Sujet : vaux de vire, chansons à boire, poésies satiriques, humour, vaudevire, Vire, Normandie. Période : Moyen Âge tardif, Renaissance Auteur : Jean le Houx (1550-1616), Ollivier Basselin (vers 1400-1450 ?) Sources : Vaux-de-Vire d’Olivier Basselin et Jean Le Houx, PL Jacob (1858).
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous restons dans la légèreté en faisant suite à notre premier article sur Ollivier Basselin. Ce personnage, qu’on trouve mentionné dans quelques rares sources médiévales, aurait été un poète normand et un joyeux buveur contemporain du Moyen Âge tardif et du XVe siècle. En dehors des quelques manuscrits qui y font allusion, un auteur renaissant du nom de Jean le Houx lui rendit hommage, un siècle plus tard, en s’inspirant d’une certaine tradition locale et orale.
Chansons à boire et Vaudevire
Le genre dont il est question est à classer dans les chansons à boire. Il porte le nom de Vaudevire ou Vaux de Vire du nom de la ville de Vire, dans le Calvados, dont les deux hommes sont originaires.
Comme on ne peut attribuer d’originaux à Basselin – ce dernier n’a, en effet, laissé aucun legs direct dans les manuscrits connus à ce jour – , il faut ranger cette chanson à boire plutôt du côté du médiévalisme que du côté de la littérature médiévale. Nous l’avons dit, dans les faits, il ne s’agit pas d’une production du Moyen Âge, mais d’un « tribut », un hommage, fait un siècle après la vie supposée de Basselin. Du reste, sa langue, elle non plus, n’a rien de médiévale. Elle est tout à fait proche du français renaissant. Pour être clair, si on avait d’abord supposé que toutes ces chansons à boire avaient pu être collectées, retranscrites et modernisées par Le Houx, à partir d’une certaine forme de tradition orale, rien ne permet, en réalité, de l’établir. De nombreux experts s’accordent même aujourd’hui sur le fait que ces vaudevires d’abord attribués à Basselin sont des chansons écrites ex nihilo par Jean le Houx.
Une longue tradition
Culture de tavernes et ode aux plaisirs de la boisson. Le thème n’est pas nouveau et on pourrait aisément trouver, entre les lignes de ce vaudevire, une résonance certaine avec les poésies des goliards, ces clercs marginaux et polissons du Moyen Âge central qui chantaient la perdition et la débauche bacchusienne de taverne en taverne. On pense à des chansons contemporaines du XIIe siècle comme l’Estuans Intrinsecus de l’Archipoète de Cologne, ou comme le In Taberna des Carmina Burana de Carl Orff. Plus proche encore de Basselin ou de Le Houx, on ne peut s’empêcher de penser aux facéties de François Villon autour de la boisson et du monde des tavernes. On évoquera, pour ne citer qu’elles, son Oraison à l’âme du
bon maître Jehan Cotard ou encore sa ballade de bonne doctrine.
Comme souvent dans les chansons à boire, on trouvera aussi dans ce texte, une forme de satire légère, en creux. C’est assez coutumier du genre. Si la chanson à boire encense les joies du partage entre amis et un certain plaisir social, elle est aussi souvent, de manière gentillette, humoristique et autorisée : transgressive, anti-conformiste, anti-sociale, dans le sens de « anti-productiviste », (éloge de l’oisiveté, …) quelquefois même anti-militariste. Dans le texte du jour, cette dimension satirique reste toutefois très légère. Elle passe simplement par la promotion d’une certaine philosophie du détachement et l’auteur y fera un pied de nez à la recherche d’avoirs et à l’accumulation de richesses.
La Probité et la joie
On plante des pommiers ès bords Des cimetières, près des morts (1), Pour nous mettre en la mémoire Que ceux dont là gisent les corps Ont aimé comme nous à boire.
Si donc de nos prédécesseurs Il nous faut ensuivre les mœurs, Ne souffrons que la soif nous tue : Beuvons des pommiers les liqueurs Ou bien de la plante tortue* (la vigne).
Pommiers croissans ès environs Des tombeaux des bons biberons Qui ont aimé vostre beuvrage, Puissions-nous, tandis que vivrons, Vous voir chargez de bon fruitage !
