» JE VOUS DIS QUE JE L’AVAIS POSE LA! C’est un monde ça quand même! Je parle macédonien ou quoi? Bon, tout l’monde écoute bien maintenant parce que je le redirai pas deux fois. Le premier qui dit encore que je suis B..délique, mais attention! même la moindre petite esquisse d’allusion, i prend ma sandale dans sa face. »
Joseph d’Arimathie, Autour de l’an 34.
__________________________________________________________________________Humour médiéval, moyen-âge et Histoire (ou presque), citations oubliées. légendes arthuriennes.
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« Sujet : Citations et poésie médiévales, légendes Arthuriennes, Saint Graal, table ronde, châteaux et chevaliers Titre : roman du Graal, conte du Graal, Perceval. Auteur : Chrétien de Troyes Période : moyen-âge central, XIIe siècle
« C’était au temps que les arbres fleurissent, que les bocages se couvrent de feuilles et les prés d’herbe verte, alors que dès l’aube les oiseaux chantent doucement en leur latin et que toute créature s’enflamme de joie. » Chrétien de Troyes, le conte du Graal, Perceval le Gallois
vant de faire plus grand tribut à Chrétien de Troyes et son oeuvre sur le Saint Graal et les légendes arthuriennes, oeuvre qui a marqué le monde médiéval et les valeurs de la chevalerie du moyen-âge de manière indélébile, nous voulons ici partager un peu de sa belle poésie, avec un extrait du roman de Graal sur le chevalier Perceval. Nous en profitons aussi pour soulever quelques idées sur cette fascinante quête du Saint Graal des légendes arthuriennes qui inspirera bien des auteurs, mais aussi simplement des hommes, longtemps après Chrétien de Troyes.
Qui est Chrétien de Troyes?
Que sait-on de Chrétien de Troyes en dehors de la fascination qu’exerce encore sur nous les légendes qu’il nous conte? Comme de nombreux auteurs médiévaux, son identité reste mystérieuse et on ne sait pas grand chose de précis le concernant. Il a vécu au XIIe siècle, serait né autour de 1135(?) et mort autour de 1183(?). Il a laissé pour nous une oeuvre poétique fournie mais pourtant inachevée, cinq récits en rimes, dont ce roman de Graal sur le chevalier Perceval qu’il n’aura pu finir et dont nous livrons aujourd’hui un court extrait. De l’héritage de cet auteur, on s’accorde à dire que plus qu’avoir simplement reflété la période médiévale qui l’a vu naître, il lui aura insufflé et inspiré, à travers les légendes du grand roi Arthur et de ses chevaliers, des valeurs, un idéal, une façon chrétienne d’être au monde. Noble chevalerie en quête de justice et de sacré, amour courtois magnifié et pourtant sitôt transgressé, les hommes y luttent avec leur nature et quelquefois même contre elle, pour s’élever dans des valeurs qui sont à la fois humaines, religieuses et sociales. (ci- contre le couronnement du roi Arthur, XVe siècle, BnF,voir le document original ici)
L’inspiration des légendes Arthuriennes
On l’a souvent dit, s’il est certainement celui qui donnera la consistance véritable et qui cristallisera les légendes du roi Arthur et de ses chevaliers de la table ronde, Chrétien de Troyes aura puisé son inspiration dans le Roman de Brut, un ouvrage que l’auteur médiéval anglo-normand Robert Wace, avait composé, autour de 1155, dans l’entourage de Henri II Plantagenêt (1133-1189), roi d’Angleterre, époux d’Aliénor d’Aquitaine, et père, entre autres enfants célèbres, de Richard Coeur de Lion et de Jean Sans terre. (photo ci-contre, Roman de Brut, Brutus débarquant dans l’île d’Albion, gravure médiévale du XIVe siècle, BnF,voir l’original).
L’inspiration de Wace connaît elle-même, comme filiation, celle de l’incontournable Geoffroy de Monmouth, ecclésiastique féru de littérature, ayant fini de publier, autour de l’an 1139, l’ouvrage « Historia regum Britanniae ». Il y contait alors déjà, entre autres mythes et histoires, les conquêtes d’un certain roi Arthur. Bien que réfuté par les historiens contemporains de notre ecclésiastique, l’ouvrage connaîtra un grand succès et inspirera de nombreux chroniqueurs et auteurs, dont Robert Wace, qui poursuivront ainsi le vaste corpus des légendes arthuriennes auquel Chrétien de Troyes contribuera aussi. Des nombreuses sources d’inspirations de ce dernier, qui s’en est allé aussi boire à la source des légendes celtes pour écrire ses ouvrages, il reste indubitable que Chrétien de Troyes aura contribué à christianiser cette légende.
L’allégorie de la quête du Saint-Graal
au service d’un idéal humaniste et chrétien.
