Sujet : François villon, poéte médiéval, poésie médiévale, résonances poétiques. Titre : la prière, hommage à Villon Auteur : Bulat Okudžava (ci-contre) (1924-1997) Interprète : Eugenio Finardi
Bonjour à tous,
ul n’est prophète en son pays, nous dit une paraphrase de l’évangile, et pour y faire écho, il semble que François Villon ait été longtemps plus connu ou prisé en Angleterre, en Russie, et hors des frontières de la France que dans notre propre pays. Certes, Brassens et d’autres artistes ont depuis ouvert la voie, et c’est heureux car l’héritage poétique de François Villon est unique et mérite grandement qu’on le reconnaisse à sa juste valeur.
Du même coup, nous publions aujourd’hui une autre version de la « prière de François Villon » que le poète et chanteur Boulat Okoudjava, souvent appelé le « Brassens » Russe, avait dédié en 1963 à notre beau poète médiéval. Ce n’est donc pas un texte de Villon mais un bel hommage rendu à sa poésie, à son parcours et surement encore à la prière qu’il adresse à tous les hommes dans la ballade de pendus. C’est cette fois le chanteur milanais Eugenio Finardi (en photo ici) qui l’adapte de belle manière. Pour ceux qui ne parlent pas l’italien, je pense que l’émotion passera tout de même, d’autant que l’Art graphique que présente cette vidéo est un pur joyau. En bref, il n’en fallait pas plus pour que cette version trouve sa place ici.
Les paroles de la prière en français
Tant que la terre tourne encore, tant que le jour a de l’éclat, Seigneur, donne à chacun de nous ce qu’il n’a pas : Donne au sage une tête, un cheval au peureux, Donne à l’homme heureux de l’argent… et pense à moi un peu.
Tant que la terre tourne encore, Seigneur, elle est en ton pouvoir ! Donne à qui veut régner l’ivresse du pouvoir, Donne, au moins jusqu’au soir, repos au généreux, A Caïn le remords… et pense à moi un peu.
Je sais : pour toi tout est possible, et je crois en ton sage esprit, Comme un soldat mourant croit en ton Paradis, Comme croit chaque oreille à tes propos de paix, Comme à soi-même on croit, sans savoir ce qu’on fait !
Seigneur Dieu, mon Seigneur, toi dont l’œil vert rayonne, Tant que la terre tourne encore et soi-même s’étonne, Tant qu’il lui reste encore et du temps et du feu, Donne à chacun sa part… et pense à moi un peu.
La Preghiera di François Villon en Italien
Finché questa terra palpita E il sole luce ci dà Signore, ogni uomo accoglilo Per dargli ciò che non ha Regala un cavallo al pavido E offri un motivo al perché Dai del denaro al prodigo E poi non scordarti di me E poi non scordarti di me Finché questa terra circola Signore è in tua facoltà Dai all’ambizioso il suo carico Di forza e di autorità Lascia il respiro al magnanimo Lasciagli l’alba che c’è Dona a Caino il rammarico E poi non scordarti di me E poi non scordarti di me Per te ogni cosa è facile Io credo alla tua verità Come il soldato esanime Crede nell’aldilà Come ogni orecchio docile Crede a ogni cosa di te Come crediamo nel prossimo Senza saper il perché Come crediamo nel prossimo Senza saper il perché Senza saper il perché Signore, ti prego, guardaci Col verde sguardo che hai Finché questa terra circola Senza adattarsi mai Finché ancora le bastano Tempo e fuoco che ha in sé Dai a ciascuno il suo obolo E poi non scordarti di me Dai a ciascuno il suo obolo E poi non scordarti di me E poi non scordarti di me.
___________________________________
Sujet : poésie médiévale, poésie satirique, poésie réaliste Auteur ; Villon, encore Villon, toujours Villon Médias : vidéo youtube, lectures poétiques Titre : la ballade des pendus Période : moyen-âge tardif Interprète :Gérald Robert, comédien voix-off
Lecture poésie médiévale: la ballade des pendus de François Villon
Bonjour à tous,
uel plaisir de se lever matin et relevant ses courriers d’y trouver un message qui nous parle de François Villon et qui, même mieux que simplement nous en parler, nous le dit.
Un visage sur une voix-off
Gérald Robert qui nous fait, aujourd’hui, l’amitié de ce partage est comédien « voix off » mais comme une voix, cache toujours une âme et un corps, il est bien sûr, avant tout, comédien et publie également des vidéos youtube où il se met en scène. Et quand il ne lit pas du François Villon ou des textes (nul doute que d’autres sont en préparation), il prête sa voix et son sens de la comédie à divers supports et médias: radios, publicités, corporate, documentaires, lectures audios, etc… Dans un projet sorti en août dernier, il a même incarné la voix du souverain pontife François pour une lecture audio de son encyclique. Le voilà devenu officiellement un des papes de la voix off! Peut-être d’ailleurs l’avez-vous déjà entendu sans le voir, c’est tout le mystère de son art. En bref, gardez à l’oeil et à l’oreille ce comédien des temps modernes qui fait, aujourd’hui, revivre pour nous Villon dans cette interprétation de la ballade des pendus.
