Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, vengeance, Vierge, chevalier Epoque : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X (1221-1284) Titre : Se óme fezér de grado pola Virgen algún ben, Interprètes : Rosa Gallica (régizenei együttes)
Bonjour à tous,
ous poursuivons notre voyage du côté de l’Espagne médiévale, avec les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, toutes entières dédiées au culte marial. Aujourd’hui, nous approchons de plus près la .Cantiga 207. Elle nous conte l’histoire d’un chevalier fervent serviteur de la Sainte qui, voulant venger son fils assassiné par un autre chevalier, accorda finalement son pardon au meurtrier et le relâchera après avoir vu l’image de la vierge (sans doute une statue) dans une église. Il est donc question ici de miracle puisque le poète nous conte même qu’ayant vu l’homme faire montre de clémence, la statue s’inclina et l’en remercia.
La Cantiga 207 par l’Ensemble médiéval Rosa Gallica musique ancienne
L’Ensemble médiéval Rosa Gallica
C’est, cette fois, du côté de la Hongrie que nous entraîne l’interprétation de la cantate du jour. Nous la devons à un tout jeune groupe qui s’est formé en 2014.
En prenant le nom de Rosa Gallica, (nom latin de la Rose de Provins), ces créateurs ont aussi tenu à marquer clairement leur intérêt pour le répertoire galaïco- portugais du moyen-âge central et notamment les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse le Sage. De fait, ils se produisent depuis quelques années déjà, sur la scène hongroise dans un spectacle qui leur est totalement consacré.
La formation trouve en réalité ses origines dans un trio de joyeux musiciens du nom de Sub Rosa présent dans le champ de la musique médiévale depuis 1999. A l’occasion du projet autour des Cantigas, les trois artistes ont décidé d’élargir leur collaboration à plusieurs autres musiciens de talent, dont notamment une chanteuse à la superbe voix : Anna Orsolya Juhász.
Bien que n’ayant pour l’instant qu’une carrière relativement courte, on doit déjà à Rosa Gallica deux mini-CDs ainsi qu’un livre audio autour de Cantigas. Vous pourrez retrouver ces productions ainsi que des musiques à télécharger sur leur site web. Dans le même temps, le Trio Sub-Rosa continue de produire ses propres spectacles ou albums sur un répertoire plus profane et festif mais qui reste centré sur le moyen-âge central et même plus spécifiquement le XIIIe siècle.
La Cantiga de Santa Maria 207
La vengeance d’un chevalier
Esta é como un cavaleiro poderoso levava a mal outro por un fillo que lle matara, e soltó-o en ũa eigreja de Santa María, e disse-lle a Magestade “gracías” porên.
Celle-ci raconte comment un chevalier puissant en voulait (malmenait) à un autre qui avait tué son fils, et le relâcha dans une église de Sainte-Marie, et sa majesté lui dit « Merci » pour cela.
Se óme fezér de grado pola Virgen algún ben, demostrar-ll’ averá ela sinaes que lle praz ên.
Si vous accomplissez avec bonne volonté, quelque bonne action pour la vierge, elle vous montrera les signes qu’elle s’en réjouit.
Desto vos direi miragre, ond’ averedes sabor, que mostrou Santa María con merce’ e con amor a un mui bon cavaleiro e séu quito servidor, que ena servir metía séu coraçôn e séu sen.
Se óme fezér de grado pola Virgen algún ben…
A ce propos, je vous conterai d’un miracle, que vous goûterez la saveur Qui montre la miséricorde et l’amour de Sainte Marie envers un bon chevalier qui était son serviteur et qui mettait son cœur et son intelligence à la servir.
El avía un séu fillo que sabía mais amar ca si, e un cavaleiro matou-llo. E con pesar do fillo foi el prendê-lo, e quiséra-o matar u el séu fillo matara, que lle non valvésse ren.
Se óme fezér de grado pola Virgen algún ben…
Il avait un fils à qui il donnait beaucoup d’amour Mais, hélas, un chevalier le tua. Et portant la tristesse Du fils qu’on lui avait pris, il voulut le tuer à l’endroit même où l’autre avait tué son fils, même si cela ne servait à rien.
