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Le moyen-âge des religions, une « anti-conférence » de Remi Brague

conferences_audio_video_moyen-age_monde_medievalSujet: philosophie médiévale, réflexions, définition, notion de moyen-âge.
Média: conférence
Lieu: HEC (1999)
Titre:  le moyen-âge des religions
Conférencier: Remi Brague

Bonjour à tous,

I_lettrine_moyen_age_passion copial est toujours utile de revenir sur les notions que l’on emploie, a fortiori celles dont on use le plus souvent, pour les passer au crible et, éventuellement, mieux en percevoir les limites, les travers ou les biais. Aujourd’hui, c’est celle qui  est au coeur même de ce site et qui en fait l’objet – le « moyen-âge » – que nous propose d’examiner le romaniste, philosophe et essayiste Remi Brague, dans une perspective qui n’est justement pas celle d’un historien médiéviste, mais plutôt celle d’un spécialiste d’histoire de la philosophie et de philosophie médiévale.

deco_medieval_moyen-age_chretienAlors, qu’est-ce que le moyen-âge ? Et au delà  qu’est-ce que le moyen-âge des religions ?  Voilà deux questions posées en une seule et un bel exercice de réflexion auxquels nous sommes invités dans cette conférence ou plutôt devrait-on dire, avec lui, cette « anti-conférence » puisqu’il s’y emploie à déconstruire les notions de « moyen-âge » et de « moyen-âge des religions », pour nous démontrer à partir de leur émergence terminologique, historique et culturelle, ce qu’elles recouvrent de flou, mais aussi, d’européocentrisme.

Et si, pour des raisons  de durée, l’on resterait presque  un peu sur notre faim sur la partie qui concerne les chausse-trappes cachées derrière ce moyen-âge défini comme « l’ère  des religions », on retiendra avec Rémi Brague l’opposition qui en découle et qui s’y trouve sous-entendue, à une modernité qui ne le serait presque plus (religieuse) ou qui en serait déjà sortie. Ajoutons que sur le sujet des religions comparées, on pourra trouver en ligne nombre de conférences de ce brillant intervenant qui s’en est fait une grande spécialité.

Conférence le moyen-âge des religions

Remi Brague, essayiste et philosophe

Formé à l’école normale supérieure, agrégé de philosophie, docteur ès-Lettres, en plus d’être versé dans l’histoire des civilisations et des idées, Remi Brague est aussi un expert des trois religions chrétienne, juive et musulmane et de leur étude comparée.

Il ajoute à son bagage conceptuel et analytique de philosophe, des sérieuses connaissances en langues avec un champ qui s’étend au grec ancien, au latin, à l’arabe médiéval et l’hébreu et pour ce qui est moyen-age_religions_conference_philosophie_medievale_remi_braguedes langues modernes au français, à l’allemand, l’anglais et l’espagnol. Mettez par dessus tout cela, une sérieuse érudition, un sens critique aiguisé et une bonne  dose d’humour caustique et vous aurez une idée des qualités de ce grand intellectuel, autant que du plaisir qu’il y a à le suivre dans ses réflexions.

Du point de vue institutionnel ou universitaire, ses travaux lui ont valu d’être primé de nombreuses fois; il a notamment reçu en 2009, le grand prix de philosophie de l’Académie française et en 2012, le Prix Ratzinger pour la théologie. Du côté de ses publications, on lui doit de nombreux essais critiques et philosophiques sur des sujets qui touchent autant la philosophie antique, les religions comparées que l’Europe ou le questionnement sur l’homme et sur la modernité. Pour retrouver son parcours détaillé, ses titres honorifiques ou encore le détail de ses parutions, vous pouvez valablement consulter ce lien : parcours Remi Brague

En vous souhaitant une belle écoute et une excellente journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes

l’homme au coeur de l’histoire et l’histoire au coeur des sciences de l’homme

histoire_questionnement_sciences_humaines_anthropologie_liberte_representations_symboliquesSujet : citations  histoire, historien médiéviste, Michel Pastoureau,  Sciences humaines, anthropologie et histoire, réflexions , pluridisciplinarité,  histoire des symboles et des représentations, liberté, sociologie.

“La préférence individuelle, le goût personnel existent-ils vraiment ? Tout ce que nous croyons, pensons, admirons, aimons ou rejetons passe toujours par le regard et le jugement des autres. L’homme ne vit pas seul, il vit en société.”
Citation de Michel PASTOUREAU, historien médiéviste,  Bleu : Histoire d’une couleur

Bonjour à tous,

P_lettrine_moyen_age_passion copiaour ne pas être ciblée uniquement sur le monde médiéval,  cette citation de Michel Pastoureau reste un axiome pour tout amateur ou chercheur en sciences humaines. L’homme, animal social, n’existe qu’en relation. Il « épouse » ou « contredit » dans des positions ou des histoire_libre_arbitre_empreinte_determinisme_sciences_humaines_anthropologie_symbolespostures qui n’en finissent pas d’interroger ou de refléter, en miroir, le contexte social, culturel et historique dans lequel il se trouve pris. Et même le deux-plumes d’Edouard Sapir,  interrogé dans sur la culture de sa tribu et qui n’était jamais de l’avis de personne, ne pouvait s’y soustraire.

Echapper aux déterminismes, exercer notre  libre arbitre, espérer faire le deuil de nos « habitus » en faisant la nique à Bourdieu, bien sûr, nous en avons quelquefois soif, mais aux frontières de nos conformismes comme de nos échappées belles, nous demeurons le produit d’un contexte et nous évoluons dans un champ de symboles et de représentations dont les contours nous sont tracés.  Alors, si la beauté de nos itinéraires existe, sans doute est-ce dans le dessin et les motifs que nous laissons de nos empreintes, sur la toile  figée de ces espaces possibles.  Le « génie », ou celui que l’on pointe du doigt comme tel, y  échappe-t-il ou ne fait-il que les réagencer en se juchant un peu plus haut, à des hauteurs qui lui permettent de regarder un peu plus loin ? Il faut relire l’archéologie du savoir de Foucault pour trouver quelques éclairages sur ces questions.

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De la même façon, la richesse, la distinction unique et ce qui fait nos différences, sont toutes entières contenues dans ces déterminismes. Combien de  vocables pour décrire le sable chez les Touaregs, là où nous ne voyons que des dunes? On pense encore à cette tribu indienne d’Amérique latine dont Jean Stoetzel nous parlait dans sa psychologie sociale et qui étaient les seuls à percevoir dans le ciel, une étoile que nul autre ne voit.  Alors, prenant la mesure de notre histoire_sciences_humaines_complexite_pluridisciplinarite_citation_michel_pastoureaupropre ignorance et touchant du doigt les merveilles et les richesses insoupçonnables de tous les ailleurs possibles, on ne peut s’empêcher d’attraper le vertige, celui-là même qui effleure l’historien, face à un manuscrit ancien exhumé du passé et découvrant un simple texte  qui paraît vouloir lui parler, dans lequel il retrouve des mots même semblables aux siens, mais qui cache pourtant,  il le sait, des trésors de monde à reconstruire.

L’Histoire, complexité et pluridisciplinarité

Face à cette vérité et cet axiome, l’histoire  est devenue une science pluridisciplinaire qui tente de restituer les sociétés du point de vue non plus simplement  de leur chronologie mais qui, bien au delà, fait le pari de resituer les hommes du passé dans une histoire des symboles et des représentations, autant que dans les intrications culturelles, psychologiques et sociologiques dans lesquels ils se trouvaient pris.

C’est un travail de reconstruction complexe et subtil, une monographie patiente qui fait appel, bien au delà de la paléographie, l’analyse des sources et documents anciens,  ou l’approche des traces factuelles du passé grâce à l’archéologie sous ses formes les plus diversifiées et pointues, aux méthodes et aux apports de toutes les autres sciences humaines, et même encore, nouvellement aux données de sciences récentes comme la climatologie.

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En changeant de visage au fur et à mesure de l’évolution des autres sciences pour élargir ses vues, l’Histoire a su opérer sa remise en cause autant que prendre la mesure de sa propre complexité. Elle a su encore retourner sur elle-même son propre regard en développant l’Historiographie pour chercher à mieux se comprendre et pour interroger ses processus de gestation idéologiques, contextuels et sociaux. Gourmande de tous les histoire_libre_arbitre_empreinte_determinisme_sciences_humaines_anthropologie_symboleséclairages, ouverte à tous les questionnements,  jamais  elle n’a été aussi vivante, vibrante  de tout embrasser. Il n’y a plus de certitudes confortables et l’on peut quelquefois s’en offusquer, habitués que nous étions à recevoir d’elles des réponses simples, mais elle y a substitué la passion de l’inconnu et, avec elle, une curiosité insatiable. Signe de maturité, nulle doute qu’elle y a aussi gagné en humilité. .

Michel Pastoureau est un de ces médiévistes qui pense la complexité historique en perspective et ses ouvrages  le place au coeur de questionnements devenus aussi anthropologiques. Vous pouvez découvrir quelques unes de ses conférences  dans les articles suivants :

universite_ete_ecole_nationale_chartes_histoire_medievale_patrimoine_moyen-ageVous pourrez  encore le retrouver comme intervenant et enseignant dans la formation unique  sur l’Histoire et le Patrimoine proposée par l’Ecole Nationale des Chartes, ce mois de juillet :
l’Ecole d’été de l’Ecole nationale des Chartes : excellence et prestige au service de l’Histoire.

En vous souhaitant une merveilleuse journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

Saint-Augustin d’Hippone, naissance d’une philosophie chrétienne à l’aube du moyen-âge

moyen-age_chretien_saint_augustin_philosophie_monde_medievalSujet :  réflexions, philosophie, raison, citations médiévales, Saint chrétien, moyen-âge chrétien, théologie. mystique chrétienne.
Auteur : Saint-Augustin d’Hippone (354-430)
Période :  aube du moyen-âge, fin de l’antiquité
Ouvrages : les confessions, la cité de Dieu, De la trinité.

“Les hommes s’en vont admirer la cime des montagnes, les vagues énormes de la mer, le large cours des fleuves, les côtes de l’océan, les révolutions et les astres, et ils se détournent d’eux-mêmes.”
Saint-Augustin d’Hippone (354-430) – Les confessions

Bonjour à tous,

P_lettrine_moyen_age_passion copiahilosophe, théologien, brillant orateur, auteur confirmé  et grand mystique chrétien de la toute fin de l’antiquité, par les réflexions et les nombreux écrits qu’il léguera, Saint-Augustin influencera de manière profonde le moyen-âge chrétien. Au delà du monde médiéval, il restera même, jusqu’à nos jours, un grand auteur de référence de la théologie chrétienne et de son enseignement, même si les conceptions de Saint Thomas d’Aquin viendront à partir du XIIIe siècle quelque peu atténuer l’influence augustinienne. Sans prétendre faire ici l’hagiographie d’Augustin d’Hippone,  l’oeuvre, l’homme autant que son influence ne pouvant être traités  dans le cadre d’un seul article,  il est tout de même important d’en dire quelques premiers mots,

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Eléments de biographie

Une vie de bonheur, n’est-ce pas la chose que tout le monde veut et quepersonne au monde ne refuse? Mais où l’a-t-on connue pour la vouloir tant? Où l’a-t-on vue pour en être si épris?
Saint-Augustin d’Hippone (354-430) – Les confessions

Issu d’une famille de petits propriétaires fonciers romains, Saint Augustin naît en 354, près de la fin de l’Antiquité, dans  la ville de  Souk-Ahras  sur le territoire de l’Algérie actuelle, appelée alors Thagaste. Il  mourra 76 ans plus tard, en 430 à Annaba, l’Hippone d’alors. Durant les années de sa vie et notamment durant son ministère, Rome connaîtra de nombreuses crises sous l’impulsion des incursions medieval_frisure_decoration_ornement_moyen-age_passionbarbares et bien que se tenant en Afrique, Augustin se tiendra toujours proche et  à l’écoute des problématiques de l’Eglise Romaine.

Dans un IVe siècle  qui voit triompher et s’officialiser la religion chrétienne comme religion unique de l’Empire romain, les écoles de pensée philosophiques et  les débats théologiques essaiment, et avec eux, l’interprétation des textes et les grandes questions qu’elle soulève: manichéisme, néo-platonisme, pélagianisme, donatisme, arianisme. Au fil de sa vie,  la pensée de Saint-Augustin se définira par ses propres expériences personnelles et par les écoles philosophiques l’ayant influencées, autant que par les détracteurs de l’Eglise catholique ou les différents schismes auxquels sa charge d’évêque le conduira à faire face. Ces tensions dogmatiques et philosophiques lui permettront d’affiner sa propre vision de la conversion, autant que de se prononcer sur la place de l’homme  face au divin et face au monde, dans sa solitude comme dans ses cités.