Ne songeons plus aux trespassez: Soyons gens de bien : c’est assez. Au surplus, il faut vivre en joye. Que servent les biens amassez Au besoin qui ne les employe ?
(1) D’après PL Jacob (op cité), coutume de certains villages normands près de Caen.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
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Sujet : vaux de vire, chansons à boire, poésies satiriques, humour, vaudevire, Vire, Normandie. Période : Moyen Âge tardif, Renaissance Auteur : Jean le Houx (1550-1616), Ollivier Basselin (vers 1400-1450 ?) Sources : Vaux-de-Vire d’Olivier Basselin et Jean Le Houx, PL Jacob (1858). Les Vaudevires Olivier Basselin, Jean le Houx… et Vire, Yvon Davy, Association La Loure – Musiques et Traditions Orales de Normandie, 2017 (consulter en ligne – Lien alternatif téléchargement).
Bonjour à tous,
ans le courant du XVe siècle, en Normandie et plus précisément dans le Calvados, aurait vécu, en la cité de Vire, un poète du nom d’Olivier Basselin. Peu soucieux de chanter l’amour, l’homme aurait laissé, derrière lui, un legs fait d’odes à Bacchus et de chansons à boire, au point même d’avoir donné naissance et des lettres de noblesse à un genre local : le Vaux de Vire ou Vaudevire. Bien sûr, la Normandie ne l’avait pas attendu pour entonner ses premières chansons à boire même si certains auteurs du passé, en plus d’avoir fait de Basselin le créateur des premiers vaudevires, ont, quelquefois généralisé en cherchant à en faire le père des chansons à boire normandes.
Faits ou légendes
A partir de ce là, le médiéviste rigoureux, comme l’amateur d’histoire médiévale, s’efforceront de tout mettre au conditionnel. Dans les manuscrits du XVe siècle, contemporains de Basselin, on ne connait, en effet, aucune sources écrites de ses chansons. Ces dernières ne nous sont « parvenues » que par l’intermédiaire de Jean le Houx. Cet auteur, poète et avocat de Vire les fit éditer, près d’un siècle après la disparition supposée de Basselin. supposément après les avoir transcrites depuis la tradition orale. C’est, en tout cas, ce que l’on a pris pour argent comptant jusqu’au XVIIIe siècle et même un peu plus tard encore.
On en est revenu depuis pour plusieurs raisons que nous exposerons. L’une des premières tombe sous le sens. Plus de 65 chansons ayant traversé le temps, durant un siècle, pour survivre dans la tradition orale ? Même si l’on a admis d’emblée que Jean le Houx avait pu les arranger à sa sauce et les moderniser en terme langagier, cela parait tout de même beaucoup. Sur un tel corpus, il demeure tout de même étonnant qu’aucune pièce n’ait pu être retrouvées dans des manuscrits plus contemporains du XVe. Le Moyen Âge tardif n’est pas le XIIe siècle et un nombre conséquent de manuscrits de ce siècle nous sont parvenus. En dehors de cette absence d’écrits, d’autres raisons viennent encore s’ajouter. Nous les aborderons un peu plus loin mais intéressons-nous d’abord aux sources sur l’auteur lui-même, à défaut d’en trouver sur son oeuvre.
Sur l’existence factuelle d’un Ollivier Basselin ?
D’un point de vue factuel, il semble tout à plausible qu’un dénommé Ollivier Basselin, originaire de Vire, ait existé dans le courant du XVe siècle. La mort d’une personnage portant son nom est même évoquée dans une chanson du Manuscrit de Bayeux (fr 9346) daté de la fin de ce même siècle (consulter sur Gallica), ainsi que dans d’autres sources de la même période. Cette chanson du Ms fr 9346 apporte du crédit au fait qu’un homme du nom d’Ollivier Basselin aurait été un joyeux buveur, doté d’une certaine notoriété locale. D’après ce texte toujours l’infortuné serait tombé de la main des anglais.
Hellas Ollivier Basselin N’orron point de vos nouvelles Vous ont les Engloys mys à fin.
Vous soulliés gayement chanter Et demener joyeuse vye Et les bons compaignons hanter Par le pays de Normendye.
Jusqu’à Sainct Lo, en Cotentin, En une compaignye moult belle Oncques ne vy tel pellerin.
Les Engloys ont faict desraison Aux compaignons du Vau de Vire, Vous n’orrez plus dire chanson A ceulx qui les soulloient bien dire.
Nous priron Dieu de bon cueur fin, Et la doulce Vierge Marie, Qu’il doint aux Engloys malle fin. Dieu le Père fi les mauldye
Quelques autres sources viendront renforcer cette réputation de joyeux drille de Basselin et son goût pour la boisson. Le personnage semble même s’être taillé une telle réputation dans la tradition qu’il en est devenu un « personnage » haut en couleurs et l’archétype local du buveur. C’est en tout cas ainsi qu’on le retrouve cité dans d’autres chansons de la fin du XVe et du XVIe siècle.
Pour le reste, quelques sources supplémentaires sérieuses mentionnent un Ollivier Basselin en 1405 taxé d’une amende et encore un autre, à 55 ans de là, en 1459. Au vue des dates, ce dernier qui était Maître des œuvres du Roi n’était certainement pas le même que le premier. Quant à d’autres sources sur ce patronyme, il a effectivement existé un Moulin Basselin ou Beusselin à Vire, même si son existence n’est attestée, dans les sources, qu’au milieu du XVIe siècle.
Pour d’autres auteurs plus tardifs, Basselin aurait aussi incarné une forme de résistance normande contre les anglais, dans la période troublée de la guerre de cent ans. Selon cette hypothèse, la compagnie entourant le personnage n’aurait donc pas été qu’une compagnie de buveurs. Alors, boit- sans-soef ou héros résistant ? L’histoire locale hésitera. Pourtant, là encore, si la chanson ci-dessus clame que les anglais ont mis fin à la vie de Basselin, ce qui pourrait peut-être établir une forme d’action résistante, il n’y a pas matière, dans ces quelques vers, sauf à verser dans le lyrisme, à en faire un chef de file et un meneur. Entre flou et certitude, voilà, en tout cas, le peu d’éléments que les faits nous apportent.
Un étrange « air de famille »
Plus d’un siècle après la vie supposée de Basselin, un autre auteur et poète du nom de Jean le Houx (1551-1616) éditait donc des « vaux de vire » du légendaire buveur. Il aurait consigné par écrit de larges restes de tradition orale qui auraient permis de faire parvenir jusqu’à lui les pièces de Basselin. Encore une fois, aucune trace écrite ne subsiste au XVe de chansons ou de poésies attribuées à Basselin ; quand Le Houx édite son ouvrage, nous sommes autour de 1576. Pour comble, l’histoire joue de malchance puisque les traces de son édition originale seront égarés dans un premier temps. Il faudra même attendre près d’un siècle de plus (1660-1670), pour qu’un nouvel éditeur de vire Jean de Cesne ne republie, à son tour, les vaudevires de Jean le Houx, accompagnés de ceux prêtés à Basselin.
Comme de nombreux auteurs du Moyen Âge, c’est dans le courant du XIXe siècle que le nom de Basselin resurgira pour donner lieu à de multiples publications. Auguste Asselin, politique et homme de lettres local, sera parmi les premiers à redonner aux vaux de vire et à l’auteur, de nouvelles lettres de noblesse en publiant en 1811, un grand recueil sur le sujet. Reprenant l’ouvrage de Jean de Cesne, il prendra acte, sans véritablement avoir le moyen de l’établir, ni de le vérifier, du fait que le Houx était bien l’éditeur de l’oeuvre de Basselin. Dans un XIXe siècle, qui s’enflamme pour l’histoire de ses régions, autant que pour leurs racines médiévales, de nombreux auteurs voudront croire en cette origine ancienne du Vaudevire, et en l’authenticité des pièces attribuées à Basselin.
Pourtant, dans ce même siècle friand de débats autant que de méthodologie, certains médiévistes viendront bientôt contester la paternité réelle de ces textes. Faits maigres, sources inexistantes, on fait aussi remarquer de troublantes similitudes de style entre les vaux de vire attribués à Basselin et ceux attribués à Jean Le Houx. Dans ces contradicteurs, on retrouvera notamment Eugène de Beaurepaire, historien chartiste et normand du XIXe siècle (voir Mémoire de la société des antiquaires de Normandie), ainsi que Armand Gasté, historien et homme de lettres, originaire de Vire (1875). A partir du Manuscrit de Caen Ms 0207(photo ci-dessus et ci-contre), les deux auteurs s’évertueront à démontrer que l’ouvrage est, en réalité, le manuscrit original de Jean le Houx. Pour eux, certaines ratures ne trompent pas, il s’agit bien de l’oeuvre tâtonnante d’un auteur qui cherche son style et non point d’un copiste qui retranscrit.
Jean le Houx n’a-t-il fait que moderniser les chansons à boire de Basselin comme on l’admettait déjà depuis plusieurs siècles ? A l’évidence, son langage est proche du français moderne et n’est déjà plus le moyen français du Moyen Âge tardif. A-t-il pu les créer ex nihilo, inspiré, peut-être, par un faisceau de tradition ou une rumeur plutôt que par de véritables sources orales ? Il les a, en tout cas, modelé à ce point à sa main qu’il y a même introduit des éléments autobiographiques.
Face à tant de brouillard et malgré le peu de sources d’époque venues plaider en faveur de l’authenticité des pièces, il fallut bien pourtant que les avis demeurent partagés. La polémique continua même, jusque dans le courant du XXe siècle, selon que l’on désirait vouloir insuffler la vie à cet auteur médiéval dans l’ouvrage de Jean le Houx ou lui ôter. Entre tradition orale, sources présentes mais imprécises, bon vivant et « héros » supposé d’une résistance locale contre l’angloys, la légende, était, il faut le dire, séduisante pour qui se cherchait un passé grandiloquent ou truculent. Sous l’égide d’une histoire partiellement éprise de ses traditions locales, on pourrait presque retrouver là, un peu de l’attachement de la Provence aux grandes envolées littéraires des vitas de ces troubadours. Les faits pourtant ou leur absence ne pardonnent guerre en histoire, et dans les vides qu’ils laissent, les plus sceptiques l’emportent souvent sur les rêveurs . Croire ou ne pas croire, la question se pose quelquefois, même en Histoire. On notera du reste que, dans des sources comme wikipédia ou même pour certains éditeurs, la vie d’Olivier Basselin et son oeuvre continuent d’être présentés comme des faits actés.
De Basselin à Le Houx, dans une complicité mêlée de cousinage local qui s’est nouée d’un siècle à l’autre, on verra sans doute plus l’hommage rendu que le fait littéraire historique authentique. Il en demeure, en tout cas, un genre, qu’on nomme le Vaudevire et qui s’épanche du côté de la satire légère, de l’humour de taverne et de la chanson à boire (à consommer, pour la substance, avec modération). Il en demeure quelques pièces drôles, plus renaissantes que médiévales dans leur langage et que nous partagerons ici, de temps à autre. En voici une première , dont on notera, au passage qu’elle sonne bien plus comme un chant antimilitariste que comme un chant résistant.
La guerre et le vin
Hardy comme un Cesar, je suis à ceste guerre Où l’on combat armé d’un grand pot et d’un verre. Plus tost un coup de vin me perce et m’entre au corps, Qu’un boulet qui cruel rend les gens si tost morts.
Le cliquetis que j’aime est celui des bouteilles, Les pipes, les bereaux (broc, tonneaux ?), pleins de liqueurs vermeilles, Ce sont mes gros canons qui battent sans failler La soif, qui est le fort que je veux assaillir.
Je trouve, quant à moy, que les gens sont bien bestes Qui ne se font plus tost au vin rompre les testes, Qu’aux coups de coutelas en cherchant du renom : Que leur chaut (de chaloir), estant morts, si l’on en parle ou non ?
De trop boire frappée, une teste en reschappe ; Sent bien un peu de mal, lorsque le vent la happe, Mais, quand on a dormy, le mal s’en va soudain A ces grands coups de Mars (Dieu de la guerre), tout remède y est vain.
Il vaut bien mieux cacher son nez dans un grand verre ; Il est mieux asseuré qu’en un casque de guerre. Pour cornette ou guidon, suivre plus tost on doit, Les branches d’hiere ou d’if qui monstrent où l’on boit (1).
Il vaut mieux, près beau feu, boire la muscadelle (cidre), Qu’aller sur un rempart faire la sentinelle. J’aime mieux n’estre point en taverne en defaut Que suivre un capitaine à la bresche, à l’assaut.
Neanmoins, tout excez je n’aime et ne procure ; Je suis beuveur de nom et non pas de nature. Bon vin qui nous fais rire et hanter nos amis, Je te tiendray tousjours ce que je t’ay promis.
(1) Selon PL Jacob cela pourrait être en allusion au Buis (burus, bouchon) qui aurait désigné les tavernes ou cabarets de village
En vous souhaitant une belle journée.
Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du Monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : humour, poésie, épigramme, moyen-français, dizain, poésie satirique, satire religieuse, mentalités médiévales, Auteur : Clément Marot (1496-1544) Période : moyen-âge tardif, début de la renaissance Titre : épigramme. De l’Abbé et de son Valet Ouvrage : Œuvres choisies de Marot, Didot, (1808)
Bonjour à tous,
our égayer cette journée, nous vous proposons une épigramme et même un dizain de Clément Marot. Dans cette poésie courte et pleine de sel, le poète de Cahors se riait ouvertement du goût immodéré pour la boisson d’un Abbé et de son valet.
Moyen-âge, mentalités médiévales
et satire religieuse
Depuis le moyen-âge central et en particulier les XIIe siècle et XIIIe siècles, les prêtres, les moines et même les dignitaires de l’Eglise ont souvent été la cible des fabliaux et la poésie satirique médiévale n’a pas manqué de faire ses choux gras des mœurs dévoyées de certains d’entre eux. Convoitise, cupidité, gourmandise, désirs, passage à l’acte sexuel, malice ou bêtise, tout y passe. A travers ces moqueries, ce n’est pas tant la religion catholique et ses valeurs que les auteurs d’alors dénoncent, mais bien plutôt ses brebis « galeuses » ou « égarées ». Et si les ordres monastiques, les plus hautes autorités religieuses et même l’Eglise romaine tout entière peuvent se trouver pris à partie dans certaines de ces satires, là encore, la critique se fait depuis l’intérieur des valeurs chrétiennes avec l’espoir tacite, ou plus clairement exprimé, de voir les choses se bonifier ou se réformer.
Croisades et satires médiévales d’hier contre croisades idéologiques et satiriques actuelles, du point de vue de l’histoire des mentalités, on ne saurait mettre ces railleries sur le même plan. Elles participent de points de vue et d’intentionnalités totalement différentes. La grande majorité de celles qui ont cours aujourd’hui et sont le plus médiatisées se situent, en effet, depuis l’extérieur des valeurs chrétiennes pour les mettre à mal ou les éradiquer.
Pour le reste, il y a rarement des transitions brutales en Histoire. En accord avec les chronologies classiques, si le monde médiéval entre au XVIe siècle dans son hiver, nombre de ses thèmes de prédilection perdureront dans la littérature des siècles suivants, du côté satirique comme du côté courtois. De fait, la culture de Clément Marot et son goût pour les auteurs et certains thèmes du passé, permettent de le considérer, à certains égards, comme un poète de la continuité.
De l’Abbé et de son Valet
Monsieur l’abbé, et monsieur son valet Sont faits égaux tous deux comme de cire : L’un est grand fol, l’autre petit folet ; I’un veut railler, l’autre gaudir et rire ; L’un boit du bon, l’autre ne boit du pire : Mais un debat au soir entr’eux s’esmeut ; Car maistre abbé toute la nuict ne veut Estre sans vin, que sans secours ne meure ; Et son valet jamais dormir ne peut Tandis qu’au pot une goutte en demeure.
Clément Marot – Œuvres Choisies (1808)
Au sujet d’humour médiéval sur le thème de la satire religieuse
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Sujet : reconstitution historique, histoire vivante, François 1er, guerres d’Italie, expédition transalpine, Col de Larche Période : Moyen-âge tardif, renaissance Evénement : la traversée des Alpes en armure des débuts du XVIe siècle « Instigateur » : Stéphane Gal, historien et chercheur universitaire grenoblois
Bonjour à tous,
a presse française et suisse vient de s’en faire écho. Au début du mois de juillet, du côté du Col de Mary (2641m), les habitants des Alpes assisteront à une curieuse expédition qui pourrait bien les ramener, comme par magie, au début du XVIe siècle, au temps de François 1er des guerres d’Italie et aux portes de la bataille de Marignan.
