“La Nature est une et son origine est une. Un vaste organisme dans lequel les choses naturelles s’harmonisent et sympathisent réciproquement. Le macrocosme et le microcosme ne font qu’un. Ils ne forment qu’une constellation, une influence, un souffle, une harmonie, un temps, un métal, un fruit.”
Citation de Paracelse (1493-1541),
Philippus Theophrastus Aureolus Bombastus von Hohenheim: médecin, alchimiste, philosophe et astrologue.
Sujet : chanson, musique médiévale, renaissance, chanson à boire, folk, musique ancienne. Auteur : Gabriel Bataille (1575-1630) Titre : qui veut chasser une migraine Interprète : le groupe Tri Yann
Une chanson « médiévale » du début de la renaissance
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous faisons une incursion dans les XVI, XVIIe siècles pour présenter une chanson à boire que l’on dit souvent médiévale mais qui, en réalité, ne l’est pas, en tout cas, pas sous la forme musicale qu’on lui connait et qui est celle que nous vous proposons aujourd’hui. Ce ne sera pas la première fois, notez-bien, et il y a souvent une confusion ou quelquefois un abus, sur les choses du passé qui ont tôt fait de se retrouver médiévales quand elles sont, en réalité, de la renaissance, voir même des XVIIe, XVIIIe. De fait, il n’est pas rare que le monde médiéval glisse, en quelque sorte, de quelques siècles vers l’avant dans les esprits. Au fond, on peut en déduire que les lignes tracées par l’Histoire pour tenter de découper l’aventure humaine en période, ne sont pas toujours aussi évidentes ou claires que ça. Quoiqu’il en soit, cette composition: « qui veut chasser une migraine » hérite de cela puisque elle date, quant à elle, de la renaissance plutôt que du moyen-âge.
Gabriel Bataille, maître de musique, joueur de Luth et compositeur à la cour
Pour mettre de l’eau au moulin de la confusion (de l’eau? quelle horreur!), on serait bien en peine de dater la tradition des chansons à boire; sans doute sont-elles aussi anciennes que les premières vignes et cette pièce du jour pourrait presque paraître sortie tout droit de la tradition des goliards du XIIe siècle, à ceci près qu’elle nous parvient en bon français du XVIIe siècle, à quelques lettres près pour la moderniser; elle devait, en effet, à fette époque compter plus de f que de s ou de c dans fon tefte que la verfion poftée ici.
On l’attribue à Gabriel Bataille (1575-1630), un musicien, joueur de luth et compositeur de la cour qui a connu un certain succès à son époque pour avoir notamment mis en tablature de luth un certain nombre de compositions et de chansons d’auteurs divers. Quand on feuillette ses ouvrages et notamment le livre VI des Airs de Différents Auteurs mis en tablature de luth, – que l’excellente bnf a digitalisé et publié en ligne pour nous -, on trouve plutôt des histoires « d’amourettes » ou des textes à la gloire du bon roi et des princes, que cette ode à la boisson qui dénote même franchement du reste. La concernant, on en prête à Gabriel Bataille à la fois la paternité et la composition, même si je n’arrive rien à trouver qui établisse de manière certaine qu’il soit l’auteur du texte.
Tri-Yann, groupe folk mythique
On trouve de nombreuses versions de cette joyeuse invitation à la débauche dans la qualité, interprétées par des formations diverses, avec certaines voix même quelquefois lyriques, mais, pour aujourd’hui, nous avons clairement penché pour cette version « roots », issue d’un esprit plus résolument « taverne » que « cour » (ouf! On s’y sent plus à l’aise).
Elle est Interprétée par le célèbre groupe Tri-Yann, la mythique bande folk de Nantes qui, depuis les années 70, nous font revivre avec bonheur les musiques celtiques et les chants de la Bretagne antique et traditionnelle et y ajoutent leurs propres créations et compositions. Pour notre plus grand plaisir, ils continuent de le faire 46 ans après et pour rester dans notre sujet, cela mérite un toast à leur santé! Longue vie Tri-Yann et merci pour toutes vos belles invitations au voyage! Le Dauphinois, en moi, pourrait être jaloux que ses terres n’aient point encore semblé trouver de troupes ou d’artistes qui puissent les chanter aussi haut et fort que vous chantez votre Bretagne de Coeur.
Nous voulons aussi remercier ici Tri-Yann pour nous avoir répondu si gentiment et si rapidement sur ce projet d’article et pour nous avoir permis l’utilisation de cette vidéo mais aussi d’une photo, en accord également avec Eric Doll qui se charge du site web du groupe. Merci encore!
Pour le reste, vous retrouverez ici sur le site web de Tri-Yann toute leur actualité et leurs nouvelles productions.
Les paroles de « qui veut chasser une migraine »
Qui veut chasser une migraine N’a quoi boire toujours du bon Et maintenir sa table pleine De cervelas et de jambon.
L’eau ne fait rien que pourrir le poumon Goûte, goûte, goûte, goûte, compagnon, Vide-nous ce verre et nous le remplirons.
Le vin goûté par ce bon père, Qui s’en rendit si bon garçon, Nous fait discours tout sans grammaire Et nous rend savant sans leçon.
L’eau ne fait rien que pourrir le poumon Goûte, goûte, goûte, goûte, compagnon, Vide-nous ce verre et nous le remplirons.
Buvons donc tous à la bonne heure Pour nous émouvoir le rognon Et que celui d’entre nous meurt Qui dédira son compagnon.
L’eau ne fait rien que pourrir le poumon Goûte, goûte, goûte, goûte, compagnon, Vide-nous ce verre et nous le remplirons.
