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L’adieu à une « douce dame jolie » du maître de musique Francesco Landini

Sujet : musique médiévale, musiques anciennes, chants polyphoniques, Ars nova, chanson. amour courtois, loyal amant, trecento, compositeur florentin, virelai.
Période : Moyen Âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Francesco Landini (1325-1397)
Titre : Adiu, adiu, dous dame jolie
Interprètes : Alla Francesca.
Album : Landini and Italian Ars Nova (1992)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous vous invitons à bord du vaisseau Moyenagepassion, pour un voyage en direction du trecento italien. Nous sommes, donc au début de la Renaissance italienne, dans un XIVe siècle qui correspond encore au Moyen-Âge tardif français et nous y découvrirons une nouvelle pièce de Francesco Landini.

La douleur du partir de l’amant courtois

La chanson du jour est un virelai. Elle appartient au registre de l’amour courtois, à l’image des autres compositions qui nous sont parvenues du maître de musique florentin. Cette pièce se distingue, toutefois, de celles que nous avons étudiées précédemment par sa langue ; elle est, en effet, en français ancien et non en italien, comme le reste de l’œuvre de Landini.

Sur le fond, le compositeur et poète nous contera la douleur de l’amant courtois, au moment de se séparer d’avec sa dame. Cette dernière est, ici, désignée par l’auteur comme sa « douce dame jolie » et on ne pourra s’empêcher de voir là, une claire évocation à la célèbre chanson de Guillaume de Machaut portant le même titre. Contemporain de Landini, le maitre de l’Ars Nova Français le précède d’une petite vingtaine d’années. On sait aussi que l’Ars nova français a notablement influencé la musique italienne de cette période, même si l’Ars nova qui s’est développé sur la péninsule italienne s’en démarque par son style et ses particularités.

Aux sources anciennes de cette chanson

La chanson "Adieu douce dame jolie" de Landini dans le codex Squarcialupi, de la Bibliothèque Laurentienne de Florence
Une « Douce dame Jolie » » à la façon de Francesco Landini

Du point de vue des sources anciennes, on pourra retrouver cette chanson de Francesco Landini, avec sa partition dans le célèbre codex Squarcialupi (le Med Palat 87). Daté du XV siècle, ce manuscrit richement enluminé est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque Laurentienne de Florence. En cherchant un peu, on peut également le trouver en ligne, sous une forme digitalisée.

L’hommage à Landini et à l’Ars Nova,
de l’ensemble ‘Alla Francesca

Pour la version en musique de ce chant polyphonique, nous vous proposons l’interprétation qu’en avait fait la célèbre formation médiévale française Alla Francesca, il y a déjà quelque temps déjà.

En 1991, soit l’année suivant sa création, l’ensemble de musiques anciennes et médiévales Alla Francesca partait, donc, à la découverte de Francesco Landini et de l’Ars Nova italien. Ce thème leur a même fourni l’occasion de leur toute première production. En terme de discographie, Alla Francesca en est, désormais à son vingtième album pour plus de trente ans de carrière. C’est dire le chemin parcouru par cette excellente formation depuis ses premiers pas.

L'album de musiques médiévales et d'Ars Nova de Alla Francesca

Cet album, sorti en 1992 sous le titre « Landini and Italian Ars Nova » propose un total généreux de 17 pièces, pour 55 minutes d’écoute. La formation attachée au Centre de musique médiévale de Paris signait là un vibrant hommage à l’Ars Nova florentin. Et si l’œuvre de Francesco Landini y trouve une place de choix, elle y côtoie aussi des pièces de Jacopo da Bologna, Ghirardello et Lorenzo da Firenze, et encore quelques autres compositeurs italien de cette période, dont des anonymes.

Plus de trois décennies après sa sortie, ce bel album peut encore se trouver à la vente au format CD, chez votre disquaire habituel ou encore en ligne. Voici un lien utile à cet effet : Landini and Italian Ars Nova, Alla Francesca (1992).

Musiciens ayant participé à cet Album

Catherine Joussellin (voix, vièle, percussion), Brigitte Lesne (voix, harpe, percussion), Emmanuel Bonnardot (voix, vièle, rebec), Pierre Hamon (instruments à vents, cornemuses, flûtes, percussion)


Adiu, adiu, dous dame jolie,
dans la langue d’oïl de Landini

Adiu, adiu, douce dame jolie,
kar da vous si depart lo corps plorans
Mes a vous las l’esprit et larme mie.

Lontan da vous, aylas, vivra dolent.
Byen che loyal sera’n tout ma vie.

Poyrtant. ay! clere stelle. vos prie
Com lermes e sospirs tres dous mant
e
Che loyaute haies pour vestre amye.

Les paroles en français actuel

Adieu, adieu, douce dame jolie,
Car de vous je me sépare le corps en pleurs,
Mais je laisse près de vous mon esprit et mon âme.

Loin de vous, hélas, je vivrai dans la peine,
Bien que je vous demeurerai loyal toute ma vie.

Voilà pourquoi, hélas, claire étoile, je vous prie
Avec larmes et très doux soupirs et vous enjoins
De garder votre loyauté pour votre amant.


En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
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L’amour courtois du troubadour Bindo Donati mis en musique par Francesco Landini

Sujet : musique médiévale, musiques anciennes, chants polyphoniques, Ars nova, chanson. amour courtois, troubadour.
Période : Moyen Âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Francesco Landini (1325-1397), Bindo Donati
Titre : Non avrà ma’ pietà questa mie donna
Interprètes : Anonymous 4
Album : the second circle – Love songs of Francesco Landini (2020)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous vous proposons une excursion en direction de l’Italie médiévale du trecento, dans la Florence du XIVe siècle. Nous y retrouverons le compositeur et poète Francesco Landini pour une nouvelle pièce d’art polyphonique et de lyrique courtoise.

L’amant courtois à la merci de sa dame

la partition de la chanson du jour dans le Codex Squarcialupi

Le texte de la ballade du jour n’est pas de Francesco Landini. Dans de nombreux ouvrages de littérature italienne (1), on retrouve, en effet, cette poésie attribuée à Bindo d’Alessio Donati ou Bindo Donati, troubadour italien de la fin du XIIIe siècle. Cet auteur, lui-même fils du poète Alessio Donati (un des plus anciens versificateurs en langue toscane), compte pour certains experts italiens parmi les plus grands écrivains italiens de son temps (2).

Dans la pièce du jour, Landini reprend donc à son compte la complainte amoureuse de Bindo Donati. On y retrouvera l’amant courtois prisonnier de son désir et de sa douleur. Tout entier à la merci de sa dame et de l’accord de cette dernière qui tarde à venir, il implore « Amour » de venir à son secours. Si l’élue de son cœur ne concède pas, elle-même, à délivrer le poète du feu qui le brûle, peut-être Amour viendra-t-il la rendre plus docile et lui ouvrir les yeux ? Avec cette ballade, nous sommes parfaitement dans le registre de l’amour courtois, comme on peut le trouver à la même période et même un peu avant, chez les troubadours du sud de France.

Sources médiévales

Pour les sources manuscrites de cette chanson polyphonique, nous vous renvoyons une fois de plus au Codex Squarcialupi (voir image ci-dessus). Daté du début du XVe siècle, ce beau manuscrit, joliment enluminé et fort bien conservé, contient de nombreuses pièces notées musicalement de compositeurs italiens et florentins du trecento. Il est actuellement précieusement gardé à la Bibliothèque Laurentienne du monastère de la basilique San Lorenzo de Florence (Biblioteca Medicea Laurenziana).

Pour l’interprétation de cette ballade de Landini, nous avons opté pour la belle version de la formation américain Anonymous 4.

La ballade polyphonique du jour par Anonymous 4

Le quatuor Anonymous 4

Formé en 86 et actif jusqu’en 2015, le quatuor américain Anonymous 4 nous a laissé une discographie riche de plus de 20 albums. Au terme de 30 ans de carrière, ses quatre chanteuses pleines de talent ont eu l’opportunité d’explorer un répertoire qui va de Hildegarde de Bingen à des chants polyphoniques de l’Angleterre médiévale, en passant par les motets du chansonnier de Montpellier et encore bien d’autres univers musicaux du Moyen Âge. Au fil de sa longue épopée, Anonymous 4 ne s’est pas cantonné au monde médiéval ; la formation a aussi couvert des chant de Noël ou des chansons traditionnelles plus récentes (Voir un portrait plus détaillé de Anonymous 4)

Album : the second circle,
Love songs of Francesco Landini

Enregistré en 2000, cet album dédié aux chansons d’amour de Francesco Landini propose 18 pièces du maître de musique pour un voyage de 62 minutes, au cœur de l’Ars nova et des chants polyphonique du trecento italien. Pour l’interprétation de la chanson du jour, comme pour les autres pièces de cette production, on retrouve la finesse et la délicatesse habituelle de ce quatuor de haute tenue.

