che morse il gatto che si mangiò il topo Che al mercato mio padre comprò.
E l’angelo della morte sul macellaio Che uccise il toro che bevve l’acqua Che spense il fuoco che bruciò il bastone Che picchiò il cane che morse il gatto Che si mangiò il topo Che al mercato mio padre comprò.
Alla fiera dell’est, per due soldi Un topolino mio padre comprò. E infine il Signore sull’angelo della morte Sul macellaio che uccise il toro Che bevve l’acqua che spense il fuoco Che bruciò il bastone che picchiò il cane Che morse il gatto che si mangiò il topo Che al mercato mio padre comprò.
E infine il Signore sull’angelo della morte Sul macellaio che uccise il toro Che bevve l’acqua che spense il fuoco Che bruciò il bastone che picchiò il cane Che morse il gatto che si mangiò il topo Che al mercato mio padre comprò.
Alla fiera dell’est, per due soldi Un topolino mio padre comprò.
« A la Foire de l’est » en français
À la foire de l’est, pour deux pommes Une petite taupe mon père m’avait achetée. À la foire de l’est, pour deux pommes, Une petite taupe mon père m’avait achetée. Et soudain la chatte mange la taupe Qu’à la foire mon père m’avait achetée. Et soudain la chatte mange la taupe Qu’à la foire mon père m’avait achetée.
À la foire de l’est, pour deux pommes Une petite taupe mon père m’avait achetée? Soudain la chienne mord la chatte Qui mangeait la taupe Qu’à la foire mon père m’avait achetée.
À la foire de l’est pour deux pommes Une petite taupe mon père m’avait achetée. Soudain la trique frappe la chienne Qui mordait la chatte, qui mangeait la taupe Qu’à la foire mon père m’avait achetée.
À la foire de l’est, pour deux pommes, Une petite taupe mon père m’avait achetée. Soudain la flamme brûle la trique Qui frappait la chienne, qui mordait la chatte, qui mangeait la taupe Qu’à la foire mon père m’avait achetée.
À la foire de l’est, pour deux pommes, Une petite taupe mon père m’avait achetée. Soudain l’averse ruine la flamme, Qui brûlait la trique, qui frappait la chienne, Qui mordait la chatte, qui mangeait la taupe, Qu’à la foire mon père m’avait achetée.
À la foire de l’est, pour deux pommes Une petite taupe mon père m’avait achetée. Soudain la bête vient boire l’averse, Qui ruinait la flamme, qui brûlait la trique, Qui frappait la chienne, qui mordait la chatte, qui mangeait la taupe Qu’à la foire mon père m’avait achetée.
À la foire de l’est, pour deux pommes Une petite taupe mon père m’avait achetée. Et l’égorgeur frappe et tue la bête Qui buvait l’averse, qui ruinait la flamme Qui brûlait la trique, qui frappait la chienne Qui mordait la chatte, qui mangeait la taupe Qu’à la foire mon père m’avait achetée C’est l’ange de la mort qui saigne l’égorgeur Qui tuait la bête, qui buvait l’averse Qui ruinait la flamme, qui brûlait la trique Qui frappait la chienne, qui mordait la chatte, qui mangeait la taupe Qu’à la foire mon père m’avait achetée
À la foire de l’est pour deux pommes Une petite taupe mon père m’avait achetée. C’est enfin le Seigneur qui emporte l’ange Qui saignait l’égorgeur, qui tuait la bête Qui buvait l’averse, qui ruinait la flamme Qui brûlait la trique, qui frappait la chienne Qui mordait la chatte, qui mangeait la taupe Qu’à la foire mon père m’avait achetée. C’est enfin le Seigneur qui emporte l’ange, Qui saignait l’égorgeur, qui tuait la bête, Qui buvait l’averse, qui ruinait la flamme, Qui brûlait la trique, qui frappait la chienne, Qui mordait la chatte, qui mangeait la taupe, Qu’à la foire mon père m’avait achetée. À la foire de l’est, pour deux pommes Une petite taupe mon père m’avait achetée.
Pour conclure, à moi de vous tendre la perche en vous posant la question : et vous de quoi vous est venu votre intérêt pour le Moyen Âge ? Dites-nous le en commentaires.
