Archives par mot-clé : poéte

« Des chevaliers des temps jadis » de Rutebeuf, trouvère du XIIIe siècle

Rutebeuf, « les plaies du monde »
A propos de la chevalerie et des chevaliers des temps jadis

« il valait mieux ceux de jadisrutebeuf_troubadour_trouverre_ppete_moyen-age
De ceux qui, désormais, sont là
Car ce siècle a tant changé
Qu’un loup blanc a bientôt mangé
Les chevaliers loyaux et preux
Et ce monde n’est plus valeureux* »

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoici une citation médiévale en vers, tirée de  l’oeuvre de Rutebeuf, Elle est extraite du texte « des plaies du monde » de ce grand poète et trouvère du moyen-âge (XIIIe siècle) et traite de la chevalerie et des chevaliers « des temps jadis ».

Prise hors contexte, je lui trouve des accents assez modernes. Nous vous la livrons, ci-dessous, dans sa version originale, en vieux français.

« Valurent miex cil qui ja furent
De seux qu’or sont, et il si durent,
Car ciz siecles est si changiez
Que un leux blans a toz mangiez
Les chevaliers loiaux et preux.
Por ce n’est mais ciz siecles preuz. »

* Le mot « preuz », traduit ici par « valeureux » va au delà de la simple valeur guerrière et fait aussi allusion à des valeurs morales.

L’épitaphe de Villon ou la ballade des pendus de François Villon

françois_villon_poesie_francais_moyen_ageSujet : Ballade, poésie médiévale, poésie satirique, réaliste, prière, frères humains.
Titre : L’Épitaphe de Villon ou  » Ballade des pendus  » (appelé aussi « frères humains »)
Auteur : François Villon (1431-1463)
Période : XVe siècle, moyen-âge tardif
Thème : poète médiéval, troubadour et trouvère du moyen-âge.

S_lettrine_moyen_age_passionur François Villon et sa vie de bohème, de prisonnier et de hors la loi, beaucoup a été dit et écrit,  sur son chemin de misère et d’anticonformiste, ses douleurs du fond de ses geôles, son humour, ses amitiés, et bien sûr sa poésie réaliste ou satirique dans un  moyen-âge finissant qui se prépare déjà à renaître bientôt en siècle « des lumières », mais, au bout du compte et par delà toutes les analyses de textes ou de sens, le plus beau que nous laisse cet auteur magistral,  poète marginal et éclairé, reste et restera toujours à lire ou à écouter.

Cet Epitaphe de Villon ou « ballade des pendus » a été conté, lu ou dit maintes fois, chanté aussi bien sûr par Léo Ferré dans une version très inspirée mélangée de sa propre poésie, mais pour varier un peu cette fois et pour rester totalement fidèle au texte de François Villon qui se suffit à lui-même, nous avons choisi la version d’un troubadour des temps troubadour_poete_moyen_age_villon_monde_medievalmodernes.

Son nom est Mil Marie Mougenot et il est tout à la fois, chanteur, musicien, artiste, joueur de vièle à roue et autres instruments anciens qui nous apportent un peu de ce monde médiéval lointain. Cet artiste troubadour des temps modernes que vous croiserez peut-être, à l’ombre d’un rempart ou d’une tour maîtresse au hasard d’un festival ou d’une fête médiévale, propose aussi dans son répertoire, en dehors des chansons en provenance du moyen-âge, d’autres chants populaires ou encore des chants spirituels. Je vous encourage à le découvrir sur son site web ici.

« L’épitaphe de Villon »
interprété par Mil Marie Mougenot

Sur une musique de sa propre composition, filmé au Château de Crosville sur Douve en Mars 2014.

Les paroles de « Epitaphe de villon »
dans le français original de François Villon

Frères humains, qui après nous vivez,
N’ayez les cueurs contre nous endurciz,
Car, si pitié de nous povres avez,
Dieu en aura plustost de vous merciz.
Vous nous voyez cy attachez, cinq, six:
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s’en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absoudre!

Se vous clamons, frères, pas n’en devez
Avoir desdaing, quoyque fusmes occis
Par justice. Toutesfois, vous savez
Que tous hommes n’ont pas bon sens rassis.
Intercédez doncques de Cueur rassis,
Envers le Fils de la Vierge Marie
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l’infernalle foudre.
Nous sommes mors, ame ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absoudre!

La pluye nous a débuez et lavez,
Et le soleil desséchez et noirciz;
Pies, corbeaux nous ont les yeux cavez,
Et arraché la barbe et les sourcilz.
Jamais nul temps nous ne sommes rassis
Puis ça, puis la, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie;
Plus becquetez d’oyseaulx que dez à couldre.
Hommes, icy n’usez de mocquerie ;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absoudre!

Prince Jésus, qui sur tous seigneurie
Garde qu’Enfer n’ayt de nous la maistrie:
A lui n’ayons que faire ne que souldre.
Ne soyez donc de notre confrairie;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absoudre!

francois_villon_ballade_des_pendus_auteur_médiéval

Une excellente journée à tous dans la bonne humeur et la joie de ne point nous trouver pendus!

Fred
pour moyenagepassion.com

« Douce dame jolie » de Guillaume de Machaut, brillant compositeur médiéval du XIVe siècle

Guillaume-de-Machaut_trouvere_poete_medieval_moyen-age_passionSujet : musique médiévale, musicien, compositeur médiéval, poète médiéval, chanson médiévale,
Titre : Douce Dame Jolie, Virelai*
Auteur: Guillaume de Machaut (1300-1377)
Période : XIVe siècle, Moyen Âge
InterprétesAnnwn
Album :  Orbis Alia (2007)

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passionette fois-ci, les amateurs de musique médiévale authentique devraient s’en réjouir, nous partageons ici une pièce de Guillaume de Machaut, auteur du moyen-âge,  reconnu par tous comme l’un des plus grand poète et musicien du XIVe siècle.

Douce dame jolie de Guillaume de Machaut, par Annwm

Annwm, folk médiéval ou mystique folk en provenance d’allemagne

Fondée en 2006, par l’archéologue, chanteuse et harpiste (uf!) Sabine Hornung, la formation allemande Annwm  se classe bien plus du côté du « Folk » d’inspiration médiévale que de l’ethno-musicologie au sens strict.

Les inspirations puisent dans le répertoire du moyen-âge ou même celui du folk et des musiques plus traditionnelles et proviennent des origines les plus diverses : celtiques, nordiques, bretonnes, séfarades, mais encore d’autres pays de l’Europe médiévale. Elles sont prises dans le répertoire profane, comme dans le liturgique. Au gré des pièces proposées, les compositions sont revisitées et modernisées et les instruments anciens y côtoient les plus électriques ou récents.

Baptisée par la formation elle même « Mystic folk », on peut tout de même rattacher cette approche à un mouvement folk médiéval qui a musique_folk_medievale_album_orbis_allia_Annwn_Sabine_Hornungpris, au début des années 2000, une certaine ampleur,  notamment en Allemagne, et dans lequel on peut trouver des formations comme   Faun.

La pièce du jour de Guillaume de Machaut est tirée de l’album Orbis Alia, sorti un an après la création de la formation, dans lequel on pouvait encore découvrir une sélection éclectique de compositions en provenance des quatre coins d’Europe (France, Suède, Allemagne, Pays de Galles, Espagne), et s’étalant du XIIIe siècle à des périodes plus récentes, en passant par la renaissance.

L’album est toujours disponible en ligne au format CD import. Si vous souhaitez plus d’informations, en voici le lien : Orbis Alia [Import allemand]. Pour information, l’interprétation de la chanson du jour est également disponible, séparément et au format MP3, au lien suivant : Douce Dame Jolie par Annwn

Guillaume de Machaut, brillant musicien, poète,  et compositeur du moyen-âge

Eléments de biographie

trouvere_troubadour_medieval_moyen-age_Guillaume-de-Machaut
Guillaume de Machaut, XIVe siècle

On ne sait pas grand chose des premières vingt années de vie de ce poète compositeur, ni de sa date ou son lieu de naissance exacts que les historiens font balancer entre la Champagne et les Ardennes. Sa vie nous est mieux connue à partir des années 1323, quand étant clerc, il entre comme secrétaire au service du roi de Bohème, Jean de Luxembourg. Par la suite, il voyagera et suivra Jean 1er dans de nombreuses expéditions ou campagnes, et l’influence à la fois de l’éthique du clerc autant que les valeurs attachées à la chevalerie, se feront nettement ressentir dans ses écrits et son œuvre. Après la mort de Jean 1er de bohème durant la bataille de Crécy, Guillaume de Machaut servira différents seigneurs et plus tard, il s’installera comme chanoine attaché à la Cathédrale de Reims, période durant laquelle son œuvre sera plus productive.

L’oeuvre laissée par Guillaume de Machaut

moyen-age_poete_auteur_troubadours_trouveres_medieval

On lui doit de nombreuses pièces – messes, lais, virelais, ballades, chants royaux, œuvres narratives, complaintes  et autres rondeaux – et on reconnait assez largement chez les spécialistes que sa maîtrise des formes classiques et lyriques, s’il ne les a pas inventées lui-même, lui a permis de mieux les préciser, tout en les amenant plus loin, préfigurant ainsi la musique moderne. Il a aussi largement contribué au développement de la musique polyphonique. En bref, il y aura un avant et un après Guillaume de Machaut.