Concernant cet album, si vous ne le trouvez pas chez votre disquaire préféré, il est encore disponible à la vente en ligne, mais attention aux arnaques et aux occasions à prix d’or sur certains sites. Pour ne pas casser la tirelire, vous leur préférerez, sans doute, les versions digitales. L’album se trouve assez facilement sous forme MP3 et on peut ainsi en profiter de manière totalement légale pour un tarif raisonnable. Voici un lien utile pour se le procurer : The second Circle, Love songs of Francesco Landini par Anonymous 4

Les Chanteuses du Quatuor Anonymous 4

Marsha Genensky, Susan Hellauer, Jacqueline Horner, Johanna Maria Rose


Non avrà ma’ pietà questa mie donna,
De l’Italien du XIVe s au français actuel

Non avrà ma’ pietà questa mie donna,
se tu non faj, amore,
Ch’ella sia certa del mio grand’ ardore.

S’ella sapesse quanta pena porto
Per onestà celata nella mente,
Sol per la sua belleza, chè conforto
D’altro non prende l’anima dolente.

Forse da lei sarebbono in me spente
Le fiamme che nel core
Di giorno in giorno acrescono ‘l dolore.

Non avrà ma’ pietà questa mie donna,
Se tu non faj, amore,
Ch’ella sia certa del mio grand’ ardore.

Traduction française de cette ballade

Cette dame qui est mienne ne me montrera pas de pitié,
Si tu ne le fais pas, Amour,
Afin qu’elle soit certaine de ma grande ardeur.

Si elle savait combien de douleur je porte
Par honnêteté, cachée en mon esprit,
Rien que pour sa beauté, car l’âme affligée
Ne se console de rien d’autre.

Peut-être, finirait-elle par éteindre
Les flammes qui, dans mon cœur,
Jour après jour, font accroître la douleur.

Cette dame qui est mienne ne me montrera pas de pitié,
Si tu ne le fais pas, Amour,
Afin qu’elle soit certaine de ma grande ardeur.


En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
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Notes

(1) voir Manuale della letteratura del primo secolo delle lingua Italiana. Vincenzio Nannucci (1838), Florence (Vol secondo) ou Scelta di poesie liriche, dal primo secolo della lingua fino al 1700, Felice le Monnier e compagni (1839) ou encore Parnaso Italiano Vol XI, Venise (1846)
(2) Nouvelle biographie générale: depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, Tome 14, Jean Chrétien Ferdinand Hoefer (1855)

Au trecento, L’âme en pleurs de Francesco Landini

Enluminure musicien médiéval à l'organetto

Sujet :  musique médiévale, musiques anciennes, chants polyphoniques, ars nova, chanson médiévale, amour courtois.
Période :  Moyen Âge tardif, XIVe siècle
Auteur :  Francesco Landini ( ? 1325-1397)
Titre :  L’alma mie piang’ e mai non può aver pace
Interprètes :  Chominciamento di Gioia et Camerata Nova
Album : Francesco Landini, Ballate (2000)

Bonjour à tous,

u XIVe siècle, l’organiste, poète et compositeur italien Francesco Landini se pose comme un grand chef de file de l’école Florentine et de l’Ars Nova italien. Il nous a laissé une œuvre renaissante faite de belles et nombreuses pièces polyphoniques. Celles qui nous sont parvenues sont, en majorité, profanes et centrées sur la lyrique courtoise, entre ballate et madrigaux.

Un maître de musique délaissé par sa dame

Partition et texte Musique médiévale du Moyen Âge tardif, Francesco Landini

La chanson du jour est une « ballata » à trois voix. Elle est adressée à une dame. Sur fond courtois, le maître de musique du trecento nous conte combien il souffre les plus grandes des peines depuis qu’elle s’est détournée de lui.

Du point de vue des sources historiques, on peut notamment retrouver l’œuvre de Francesco Landini dans le Codex Squarcialupi (Med. Pal. 87). On l’y trouve même représenté avec son organetto (voir image en-tête d’article). Ce manuscrit ancien, daté du XVe siècle, est un témoignage majeur de l’Ars Nova italien de cette période. Il contient pas moins de 216 feuillets notés et quelques belles enluminures de compositeurs d’époque. Avec près de 150 pièces, Francesco Landini y dépasse de très loin les autres compositeurs présents. Ce codex est actuellement conservé à la Bibliothèque Laurentienne de Florence, en Italie.