Sur les traces d’une expédition historique
du temps des guerres d’Italie
En 1515, le rêve de reconquête italienne est déjà dans la tête d’un François 1er, nouvellement couronné. Il faut dire que le roi de France n’est pas le premier que la reconquête de terres transalpines, inspire. Depuis la fin du XVe siècle, sous Charles VIII, quatre premières guerres d’Italie ont déjà éclaté qui ont vu s’affronter la couronne française à l’Espagne, la Suisse, et les Etats pontificaux qui refusent de lui céder le Royaume de Naples ; ancienne possession d’Anjou, le vaste territoire du Sud de l’Italie est tombé aux mains de l’Aragonais en 1422 et depuis, les souverains français qui se sont succédé ont, sans relâche, fait valoir leur succession.
(François 1er et les guerres d’Italie, cliquez sur la carte pour l’agrandir)
En 1515, au moment où Francois 1er devient roi de France, l’affaire s’est compliquée d’autant qu’entre temps, la France, en la personne de Louis XII, a revendiqué également des droits sur le Duché de Milan. C’est ce dernier que le souverain fraîchement couronné convoite en priorité et il décide même de faire lever une expédition, dès après son sacre.
Une nouvelle route transalpine
Le Roi de France a mandé des espions et il connait les positions ennemis aussi pour tromper la vigilance suisse et les troupes stationnées massivement au Col de Montgenèvre et au Col de Mont-Cenis, il décide de faire passer son Ost par une nouvelle route : la traversée des Alpes s’effectuera par le Col de Larche et plusieurs dizaines de milliers d’hommes seront engagés dans l’expédition, 40 000 en tout. De crainte de tomber dans quelque embuscade, le souverain insiste pour que les chevaliers portent leurs armures et c’est ainsi harnachées que les armées royales franchiront les montagnes. Après cette longue traversée, l’expédition trouvera bientôt sa récompense, en remportant une victoire légendaire à Marignan.
L’historien et l’Histoire vivante
Comment l’armée du roi a-t-elle pu franchir les Alpes ainsi harnachée et équipée ? Dans quelles conditions et avec quelles difficultés ? La question a tant interpellé l’attention de l’historien et universitaire grenoblois, Stephane Gall qu’il a décidé d’y répondre de la manière la plus concrète qui soit, par l’expérimentation. C’est ainsi qu’ayant levé les fonds pour monter rien moins qu’une expédition réelle, il a réuni quelques chercheurs de métiers, pour marcher, littéralement, dans les pas de l’Histoire. Les vaillants volontaires s’attaqueront donc, le 5 et 6 juillet, au franchissement d’un Col de plus de 2600 mètres d’altitude. S’il ne s’agit pas exactement de la même route que celle empruntée, il y a à peine plus de cinq siècles, par le gros des troupes de François 1er, le Col choisi a probablement été emprunté, dans le même contexte historique, par une escorte d’éclaireurs ayant à leur tête le Chevalier Bayard.
Histoire vivante oblige, des armures d’époque ont été précisément reconstituées et forgées pour l’occasion et les conditions, ainsi que l’équipement des hommes et des chevaux seront également fidèles à l’époque ciblée.
(reconstitution de l’armure
équestre de François 1er. Musée des armées)
Tous les passionnés d’histoire, de chevalerie et de reconstitution historique attendent déjà, avec impatience, des nouvelles de l’expérience et il faut saluer l’initiative de cet universitaire qui a décidé de démontrer, à sa manière, que l’Histoire peut être aussi une science vivante, conduite dans des laboratoires à ciel ouvert. De notre côté, nous souhaitons à ces passionnés d’histoire une grande réussite, la vaillance de Bayard, et beaucoup de courage sous le soleil de juillet, et à plus de 2500 mètres d’altitude !
Une très belle journée à tous.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes