Sujet : musique ancienne, folk, chanson traditionnelle anglaise, version vocale Période : XVIe, début de la renaissance, toute fin du moyen-âge. Titre : Lady Greensleeves, Greensleeves to a Ground, Greensleeves Groupe : Estampie, Graham Derrick Album : Under The Greenwood Tree (1997)
Aujourd’hui, pour faire suite à l’adaptation-traduction que nous vous avions alors proposé des paroles de cette chanson, vraisemblablement née sous le règne des Tudors et dont la popularité ne s’est pas démentie dans le monde anglo-saxon depuis près de quatre cents ans, nous vous en proposons une version vocale. On la doit à une formation anglaise, du nom d’Estampiedans un album de 1997, dédié aux musiques médiévales et anciennes intitulé ; Under The Greenwood Tree.
Même si les paroles de Greensleeves furent, à l’évidence, écrites par un homme pour (ou à propos) d’une femme, la version du jour est interprétée par une très belle voix féminine mezzo soprano, celle de Anne Falloon. Pour de nombreuses chansons médiévales, il n’est pas rare que l’art ou le chant lyrique s’en soient emparé, et de fait les chanteurs masculins semblent plus rares que les chanteuses sur le répertoires des troubadours.
Dans les interprétations vocales masculines que vous pourrez trouver à la ronde, de nombreuses sont polyphoniques et tirent un peu plus cette Lady Greensleeves du côté des chants de noël, ce qu’elle est aussi devenue avec le temps mais comme cela l’éloigne encore plus de ses origines, nous leur avons largement préféré la version du jour. Pour suivre les paroles et tout savoir sur cette chanson n’hésitez pas à consulter le précédent article sur le sujet!
En vous souhaitant une bonne écoute et une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com. « L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus Ier s. av. J.-C
Sujet : poésie médiévale, poésie réaliste, trouvère, hommage Léo Ferré, Vieux français, langue d’oïl, adaptation, traduction français moderne, Rutebeuf Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle Auteur ; Rutebeuf (1230-1285?) Titre : le dit de l’œil, la complainte de l’œil.
Bonjour à tous,
ujourd’hui nous publions un autre des textes originaux du poète médiéval Rutebeuf qui inspira au grand Léo Ferré, ce « Pauvre Rutebeuf » qu’il a tellement fait sien et que tant d’autres interprètes ont repris depuis.
L’alchimie poétique est un procédé impénétrable et secret qui s’opère entre le coeur et la plume du poète et, même une fois connus quelques uns des ingrédients utilisés, on n’est pas pour autant plus avancé. Aussi, ne voyez derrière tout cela, aucune volonté de déshabiller la mariée, entendez le génie poétique de Léo Ferré, juste peut-être une tentative pour mieux entrapercevoir ce qui passa du coeur de Rutebeuf au sien, en espérant peut-être un peu mieux les comprendre tout deux, dans ce jeu de miroirs poétiques. Le reste demeurera, quoiqu’il arrive un mystère dans l’ailleurs de mots, là où les poètes cuisinent leurs mathématiques secrètes et où quelquefois ils se rencontrent, au delà de l’espace et du temps.
Avant de vous livrer cette poésie médiévale originale du trouvère médiéval, qui souffla à l’oreille de Léo son Pauvre Rutebeuf, permettez-nous, toutefois, de faire plus un peu qu’une simple parenthèse pour envoyer un bouquet de violettes fraîches et quelques lys blancs à l’âme du grand poète que fut Léo Ferré. La poésie, autant que la langue française, lui doivent bien cela et ne nous ont d’ailleurs pas attendu pour lui rendre au hommage, mais nous voulons lui faire cette place, ici aussi.
Né en Aout 1916 à Monaco. Mort à Castellina in Chianti, en Toscane, en juillet 1993. Un épitaphe c’est bien court pour résumer à la fois la vie d’un homme et d’un artiste véritable, mais c’est à ce dernier que nous nous attachons ici.
Auteur, compositeur interprète, musicien, poète et Anarchiste, Léo Ferré était tout cela à la fois. Éternel rebelle à l’autorité, ce grand artiste qui ne s’inclinait devant rien, sauf peut-être la poésie des autres pour mieux la partager, nous a légué, durant sa carrière, de merveilleux textes écrits de sa plume, mais a aussi fait redécouvrir au public de grands noms de la poésie française, du moyen-âg au XXe siècle: François Villon, Rutebeuf, Verlaine, Baudelaire, Rimbaud, Aragon, Léo Ferré a mis en musique, devant son piano, des joyaux et des trésors poétiques. L’émotion et la sincérité toujours à fleur de peau, avec le clignement de cet oeil qui battait l’émotion comme un coeur, comme pour dire aussi à chacun, d’un air complice: « écoutes, c’est pour toi ». Tirées de leur sommeil de papier, les plus grandes poésies françaises, prenaient soudain de la proximité et dans ce panthéon d’éternité dans lequel elles s’étaient
tenues loin du public et si souvent coites, elles redevenaient alors, le temps d’un récital, fraîches comme au premier jour, dans leur intemporalité sublime. Et c’était ça aussi Ferré, de l’amour et de la générosité pour les autres, une façon de tutoyer les âmes.
Pour le reste et sur ses convictions, rien n’a jamais changé Ferré: anarchiste comme rebelle aux cons, éloge de l’être « contre », rétif aux morales toutes faites, aux empêcheurs de liberté, à ceux qui ne sont rassurés que quand les choses tournent en rond et tous les autres avec. Et puis, il était aussi de cette génération de pensionnaires religieux qui, souvent, pour les mêmes raisons, de sévices jusqu’à plus loin, ne pouvaient plus voir le Bon Dieu, pas même en peinture tant les hommes qui s’en réclamaient, avaient réussi à les en dégoûter. C’est cette même génération qui, dans les années soixante soixante-dix, étaient devenus les enfants terribles des premiers HaraKiris et Charlie: les Cavanas, les Chorons et les autres, qui firent alors j’aillir et exploser leurs paroles dans une apocalypse anticléricale à laquelle la période post soixante-huitarde offrit ces lettres de noblesse.