Un moyen-âge profondément chrétien
Nous l’avons dit et ce loin d’être une idée nouvelle, le moyen-âge du XIIe siècle reste profondément chrétien. Nous sommes dans les siècles des croisades où l’on n’hésite pas à prendre la croix, au péril de sa vie, pour traverser le monde aux appels des papes : protéger les chrétiens d’orient ou le tombeau du christ, aller quérir les saintes reliques et se sanctifier à son tour. Les nobles et seigneurs d’alors sont portés par ces idéaux et dans les campagnes et les villes, on peut faire varier la forme de ses croyances chrétiennes (au péril de sa vie, quelquefois), mais « ne pas croire » ne semble une option pour personne. Cette dimension et ce contexte ne peuvent être dissociée de l’oeuvre de Chrétien de Troyes.
Bien sûr, il y a dans les légendes arthuriennes, comme dans tout mythe ou légende, l’aventure et la féerie, l’action, les rebondissements, les hommes face à la réalité du monde, mais nos preux chevaliers sont, dans l’oeuvre du poète et à travers leurs quêtes, plus que jamais face à la quête profonde de la divinité et dans un recherche initiatique constante. Fusse-t’il un plat devenu coupe sous la plume de Chrétien de Troye, le Saint Graal n’est pas qu’un objet fait de matière, il est aussi un prétexte pour nos chevaliers à se chercher eux-mêmes dans un idéal chrétien, et au delà, à se sanctifier au sens encore chrétien du terme. (photo ci -dessus, le Saint Graal apparaît aux chevaliers de la table ronde, XVe siècle, BnF.consultez l’original ici)
Égaux dans la quête et devant Dieu
Unir les hommes de toutes origines dans un idéal de valeurs et de transcendance, c’est, sans aucun doute à travers la recherche du Saint-Graal une des idées fortes des légendes arthuriennes du moyen-âge.
« La table ronde n’a pas d’angles pour que personne n’en soit exclus ». C’est la quête, plus que l’éducation ou l’origine sociale qui unit nos chevaliers, une communion de valeurs, un élan vers un idéal et cet idéal est chrétien et les rend égaux entre eux et devant Dieu. Même s’il n’est pas dénué d’origine noble par le sang, sans doute que celui qui personnifie le mieux cette idée dans les légendes Arthuriennes reste le chevalier Perceval; être simple et rustre à la naïveté touchante, élevé par sa mère loin du monde des hommes, de la chevalerie et même des églises, mais que le destin prophétisé finira par rattraper pour le faire entrer dans la légende. Il n’est pas une adaptation ou une seule version de l’histoire d’Arthur et des chevaliers de la table ronde digne de ce nom, depuis, qui ne réussisse pas à nous le faire aimer, pour ce qu’il est et pour ce qu’il représente, Je ne peux en disant cela, m’empêcher de penser au Perceval d’Alexandre Astier dans Kaamelott, (photo ci-contre, la quête du Saint-Graal, arrivée de Galaad à la cour d’Arthur et à la Table ronde, parchemin 1380-1385, Bnf voir original ici).
DES ORIGINES RUSTRES DE PERCEVAL Parenthèse Kaamelott très à propos, pour se détendre un peu.
Souffrez que je cite ici, au milieu de tant de sérieux, le très cher Alexandre Astier, en le laissant exprimer lui-même, sa vision des origines de Perceval, par la bouche même de ce dernier:
« Excusez, c’est juste pour vous dire que je vais pas pouvoir rester aujourd’hui! Faut que je retourne à la ferme de mes vieux ! Y a ma grand-mère qui a glissé sur une bouse ! C’est le vrai merdier ! » Perceval, (Franck Pitiot), Chevalier de Kaamelott
Concernant cette table ronde et la symbolique de ces chevaliers au service du Christ dans leur quête, il faut encore relever ce détail que nous livre Jean Pierre Bordier, professeur agrégé de l’Université dans son article consacré à Merlin l’enchanteur sur Universalis. Il nous dit bien jusqu’où va la symbolique chrétienne chez les auteurs médiévaux des légendes d’Arthur, ici dans le roman de Robert de Boron, clerc de la fin du XIIe et du début du XIIIe siècle, qui nourrira encore l’oeuvre arthurienne de ses vers très chrétiens.