L’amour courtois 

La pièce que nous partageons aujourd’hui est sans doute une des plus populaires du compositeur médiéval. C’est une pièce de lyrique courtoise et il y chante ici cette Fine Amor littéraire et très codifiée qui,  durant le XIIe siècle et une partie du XIIIe, influencera une partie des valeurs de la chevalerie. Colporté et promu, et chanté abondamment par les troubadours et trouvères du moyen-âge central, on le retrouvera aussi sous la plume de nombreux auteurs médiévaux. Du côté chevaleresque, on pense notamment à Chrétien de Troyes et ses légendes arthuriennes.

Adoubement Lancelot, Évrard d'Espinques, 1475 Bibliothèque Nationale de France
Adoubement Lancelot, Évrard d’Espinques, 1475 Bibliothèque Nationale de France

D’entre tous les chevaliers de la table ronde, Lancelot sera le plus sûr représentant de cet amour courtois, au moins jusqu’à ce que certaines suites du roman arthurien lui offrent l’opportunité de la transgression et du passage à l’acte.

Amour prude souvent chaste et  hors mariage, du chevalier pour sa dame, préférablement de haut rang et dont il lui faut séduire le cœur avec courtoisie, la Fine Amor s’épanche bien souvent dans un désir contraint à demeurer inassouvi et qui se traduit dans la douleur du refus, de l’impossibilité d’être, ou encore de la distance ou de l’attente; en position basse, le fine amant, fébrile, tout entier « au service » de sa dame, vit au bord du gouffre et à la merci de son propre sentiment dont il est « prisonnier »; autant d’épreuves à traverser qui, pense-t-on, font la force autant que la faiblesse de ces jeux amoureux courtois. Leurs tourments sont leurs plus grands délices dans un mouvement qui oscille entre frustration et espérance.

*Virelai : « forme poétique du XIVe siècle (fin XIIIe), particulièrement prisée par les trouvères (Guillaume de Machaut). Dans sa forme la plus simple, le virelai se compose d’une strophes rimée de deux vers, suivie d’une strophe refrain ou formule répétitive, propre à la reprise en chœur. Plus complexe, il mêle des strophes de différentes métriques, le refrain pouvant alors changer, mais par exemple avoir un mètre (en général court) et une assonance particuliers, comme une réponse régulière obstinée.  Lire la suite sur musicologie.org.

deco_frise

Les paroles de Douce Dame Jolie 
dans le moyen-français de Guillaume de Machaut

Douce dame jolie,
Pour dieu ne pensés mie
Que nulle ait signorie
Seur moy fors vous seulement.

Qu’adès sans tricherie
Chierie
Vous ay et humblement
Tous les jours de ma vie
Servie
Sans villain pensement.

Helas! et je mendie
D’esperance et d’aïe;
Dont ma joie est fenie,
Se pité ne vous en prent.

Douce dame jolie,
Pour dieu ne pensés mie
Que nulle ait signorie
Seur moy fors vous seulement.

Mais vo douce maistrie
Maistrie
Mon cuer si durement
Qu’elle le contralie
Et lie
En amour tellement

Qu’il n’a de riens envie
Fors d’estre en vo baillie;
Et se ne li ottrie
Vos cuers nul aligement.

Douce dame jolie,
Pour dieu ne pensés mie
Que nulle ait signorie
Seur moy fors vous seulement.

Et quant ma maladie
Garie
Ne sera nullement
Sans vous, douce anemie,
Qui lie
Estes de mon tourment,

A jointes mains deprie
Vo cuer, puis qu’il m’oublie,
Que temprement m’ocie,
Car trop langui longuement.

Douce dame jolie,
Pour dieu ne pensés mie
Que nulle ait signorie
Seur moy fors vous seulement.

deco_frise

Sur ces belles paroles, excellente journée à tous !

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

Citation médiévale, poésie médiévale, Rutebeuf

L’ETAT DU MONDE, Rutebeuf

« Parce que le monde change
Plus souvent qu’un denier au Change,
Je veux rimer sur ce monde changeant.
L’été est passé, maintenant c’est l’hiver ;
Le monde était bon, maintenant c’est différent,
Car personne ne sait plus
Travailler au bien d’autrui,
S’il ne pense pas y trouver son profit. »

Citation et poésie médiévales pour moyenagepassion.com

Je vous partage ci dessus, la première strophe d’un poème célèbre de Rutebeuf, écrivain, trouvère satyrique du XIIIe siècle. Après sept cent ans, le texte reste d’actualité et l’on est même surpris en songeant que le  XIIIe, siècle encore profondément chrétien, voyait se répandre de plus en plus les ordres mendiants.