E el levando-o preso en ũa eigreja ‘ntrou, e o pres’ entrou pós ele, e el del non se nembrou; e pois que viu a omagen da Virgen i, o soltou, e omildou-s’ a omagen e disso “graças” porên.
Se óme fezér de grado pola Virgen algún ben…
Et comme il l’avait fait prisonnier, il entra dans une église, Et le prisonnier entra après lui, et ce dernier ne se souvenait plus de lui ; Et après qu’il ait vu l’image (statue) de la Vierge, il le relâcha, Et alors « l’image » s’inclina et dit « Merci pour cela ».
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, chanson, galaïco-portugais, culte marial, Sainte-Marie, vierge, Moyen Âge chrétien, Espagne médiévale Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle Titre : Cantiga 1 « Des oge mais…» Auteur : Alphonse X (1221-1284) Interprète : Ensemble Antequera, Johannette Zomer Album : Eno Nome de Maria, Cantigas de Santa María d’Alphonse X le Sage (2001)
Bonjour à tous,
n suivant le fil des Cantigas de Santa Maria d’Alphonse le Sage, que nous nous sommes pris à traduire et commenter depuis quelque temps déjà, nous revenons aujourd’hui à leur source en vous présentant la première de ce recueil de chansons médiévales dédiées à la Sainte, sur le ton et à la manière d’un troubadour.
Dans cette première Cantiga, le poète nous explique sa résolution de ne plus exercer son art de « trouver » qu’en l’honneur de la vierge Marie, ce qu’il fera tout au long de ce volumineux ouvrage. Il y passe aussi en revue, les grands moments de la vie de la Sainte et toutes les bonnes raisons qu’il y voit de lui dédier ses vers et sa foi.
Que les amateurs de musique, mais aussi d’Histoire médiévale trouvent ici de quoi mieux comprendre les fondements de ce culte Marial, dont nous ne finissons pas de souligner l’importance au sein d’un Moyen Âge européen et chrétien qui a fait du Salut, une question primordiale et de la Sainte, une voie d’exception pour l’atteindre. Dans ceux que ces traductions pourraient encore intéresser, nous n’oublions pas non plus, les chrétiens qui nous lisent. Qu’ils leur plaisent de trouver ici, l’antique témoignage de cet amour et cette foi véritables que l’homme médiéval a voué à Marie et, pourquoi pas, les bases de quelques chants inspirés.
La Cantiga de Santa Maria 1 par L’Ensemble Antiquera
L’Ensemble médiéval Antequera
Fondée dans le courant des années 90, par sept musiciens venus de pays différents, avec une large représentation de la Hollande, l’Ensemble Antequera s’est spécialisé dans un répertoire touchant les musiques médiévales espagnoles. Sous le nom d’Antequera on ne leur connait que deux albums, celui dont est issu la pièce présentée ci-dessus, et un autre sur les musiques juives et chrétiennes de l’Espagne médiévale.
La formation n’a plus fait parler d’elle depuis longtemps déjà et on ne trouve hélas aucun site web, ni même une page Facebook en ligne pour nous donner plus de détails sur elle. La plupart des artistes l’ayant composée sont en revanche toujours actifs dans le champ des musiques anciennes. En voici la liste : Sabine van der Heyden ( chant, vièle à roue) Carlos Ferreira Santos (chant), Sarah Walden (vièle), Lucas van Gent (flûte et rebab) René Genis (luth), Michèle Claude et Robert Siwak (percussion).
Eno Nome de Maria Cantigas de Santa María d’Alphonse X le Sage
Dans le courant de l’année 2001, l’Ensemble Antequera enregistrait à Paris, à la Chapelle de l’hôpital Notre-Dame de Bonsecours, un album dédié aux Cantigas d’Alphonse X, en proposant 12 pièces choisies de ce vaste répertoire. Rejoint pour l’occasion par la très reconnue cantatrice soprano néerlandaise Johannette Zomer, l’album fut largement salué et on n’en trouve encore d’excellentes critiques en ligne.
Dans son approche des cantigas, la formation a accordé une large place à l’improvisation et a aussi fait une belle part à des variations mélodiques où viennent se mêler les influences du berceau méditerranéen et les tons chauds de la musique séfarade ou arabe de cette période. Sommes-nous proches de l’interprétation qu’en faisaient les troubadours de l’époque ? Difficile de l’affirmer même si l’on peut supposer que ces derniers s’adonnaient aussi aux digressions et aux improvisations.
Se souvenant du goût et de l’ouverture d’esprit du souverain de Castille pour les cultures présentes sur le territoire de l’Espagne d’alors (voir portrait d’Alphonse X),, on pourra encore tout à fait rejoindre l’esprit de cette interprétation et en comprendre mieux le cheminement. En se fiant aux manuscrits anciens autour de ces Cantigas, on y retrouve également illustrée une pléthore d’instruments qui laisse présumer encore de la richesse des sonorités et des interprétations auxquelles ses chansons médiévales pouvaient être sujettes.
Ajoutons encore que dans cet album où l’Ensemble déroule chaque pièce, avec délectation, on reconnaîtra la maîtrise d’un répertoire déjà longuement éprouvé. Cette production fait, en effet, suite à plus de dix ans de pratique par l’Ensemble Antequera des Cantigas de Santa Maria et il en est, en quelque sorte, le couronnement. Du côté distribution, il est toujours édité et vous pourrez le trouver à l’adresse suivante : Cantigas de Santa Maria: Eno nome de Maria.
Des oge mais quer’ eu trobar les résolutions pieuses d’un Troubadour
NB. Cette traduction n’a absolument aucune prétention de rejoindre la force et la poésie de l’originale. Ce n’est vraiment qu’un guide de compréhension générale. Dans le même esprit, nous avons aussi maintenu autant que faire se peut et au détriment du style, l’ordre des phrases pour coller à la version originale. Il est évident qu’une véritable adaptation supposerait un sérieux remaniement.
Esta é a primeira cantiga de loor de Santa María, ementando os séte goios que ouve de séu Fillo.
Ceci est la première Cantiga de louanges à Sainte-Marie, nous rappelant les sept joies qu’elle reçut de son fils.
Des oge mais quér’ éu trobar pola Sennor onrrada, en que Déus quis carne fillar bẽeita e sagrada, por nos dar gran soldada no séu reino e nos erdar por séus de sa masnada de vida perlongada, sen avermos pois a passar per mórt’ outra vegada.
A partir d’aujourd’hui, je ne veux plus « trouver » (chanter et composer)
Que pour la Dame Honorée, En laquelle Dieu voulut se faire chair, Bénite et sacrée, Pour nous donner une grande foi En son règne et nous faire héritage A ceux de sa Maison (Mesnie) De la vie éternelle Sans que nous n’ayons plus à passer Par la mort, une autre fois.
E porên quéro começar como foi saüdada de Gabrïél, u lle chamar foi: “Benaventurada Virgen, de Déus amada: do que o mund’ á de salvar ficas óra prennada; e demais ta cunnada Elisabét, que foi dultar, é end’ envergonnada”.
Et pour cela je veux commencer à conter Comment elle fut saluée Par Gabriel qui vint l’appeler : « Bienheureuse Vierge, aimée de Dieu : De celui qui doit sauver le monde Tu es maintenant enceinte, Comme ta cousine Elisabeth, qui doutait et marchait dans la honte.
E demais quéro-ll’ enmentar como chegou canssada a Beleên e foi pousar no portal da entrada, u pariu sen tardada Jesú-Crist’, e foi-o deitar, como mollér menguada, u deitan a cevada, no presév’, e apousentar ontre bestias d’ arada.
Et je veux dire encore, Comme elle arriva épuisée A Bethléem y se réfugia A la porte d’entrée Et enfanta sans tarder, Jésus-Christ, et alla l’étendre Comme une femme miséreuse Là où l’on verse l’orge (mangeoire ) dans la crèche, et l’installa parmi les bêtes de trait.
E non ar quéro obridar com’ ángeos cantada loor a Déus foron cantar e “paz en térra dada”; nen como a contrada aos tres Reis en Ultramar ouv’ a strela mostrada, por que sen demorada vẽéron sa oférta dar estranna e preçada.
Et je ne veux pas oublier Comme les anges s’en furent chanter Leur cantique de louanges à Dieu « Que la Paix sur la terre soit donnée », Ni comment l’étoile montra la contrée Aux trois rois d’outre-mer, Pour que, sans tarder, Ils viennent faire leurs offrandes Etranges et précieuses.
Outra razôn quéro contar que ll’ ouve pois contada a Madalena: com’ estar viu a pédr’ entornada do sepulcr’ e guardada do ángeo, que lle falar foi e disse: “Coitada mollér, sei confortada, ca Jesú, que vẽes buscar, resurgiu madurgada.”
Et je voudrais conter un autre épisode,, Que vous avez déjà entendu conter C’est comment Madeleine vit la pierre entrouverte du sépulcre, gardé Par l’ange qui vint à lui parler et lui dit « Pauvre femme (malheureuse), Console-toi, Jésus que tu es venu chercher, Est ressuscité à l’aube.
E ar quéro-vos demostrar gran lediç’ aficada que ouv’ ela, u viu alçar a nuv’ enlumẽada séu Fill’; e pois alçada foi, viron ángeos andar ontr’ a gent’ assũada, mui desaconsellada, dizend’: “Assí verrá julgar est’ é cousa provada.”
Et je veux encore vous montrer La très grande joie Qu’elle reçut, quand elle vit s’élever Dans un nuage empli de lumière Son fils, Et après qu’il fut élevé Ils virent les anges passer entre les gens rassemblés là et qui étaient très déconcertés En disant « C’est ainsi qu’il viendra juger, ceci en est la preuve. » (cela est chose prouvée)
Nen quéro de dizer leixar de como foi chegada a graça que Déus envïar lle quis, atán grãada, que por el’ esforçada foi a companna que juntar fez Déus, e enssinada, de Spírit’ avondada, por que soubéron preegar lógo sen alongada.
Et je ne veux non plus cesser de dire Comment lui parvint La grâce si grande que Dieu voulut lui envoyer Afin que, par elle, soit renforcée L’armée apostolique que Dieu (Jésus) avait levée, Enseignée et enrichie par l’Esprit Saint, Grâce à quoi ils surent pêcher, par la suite, sans détour.
E, par Déus, non é de calar como foi corõada, quando séu Fillo a levar quis, des que foi passada deste mund’ e juntada con el no céo, par a par, e Reínna chamada, Filla, Madr’ e Crïada; e porên nos dev’ ajudar, ca x’ é nóss’ avogada.
Et, par Dieu, ce n’est pas chose à taire, Que de conter comment elle fut couronnée, Quand son fils voulut l’emporter Au moment où elle passa dans l’autre monde Et comment ils s’unirent Côte à côte, dans le ciel Pour qu’elle soit nommée Reine, Fille, mère et servante; Et pour cela elle doit nous aider, Car elle est notre avocate.
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, vierge, moyen-âge chrétien, Espagne médiévale. Période : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X (1221-1284) Ensemble : Musica Ficta & l’Ensemble Fontegara Titre : Cantiga 156 Album : Músicas Viajeras: Tres Culturas (Enchiriadis. 2013)
Bonjour à tous,
ous poursuivons aujourd’hui notre exploration du culte marial médiéval à travers l’étude des Cantigas de Santa Maria du roi Alphonse X de Castille. Cette fois-ci, nous nous penchons sur la Cantiga 156. A notre habitude, nous en détaillerons le contenu et nous en profiterons aussi pour vous dire un mot de la belle version que nous vous en présentons ici et de ses interprètes.
La Cantiga 156 par Musica Ficta et l’Ensemble Fontegara
Musica Ficta et l’Ensemble Fontegara
Fondés au début des années 90, par le musicien, directeur d’orchestre et éditeur de Musiques anciennes espagnoles, Raúl Mallavibarrena, les deux ensembles Musica Ficta et Fontegara ont été réunis par lui en 2012 à l’occasion d’un album ayant pour titre : Músicas Viajeras: Tres Culturas.
A la fusion des mondes chrétien, musulman et juif séfarade de la péninsule ibérique, Musicas Viajeras (Musiques itinérantes) est une invitation à la découverte de ces trois cultures, à travers leur univers musicaux. L’éventail des pièces proposées, au nombre de 15, déborde largement le Moyen-âge pour aller puiser jusque dans le répertoire de la période baroque. Entre tradition Sefardi, musique et chants arabes et chrétiens, on y retrouve deux Cantigas de Santa Maria, dont celle du jour. Ajoutons que dans cette production, les deux formations étaient accompagnées par la soprano Rocío de Frutos.
A ce jour, l’album est toujours édité par Enchiriadis (la maison d’édition créée par le directeur des deux ensembles) qui a eu l’excellente idée, en plus de le proposer au format CD, de le mettre à disposition également sous forme dématérialisée et MP3. Pour plus d’informations, voici un lien sur lequel vous pourrez trouver les deux formats: Musicas Viajeras: Tres Culturas
Pour revenir à Raúl Mallavibarrena, dans le champ des musiques anciennes, du moyen-âge jusqu’à la période baroque, ce musicien et musicologue espagnol a déjà reçu de nombreux prix et la reconnaissance de ses pairs dans ses domaines de prédilection. Loin de se contenter de diriger ou de fonder divers ensembles, il est également très actif dans le champ de la publication. A ce titre, il a participé notamment, depuis les années 90, à la revue de musique classique Ritmo et on lui doit encore, entre autres contributions, des articles sur les musiques médiévale, renaissante et baroque dans l’encyclopédie espagnole « Historia de la Música », paru aux Editions Altaya.
Les paroles de la Cantigas 156
« A Madre do que de terra… »
Les efforts pour séparer le « magique » du religieux courent tout le long de la période médiévale. Au XIIIe siècle, ils continuent d’être bien présents et même si les manifestations les plus fusionnelles de ces deux mondes telles qu’on pouvait les retrouver dans certaines formes d’Ordalie par exemple, ont reculé depuis les débuts du XIe siècle. Dans ce moyen-âge imprégné de valeurs chrétiennes, au sein d’un univers nimbé de mystères et fait d’étranges lois d’analogies et de correspondances, les miracles resteront pour longtemps le signe d’une foi chrétienne qui tutoie, le surnaturel et le magique et ouvrent tous les champs du possible. Dans ces champs là, les prodiges qui on trait à l’intercession de la « mère du Dieu mort en croix » trouvent une place de choix,
Ci-contre miniature de la Cantiga de Santa Maria 156 dans le manuscrit de l’Escorial MS TI 1, Códice Rico (Bibliothèque San Lorenzo el Real, Madrid)
Le miracle dont il est question ici touche un prêtre que des hérétiques avaient châtié en lui coupant la langue, pour avoir trop chanté de louanges à la vierge. Le religieux se trouvait au désespoir de ne plus pouvoir entonner ses chants mais, là encore, sur les rives les plus miraculeuses du culte marial, tout peut s’accomplir. Ainsi, un jour qu’il se rendait à l’abbaye bénédictine de Cluny pour assister aux vêpres, avec les moines, il ne put s’empêcher de faire avec eux l’effort d’entonner les chants dédiés à la Sainte et, comme il s’exécutait, sa langue repoussa et elle lui fut rendue.
Comme dans de nombreuses autres Cantigas, le poète nous conte que bien des moines furent témoins du miracle et le louèrent. Pour finir, le prêtre se fit moine et rejoignit la communauté de Cluny.
Este miragre fez Santa Maria en Cunnegro por un crerigo que cantava mui ben as sas prosas a ssa loor, e prendérono ereges e tallaron-ll’ a lingua.
A Madre do que de terra primeir’ ame foi fazer ben pod’ a lingua tallada fazer que possa crecer.
Dest’ un mui maravilloso miragre vos contarey, que fez, e mui piadoso, a Madre do alto Rei por un crerigo, que foran a furt’ ereges prender porque de Santa Maria sempr’ ya loor dizer.