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE. Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
(1) Pour éviter tout malentendu avec l’actualité, je vais exclure de cette généralisation, le narratif autour de Duhamel qui a secoué tout récemment la classe bien pensante. Je me réfère ici à des autobiographies bien plus inconséquentes que celle-ci.
Sujet : troubadours, langue d’oc, poésie, chanson médiévale, poésie, occitan médiéval, catalan, pastourelle, chanson nouvelle Période : Moyen Âge central, XIIe siècle Auteur : Marcabru (1110-1150) Titre : « A la fontana del vergier» Interprètes : Maria Del Mar Bonet Album : Breviari D’Amor (1982)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous partons direction le XIIe siècle et le pays d’oc médiéval avec une nouvelle chanson du troubadour Marcabru. Il s’agit d’une pièce bien plus accessible si on la compare à certaines autres auxquelles cet expert du trobar clus nous a habitué.
Cette chanson a pour titre A la fontana del vergier (À la fontaine du verger) et nous aurons l’occasion de la commenter et de la traduire pour vous. Cette fois, pour son interprétation, nous avons choisi de faire un détour du côté de la Catalogne avec une superbe version vocale de María del Mar Bonet, sur une musique composée et arrangée par le pianiste Jordi Sabatés et des paroles adaptées de l’occitan médiéval au catalan, de manière très réussie, par Toni Moreno.
Pastourelle, chanson de toile : l’univers de référence de cette pièce médiévale
Les érudits, médiévistes ou romanistes, soucieux de taxinomie et de classement, ont pu quelquefois hésiter, face à cette composition de Marcabru : chanson de toile ou pastourelle ? Il faut dire que le cadre bucolique et champêtre, ce temps au renouveau printanier et cette rencontre « fortuite » entre le poète et la jeune fille sont trompeurs. Pourtant, même si le départ de cette poésie pourrait nous engager à la rapprocher d’une pastourelle, elle évolue ensuite vers toute autre chose. La jeune fille est noble et si elle fait l’objet du désir (non partagé) du poète, en fait de se rapprocher, ce dernier se tiendra sur la réserve face à la tournure prise par les événements. Pleurant sur son ami parti à la croisade, la belle donnera, en effet, à cette pièce quelques allures de chansons de toile (ou, dans une genre plus hispanisant et tardif, de cantigas de amigo) sans en adopter, non plus, tous les codes.
Contre l’appel à la croisade ?
Loin du cadre de l’un ou de l’autre genre, Marcabru donnera encore à sa chanson un tour assez caustique et presque subversif, en nous présentant une jeune fille quelque peu « remontée » contre le Christ et les appels de ce dernier envers tous les hommes du siècle pour le servir (en l’occurrence en terre sainte et par les armes). Dans son chagrin, elle ira même jusqu’à vilipender directement (sinon même maudire) le roi de France, Louis, pour ses exhortations à la croisade. En rapprochant les dates, il ne peut que s’agir de Louis VII et de l’appel à la deuxième croisade (1147-1149). Le poète essaiera alors de consoler la jeune fille, en la ramenant à la raison ; « Dieu peut tout, même lui redonner de la joie ». Elle n’ira pas jusqu’à renier sa foi, mais en guise de réponse, elle restera amère et triste face à ce sort funeste qui lui aura arraché l’être aimé.
Sur le fond, on n’est ici aux antipodes de la chanson de Marcabru Les vers du lavoir, appel retentissant à la croisade fait, par ailleurs, par le troubadour. Faut-il seulement voir ici, de la part de ce dernier, une volonté de mettre l’emphase sur la grande détresse de la jeune fille, plutôt que l’intention de s’élever indirectement contre la croisade et ses conséquences ? Le cas échéant, il lui aurait été facile d’éviter de prendre aussi directement à partie le roi en le citant, même par l’intermédiaire de la jeune fille. Autre temps, autres priorités ? Un décalage de quelques années ou mois entre les deux textes peut, peut-être, suffire à expliquer cela.
Au delà de ces questions, et en écoutant cette chanson au tout premier degré, on se trouve face à une poésie très accessible et qui fait mouche, tant par son style que par l’émotion qui s’en dégage.