En dehors de cela, Léo Ferré, fidèle au dictionnaire définissait son anarchisme comme une forme d’insoumission qui ne reconnait la légitimité d’aucune autorité d’où qu’elle vienne, avec river au ventre, une seule ivresse, celle de la liberté: libérer la parole et les mots semblait presque chez lui comme une urgence, et avec cela, rendre tout son sens à l’injure et redéfinir le grossier. Etre vulgaire, c’est se coucher et c’est refuser d’être libre. Au delà de la politique, Ferré c’est quand un cul, retrouvant sa grâce, devient, tout soudain, un mot rond à faire fuir André Breton. La vie, l’Amour, comme religion. « Ni Dieu, ni maître », le temps qui fout le camp et cette mer entêtante qui se fracasse sur les rives du souvenir comme une douleur sublimée. Magie des mots qui ensorcellent. Le sourire sur les lèvres et la tristesse au bord du coeur, le désespoir comme une seconde peau: un coeur ouvert, ça reçoit tout et ça finit, souvent, par se blesser aux épines du monde. Léo colère. Léo à vif. Léo amer. Et pourtant, continuer, aimer la vie jusqu’à plus soif, l’aimer d’amour à faire crever à sa surface des bulles de beautés poétiques, comme de l’oxygène pour ne pas suffoquer.
Dans la France des années cinquante et soixante, il fallait avoir le courage d’avoir des ennemis, et c’est un courage comme toujours qui va jusque dans l’assiette. Il faut le comprendre. le prix que paye l’artiste entier (y en a-t’il d’autres?) n’est jamais abstrait et la liberté d’expression a toujours un prix bien réelle que son quotidien lui rappelle. Mais c’est peut-être, là encore, l’absence de choix qui est aux commandes, l’impossibilité de faire autrement et de composer avec sa nature autre chose que de la musique et des mots. Pour le reste, vivre debout! Et La provocation qui naissait parfois de tout cela, au point de voir certains de ses textes interdits n’était qu’une conséquence de cette nature insoumise, pas un ustensile marketing: la conséquence d’un être au monde.
« Poètes, vos papiers! », Léo passait, indifférent, sans s’arrêter ou bien se mettait à gueuler et, bien avant la vie de château, qui ne dura pas tant que ça et puis, qui se finit en drame, la misère lui a collé longtemps à la peau, de longues années et ce n’est, surement pas par hasard, qu’à travers les siècles, celle de Rutebeuf et ses longues complaintes lui a parlé.
« La mémoire et la mer »
Le chemin de l’envers poétique
Dans ce Moyen Âge où les rimes et les vers n’étaient souvent que chantés, Eustache Deschamps, au XIVe siècle créa une rupture pour affranchir l’art poétique de l’art musical. La poésie avait son langage, une musique innée, nichée dans le cœur de ceux qui la comprenaient. Elle n’avait besoin de rien d’autre qu’elle-même pour tenir debout; c’était un art majeur, un art à part entière et en lui donnant ses lettres de noblesses, le poète médiéval l’affranchissait pour les siècles à venir. Six cents ans plus tard, elle avait mûri, grandi, des auteurs gigantesques étaient passés par là, et Léo Ferré s’en mêlait. En faisant le chemin à l’envers, le poète anarchiste de Saint Germain des prés ouvrait sa propre voie pour une réconciliation des deux: mettre la musique au service de la découverte poétique ou de son errance. Avait-il été le seul? Sans doute pas mais dans ses plus grandes envolées poétique, marque des véritables artistes, il créait un genre unique qui n’appartenait qu’à lui et qui n’avait plus grand chose à voir avec des « chansonnettes ».
Un des points culminants de cet art poétique est un texte merveilleux qu’il écrivit lui-même et qui pourrait, sans en rougir, figurer aux côtés des plus grands, dans l’anthologie de la poésie française. Il y consacra des années, plus de seize dit-on. Ceci n’est pas une chanson, ou si c’en est une, la plupart des autres ne le sont plus, parce que soudain, avec « La mémoire et la mer » qu’il donna pour la première fois dans les années soixante-dix, le mot « chanson » devenait trop étroit pour décrire ce moment, ce texte et cette émotion qu’il offrait à son public. Encore une fois, Cela n’a rien de médiéval et il s’agit poésie, mais si on doit à Léo Ferré d’avoir fait redécouvrir Villon ou Rutebeuf, alors, autant que la poésie française lui est redevable, le Moyen Âge aussi lui doit bien cela.
La Mémoire et la Mer :
oeuvre poétique majeure
Quant au sens littéral de cette poésie biographique, surréaliste et évocatrice de la vie de Léo Ferré, on n’a, pour être ému, pas besoin d’en avoir les clés. Les images naissent, merveilleuses, et les mots font surgir, dans leur écume, des trésors d’émotions. La beauté de l’alchimie poétique. Ce procédé secret et magique dont nous parlions plus haut convertissait, ici, les souvenirs de l’auteur en un joyau de poésie surréaliste. Combien de vocations sont-elles nées de l’écouter? Combien d’Hubert Felix Thiefaine? Combien d’autres? Et au delà de cet ailleurs poétique qui ne concède rien de facile, ce qui se donne encore ici, c’est la magie d’un être unique qui porte en lui ce don de donner des textures au mots et qui nous offre de tout son âme, une définition de la poésie comme Art majeur. Alors une fois encore un grand merci monsieur Léo Ferré pour cette leçon de musique et d’alchimie poétique.
Le dit de l’oeil
ou la complainte de l’oeil de Rutebeuf
Cette poésie de Rutebeuf, nous y venons, dont Léo Ferré cita de longs passages, est, à l’origine, une longue complainte du poète médiéval sur sa situation et sur ses misères. Rutebeuf, pris à la gorge de toute part, à sa manière presque devenue habituelle, y livre ses malheurs, en vrac, et sans ménagement. Et tout y passe, sa santé, son mariage a demi-raté, un enfant en bas âge qu’il faut alimenter et dont il faut payer la nurse, sa grande pauvreté et cette solitude aussi qu’il traverse dans ce désert que ne laissent que les faux amis.
C’est un texte très ardu à comprendre par endroits, et très long. Il est de cette langue parisienne de Rutebeuf que les autres auteurs peinent tant par moments à parler ce dont quelquefois d’ailleurs ils s’excusent même (cf citation de Jehan de Meung) mais nous vous en proposons tout de même une adaptation entre les lignes. Elle se base sur quelques traductions existantes, notamment celle de Michel Zinc mais aussi sur différentes recherches périphériques en vieux français.
Ci encoumence la complainte Rutebuef de son oeul ou le dit de l’oeil
Ne covient pas je vos raconte Coument je me sui mis a hunte, Quar bien aveiz oï le conte En queil meniere Je pris ma fame darreniere, Qui bele ne gente nen iere. Lors nasqui painne Qui dura plus d’une semainne, Qu’el coumensa en lune plainne.
Ne convient pas que vous raconte Comment je me suis mis la honte Car je vous ai déjà conté En quelle manière J’épousa ma dernière femme Qui n’est ni belle ni gracieuse Tout cela causa de grandes peines Qui durèrent plus d’une semaine Et commencèrent en lune pleine
Or entendeiz, Vos qui rime me demandeiz, Coument je me sui amendeiz De fame panrre. Je n’ai qu’engagier ne que vendre, Que j’ai tant eü a entendre Et tant a faire, Et tant d’anui et de contraire, Car, qui le vos vauroit retraire, Il durroit trop.
Aussi écoutez Vous qui me demandez de rimer Comment je me suis amendé* (« guéri ») De prendre femme (« de me marier ») Je n’ai plus rien à gager ni à vendre J’ai du faire face à tant de choses Et tant à faire, Et tant de chagrins et d’ennuis Que si je devais tous vous les conter Cela durerait trop longtemps
Diex m’a fait compaignon a Job: Il m’a tolu a un sol cop Quanque j’avoie. De l’ueil destre, dont miex veoie, Ne voi ge pas aleir la voie Ne moi conduire. Ci at doleur dolante et dure, Qu’endroit meidi m’est nuit oscure De celui eul.
Dieu m’a fait compagnon de Job Il m’a ôté en une seule fois Tout ce que j’avais De l’oeil droit, dont je vois mieux Je ne vois pas où va la voie Et ne peux me conduire (m’orienter) C’est vraiment douloureux et dur Qu’en plein midi, c’est nuit obscure Pour cet oeil.
Or n’ai ge pas quanque je weil, Ainz sui dolanz et si me dueil Parfondement, C’or sui en grant afondement Ce par ceulz n’ai relevement Qui jusque ci M’ont secorru, la lor merci. Moult ai le cuer triste et marri De cest mehaing, Car je n’i voi pas mon gaaing. Or n’ai je pas quanque je aing: C’est mes damaiges.
Alors rien ne va comme je voudrais Mais je suis plutôt triste et affligé Profondément. Car je me trouve au fond du gouffre Et ne dois de me relever qu’ à ceux Qui jusqu’ici M’ont secouru. Merci à eux. J’ai le coeur si triste et affligé De cette infirmité Car je n’y vois rien à gagner Et rien ne va comme j’aimerais Tel est mon grand malheur
Ne sai ce s’a fait mes outrages. Or devanrrai sobres et sages Aprés le fait Et me garderai de forfait. Mais ce que vaut quant c’est ja fait? Tart sui meüz. A tart me sui aparceüz Quant je sui en mes laz cheüz Ce premier an. Me gart cil Diex en mon droit san Qui por nous ot poinne et ahan, Et me gart l’arme!
Je ne sais si je dois cela à mes excès, Mais, dorénavant, je serais sobre et sage Après tout cela, Et me garderai de mal me conduire Mais que valent les mots puisque le mal est fait Je m’émeus trop tard Trop tard je m’en suis aperçu Alors que j’avais déjà chu (dans l’infortune) Cette première année
Que Dieu me garde mon bon sens
Qui pour nous eut peine et douleur
Et protège mon âme
Or a d’enfant geü ma fame; Mes chevaux ot brizié la jambe A une lice; Or wet de l’argent ma norrice, Qui m’en destraint et m’en pelice Por l’enfant paistre, Ou il revanrra braire en l’aitre. Cil sire Diex qui le fit naitre Li doint chevance Et li envoit sa soutenance, Et me doint ancor alijance Qu’aidier li puisse, Et que miex son vivre li truisse, Et que miex mon hosteil conduisse Que je ne fais.
Et voilà que ma femme m’a fait un enfant; Mon cheval s’est brisé la patte Contre une barrière Et maintenant c’est ma nourrice qui veut de l’argent Elle me torture et elle m’écorche (me tond) Pour nourrir l’enfant Sans quoi il reviendra hurler dans la maison Si le seigneur Dieu qui le fit naître Peut le prendre en charité Et lui envoyer son soutien Et s’il se sent encore un peu obligé envers moi Qu’il puisse l’aider Et qu’il lui trouve mieux sa pitance Et qu’il conduise mieux ma maison Que je ne le fais.