A Madre do que de terra primeir’ ome foi fazer…
Poilo ouveron fillado, quisérano y matar; mais, polo fazer penado viver, foron-lle tallar a lingua ben na garganta, cuidando-o cofonder, porque nunca mais da Virgen fosse loor compõer.
A Madre do que de terra primeir’ ome foi fazer…
Pois que ll’a lingua tallaron, leixárono assi yr; e mui mal lle per jogaron, ca non podia pedir nen cantar como cantara da que Deus quiso nacer por nos; e con esta coita cuidava o sen perder. A Madre do que de terra primeir’ ome foi fazer…
E o que mais grave ll’ era, que quando oya son dizer dos que el dissera, quebrava-ll’ o coraçon porque non podia nada cantar, onde gran prazer ouvera muitas vegadas, e fillava-ss’ a gemer.
A Madre do que de terra primeir’ ome foi fazer…
El cuitad’ assi andando, un dia foi que chegou a Cunnegro, e entrando na eigreja, ascuitou e oyu como cantavan vesperas a gran lezer da Virgen santa Rea; e quis con eles erger.
A Madre do que de terra primeir’ ome foi fazer…
Sa voz, e ssa voontade e ssa punna y meteu. E log’ a da gran bondade fez que lingua lle naceu toda nova e comprida, qual ante soy’ aver; assi esta Virgen Madre lle foi conprir seu querer.
A Madre do que de terra primeir’ ome foi fazer…
Esto viron muitas gentes que estavan enton y, e meteron mui ben mentes no miragre, com’ oý; e a Virgen poren todos fillaron-s’ a beizer, e o crerigo na orden dos monges se foi meter.
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, vierge, moyen-âge chrétien, Espagne médiévale Période : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X (1221-1284) Ensemble : Arany Zoltán Titre : Cantiga 77 « Da que deus mamou » Média : chaîne youtube de l’artiste (2011)
Bonjour à tous,
n route pour l’Espagne médiévale du XIIIe siècle, nous continuons d’y dérouler le fil des Cantigas de Santa Maria du roi Alphonse de Castille. Aujourd’hui, c’est sur la Cantiga 77 que nous portons notre attention et c’est un autre récit de miracle à inscrire au crédit du culte marial du moyen-âge central.
Pour son interprétation, nous avons choisi ici une version assez « enlevée ». Il s’agit de celle de l’artiste hongrois Arany Zoltan (voir portrait de ce musicien multi-instrumentiste et chanteur ici). Loin des rivages du chant lyrique ou classique, le rythme de sa version autant que sa voix très « terrestre » ou ancrée nous sortent des lieux de culte habituels pour nous ramener vers une interprétation qui nous fait toucher du doigt un autre aspect de ces chants. Au moyen-âge, ils appartiennent à tous et on se les approprie dans les arts les plus allégoriques et les plus sophistiqués comme dans les plus populaires ( dans les écoles, dans la rue et bien sûr encore sur les routes de pèlerinage).
Vierge à l’enfant,Jean Fouquet (1481), moyen-âge tardif, début renaissance
D’une certaine manière, c’est encore un peu le cas de nos jours et en voici un autre exemple. Ces miracles médiévales autour de la vierge continuent en effet de séduire et d’interpeller les artistes les plus classiques du répertoire médiévale comme les plus folk.
La Cantiga Santa Maria 77 par Arany Zoltan
Cantiga 77 : la guérison de Lugo et son adaptation-traduction en français moderne
e miracle conté dans la Cantiga de Santa Maria 77 touche le champ de l’infirmité. Elle ne sera pas la seule à traiter de ce sujet et on retrouvera d’autres Cantiga sur le thème.
Pèlerins ou sujets frappés de paralysie, d’infirmités, de maux étranges et orphelins ou même encore de lèpre, dans le courant du Moyen-âge central, la vierge guérit tout, pour peu qu’on lui prête foi, et comme celui qu’elle avait enfanté avait accompli, avant elle, de merveilleux prodiges, elle répète ses miracles quelquefois avec son aide et en intercédant auprès de lui, d’autre fois seule.
Nous vous proposons, ici, une adaptation traduction en français moderne des paroles de cette Cantiga.