Ballate un album autour du trecento

L’interprétation que nous avons choisie de vous présenter pour cette pièce du jour est tirée d’un l’album intitulé Francesco Landini Ballate. Il fut enregistré en 1999 sous la houlette du grand directeur et chef d’orchestre Luigi Taglioni, en collaboration avec deux formations italiennes : l’ensemble vocal Camerata Nova et l’ensemble instrumental Chominciamento di Gioia.

Album de musique médiévale sur  Francesco Landini

Centré sur le thème du trecento italien, l’album propose un total de 18 pièces sur un peu moins de 60 minutes de durée. Il alterne les compositions de Francesco Landini avec d’autres pièces anonymes tirés du Codex Faenza. Ce manuscrit médiéval du XVe siècle, conservé à la Bibliothèque de Faenza en Italie, contient des partitions datées du milieu du XIVe siècle.

L’album Francesco Landini, Ballate s’est fait largement remarquer sur la scène des musiques anciennes et médiévales, au moment de sa sortie. Malgrès cela et pour l’instant au moins, il ne semble avoir été réédité. Pour le trouver en format CD, il vous faudra donc tenter votre chance chez les disquaires de musiques anciennes. Si la forme dématérialisée vous convient, vous pourrez aussi essayer du côté des plateformes de musique web.

Musiciens et artistes ayant participé à cet album

Direction Luigi Taglioni. Voix : Antonella Marotta (contralto), Matelda Viola (soprano), Paola Ronchetti (soprano), Fabrizio Scipioni (tenor), Instruments : Olga Ercoli (harpe), Elisabetta di Franco (psaltérion, percussion), Giovanni Caruso (luth), Gianfranco Russo (vielle), Luigi Polsini (vielle, luth).


L’alma mie piang’ e mai non può aver pace

L’alma mie piang’e mai non può aver pace
da poi che tolto m’hai,
donna, ’l vago mirar di ch’i ’nfiammai.
Fu di tanto piacer la dolce vista
ch’innamorai nel tuo primo guardare,
sperando aver la grazia che s’aquista
ispesse volte per virtù d’amare.
Pur veggio la sperança mia mancare,
ché ’l viso non mi fai
che tu solevi, ond’io sto in pene e in guai.
L’alma mie piang’e mai non può aver pace…

Mon âme pleure et ne peut plus trouver de paix
Depuis que tu m’as privé,
Dame, du doux regard par lequel tu m’avais enflammé.
Ta douce apparition m’avait procuré, alors, tant de plaisir
Que je me suis épris de toi dès ton premier regard,
Espérant recevoir la grâce qui s’acquiert
Souventes fois par la vertu d’aimer.
Mais voilà que mon espérance se dérobe,
Car tu ne tournes plus ton visage vers moi
Comme tu le faisais, d’où je suis en grande peine et en tourments.

Mon âme pleure et ne peut plus trouver de paix


En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
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« Questa Fanciulla », Francesco landini frappé d’amour

Sujet :  musique médiévale, musiques anciennes, ballata, chants polyphoniques, Ars nova, chanson médiévale, amour courtois
Période :  Moyen Âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Francesco Landini (1325-1397)
Titre :  Questa Fanciulla
Interprètes : le Conjunto Pro Musica Antiqua Rosario
Album : Danzas y Canciones de la Edad Media (1988).

Bonjour à tous,

ous repartons, aujourd’hui, sur les traces de l’Ars Nova du trecento italien, en compagnie du compositeur, poète et organiste Francesco Landini. A cette occasion, nous découvrirons une ballata polyphonique à trois voix intitulée « Questa Fanciulla« .

A l’habitude, après vous avoir fourni des éléments de fond mais aussi quelques sources et partitions d’époque, nous vous proposerons une traduction de cette pièce en français moderne. Pour nous accompagner dans sa découverte, nous avons également choisi de partager son interprétation par une formation originaire d’Argentine : le Conjunto Pro Musica Antiqua Rosario. Formé depuis près de 60 ans, ce grand ensemble met à l’honneur, avec brio, les musiques anciennes et ce sera pour nous l’occasion de vous le présenter plus en détail.