Portrait de Saint-Augustin d’Hippone attribué à Caravaggio début XVIIe siècle (1600)

Les questionnements de l’homme et du divin

« Cependant, si faible que soit l’esprit humain, vicié par le péché, l’âme humaine, toujours raisonnable et intelligente… parce qu’elle a été faite à l’image de Dieu, peut, à l’aide de la raison et de l’intelligence, comprendre et voir Dieu »
Saint-Augustin d’Hippone (354-430) – De la trinité

A la frontière de la philosophie et de la théologie, on glose alors, durant ces IVe, Ve siècles autour de la relation de l’homme au divin, mais aussi de l’homme au monde et les questions sont multiples.

Elles touchent la philosophie, comme la spiritualité : comment articuler foi et raison?  Quel est la part de Dieu dans l’homme? Peut-il  être saisi par l’esprit? Fait de chair et de matière (impure?) l’homme est-il condamné à contenir le mal en lui ou en être  le foyer, contre la perfection divine de l’univers, comme les manichéens le pensent alors? Peut-il s’élever vers le divin sans renoncer totalement au monde ou se mortifier? Quelle est la place du choix dans le processus et le long chemin qui conduit à  la pureté? En tant que créature de Dieu, ne la contient-il pas?   Son libre arbitre seul peut-il suffire à le faire adhérer au bien et à l’affranchir du  mal? Et finalement, à travers tout cela, on s’interroge sur la manière dont l’homme peut s’inscrire dans le dessein divin et y prendre sa place.

Saint-Augustin d'Hippone, vu par Sandro Boticelli (1445-1510)
Saint-Augustin d’Hippone, vu par Sandro Boticelli (1445-1510)

Tout au long de son ministère et à toutes les questions posées par la philosophie mais aussi par des théologiens menaçant l’église de leurs interprétations et donnant lieu aux premières hérésies, Saint-Augustin apportera la contradiction  et, avec elle, la vision d’une conversion et d’une élévation faite d’une mélange entre psychologie, raison et œuvre divine, Sans démystifier l’importance des desseins et de la grâce divine à l’œuvre dans la conversion et tout en leur laissant leur part d’insaisissable et de mystère, il brossera le portrait d’une alchimie divine qui opérera le bien à travers l’homme, pour peu que ce dernier l’appel de ses vœux et soit persévérant.  Se faisant, ce grand penseur, que l’on a souvent à juste titre désigné comme l’un des premiers philosophes chrétiens, se prononcera sur l’importance de l’homme,  de sa raison et de ses choix au sein du destin divin.

Au delà de tous ces questionnements, Saint-Augustin introduira encore l’idée de Dieu dans la gestion de la cité et la politique et  jettera les bases d’une théocratie qui entendra soumettre le pouvoir medieval_frisure_decoration_ornement_moyen-age_passionpolitique au divin et à ses représentants sur terre, comprenez l’Eglise et les  papes.

“Ne t’en vas pas au dehors, rentre en toi-même; au cœur de la créature habite la vérité”
Saint-Augustin d’Hippone (354-430) –  Du maître.

Relations entre grâce et Salut, questionnement sur la liberté humaine et affirmation de la nécessité de recherches introspectives articulant foi et raison pour retrouver  le chemin qui mène au divin dans une incessante quête de pureté, cité de Dieu contre cité des hommes, et tant d’autres thèmes encore,  ce qui deviendra  après Saint-Augustin l’augustinisme sera longtemps enseigné comme base de la philosophie. Et jusqu’à la redécouverte d’Aristote et les réflexions de Thomas d’Aquin au XIIIe siècle, les écrits  et les pensées de l’évêque d’Hippone influenceront grandement le moyen-âge chrétien et la manière de penser la relation de l’homme au divin.  Plus tard, dans le courant du XVIe siècle, ses pensées auront encore une grande influence sur le luthéranisme et la naissance du protestantisme. A ce jour, il demeure encore par son leg et ses œuvres une source d’inspiration et de réflexion pour les pères de l’église comme pour les philosophes chrétiens ou non d’ailleurs.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

A la recherche de la vérité en histoire et en sciences humaines

Sujet : citation, vérité historique, épistémologie, conduite de l’histoire, Historiographie, histoire comparée, Sciences humaines.


“L’historien est dans la position d’un physicien qui ne connaîtrait les faits que par le compte rendu d’un garçon de laboratoire ignorant et peut-être menteur.”   Charles Seignobos (1854 – 1942), Historien.


Bonjours à tous,

S_lettrine_moyen_age_passion‘il n’est pas à proprement parler un médiéviste, s’étant plutôt spécialisé dans l’histoire politique, cette citation de l’historien ardéchois Charles Seignobos sur la conduite de l’Histoire trouve naturellement sa place ici puisque nous y sommes amenés à aborder régulièrement la question de la vulgarisation historique autant que celle de la « vérité » en Histoire.

L’objectivité relative
des sources documentaires

Hormis les sources juridiques ou d’archives de type registres, pour le reste, concernant la source des documents sur lesquels l’Histoire s’appuie, il n’est pas rare qu’il y  ait controverses sur leur « objectivité ». On retrouve, notamment, ces doutes exprimés au sujet des chroniques ou de récits narratifs faits par des auteurs médiévaux qui se trouvaient souvent à la solde des seigneurs ou des princes qui les rémunéraient ou leur assuraient leur pitance. Quand ces ouvrages n’étaient pas de pures et simples commandes pour mettre en valeur leurs commanditaires, leurs faits ou leur lignages, leurs auteurs étaient, quoiqu’il en soit, pris dans le jeu de leurs propres classes sociales, de leurs idéologies, de leurs préjugés et finalement de leur temps.

medieval_frisure_decoration_ornement_moyen-age_passionLa même chose s’applique encore aux écrits ou chroniques religieuses et, même en dehors des documents « narratifs », certains courants de l’Histoire récentes en sont venus  à remettre en question la fiabilité de sources tels que les registres ou compte-rendus de tribunaux inquisitoriaux par exemple, en pointant du doigt le fait qu’au delà de leur contenu et des comptes ou résultats dont ils faisaient état, ils étaient aussi indéniablement le produit de représentations corporatistes ou biaisées, ou n’en étaient, en tout cas, pas dénuées. C’est un débat qui agite notamment le sujet de l’hérésie albigeoise, en plus de la fiabilité contestée de certaines sources ecclésiastiques; une des questions étant, par exemple, de savoir à quel point les inquisiteurs tentaient de faire entrer les pratiques dissidentes dans des grilles établies. L’autre, en élargissant, consiste à se demander à quel point se fier aux descriptions d’un fait social et religieux dont on ne possède principalement comme témoignages que ceux de son pire ennemi ou de ses détracteurs.

De fait, à la lumière de ces éléments, on comprend bien comment la citation de Charles Seignobos, plus d’un siècle après qu’il l’ait écrite, n’a pas pris une ride. Pour conduire correctement l’analyse historique, il faut donc en plus de vérifier les sources et les dater, sans cesse les recouper entre elles en espérant en avoir les moyens matériels, ce qui n’est pas toujours le cas sur certains sujets.

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L’historiographie et l’Histoire comparée
au secours de « l’objectivité » en Histoire

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Définition : « l’historiographie a pour objet l’écriture de l’histoire ; Activité de celui qui écrit l’histoire de son temps ou des époques antérieures. »
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De fait, sans parler de leur rareté dans certains domaines ou pour certaines périodes de l’Histoire, en sus de la duplicité ou même du peu de fiabilité que l’on peut accorder à certains documents, et même avec les guillemets que peuvent mettre les historiens sérieux dans leur interprétation, il faut encore ajouter à la difficulté de l’analyse, le fait que l’interprétation historique est elle-même souvent, sinon toujours, le fruit d’un contexte idéologique et historique. D’une certaine façon, au fil de l’évolution idéologique des sociétés, elle n’en finit donc pas de se réviser elle-même: l’histoire médiévale du XXe n’en finit pas de réécrire celle du XIXe siècle, celle du XXIe continue son oeuvre tout en réécrivant déjà les limites de celle du XXe. On le voit, la sacro-sainte « vérité historique » ressemble de plus en plus à un mirage qui nous file entre les doigts, rendant difficile toute forme de vulgarisation, sauf à le faire de manière partisane et biaisée.

Au final, un constat demeure. Sauf à suivre une école ou un auteur, mais lequel? Le dernier qui a parlé en présumant qu’il est le plus objectif de tous? Le plus académiquement reconnu?, ou sauf à se dégager de toute opinion en citant les auteurs eux-même ce qui reste tout de même le plus commode, on peut encore se retrancher medieval_frisure_decoration_ornement_moyen-age_passionderrière ce que l’on pourrait appeler une intime conviction dusse-t-elle prendre les dehors de la théorie la  plus objective et la mieux échafaudée. L’honnêteté intellectuelle commanderait sans doute de se resituer idéologiquement aux yeux du lecteur, mais l’expérience a prouvé que l’exercice s’accommodait peu de la prétention de l’objectivité. Aussi, qu’il ait ou non conscience de son propre positionnement, chaque auteur finit donc souvent par écrire sa vérité, charge au lecteur d’y mettre des guillemets.

De tout cela, il résulte, que, pour le chercheur averti comme pour l’amateur curieux ou passionné, il ne peut y avoir de discipline sérieuse en Histoire et même en vulgarisation historique sans approcher l’Historiographie. On ne peut étudier sérieusement la première sans passer par la seconde. Une fois brossé le portrait des courants, des interprétations, et des historiens ayant approché un sujet donné, tout cela ne dit pas pour autant que la vérité est au bout de la ligne droite et qu’elle n’est pas encore en devenir pour qui espère encore, après cela, la saisir. Car là-encore, l’exercice donne simplement l’état des « croyances », des « théories », des « interprétations » possibles sur le sujet en question dans un espace-temps défini. Charge alors de se forger sa propre opinion dans les creux et les pleins de cette méthode comparative et salutaire, mais, il est vrai, fastidieuse.

Border le champ d’observation?

La question qui se pose toutefois dans cette approche reste tout de même de savoir ou s’arrêter dans le « panorama » théorique, et j’entends par là, à la fois dans l’analyse exhaustive des « Histoires » produites, comme celui de l’espace historique et temporel de ces « Histoires ». Sauf à medieval_frisure_decoration_ornement_moyen-age_passionconsacrer à chaque sujet une thèse doctorale et sans limiter les études à un certain champ, on pourrait en effet y passer un certain temps: analyse de toutes les sources documentaires, analyse de tous les auteurs dans le temps ou des plus importants, analyse des écrits ou des sources des parties idéologiques en présence et parties territoriales impliquées pourquoi pas? province, pays, autres nations impliquées, provinces frontalières, etc… Si l’on ne choisit pas un angle simple et partisan, l’exercice de la recherche sérieuse, mais aussi celui de la vulgarisation peut s’avérer complexe quand on ne veut pas simplement le réduire à des fiches de lecture d’auteurs.

Je ne peux m’empêcher en disant tout cela de penser à Edouard Sapir et à son  analyse de la définition de champ culturel et son « deux-plumes n’est pas de cet avis ». Sur un certain nombre de questions relatives à la culture de la tribu, l’indien deux-plumes jamais d’accord avec les autres faisait pourtant bien partie pour Sapir du champ  de la culture étudiée. Cette dernière devait donc être étendue à lui et c’est un principe sans doute applicable à la notion de champ historique ou historiographique. Pour faire une note d’humour, on aura encore ici une pensée émue pour le thésard transis auquel l’un des membres du jury reproche, en plein milieu de sa soutenance, de ne pas avoir lu un auteur en particulier qu’il considère comme essentiel, quand la bibliographie du pauvre bougre en contient déjà deux cent cinquante. Où s’arrêter et qui fait la liste ?

L’épistémologie des sciences humaines
et le statut du chercheur face à son objet

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Définition : épistémologie. « Partie de la philosophie qui a pour objet l’étude critique des postulats, conclusions et méthodes d’une science particulière, considérée du point de vue de son évolution, afin d’en déterminer l’origine logique, la valeur et la portée scientifique et philosophique. »
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Ces questionnements rejoignent encore d’une manière générale, l’épistémologie des sciences humaines ou la manière « objective » et scientifique de les conduire. Tout cela renvoie  aux difficultés du chercheur pour ne pas parler à l’impossibilité technique qu’il y a à s’abstraire de son propre champ d’études. L’honnêteté scientifique en sciences humaines commande à tout le moins d’être conscient de cette donnée afin de la border, à défaut medieval_frisure_decoration_ornement_moyen-age_passiond’être tout à fait capable de l’éradiquer. Sans humain, pas de sciences de l’homme.

L’affaire devient encore plus épineuse quand on songe que la physique quantique elle-même nous apprend que l’observateur déforme son propre champ d’observation jusque dans cette discipline et concernant de simples particules! L’application de ces problématiques à des objets d’étude aussi complexes que les sociétés humaines au présent comme au passé, et par extension à la conduite objective de l’Histoire, donne clairement le vertige. Faut-il y renoncer? Sans introduire un total découragement, ni  une complète impossibilité, on peut tout de même se réjouir  en espérant que la conscience des difficultés entraîne chez les chercheurs en sciences humaines une humilité salutaire face à cet objet philosophique si difficile à saisir et que l’on appelle « vérité ».

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.