Priez Dieu que tous nous veuille absoudre
a ballade des pendus ou l’épitaphe de Villon est sans nul doute le texte le plus connu de notre plus cher poète du XVe siècle et de la fin du moyen-âge. Léo Ferré a porté cette poésie, nous en avons déjà parlé dans un article sur le sujet, mais d’une certaine manière, bien au delà du phrasé du bel anarchiste grisonnant et révolté du Paris des années soixante, soixante-dix, l’entêtante et merveilleuse litanie de Villon continue de vivre dans nos mémoires et de s’y accrocher. Cela tient sans nul doute au fait que plus qu’une poésie réaliste qui nous conte la déroute et le châtiment de ces pendus que les misères poursuivent jusqu’après leur mort, l’épitaphe reste et sera pour toujours, une prière que Villon adresse pour nous tous.
Le gibet de Montfaucon et le temps des pendaisons
« Les hautes justices locales, dit M. A. Champollion-Figeac, pouvaient élever autant de fourches qu’elles désiraient en établir. Les ordonnances du roi Jean, de 1345 et de 1356, paraissent suffisamment l’indiquer. Mais le sage monarque Charles V y ajouta un privilège nouveau pour certaines localités, celui d’avoir des fourches patibulaires à deux piliers. Eugène Viollet le Duc,
Dictionnaire raisonné d’architecture médiévale, XIXe siècle
ette illustration (ci-dessous) de l’impressionnante fourche patibulaire de Montfaucon est tirée de l’incontournable Dictionnaire raisonné d’archi-tecture médiévale d’Eugène Viollet le Duc, On pouvait voir ce gibet, frappé de gigantisme, au bord de la route et à l’approche du domaine quand la justice donnait encore en spectacle public ses punitions et ses sentences, Les premières traces de ce monument remontent au XIIe siècle mais il a perduré jusque tard dans le XVe siècle. il reste, à ce jour, l’ouvrage le plus monumental connu dédié à la pendaison ou à la suspension des condamnés, mais les fourches patibulaires ont été populaires et répandues sur tout le territoire de France pendant de longs siècles.
Je ne cite pas tout à fait innocemment le Gibet de Montfaucon, car outre le fait qu’il aurait peut-être inspiré la ballade des pendus, on attribue encore à Villon une autre poésie moins connue le concernant: la Repeue faîte auprès de Montfalcon. Si l’on se fie à ce texte largement plus grivois et que nous aurons certainement l’occasion de partager ici, il semble que non loin de ce genre d’endroits que l’on venait quelquefois même contempler avec ses enfants pour les éduquer (cf Catherine de Médicis qui « pour repaître ses yeux, l’alla voir un soir et y mena ses fils, sa fille et son gendre. » Viollet le Duc), on trouvait encore dans les parages des gibets, et notamment celui-ci, quelques lieux de plaisirs achetés et de perdition.
Plus étonnant et anecdotique encore, on ne pendait pas que des humains sur les fourches patibulaires et les gibets, mais également des animaux condamnés. Jugez plutôt :
« Les fourches patibulaires ne servaient pas seulement à pendre des humains, on y suspendait aussi des animaux, et notamment des porcs, condamnés à ce genre de supplice à la suite de jugements et arrêts rendus pour avoir dévoré des enfants. En cas pareil, les formalités judiciaires du temps étaient scrupuleusement suivies, et, comme il était d’usage de pendre les condamnés vêtus de leurs habits, on habillait les animaux que l’on menait au gibet. « En 1386, une sentence du juge de Falaise condamna une truie à être pendue pour avoir tué un enfant. Cette truie fut exécutée sur la place de la ville, en habit d’homme… »
Citation de M. E. Agnel par Eugène Viollet le Duc (opus cité)
C’est vraiment à me donner des idées d’écrire un roman et je pense d’ailleurs que cela sera le prochain: « L’histoire de la truie meurtrière pendue en habits de notaire ». De grâce, si vous êtes notaire, ne m’en voulez pas de « Brassensiser » un peu à vos dépens, mais il s’agit ici de poésie satirique et en plus, il me fallait une rime pour faire un bon titre.
Supplices et sentences : la justice jusque dans les chairs et jusque dans l’au-delà
ous n’allons pas prétendre réécrire, ici, en deux lignes, les longues et passionnantes pages de « Surveiller et punir » du brillant Michel Foucault quand il nous parle de ces sociétés médiévales et monarchiques, qui marquent les suppliciés de leur justice jusque dans leurs chairs et qui mettent en scène leurs souffrances de manière publique; cette idée qu’alors, s’attaquer aux lois c’est s’attaquer au corps sacré du roi (ou du seigneur) qui les personnifie et les incarne, comme il incarne l’Etat. Mais, des premières fourches patibulaires médiévales aux gibets les plus récents de la période monarchique, il y a, indéniablement, dans la symbolique et la scénarisation de cette justice du passé, la volonté d’exposer un pouvoir qui se perpétue de manière symbolique jusque sur le plan de la mystique. D’une certaine manière, ces pendus que Villon nous décrit si bien semblent véritablement poursuivis dans leur corps et leur âme, bien après leur trépas et en quelque sorte jusque dans l’au-delà.
Alors aujourd’hui pour le repos de leurs âmes comme peut-être aussi, pour notre propre salut, prions Dieu avec François Villon que tous nous veuille absoudre et en attendant, vivons chaque instant dans la joie de chaque nouvelle respiration car il faut toujours se réjouir d’être en vie.
Un très beau dimanche à tous et longue vie!
Merci encore à Gerald Robert pour nous avoir fourni l’occasion de cet article.
Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes