Sujet ; poésie médiévale, littérature, vieux français, François 1er, roi poète, chevalier et mécène, honneur, chevalerie
Période : moyen-âge tardif, début renaissance
Ouvrage : Poésie du roi François 1er, de Louis de Savoie…, Aimé Champollion Figeac (1847)
Bonjour à tous,
ous approchons aujourd’hui la toute fin du moyen-âge et même le début de la renaissance avec le roi François 1er qui prit Clément Marot sous son aile et qui fut un roi mécène, grand amateur d’art, autant qu’un roi poète. On en fait, à raison, le roi de la transition du moyen-âge finissant vers le siècle des lumières et pour autant qu’il se situe dans cet entre-deux, il est aussi un roi chevalier, symbole et porteur de valeurs de bravoure et d’honneur héritées du monde médiéval.
Dans les vers que nous vous proposons aujourd’hui, le roi de France nous relate sa capture à la bataille de Pavie contre les armées de l’empereur Charles Quint et, à travers cet extrait, il nous donne aussi une définition du sens de l’honneur.
(ci-contre, le roi François 1er capturé sur le champ de bataille à Pavie 1525.)
Il est intéressant de voir comment après avoir été mis à mal par la guerre de cent ans et les archers longs d’Angleterre à l’occasion de diverses batailles, après avoir encore été remis en question dans son efficacité même par l’artillerie et la poudre qui prend sur les champs de bataille de plus en plus d’importance, la chevalerie, et surtout son esprit, demeurent encore prégnants dans ce moyen-âge finissant.
Pourtant si cet esprit chevaleresque et ses valeurs traversent le moyen-âge littéraire et militaire sans pour autant toujours se superposer parfaitement, de Roland de Roncevaux à François 1er, sans doute faut-il voir quelques nuances ou quelques variations dans cette notion d’honneur dont il est ici question. Si cette dernière reste au centre des valeurs chevaleresque et si elle commande, à travers les âges et depuis l’antiquité, de ne pas fuir au combat, elle voit Roland se sacrifier et mourir, quand François 1er ne va pas jusqu’à y perdre sa vie mais rend les armes sur le champ de bataille. Il ne s’agit donc plus ici de triompher ou périr, mais de ne point fuir tout en préservant sa vie, dusse-t-on se retrouver vaincu et captif. Il n’est pas question bien évidement, en disant cela, de juger mais simplement de souligner qu’au fond et, entre les deux, les valeurs attachées à l’héroïsme ont un peu glissé et changé, même s’il faut encore rappeler les précautions que nous prenions plus haut et se souvenir que chevalerie littéraire et faits historiques ne se recoupent pas nécessairement.
Valeurs chevaleresques
contre stratégie militaire ?
travers tout cela, i demeure intéressant de voir combien les valeurs de la chevalerie française et leur prégnance dans les mentalités médiévales ont fini, à de nombreuses reprises, par s’imposer sur le terrain, presque à l’encontre de la stratégie militaire.
Même si la notion d’honneur dont nous parle François 1er dans cette poésie, n’est déjà plus tout à fait la même qu’un siècle auparavant, nous retrouvons ici ce même constat qui a peut-être, en partie, expliqué la défaite d’Azincourt. En ne reculant pas et en se laissant prendre dans un acte certes héroïque, mais finalement militairement peu judicieux, le roi fait prisonnier devra concéder la Bourgogne et bien d’autres choses encore, à l’occasion du traité de Madrid (1526). Il en mesurera d’ailleurs lui–même le lourd prix dès le lendemain de sa capture en écrivant ces lignes à sa mère, la duchesse d’Angoulême :
« Madame, pour vous faire savoir comment se porte le reste de mon infortune, de toutes choses ne m’est demeuré que l’honneur et la vie qui est sauve. »
François 1er, à sa mère, la Duchesse d’Angoulême,
De nos jours, on admettrait aisément qu’un chef de guerre puisse reculer pour ne pas être pris, quitte à revenir plus tard à ou un moment plus propice, sans que son honneur soit en péril. Et si l’on voulait encore se convaincre des nuances changeantes que peuvent revêtir les mots dans leur traversée du temps, on se souviendra encore que l’honneur, au sens d’homme d’honneur « moderne », soit respectueux de sa parole donnée ou de ses engagements, ne s’applique pas non plus dans le contexte puisque peu après la bataille de Pavie, François 1er signera le traité de Madrid et une fois relâché, ne le respectera pas. Devant l’histoire, il ne sera pas, cela dit, le premier roi qui s’engagera sur des traités avec ses ennemis pour ensuite ne pas les respecter.
Pour creuser un peu ces aspects d’honneur à travers les âges, je vous conseille l’article « Pour un histoire de l’honneur » de Léon E Halkin sur persée.
L’honneur chevaleresque
à travers la poésie de François 1er
Trop tost je veiz ceux-là qu’avoys laissez
De tout honneur et vertu délaissez ;
Les trop meschants s’enfuyoient sans combat
Et entre eulx tous n’avoyent autre débat
Si n’est fuyr ; laissant toute victoire,
Pour faire d’eulx honteuse la mémoire.
Malheureux las ! et qui vous conduisoit
A telle herreur, ne qui vous advisoit
Habandonner, fuyans en désaroy,
Honneur, pays, amys et vostre roy ?
Maie pour venir à mon premier propos
Quand, indignes de vertus et repoz,
Je \eiz mes gens par fuyte trop honteuse
A leur honneur et à moy dommaigeuse.
Triste regret et peine tout ensemble,
Deuil et despit en mon coeur si s’assemble :
Autour de moi en regardant ne veiz
Que peu de gens des miens à mon advys ;
Et à ceulx-là confortay sans doubtanoe
De demourer plustost en espérance
D’honneste mort ou de prise en effect,
Qu’envers l’honneur de nous fut rien forfaicl.
De toutes pars lors despouillé je fuz,
Rien n’y servit deffence ne refuz ,
Et la manche de moi tant estimée (3)
Par lourde main fut toute despecée.
Las ! quel regret en mon cueuir fut bouté.
Quant sans deffence ainsy me fut ostá
L’heureux présent par lequel te promys
Point ne fouyr devant mes ennemys.
Mais quoy ! j’estois soub mon chevàl en terre,
Entre ennemys alors porté par terre.
Las ! que diray, cela ne. veulx nyer,
Vaincu je fuz et rendu prisonnier.
(3) Manche. pièce d’étoffe que les chevaliers portaient dans les tournois en souvenir de la dame de leurs pensées.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.