Une belle journée à tous et, il nous faut bien l’ajouter, puisque les législateurs se sont mêlés de nous l’expliquer (comme si nous n’étions pas assez grands pour le savoir), que tout cela soit dans la modération!
Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : musique et chanson médiévales, Manuscrit ancien, manuscrit de Bayeux. Titre de la chanson; le Roy Engloys Période : Moyen Âge tardif, fin du XVe siècle. Interprète : ensemble Obsidienne. Album : « le jardin des délices »
Les richesses du manuscrit de Bayeux
écidément, quand il est question d’histoire médiévale, la ville de Bayeux nous régale de bien des choses et pas seulement de la mythique tapisserie de soixante-dix mètres de long que la reine Mathilde broda aux XIe siècle et qui conte l’histoire de la conquête de l’Angleterre par le Duc de Normandie, Guillaume le conquérant. Aujourd’hui, nous nous intéressons à un recueil de chansons datant du XVIe siècle et qui nous vient justement et encore de la ville de Bayeux qui l’a conservé un temps. De cela, nous pouvons déduire que Bayeux est une ville qui conserve, Gloire à elle et à ses habitants! Mais ne nous dispersons pas.
Sous la référence Français 9346, le manuscrit de Bayeux est un ouvrage de cent trois chansons datant donc du début de la renaissance mais compilant des chants et des musiques normandes et d’île de France, réputées écrites dans les cinquante à cent ans précédent leur recompilation par Charles de Bourbon (fin du XVe, début du XVIe siècle).
Entre amour courtois et d’autres chants plus belliqueux ou évocateurs, ou même chansons à boér « Bevons, ma commère », le manuscrit de Bayeux porte aussi la marque indélébile de la guerre de cent ans. Près d’un siècle après les faits, et même si nous sommes presque déjà à l’aube de la renaissance, ce manuscrit ancien peut donc être clairement rattaché au moyen-âge tardif. Avec la chanson « le roy Engloys » (le roi anglais), que nous vous proposons, aujourd’hui, il est question de chanter la mort d’Henri V d’Angleterre (portrait ci-contre datant du XVIe siècle), tête couronnée portée aux nues par les anglais et par Shakespeare, mais honni alors du côté français, la sanglante bataille d’Azincourt n’y étant certainement pas étrangère. De fait, les contemporains du manuscrit de Bayeux n’avaient visiblement oublié ni les faits, ni les prétentions sur le trône du souverain anglais. Hormis quelques incohérences historiques dans le texte, qui semblent s’expliquer par le fait que cette chanson a été écrite longtemps après le trépas d’Henri V, il s’agit bien sûr ici de célébrer la victoire sur les anglais « boutés » hors de France. Ah! Les couez (couards), Mauldite en soit la trestoute lignyé ! Je plaisante, calmons-nous ! N’enfilez pas tout de suite vos cottes de maille, les amis, ces temps sont loin!
L’ensemble Obsidienne
L’interprétation que nous vous proposons aujourd’hui de cette chanson est tirée de l’album « Le Jardin des Délices » de l’ensemble Obsidienne. N’y cherchez pas par contre la voix de Patrick Bruel « Yalil Yalil Ya bibi Halil ». D’abord c’est un café des délices, lui, et pas un jardin donc il ne s’agit pas du tout de la même chose. En plus cela ne se passe, mais alors pas du tout au moyen-âge et d’ailleurs pas en France non plus, donc bon, pardonnez-moi mais il me semble que vous nagez un petit peu en pleine confusion quand même.
Pour revenir à des considérations plus sérieuses, Obsidienne est un ensemble vocal et instrumental formé en 2009 et dont l’ambition affichée est de « faire vivre le répertoire du Moyen-âge et de la renaissance; simplement, avec naturel, en réconciliant l’art de l’interprétation avec celui de l’improvisation ». (sic).
Dirigé par le baryton, contre-ténor, musicien et instrumentiste, Emmanuel Bonnardot, l’ensemble ne se ferme aucune porte quand il s’agit de faire vivre son art, mêlant à sa musique, poésie, théâtre ou danse, et dit même faire appel aux oeuvres picturales des grands peintres du moyen-âge pour parfaire son travail de restitution historique, musical et artistique. Autre originalité de ces artistes et troubadours modernes qui ont mis leurs multiples talents au service de la recherche et l’interprétation des musiques anciennes, l’ensemble, qui comporte au complet plus de seize personnes, peut également se produire en formation plus réduite pour des représentations ou des concerts plus intimistes ou plus spécialisés. Pour plus d’informations sur leur actualité et leur discographie, n’hésitez pas à consulter leur site web ici.
Les paroles de la chanson « le Roi anglais »
Le Roy Engloys se faisoit appeler Le Roy de France par sappellation. Il a voulu hors du païs mener Les bons François hors de leur nation.
Or il est mort à Sainct-Fiacre en Brye, Du pays de France ils sont tous déboutez. Il n’est plus mot de ces Engloys couez. Mauldite en soit trestoute la lignye !
Ils ont chargé lartillerie sur mer, Force biscuit et chascun ung bidon, Et par la mer jusquen Bisquaye aller Pour couronner leur petit roy Godon.
Mais leur effort n’est rien que moquerie : Cappitaine Prégent lez a si bien frottez Qu’ils ont esté terre et mer enfondrez. Mauldite en soit trestoute la lignye !
Une excellente journée à tous!
Fred
pour moyenagepassion.com « A la découverte du monde médiéval d’hier et d’aujourd’hui »