Esta é como Santa María sãou na sa igreja en Lugo ũa mollér contreita dos pées e das mãos.
Voici comment, dans son église de Lugo, Sainte-Marie guérit une femme qui avec les pieds et les deux mains paralysés (rétrécis)
Da que Deus mamou o leite do seu peito, non é maravilla de sãar contreito.
Puisque Dieu elle a nourri de son sein, Il ne faut pas s’étonner qu’elle puisse soigner les paralysés
Desto fez Santa Maria miragre fremoso ena sa ygrej’ en Lugo, grand’ e piadoso, por ha moller que avia tolleito o mais de seu corp’ e de mal encolleito. Da que Deus mamou o leite do seu peito…
De fait, Sainte Marie accomplit un grand,
pieux et merveilleux miracle dans son église de Lugo
pour une femme qui avait contracté
un mal ayant paralysé (contracré, rétréci) la plus grande partie de son corps. (refrain)
Que amba-las suas mãos assi s’ encolleran, que ben per cabo dos onbros todas se meteran, e os calcannares ben en seu dereito se meteron todos no corpo maltreito. Da que Deus mamou o leite do seu peito…
Ses deux mains étaient contractées de telle manière
qu’elles se mettaient jusqu’à dedans ses épaules
et ses deux talons, pour la même raison,
entraient jusque dans son corps maltraité. (refrain)
Pois viu que lle non prestava nulla meezinna, tornou-ss’ a Santa Maria, a nobre Reynna, rogando-lle que non catasse despeyto se ll’ ela fezera, mais a seu proveito Da que Deus mamou o leite do seu peito…
Après avoir vu qu’aucune médecine ne lui fonctionnait Elle se tourna vers Sainte Marie, la noble reine, La suppliant de ne pas prendre mal
ce qu’elle avait pu faire, mais qu’elle le prenne à son avantage. (refrain)
Parasse mentes en guisa que a guareçesse, se non, que fezess’ assi per que çedo morresse; e logo se fezo levar en un leito ant’ a sa ygreja, pequen’ e estreito. Da que Deus mamou o leite do seu peito…
Qu’elle fasse cesser son mal de façon à ce qu’elle guérisse Et, sinon, qu’elle fasse en sorte qu’elle meurt vite (à l’instant). Et suite à cela elle se fit emmener sur un lit
petit et étroit, en face de son église. (refrain)
E ela ali jazendo fez mui bõa vida trões que ll’ ouve merçee a Sennor conprida eno mes d’ agosto, no dia ‘scolleito, na sa festa grande, como vos retreito Da que Deus mamou o leite do seu peito…
Et se trouvant là, elle mena une vie virtueuse, Jusqu’à obtenir la miséricorde de la dame pleine de bonté au mois d’août, durant le jour choisi pour sa grande fête, comme je vous le conterai (refrain)
Será agora per min. Ca en aquele dia se fez meter na ygreja de Santa Maria; mais a Santa Virgen non alongou preyto, mas tornou-ll’ o corpo todo escorreyto. Da que Deus mamou o leite do seu peito…
Vous le conterais désormais. Qu’en ce jour elle se fit porter à l’intérieur de l’église de Sainte Marie.
Et la Sainte ne retarda pas son action
mais remis tout son corps en ordre. (refrain)
Pero avo-ll’ atal que ali u sãava, cada un nembro per si mui de rig’ estalava, ben come madeira mui seca de teito, quando ss’ estendia o nervio odeito. Da que Deus mamou o leite do seu peito…
Mais tout survint de telle façon que là où elle soignait chaque membre, tout à tour, se mettait à craquer comme le bois très sec d’un toit quand son muscle rétréci s’étirait. (refrain)
O bispo e toda a gente deant’ estando, veend’ aquest’ e oynd’ e de rijo chorando, viron que miragre foi e non trasgeito; porende loaron a Virgen afeito. Da que Deus mamou o leite do seu peito…
L’évêque et tous ceux qui se trouvaient en face, voyant cela et l’entendant, et criant à haute voix, virent qu’il s’agissait d’un miracle et non une tromperie, et pour cela, ils louèrent la Vierge. (refrain)