Marcabru, de la Gascogne médiévale à la Catalogne du XXe siècle
Ce n’est pas la première fois que nous présentons ici une pièce en langue catalane (voir nos articles sur la question). Pour qui s’intéresse de près aux langues romanes, certaines parentés et rapprochements entre la chanson du jour et le provençal, le français, l’italien et l’espagnol sauteront, sans doute, aux yeux. La prononciation peut paraître distante mais tant de racines communes nous sont familières.
Au Moyen Âge central, il existe une convergence culturelle indéniable entre le sud de la France et le nord de l’Espagne et même de l’Italie. Certains troubadours notoires du pays d’oc et de Provence ont d’ailleurs passé allégrement les frontières pour voyager jusqu’à des cours princières ou royales de la péninsule ibérique et nous ont laissé des textes pour en témoigner. Aujourd’hui, le catalan est une langue bien vivante, plus encore du côté espagnol (en Catalogne, dans le pays valencien, dans les îles baléares).
A la fontana del verger – Maria del Mar Bonet – Jordi Sabatés
Le Breviari d’Amor de Maria Del Mar Bonet
Au début des années 80, le pianiste et compositeur Jordi Sabatés et le parolier Toni Moreno s’associaient autour d’un projet visant à proposer des chansons de troubadours provençaux et catalans médiévaux, en catalan moderne. Toni Moreno se chargea de traduire et d’adapter les paroles des poésies d’époque. De son côté, en repartant des manuscrits et des mélodies anciennes, Jordi Sabatés décida de les arranger pour les mettre au goût d’un public plus contemporain.
De cette collaboration résulta 14 compositions. Il en ressortit une sélection de 9 chansons qui donna lieu à un album au titre évocateur de Breviari d’amor. Cette production sera enregistrée en 1981 et c’est la chanteuse catalane María del Mar Bonet qui lui prêtera sa belle voix.
Des Troubadours occitans et catalans
On retrouvera dans ses 9 pièces revisitées de grands noms de la chanson médiévale occitane et provençale : Marcabru, avec la pièce du jour. Guilhem de Poitiers et son « Vers de rens« . Raimbaut de Vaqueiras et ses Altas undas que venez suz la mar, le Reis glorios de Guiraut de Bornelh. S’y ajouteront encore deux chansons de Béatrice de Dia, une de Raimon Jordan et deux compositions des troubadours catalans Cerverí de Girona et Guillem de Berguedà.
Cet album n’est pas toujours évident à trouver au format CD, mais on peut le trouver au format Mp3 sur quelques sites spécialisés. Notons que quelques années plus tard, à l’aube des années 90, Jordi Sabatès présentera le même programme en concert, accompagné cette fois de Laura Simó. Cette chanteuse catalane aux intonations de voix très chaudes et qui avait fait ses classes dans l’univers du Jazz démontrera, à son tour, une aisance et une virtuosité impressionnante dans ce répertoire.
A la fontana del verger en catalan moderne
A la fontana del verger, on l’herba creix fins al roquer, a l’ombra d’un dolç taronger -el seu voltant tot ple de flors i d’un ocell viu i lleuger-, la vaig trobar sens pretendent la qui refusa el meu solaç.
Era donzella de cos bell, filla del noble del castell, i quan vaig creure que l’ocell, les flors i l’aigua i el cel blau feien feliç son cor novell i escoltaria el meu consell, va canviar de tarannà.
Son plor arribà fins a la font, els seus sospirs trenquen el cor: « Jesús -diu ella-, rei del món!, per Vós augmenta el meu dolor, car el desig vostre em confon, vist que els joves de tot el món estan servint-vos perquè us plau. »
« Per Vós és fora el meu amic, el bell, el noble, el més gentil, i aquí coman mon cor patint, mon desconsol i el meu desig. Maleït sia el rei Lluís, que donà ordres i predics i omplí de gran dol el meu pit. »
Veient-la així desconhortar li dic suaument vora el riu clar: « Ja n’hi ha prou de tant plorar: marceix la cara i el color, i no us cal desesperar, que Déu que fa els arbres fruitar, us pot donar consol i amor. »
« Senyor -diu ella-, és veritat que en el cel Déu s’apiadarà del meu cor trist i enamorat. Serà, però, a l’altra vida; en canvi ara m’ha deixat sense l’amor de l’estimat, i l’ha portat ben lluny de mi. »
A la Fontana del vergier de l’occitan médiéval au français moderne
NB : pour la traduction en français, nous avons suivi à l’habitude l’ouvrage de JML Dejeanne (Poésies complètes du Troubadour Marcabru, 1909) en complétant notre approche du texte avec des recherches personnelles (dictionnaire d’occitan médiéval, traductions comparées en provenance de divers romanistes et en langues diverses, …)
I A la fontana del vergier, On l’erb’ es vertz josta-I gravier, A l’ombra d’un fust domesgier, En aiziment de blancas flors E de no.velh chant costumier, Trobey sola, ses companhier, Selha que no vol mon solatz.