Ce je m’esmai, je n’en puis mais, Car je n’ai douzainne ne fais, En ma maison, De buche por ceste saison. Si esbahiz ne fu nunz hom Com je sui voir, C’onques ne fui a mainz d’avoir. Mes hostes wet l’argent avoir De son hosteil, Et j’en ai presque tout ostei, Et si me sunt nu li costei Contre l’iver, Dont mout me sunt changié li ver (Cist mot me sunt dur et diver) Envers antan.
Je m’émeus de tout cela mais je n’y peux rien Car je n’ai ni douzaine ni fagot Dans ma maison De bûches pour cette saison Aussi perdu ne fut nul homme Comme je le suis vraiment Car jamais je ne fus tant démuni Mon propriétaire réclame l’argent De son loyer Et j’ai déjà presque tout dépensé Et mes côtes se trouvent à nu Contre l’hiver D’où mes rimes ont beaucoup changé (ces mots me sont durs et cruels) Comparés à l’an dernier.
Par poi n’afoul quant g’i enten. Ne m’estuet pas tenneir en ten; Car le resvuoil Me tenne asseiz quant je m’esvuoil; Si ne sai, se je dor ou voil Ou se je pens, Queil part je panrrai mon despens De quoi passeir puisse cest tens: Teil siecle ai gié. Mei gage sunt tuit engaigié Et d’enchiez moi desmenagiei, Car g’ai geü Trois mois, que nelui n’ai veü.
C’est à devenir fou quand j’y réfléchis Pas besoin de tanin pour me tanner (tanner : fatigué, jeux de mots) Car le réveil Me tanne assez quand je m’éveille Ne sais plus si je dors ou veille Ou si je pense De quel côté trouverais-je de quoi Passer ces temps difficiles Voila mon sort. Mes gages sont tous engagés Et déménagés de chez moi Car je suis resté alité trois mois sans voir personne.
Ma fame ra enfant eü, C’un mois entier Me ra geü sor le chantier. Ge [me] gisoie endementier En l’autre lit, Ou j’avoie pou de delit. Onques mais moins ne m’abelit Gesirs que lors, Car j’en sui de mon avoir fors Et s’en sui mehaigniez dou cors Jusqu’au fenir.
Ma Femme ayant eu un enfant
Un mois entier
Etait, elle aussi, alitée dans la chambrée
Je gisais moi pendant ce temps
Dans l’autre lit
Où j’avais bien peu de loisirs
Jamais je n’eus moins de plaisir
De me trouver au lit qu’alors
Car cela me coûta beaucoup
Et j’en resterai infirme jusqu’à la fin (de mes jours)
Li mal ne seivent seul venir; Tout ce m’estoit a avenir, C’est avenu. Que sunt mi ami devenu Que j’avoie si pres tenu Et tant amei? Je cuit qu’il sunt trop cleir semei; Il ne furent pas bien femei, Si sunt failli. Iteil ami m’ont mal bailli, C’onques, tant com Diex m’assailli E[n] maint costei,
Le malheur ne sait seul venir Et tout ce qui devait m’advenir Est advenu. Que sont mes amis devenus Que j’avais de si près tenu et tant aimé? Je crois qu’ils sont trop clairsemés Il ne furent pas si bien semés Et m’ont failli Ces amis là me m’ont pas soutenu Jamais, tant que Dieu m’assaillait de toute part.
N’en vi .I. soul en mon ostei. Je cui li vens les m’at ostei, L’amours est morte: Se sont ami que vens enporte, Et il ventoit devant ma porte, Ces enporta, C’onques nuns ne m’en conforta Ne tiens dou sien ne m’aporta. Ice m’aprent Qui auques at, privei le prent; Et cil trop a tart ce repent Qui trop a mis De son avoir a faire amis, Qu’il nes trueve entiers ne demis A lui secorre.
Je n’en vis pas un seul chez moi Je crois le vent les a ôtés L’amour est morte Ce sont amis que vent emporte Et il ventait devant ma porte Les emporta. Jamais aucun me conforta Ni du sien ne m’apporta Ce qui m’apprend Que le peu qu’on a, un ami le prend Et celui là se repent trop tard Qui a trop donné De ce qu’il avait pour se faire des amis Quand il ne les trouve ni entiers ni à demi ( pas la moitié d’un) Pour lui porter secours.
Or lairai donc Fortune corre, Si atendrai a moi rescorre, Se jou puis faire. Vers les bone gent m’estuet traire Qui sunt preudome et debonaire Et m’on norri. Mi autre ami sunt tuit porri: Je les envoi a maitre Horri Et cest li lais, C’on en doit bien faire son lais Et teil gent laissier en relais Sens reclameir, Qu’il n’a en eux riens a ameir Que l’en doie a amor clameir.
Aussi, désormais, je laisserai courir la chance Et je tâcherai de m’aider moi-même Si je le puis Je me tournerai vers les gens de bien qui sont généreux et bons Et m’ont nourri. Mes autres amis sont tous pourris Je les envois à Maître Horri (Poubelle) Et les y laissent. Car il faut bien en faire son deuil Et laisser de telles personnes derrière soi Sans implorer En eux, il n’y a rien à aimer Que l’on puisse nommer amitié (amour)
[Or prie Celui Qui trois parties fist de lui, Qui refuser ne set nului Qui le reclaime, Qui l’aeure et seignor le claime, Et qui cels tempte que il aime, Qu’il m’a tempté, Que il me doint bone santé, Que je face sa volenté] Mais cens desroi.
[Alors je prie celui Qui fit de lui trois parties, Qui ne sait jamais refuser A qui l’implore, l’adore et l’appelle Seigneur Et qui est celui qui met à l’épreuve ceux qu’il aime Comme il m’a mis à l’épreuve, Qu’il me donne une bonne santé, Pour que je fasse sa volonté, Sans plus faillir.
Monseigneur qui est fiz de roi Mon dit et ma complainte envoi, Qu’il m’est mestiers, Qu’il m’a aidé mout volentiers: C’est li boens cuens de Poitiers Et de Toulouze. Il saurat bien que cil golouze Qui si faitement se dolouze. Explicit.
A Monseigneur qui est fils de Roi Ce dit et cette complainte, envoie, Car j’ai besoin de lui, Qui m’a aidé toujours volontiers C’est le bon conte de Poitiers Et de Toulouse. Il saura bien ce que désire Celui qui se plaint de la sorte.
En vous souhaitant une belle journée
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet : musique ancienne, folk, chanson traditionnelle anglaise, version musicale Période : XVIe, début de la renaissance, toute fin du moyen-âge Titre : Lady Greensleeves, Greensleeves to a Ground, Greensleeves Groupe : Hespèrion XXI, Jordi Savall, Album : Ostinato (2001) AliaVox
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous proposons un peu de la grâce absolue de Jordi Savall et de sa formation Hespèrion XXI, au service d’une chanson anglaise mythique de la toute fin du moyen-âge et même du début de la renaissance, qui a pour titre Lady Greensleeves, mais que l’on retrouve encore souvent sous le simple titre de Greensleeves.
La superbe adaptation musicale de Lady Greensleeves par Jordi Savall
Pardonnez-nous si nous avons l’air d’insister avec Jordi Savallet sa formation Hespérion XXI, mais c’est qu’en dehors du grand travail de recherches historiques et d’interprétation effectué, en amont de chaque album, pour restituer des joyaux et des trésors de musique ancienne, le toucher et le son de du maître de musique catalan sont tellement uniques qu’il ne nous laisse d’autres choix. Au vu du nombre d’interprétations que l’on trouve de cette extrêmement populaire Lady GreenSleeves, nous aurons sans doute l’occasion d’en partager d’autres versions, mais pour l’instant place à Hespérion XXI!
Pour parler un peu de l’album Ostinato (Obstiné en Italien) dans lequel on peut retrouver cette version unique de Greensleeves, son titre contient tout entier son objet. A travers plus de 150 ans d’histoire de la musique ancienne et européenne, Hesperion XXI y explore, en effet, des morceaux choisis qui font appel à ce que l’on appelle la basse « obstinée » ou basse « contrainte ». Connu encore sous le nom d’Ostinato, ce procédé de composition consiste à répéter une mesure de 4 à 8 temps tout au long d’une pièce avec des variations et improvisations autour. Au XVIe siècle, il deviendra caractéristique de certaines danses italiennes telle que la romanesca ou la passamezzo.
Les paroles et la légende de Greensleeves
Même si cette pièce est au départ une chanson, elle a été reprise un nombre incalculable de fois, depuis des siècles, sous sa forme uniquement instrumentale. C’est d’ailleurs cette dernière forme que nous avons choisi aujourd’hui pour vous la présenter, mais nous en profitons tout de même pour aborder également les paroles qu’on lui connait et aussi les traduire.
Du point de vue de l’histoire, la chanson conte les déboires d’un amant rejeté par sa belle, une demoiselle du nom de « lady Greensleeves ». L’amour a visiblement été consommé entre les deux amants mais l’homme en est encore « captif » et ne se résout pas à la séparation. Il implore sa maîtresse de revenir l’aimer encore une fois, lui rappelant même toutes les attentions qu’il a eu pour elle, mais aussi tous les beaux cadeaux qu’il lui fit, du temps de leurs élans conjoints. Ceci pourrait paraître quelque peu indélicat, dit comme cela, quoiqu’en le traduisant dans sa version originale et complète, je me sois franchement demandé à plusieurs reprises si la longue liste qu’il fait de ses achats pour elle, qui pourrait presque paraître pathétique tant elle est détaillée, est faite sous l’effet du désespoir ou si le détail et la répétition ne cherchent pas finalement à ménager un effet humoristique. Par certains endroits, l’homme me fait un peu penser au Arnolphe de l’école des femmes de Molière, bien que rien dans le texte ne laisse supposer une telle différence d’âge entre lui et cette Lady Greensleeves. Une chose est sûre, même si sa complainte reste finalement très matérialiste et peu « relationnelle », à sa façon, le pauvre bougre n’a ménagé ni sa peine, ni ses deniers pour se faire aimer de la belle. (ci-dessus peinture de Alessandro Allori, peintre italien de la renaissance, contemporain de la chanson, XVIe siècle)
Au vue des détails qu’il donne, il apparaît d’ailleurs comme un homme relativement riche et puissant puisque, entre autre bijoux et habits précieux, il avait même mis au service de la demoiselle des « hommes tous vêtus de vert » pour s’assurer qu’elle ne manque de rien; il parle aussi de ses terres. On n’est donc pas du tout face à un trouvère désargenté de type Rutebeuf ou Villon. Quoiqu’il en soit, malgré toutes ses belles attentions, il semble bien que la rupture ait été consommée; la demoiselle a fermé sa porte et l’amant transi n’a plus que sa plume, sa longue liste de reproches et sa chanson pour se consoler. Qui eut pu dire alors que cette dernière traverserait les siècles et connaîtrait la renommée incroyable qui fut la sienne durant plus de quatre cents ans et jusqu’à nos jours?
Sur le nom de la Demoiselle : GreenSleeves, que nous pourrions traduire littéralement par « Manches Vertes », même si cela sonne affreusement mal, ou par « Vertemanches » ce qui sonne légèrement mieux, on trouve quelques analyses à la ronde que je ne fais ici que mentionner sans avoir le moyen de les accréditer. L’une d’elle avance que la couleur verte était alors le symbole de la « légèreté » en amour, dans le sens d’amours « volages » ou même de l’amour naissant.
Dans la même veine et au vue de la tournure de l’ensemble du texte, certains auteurs anglais avancent même que cette jeune maîtresse aurait pu être une fille légère, voir même une prostituée. Cela est générale-ment étayé par le fait qu’à la fin du XVIIe siècle, en anglais archaïque, l’expression « green gown » désignait une robe devenue verte après que sa propriétaire se soit roulée dans l’herbe et, du même coup, une perte de la virginité « de manière illicite », entendez « hors mariage ». Comme à aucun moment, l’homme ne parle de prendre la belle en épousailles ou d’un quelconque désir d’officialiser cette relation, l’hypothèse s’est étendue sur le fait que la demoiselle pouvait être une maîtresse intéressée, voire une prostituée. En tout état de cause, rien de tout cela ne peut être vérifié et d’ailleurs si c’était le cas, ce serait aussi étrange que cocasse, puisque la chanson a connu, dans ses nombreuses variantes, une adaptation en chant de noël à partir de la fin du XVIIe siècle ( ci-dessus « le paysan et la prostituée », toile de Lucas Maler, dit Lucas Cranach l’Ancien, peintre allemand de ce même XVIe siècle).
Le roi Henri VIII d’Angleterre,
auteur-compositeur de Greensleeves?
Une « légende » raconte que Lady Greensleeves aurait été écrite autour de 1530 par Henri VIII d’Angleterre pour Anne Boleyn (portrait ci-contre) qui était alors sa maîtresse mais deviendrait bientôt, pour un temps, la reine consort d’Angleterre. Anne Boleyn aurait, à un moment donné, rejeté le roi, avant de changer d’avis et l’amant, autant que l’auteur de la chanson, serait donc, dans cette hypothèse, le roi lui-même. Si c’était bien le cas, la belle aurait été mal inspirée de changer d’avis et aurait mieux fait de tenir la position, puisqu’elle finira exécutée et décapitée pour adultère, inceste et haute trahison sur ordre personnel d’Henri VIII; autant de crimes dont l’Histoire semble l’avoir lavé depuis à quelques avis d’historiens prés. Elle est même devenue d’ailleurs une des figures martyres du protestantisme. Les historiens penchent entre un complot visant à éliminer la reine ou une claire volonté d’Henri VIIIde le faire parce que cette dernière ne lui donnait pas d’héritiers mâles.
Pour la petite histoire, il faut tout de même se souvenir que Anne Boleyn ne fut pas la seule de ses épouses que ce roi, à la vie maritale et sentimentale, riche en péripéties et en « rebondissements » dramatiques, fit exécuter, au point qu’on lui prête même d’avoir été le véritable personnage ayant inspiré le conte de Perrault Barbe Bleue, bien plus que Gilles de Retz.
Pour revenir à Greensleeves, et dans une autre version de l’histoire on allègue, en relation avec l’hypothèse soulevée plus haut que cette Lady Greensleeves aurait plutôt été une prostituée et non la future reine d’Angleterre. En réalité, aucun document ne permet d’étayer, historiquement, ni l’une ni l’autre de ces versions.
L’histoire de Greensleeves et les faits connus
On sait de source sûre que cette pièce, dont l’auteur et le compositeur sont demeurés anonymes à ce jour, est mentionnée, pour la première fois sous le règne dynastique de la maison Tudor, dans le registre de la compagnie des papetiers et éditeurs de presse de Londres ». En 1580, un dénommé Richard Jones l’a, en effet, faite enregistrer, en vue de sa publication. Dans les deux années qui suivront, on la retrouvera mentionnée sept fois dans ce même registre, sous des titres variés autour de « Lady Greensleeves » et sous le nom d’éditeurs ou d’imprimeurs divers. Même si cela ne permet toujours pas de dater sa composition, il est indéniable qu’elle est déjà alors « officiellement » devenue extrêmement populaire comme elle l’est restée d’ailleurs depuis. En 1602, Shakespeare y fera même allusion dans une de ses comédies: « Les Joyeuses Commères de Windsor » (The Merry Wives of Windsor).
C’est en 1584 que les paroles de Greensleeves apparaissent pour la première fois dans un document écrit traçable, quant à sa musique, on la retrouve dans divers livres datant de la même période: le premier étant celui connu sous le nom de « William Ballet Lute Book« date de 1590 et présente une partition pour luth de la chanson. Elle apparaîtra également en 1595 dans un manuscrit hollandais de Luth, le « Het Luitboek van Thysius », rédigé par un certain Adriaen Smout de Rotterdam et on la retrouvera, au fil du temps, dans de nombreux autres ouvrages.
Si l’on en connait pas l’auteur, le style et la composition laissent plutôt supposer que les origines de Greensleeves, ou au moins de son inspiration musicale, seraient sans doute plutôt à rechercher du côté du Passamezzo, danse de la renaissance Italienne dont nous parlions déjà plus haut, ou même de la Pavane espagnole, danse de cour lente de la même époque. Autre fait à relever concernant cette mélodie anglaise célèbre, et qui n’a pas trait à ses origines, mais plutôt à sa popularité, en tendant un peu d’oreille, vous aurez certainement noté que la célèbre chanson du grand Jacques Brel« Le port d’Amsterdam » s’en est aussi clairement inspirée.
Les paroles anglaises de Greensleeves
Il en existe de nombreuses variantes remaniées, rallongées, au besoin pour être converties, nous l’avons mentionné plus haut, en chant de noël mais Lady Greensleeves fut aussi adaptée au XVIIe siècle par ceux que l’on dénommait alors « les cavaliers » et qui étaient les troupes royales au service du roi Charles 1er, durant la guerre civile anglaise (1642–1651). On lui connait depuis des myriades de versions: jazz, folk, rock ou même variétés, de John Coltrane à Elvis Presley en passant par Léonard Cohen, Marianne Faithfull, Neil Young, Jethro Tull et même plus récemment Hélène Segara.
Les paroles anglaises que nous donnons ici proviennent de l’époque des Tudors. Nous les avons traduites et adaptées librement. Je précise que j’ai finalement consenti à traduire Greensleeves par Vertemanche en vous laissant libre d’utiliser le nom original, si vous le préférez. Mais, allons, assez parlé, en piste!
The Chorus / le Refrain
Greensleeues was all my ioy, Greensleeues was my delight: Greensleeues was my hart of gold, And who but Ladie Greensleeues.
Vertemanche était toute ma joie Vertemanche était tout mon plaisir Vertemanche était mon coeur d’or Et qui d’autre que demoiselle Vertemanche
The Verses / les paroles
Alas my loue, ye do me wrong, to cast me off discurteously: And I haue loued you so long Delighting in your companie.
Hélas, mon amour, mon amour, vous me faites du mal De me rejeter ainsi sans courtoisie Car je vous ai aimé bien et longtemps Prenant plaisir en votre compagnie
Chorus/Refrain
I haue been readie at your hand, to grant what euer you would craue. I haue both waged life and land, your loue and good will for to haue.
Je me suis tenu près de votre main Pour satisfaire tous vos désirs J’ai gagé mes terres et ma vie Pour gagner votre amour et votre bienveillance
Chorus/Refrain
I bought three kerchers to thy head, that were wrought fine and gallantly: I kept thee both boord and bed, Which cost my purse wel fauouredly,
Je t’ai acheté trois fichus De fine étoffe et galante Je t’ai gardé près de moi et dans mon lit Ce qui a bien vidé ma bourse
Chorus/Refrain
I bought thee peticotes of the best, the cloth so fine as might be: I gaue thee iewels for thy chest, and all this cost I spent on thee.
Je t’ai acheté trois jupons Du meilleur et plus fin tissu Et trois bijoux pour ton giron Et tous ces frais c’était pour toi
Chorus/Refrain
Thy smock of silk, both faire and white, with gold embrodered gorgeously: Thy peticote of Sendall right: and thus I bought thee gladly.
Ta chemise de soie, pure et blanche
Magnifiquement brodée d’or
Ton foulard de soie légère
Et tout ça acheté de bonne grâce
Chorus/Refrain
Thy girdle of gold so red, with pearles bedecked sumptuously: The like no other lasses had, and yet thou wouldst not loue me,
Ta ceinture d’or si rouge ornée de perles somptueuses Du genre qu’aucune fille n’avait Et pourtant, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
Thy purse and eke thy gay guilt kniues, thy pincase gallant to the eie: No better wore the Burgesse wiues, and yet thou wouldst not loue me.
Ta bourse et tes jolis poignards Ta boîte à épingles si belle au regard De meilleur, n’avait femme bourgeoise Et avec tout ça, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
Thy crimson stockings all of silk, with golde all wrought aboue the knee, Thy pumps as white as was the milk, and yet thou wouldst not loue me.
Tes bas pourpres, tous de soie Brodés d’or au dessus du genou Tes escarpins immaculés, aussi blancs qu’était le lait Et pourtant, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
Thy gown was of the grossie green, thy sleeues of Satten hanging by: Which made thee be our haruest Queen, and yet thou wouldst not loue me.
Ta robe était du vert des prés tes manches de Satin tombantes, Qui faisait de toi notre reine des moissons Et avec tout ça, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
Thy garters fringed with the golde, And siluer aglets hanging by, Which made thee blithe for to beholde, And yet thou wouldst not loue me.
Tes jarretières frangées d’or aux aiguillettes d’argent pendantes, Dont la vue t’avait tant ravi Et pourtant, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
My gayest gelding I thee gaue, To ride where euer liked thee, No Ladie euer was so braue, And yet thou wouldst not loue me.
Mon vaillant hongre je t’ai donné Pour le mener où tu voudrais Nulle fille n’eut jamais ton audace Et avec tout ça, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
My men were clothed all in green, And they did euer wait on thee: Al this was gallant to be seen, and yet thou wouldst not loue me.
Mes hommes tous vêtus de vert Toujours prévenants avec toi Quel beau tableau cela faisait Et pourtant, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
They set thee vp, they took thee downe, they serued thee with humilitie, Thy foote might not once touch the ground, and yet thou wouldst not loue me.
Ils t’aidaient à le monter et t’en faisaient descendre Ils te servaient avec tant d’humilité, Pas une seule fois, je crois, tu n’eus à toucher le sol de ton pied Et avec tout ça, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
For euerie morning when thou rose, I sent thee dainties orderly: To cheare thy stomack from all woes, and yet thou wouldst not loue me.
Et chaque matin quand tu t’éveillais Je te faisais porter de délicieux mets Pour prévenir ton estomac de tous maux Et pourtant, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
Thou couldst desire no earthly thing. But stil thou hadst it readily: Thy musicke still to play and sing, And yet thou wouldst not loue me.
Tu ne pouvais désirer aucune chose terrestre Sans l’obtenir sur l’instant Tes musiciens toujours prêts à jouer et à chanter Et pourtant, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
And who did pay for all this geare, that thou didst spend when pleased thee? Euen I that am reiected here, and thou disdainst to loue me.
Et qui paya pour tout ce faste Que tu dépensas à ta guise Jusqu’à moi qui suis, là, rejeté et toi qui dédaignas aimer
Chorus/Refrain
Wel, I wil pray to God on hie, that thou my constancie maist see: And that yet once before I die, thou wilt vouchsafe to loue me.
Bien, je vais prier Dieu sur le champ Pour que tu vois tous mes efforts Et qu’une fois avant ma mort Tu daignes consentir à m’aimer
Chorus/Refrain
Greensleeues now farewel adue, God I pray to prosper thee: For I am stil thy louer true, come once againe and loue me.
Vertemanche, maintenant, farewell, adieu Je prie Dieu pour que tu prospères Car je suis toujours ton amant sincère Reviens m’aimer une fois encore.
Chorus/Refrain
Une très belle journée à tous
Fréderic EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet : poésie médiévale, poésie morale et satirique, auteur médiéval. ballade. Période : moyen-âge tardif, XIVe,XVe siècle. Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406). Titre : Ballade, « l’habit ne fait pas l’homme » ou « On ne connaît aux robes la pensée »
Bonjour à tous,
n doit à Eustache Deschamps que l’on surnomma aussi Eustache Morel pour, dit-on, son teint halé, de nombreuses poésies moralistes, satiriques et critiques et même encore des ballades qui contiennent des fables et que nous ne tarderons pas à partager ici. Mais en plus d’aimer sa poésie et d’y trouver souvent l’écho d’une « modernité » (au sens illusoire et biaisé où nous l’entendons certainement), nous gardons une tendresse véritable pour cet observateur du monde médiéval dont on a dit, par endroits, que sa poésie satirique mais aussi son apport sur les ballades (il en écrit plus de 1000), ouvrira la voie ou, tout du moins, annoncera la venue d’un François Villon, quelques cinquante ans plus tard.
De ses premiers pas d’homme d’armes instruit, serviteur à la cour, qui, se riant de lui-même, se décrit comme laid et peu amène, jusqu’à la sagesse de cet Eustache Deschamps vieilli qui a survécu aux fléaux de son temps et vu, comme beaucoup d’hommes d’alors, ses amis décimés par la peste, les conflits répétés qui mettent le pays à sang, les vaines conquêtes pétries de l’orgueil des rois et, bien sûr, cette interminable guerre de cent ans, cet auteur médiéval nous a laissé le courage de dire et celui de s’élever, de beaux textes sur l’honneur et les valeurs humaines pour nous en délecter et, je le dis encore, certains écrits sur lesquels le temps ne semble pas avoir de prise et qui raisonne d’une certaine modernité.
Pour ce qui est de la ballade d’aujourd’hui, le thème du jugement sur les apparences, la « mise » ou les stigmates, cet habit qui, au fond, n’a jamais fait l’homme ni le moine est-il médiéval ou n’est-ce pas, plutôt, un thème classique, aussi vieux qu’Hérode lui-même ? Voilà en tout cas, sur le sujet, la belle version d’Eustache Deschamps en forme de ballade.
« On ne congnoist aux robes la pensée »
Ballade en moyen-français original
Trop de gens sont qui honourent l’abit , Et au corps font pour robe révérence Et ne tiennent compte de l’esperit De cil qui a bonnes meurs et science; Et n’ont regart à la sufficience Du corps, s’il n’est parez de riches draps ; Combien que tel vest robe de bourras* Ou la porte cointe et intercisée Qui plus a sens qu’en telz est advocas : On ne congnoist aux robes la pensée.
L’entendement et la voulenté fist Dieu, des hommes formez à sa semblance; Nuz les créa , et puis l’ame leur mist Ou chétif corps, sanz faire différence De nul qui soit au naistre , n’en semence. Les grans robes saiges ne les font pas Ne sos aussi; riens n’y font en ce cas Poures habiz, fors science approuvée, Sens naturel et le bien faire. Hélas ! On ne congnoist aux robes la pensée.
Les apostres ne le doulz Jhesu Crist Ne portèrent draps de grant apparance; Mais leurs vertus furent de grant proufit, Qui ont partout donné bonne créance. Robes de vair ne de gris n’ont puissance D’assagir nul; mais puisque le sens as De robes vestus, pour ce ne le perdras; Foulz sa foleur pour sa robe herminée Ne laissera, ne son sens l’omme bas : On ne congnoist aux robes la pensée.
ENVOI
Prince, n’aiez nul saige homme en despit, Se grant estât n’a ou robe fourrée; Car tel scet moult, qui est poure et petit : On ne congnoist aux robes la pensée.
Traduction/Adaptation en français moderne
Trop de gens sont qui honorent l’habit
Et au corps font pour robe révérence
Et ne tiennent compte de l’esprit
De celui qui a bonnes mœurs et science,
Et n’ont regard à la valeur
Du corps, s’il n’est paré de riches draps
Suivant qu’un tel se vêt d’une robe de Bourras*
Ou la porte de manière galante et bien taillée
Celui qui prétend juger en cette matière est avocat
On ne connaît aux robes les pensées.
(* Bourras : Etoffe grossière lin)
L’entendement et la volonté fit
A Dieu faire les hommes à sa semblance
Nus les créa, et puis âme leur mit
Ou corps chétif, sans faire de différence
Entre tous ceux qui soient à naître, ou à semer,
Les grandes robes, sages ne les font pas
Ni sots non plus, rien n’y font dans ce cas
Pauvres habits, force science approuvée,
Bon sens et bonne conduite. Hélas!
On ne connaît aux robes les pensées.
Les apôtres ni le doux Jésus Christ
N’étaient drapés de grandes apparences
Mais leur vertus furent de grand profit
Qui ont partout inspiré la confiance
Robe verte, ni grise n’ont de puissance
D’assagir personne, mais l’homme de bon sens
D’une robe vêtue, pour ce ne le perdra.
Le fou, sa folie pour sa robe herminée
ne laissera, ni son bon sens l’homme bas*
On ne connaît aux robes les pensées.
(* l’homme de simple condition)
ENVOI
Prince, n’ayez aucun homme sage en dépit*
S’il n’a grand mise ou robe fourrée
Car celui là peut en savoir beaucoup, qui est pauvre et petit
On ne connaît aux robes les pensées.
(* Prince, ne vous offensez d’aucun homme sage)
Une merveilleuse journée à tous dans la joie.
Fred
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