« La Table ronde ne réunit pas seulement l’élite des chevaliers d’Arthur, tout en prévenant par sa forme toute querelle de préséance, mais reproduit aussi la table du Graal, dressée par Joseph d’Arimathie (d’après le roman en vers de Robert de Boron) en mémoire de la table de la Cène. »
Arthur, ô roi des rois!, porteur de l’épée sacrée, union personnifiée des mondes celtes et romains en un seul homme, réconciliant tous les contraires, messager des Dieux sur la terre, il est le garant de cette union des mondes et de ces valeurs chrétiennes et il lui faut de larges épaules et de l’humanité tout autant qu’une foi sans borne, pour les porter par devers tous et pour tous ses chevaliers; être le guide qui montre le chemin, même si, au fond, chacun d’entre eux, avec ses forces et ses faiblesses, est aussi en quête de lui-même. Et il n’en reste pas moins homme et de la faiblesse de cette nature, ils failliront aussi, parfois, dans cette quête de perfection. (ci dessus, Lancelot du Lac conte ses aventures au Roi Arthur, illustration médiévale du XIIIe siècle, Bnf, voir original et détail ici)
La quête intérieure
Et les voilà, nos chevaliers de la table ronde, questionnant leurs origines, leurs actions et leur devenir, vivant et agissant dans une recherche constante d’eux-même qui les pousse, vers l’avant, comme pour mieux s’y trouver, et, à travers cette quête, pour retrouver un idéal d’homme. Et cet idéal avec Chrétien de Troyes et ses successeurs, est celui du noble chrétien, protégeant les déshérités, aimant les dames de cet amour distant et courtois, emprunt de grand respect, dans l’espoir qu’elle les invitent, peut-être un jour, à s’approcher. C’est encore ce noble chrétien qui part sur les routes, s’oubliant dans ses quêtes pour mieux s’y retrouver, à chercher les saintes reliques, à pourfendre l’injustice et à suivre, en tentant de ne pas faiblir, le chemin du Saint Christ et les traces sacrées qui ont pu demeurer. Ces héros qui se cherchent eux-même dans un idéal de chevalerie et à travers le Saint Graal, réussiront-ils à devenir les réceptacles de la lumière divine et sacrée? Mériteront-ils, par leurs actes et leurs faits, la reconnaissance de Dieu? Et par la découverte du Saint Graal, se verront-ils confirmer par la toute puissance divine, le bien fondé de leurs actions, leur juste tenue sur le chemin ? Pourront-ils s’élever et devenir, à leur tour, réceptacles sacrés de la lumière divine? Leur sang pourra-t’il jamais être aussi pur que celui du Saint Christ? (photo ci-dessus, Arthur triomphant de l’épreuve de l’épée et tirant Excalibur du rocher, parchemin du XIVe siècle, BnF,voir original ici)
Au fond, comme dans toute quête mystique, le chemin importe plus que sa finalité, la route compte plus que la destination. Et l’immortalité qu’on prête au Saint Graal semble au sortir moins importante que la pureté de sa sainte quête qui est un idéal du devenir et de la transformation, la clef d’un questionnement tout à la fois humain, religieux et social. Ne sont-ils pas, d’ailleurs, devenus immortels? Trouver sa place en soi-même, parmi les hommes et dans la lumière du divin et du Saint Christ, c’est là que se situe l’allégorie du Saint Graal. C’est celle d’un monde médiéval profondément chrétien dans lequel Chrétien de Troyes nous invite et c’est un monde qui, à travers les légendes arthuriennes, aspire à l’élévation de l’homme, dans une quête humaniste et sacré du divin.
Chrétien de Troyes, merveilles du roman
de Graal et de la poésie médiévale
L’extrait suivant est tiré du conte de Graal. Il nous conte les merveilles d’un château médiéval que Gauvain croise sur son chemin, palais splendide de richesses et de puissance comme on en voit se multiplier dans le courant de ce XIIe, que l’on a nommé le siècle de l’âge d’or des châteaux-forts.
Extrait original de Chrétien de Troyes
en vieux français
De l’autre part de l’eve sist .I. chastiax trop bien compassez Trop fors et trop riches assez Ja ne quier que mentir m’en loise Li chastiax sor une faloise Fu fermez par si grant richece Qu’onques si riche fortereche Ne virent oeil d’ome qui vive, Car sor une roche naïve Ot .i. palais molt grant assis Qui toz estoit de marbre bis El palais fenestres overtes Ot bien .v .c totes covertes De dames et de damoiseles Qui esgardoient devant eles Les prez et les vergiers floris
Extrait adapté en français moderne
De l’autre côte, posé sur l’eau, Se tenait château si bien fait, Si puissant et riche à la fois, Je ne crois mentir en disant, Le château sur une falaise Etait fait de tant de richesses Que jamais si grande forteresse, Homme qui vit put contempler. Car sur la roche brute et vive, Se tenait un palais si grand, Tout entier fait de marbre gris. Au palais, les fenêtres ouvertes, près de cinq cent, étaient couvertes De dames et de damoiselles Qui regardaient au devant d’elles, Les prés et les vergers fleuris.
Une belle journée à vous, mes bon amis, puisse la dame du lac vous inspirer et puissiez-vous goûter avec elle la poésie de notre monde et sa magie, la beauté du chant des rivières et toute la profondeur des belles légendes arthuriennes! Longue vie à tous!
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com « L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus Ier s. av. J.-C
« C’est dingue ça! Il est passé où c’machin encore? Je l’avais posé là, j’te dis! Chuis pas fou quand même! »
Joseph d’Arimathie, Autour de l’an 33
Humour médiéval, moyen-âge et Histoire (ou presque), citations oubliées, légendes arthuriennes.
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« Non mais ne vous embêtez pas avec ça, Madeleine. C’que vous faites, vous avez qu’à le poser là, pour l’instant. J’le rangerai plus tard » Joseph d’Arimathie, Autour de l’an 33.