A la fontaine du verger, Où l’herbe est verte, près du gravier (Dejeanne : de la grève) A l’ombre d’un arbre fruitier, Garni de belles et blanches fleurs Et au son du chant habituel de la nouvelle saison, Je trouvai seule, sans compagnie, Celle qui ne veut pas mon bonheur.
II So fon donzelh’ab son cors belh Filha d’un senhor de castell; E quant ieu cugey que l’auzelh Li fesson joy e la verdors, E pel dous termini novelh, E quez entendes mon favelh, Tost li fon sos afars camjatz.
C’était une demoiselle au corps très beau (gent), Fille d’un seigneur de château. Et au moment où je pensais que les oiseaux, comme la verdure, lui donnaient de la joie, Ainsi que la douceur du temps nouveau, Et qu’elle voudrait entendre mes paroles, Elle changea totalement de conduite (attitude, contenance).
III Dels huelhs ploret josta la fon E del cor sospiret preon. « Ihesus », dis elha, reys del mon, Per vos mi creys ma grans dolors, Quar vostra anta mi cofon, Quar li mellor de tot est mon Vos van servir, mas a vos platz.
Ses yeux pleuraient, tout près de la fontaine, Et son cœur s’épanchait en de profonds soupirs. « Jésus », dit-elle, roi du monde, Par vous s’accroît ma grande douleur, Car votre outrage cause ma perte, Puisque les meilleurs de tout cet univers Vont vous servir, car tel est votre plaisir.
IV Ab vos s’en vai lo meus amicx, Lo belhs e-I gens e-I pros e-I ricx; Sai m’en reman lo grans destricx, Lo deziriers soven e-I plors. Ay mala fos reys Lozoicx Que fay los mans e los prezicx Per que-l dois m’es en cor intratz !
Avec vous s’en va mon ami, Le beau, le gent, le preux et le puissant Et ici, il ne me reste que grande détresse, Le désir souvent et les pleurs. Aie ! Maudit soit le roi Louis (Dejeanne : la male heure soit ) Qui a donné ces ordres et fait ces exhortations (à la croisade) Par lesquels le deuil est entré en mon cœur !
V Quant ieu l’auzi desconortar, Ves lieys vengui josta-l riu clar « Belha, fi-m ieu, per trop plorar Afolha cara e colors; E no vos cal dezesperar, Que selh qui fai lo bosc fulhar, Vos pot donar de joy assatz. »
Et quand je l’entendis se lamenter ainsi Je vins vers elle tout près du clair ruisseau « Belle, lui dis-je, à trop pleurer Flétrissent le visage et ses couleurs; Et il ne vous faut point désespérer, Car celui qui fait fleurir et refeuillir les bois Peut vous donner beaucoup de joie.«
VI Senher, dis elha, ben o crey Que Deus aya de mi mercey En l’autre segle per jassey, Quon assatz d’autres peccadors Mas say mi tolh aquelha rey Don joys mi crec mas pauc mi tey Que trop s’es de mi alonhatz.
Seigneur, dit-elle, je crois bien Que Dieu aura merci de moi dans l’autre monde et pour toujours, Comme de nombreux autres pécheurs. Mais ici il m’enlève cet être précieux (rey roi, res chose) Qui a accru ma joie, mais qui tient peu à moi, Puisqu’il s’est trop éloigné de moi.
En vous souhaitant une agréable journée.
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
NB : l’image d’en-tête est tirée du Manuscrit médiéval Français 12473 ou chansonnier provençal K (consultable sur Gallica).