Francesco Landini pris au jeu de la courtoisie

Cette chanson médiévale polyphonique pleine de grâce a pour toile de fond la lyrique courtoise. On pourra donc y croiser les inévitables tourments dans lesquels le sentiment amoureux médiéval —  toute en attente et en espérance, et toujours aussi « douloureux que délicieux » —  plonge ces amants. Ici, c’est le maître de musique lui-même qui se dira pris dans ses filets et on le verra implorer la miséricorde de l’Amour autant que de la damoiselle dont il s’est épris.

Du point des vues des sources, on retrouvera cette Fanciulla qui brise le cœur de Francesco Landini dans un certain nombre de manuscrits. Nous avons déjà cité ici, à plusieurs reprises, l’incontournable et le plus connu de tous, le très beau MS Mediceo Palatino 87 ou Codice Squarcialupi de la Bibliothèque de Florence. Aujourd’hui, pour varier nous vous présentons cette composition dans le Manuscrit 568 du fond italien de la BnF (photo ci-dessus).

Le Ms 568 du fond italien de la BnF

Daté du courant du XIVe siècle, le codex 568 du fond italien du département des manuscrits de la BnF contient 199 pièces dont 2 ont été copiées deux fois ( à consulter en ligne ici sur Gallica ). On y trouve en grande quantité des madrigaux et ballate, quelques rondeaux, ballades et virelais, mais aussi un nombre plus restreint de pièces religieuses et sacrées (Gloria, Credo, Sanctus, Agnus dei, Benedicamus).

Vingt-deux compositeurs en tout sont à l’honneur de ce manuscrit médiéval avec une large place faite à Francesco Landini et à Paolo da Firenze (Paolo Tenorista). C’est d’ailleurs le seul manuscrit à contenir l’œuvre annotée de ce dernier compositeur, ce qui lui confère une place particulière dans la musique polyphonique du Trecento italien. Pour la petite histoire, si on admet généralement que Paolo da Firenze a, sans doute, supervisé la réalisation du Codice Squarcialupi, les pages et les portées réservées à ses partitions, dans ce dernier codex, y ont été laissées vides ; le Ms 568 comble ce vide.

Le vieil organiste et la damoiselle ?

On trouve également, dans ce codex d’époque, une très belle illustration (celle ayant servi à l’image d’en-tête et à l’image ci-dessus). Pour nous, elle pourrait presque évoquer Francesco Landini, l’organiste (devenu déjà vieux) au travail et la demoiselle de la chanson, même si ceci n’est qu’une assertion personnelle ; le compositeur florentin se trouve également présenté comme Francesco degli orghany dans le ms 568 ce qui pourrait nous sembler un argument supplémentaire. Notons que cette hypothèse ne semble pas avoir sauté aux yeux de Gilbert Reaney, célèbre musicologue et britannique du XXe siècle qui nous a servi de guide pour percer certains éléments de ce manuscrit. De son côté, il décrit cette illustration de manière à la fois plus allégorique et factuelle :

« Le tableau montre la personnification féminine de la musique jouant un orgue portatif, sous lequel se trouve une représentation d’un homme barbu martelant une enclume. A sa gauche et à sa droite se trouvent deux colonnes, l’une listant les intervalles qui composent une octave, l’autre donnant les syllabes de solmisation.«  Gilbert Reaney (1)

Alors, allégorie religieuse, voire presque biblique, ou représentation plus factuelle ? Nous vous en laissons juge.

Le Conjunto Pro Musica Antiqua Rosario

« Questa Fanciulla » par le Conjunto Pro Musica Antiqua Rosario

L’Argentine sur les traces
des musiques médiévales et anciennes

Formé en 1962 par le directeur artistique et musical argentin Cristián Hernández Larguía, le Conjunto Pro Musica Antiqua Rosario se présente, encore aujourd’hui, comme un véritable institut dédié à la transmission des patrimoines et héritages musicaux anciens. La période approchée par l’ensemble commence au Moyen Âge pour se poursuivre à la renaissance et l’ère baroque, mais comme cette grande formation classique ne s’interdit rien, on la trouvera encore sur des répertoires plus récents jusqu’à même des compositeurs du XXe siècle.

Concernant son fondateur, Cristián Hernández Larguía, ce directeur d’exception a s’est fait largement reconnaître sur la scène musicale internationale pour son grand talent. Sa longue carrière lui a également valu un nombre incalculable de distinctions honorifiques et de prix pour ses contributions dans le champ des musiques anciennes. Après sa disparition en 2016, la direction artistique de l’ensemble a été confiée Manuel Alberto Marina autre musicien émérite argentin.

En tant qu’institution, le Conjunto Pro Musica Antiqua Rosario n’organise pas que seulement des concerts autour des musiques médiévales et anciennes. Il fédère aussi, autour de lui, un grand nombre d’activités. On le retrouve ainsi à l’enseignement et à la transmission musicale à destination de publics des plus larges, y compris les plus jeunes. Pour plus d’informations sur leurs activités, voir leur site web ici.

L’album : Danzas y Canciones de la Edad Media

Avec pas moins de trente pièces en provenance du Moyen Âge, l’album dont est extrait la pièce du jour est aussi généreux qu’ambitieux. Sorti en 1988 sous le label Irco Video, il opère une très large sélection musicale dans un répertoire qui gravite autour de l’Europe médiévale des XIIIe, XIVe siècles.

Le voyage touche, à la fois, la France des trouvères et des troubadours (Raimbaut de Vaqueiras, Adam de la Halle, …), mais aussi l’Espagne profane et liturgique avec des Cantigas de Amigo de Martin Codax et même des Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille. On y fait également une incursion du côté de la Catalogne avec des compositions du Llibre Vermell de Montserrat. Enfin, après un large détour par les danses de l’Italie et de l’Angleterre médiévale (saltarello, istampitta du manuscrit de Londres…), une place y est encore réservée aux musiques et aux chants polyphoniques de Francesco Landini dont celui du jour.

Un grand tour de l’Europe médiévale en un album

D’une certaine façon, l’album se présente comme une synthèse des quatre programmes présentés par la formation autour des musiques du Moyen Âge : la lyrique profane médiévale (trouvères, troubadours, minnesänger), les musiques de pèlerinage et mais aussi les chants profanes de la péninsule espagnole et portugaise du XIVe siècle, et enfin le trecento florentin représenté, ici, par Landini. Côté distribution, on trouve toujours cet album à la vente et à la distribution. Le label a même eu la bonne idée de le proposer au format CD ou dématérialisé MP3. Voici un lien vous permettant d’en savoir plus et même de le pré écouter : Danzas y Canciones de la Edad Media.


Questa Fanciulla de Francesco Landini
et sa traduction en français moderne

Questa fanciulla’amor
Fallami pia
Che mi ha ferito il cor
Nella tua via.

Tu m’ha, fanciulla, si’ d’amor percosso
Che solo in te pensando trovo posa
El cor di me da me tu m’ha rimosso
Con gli occhi belli e la faccia gioiosa
Pero’ ch’al servo tuo deh sie piatosa
Merce’ ti chiegho alla gran pena mia.

Questa fanciulla’amor…

Se non soccorri alle dogliose pene
Il cor mi verra’ meno che tu m’a tolto,
Che la mia vita non sente ma’ bene
Se non mirando ‘l tuo vezzoso volto.
Da poi fanciulla che d’amor m’a involto
Priego ch’alquanto a me beningnia sia.

Questa fanciulla’amor…

Amour ! Fais que cette jeune fille,
Se montre clémente envers moi*
Car elle a blessé mon cœur
Dans ton sillage.

Oui, tu m’as, jeune fille, frappé si fort d’amour
Que je ne trouve plus de repos qu’en pensant à toi.
Tu as ravi mon cœur
Avec tes beaux yeux et ton visage plein de joie,
Et pour cela je t’implore d’être miséricordieuse
Envers ton serviteur et de prendre en pitié sa grande souffrance.

Amour ! Fais que cette jeune fille…

Si tu ne soulages pas ma grande peine
Ce cœur qui m’appartient et que tu m’as pris finira par se briser
Car ma vie n’a plus de sens,
Sinon en contemplant ton charmant visage.
Dès lors, jeune fille, que tu m’as lié d’amour
Je te supplie (prie) d’être indulgente (bonne) envers moi.

Amour ! Fais que cette jeune fille, …

* fallami pia : rend la miséricordieuse envers moi


En vous souhaitant très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

Notes :

(1) « The painting shows the female personification of music playing a portative organ, underneath which is a representation of a bearded man hammering on an anvil. To his left and right are two columns, one listing the intervals which compose an octave, the other giving solmisation syllables. »

The Manuscript Paris, Bibliothèque Nationale, Fond italien 568 (Pit), Gilbert Reaney, Musica Disciplina, Vol. 14, (1960)

NB : l’enluminure de l’image d’en-tête est tirée du Ms 568 fond Italien de la BnF (département des manuscrits).