Sujet : musique médiévale, galaïco-portugais, lyrisme médiéval, culte marial, miracle Période : XIIIe siècle, moyen-âge central « Auteur » : Alphonse X de Castille, Alphonse le Sage (1221-1284) Interprète :Ensemble Gilles Binchois Titre: Cantiga Santa Maria 139 Album: Alphonse x el sabio : Cantigas de Santa Maria (2005)
Bonjour à tous,
l’occasion d’un article précédent, nous avions abordé, dans le détail, la Cantiga de Santa Maria 139. La version que nous en avions alors présentée était exclusivement instrumentale et nous était proposée par l’Ensemble Perceval et Guy Robert, dans leur album L’art Du Luth au moyen-âge, datant de 1960.
Aujourd’hui et pour faire bonne mesure, nous partageons une superbe version instrumentale et vocale de cette Cantiga. Cette fois-ci, nous la devons à l’Ensemble Gilles Binchois sous la direction de Dominique Vellard.
La Cantiga de Santa Maria 139 par l’Ensemble Gilles Binchois
L’Ensemble Gilles Binchois
et les Cantigas de Santa Maria
En 2005, l’Ensemble médiéval Gilles Binchois présentait un album dédié tout entier aux Cantigas de Santa Maria etayant pour titre : Alphonse X El Sabio, Cantigas de Santa Maria.
Sous la direction et la voix du tenor Dominique Vellard, les sopranos Anne-Marie Lablaude et Françoise Atlan y étaient encore accompagnées par Emmanuel Bonnardot à la vièle et au luth, et Keyvan Chemirani aux percussions,
L’album contient seize pièces sélectionnées avec soin dans le large répertoire des cantigas médiévales et galaïco-portugaise du roi Alphonse de Castille et interprétées avec une grande virtuosité. La version de la Cantiga 139 présentée ici vous en donne, d’ailleurs, un excellent aperçu. Pour en écouter plus d’extraits ou pour l’acquérir, vous pouvez vous reporter au lien suivant.
La Cantiga 139 et le miracle
de l’enfant, du pain et de la statue
a Cantiga de Santa Maria 139 nous conte encore le récit d’un miracle. Pour redire un mot de l’histoire, elle se déroulait en Flandres où une femme était venu portée son enfant dans une église pour le confier à la protection de la vierge.
Durant la scène, l’enfant offrait spontanément un morceau du pain qu’il était en train de manger, à l’effigie du Christ sur la statue (et on l’imagine dans les bras de la vierge). Après une intercession de la Sainte auprès de son fils, ce dernier, touché par le geste de partage de l’enfant répondait en personne et exhaussait directement le voeu de la croyante. Il épargnait ainsi, une vie de souffrance à l’enfant, en le faisant directement entrer au paradis et le refrain de scander :
Maravillosos et piadosos et mui Fremosos miragres faz Santa Maria, a que nos guia Ben noit’ e dia et nos dá paz
Merveilleux, plein de piété
et grandioses sont tes miracles, Sainte-Marie qui nous guide à la perfection
de nuit comme de jour et nous apporte la paix.
Pour retrouver les paroles de cette cantiga et plus de détails la concernant, nous vous invitons à consulter l’article précédent à son sujet.
En vous souhaitant une belle écoute, ainsi qu’une excellente journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie. Epoque : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X (1221-1284) Titre : Cantiga 152, le bol d’argent
Tantas nos mostra a Virgen Direction : Eduardo Paniagua (2003) Album : Caballeros, Cantigas de Alfonso X, el sabio
Bonjour à tous,
ous poursuivons ici l’exploration des Cantigas de Santa Maria, chansons médiévales toutes entières dédiées au culte marial et à la vierge, léguées à la postérité par le roi espagnol Alphonse X de Castille, dans le courant du XIIIe siècle. Aujourd’hui, c’est la Cantiga numero 152 que nous vous présentons par le détail.
Culte Marial
La bonté d’une Sainte et la bienveillance d’une mère, au secours de l’homme médiéval
C’est une évidence mais on ne peut s’intéresser au moyen-âge en Europe occidentale, sans se pencher sur ses aspects profondément chrétiens et, dans ce cadre, on peut encore moins occulter le culte qui s’y développe autour de la vierge Marie, et ce monument qu’il lui est dédié et que représentent les Cantigas de Santa Maria.
En Occident, le culte marial s’intensifie autour du VIIe siècle avec l’entrée dans le calendrier de fêtes destinées à célébrer la Sainte incarnée et sa maternité. Cette force s’affirmera encore du IXe au XIe siècle et, au XIIe siècle, les images et les réflexions associées à la « madre dolorosa » accompagnant son fils sur la croix lui conférera plus que jamais un statut unique dans le coeur des croyants. Entre le ciel et la terre, la mère de Dieu sera alors devenue celle de tous les hommes, capable de leur offrir le salut et prompte à les secourir. Mère de miséricorde, le XIIe et le XIIIe la vénéreront encore intensément à travers des productions artistiques dans tous les domaines et de nombreux récits de Miracles. (1)
Au XIIIe siècle, les Cantigas de Santa Maria sont chantées à la cour d’Espagne, elles résonnent aussi dans les chants des pèlerins et les accompagnent sur le chemin de la rédemption au long des grandes routes souvent périlleuses du moyen-âge. A la faveur de certains prêcheurs de l’Eglise, cet « amour » de la Sainte héritera même par endroit des formes et des contours de la lyrique courtoise. L’émotion qu’elle suscite chez bon nombre d’hommes occidentaux, au coeur du moyen-âge, nous est sans doute aujourd’hui difficile à percevoir dans toute sa profondeur et sa complexité mais elle recouvre une réalité indubitable dont nous gardons encore de nombreux témoignages.
Sainte miraculeuse, mère des mères, dames des dames, touchée par la grâce divine et pleine de miséricorde, icone féminine sublime de bonté et de pureté, cette « notre dame » qui est même devenue le symbole de l’Eglise toute entière est, pour l’homme médiéval, capable plus encore que tout autre Saint d’intercéder efficacement auprès de son fils, le Christ, le Dieu mort en croix et d’obtenir son oreille et sa mansuétude. A lui, on n’ose pas toujours d’adresser directement, jamais tout à fait certain d’en être digne, ni d’avoir son écoute et comme on la crédite de cette bonté infinie. tout autant que de cette proximité, elle apparaît aussi, souvent et se montre quand on l’appelle, pour peu qu’on le fasse avec une foi sincère. Ainsi, l’histoire de la Cantiga 152 est encore celle d’un miracle et d’une apparition.
La Cantiga 152 par Eduardo Paniagua
Eduardo Paniagua et les chevaliers dans les cantigas de Santa Maria
Nous avions déjà dédié à Eduardo Paniagua, un long article à l’occasion de notre présentation détaillée de la Cantiga 23 (celle du miracle du vin). Aussi, si vous désirez en savoir plus sur ce brillant et talentueux musicien espagnol entièrement dévoué au répertoire médiéval, nous vous invitons à le consulter.
Rappelons simplement que dans les nombreuses productions musicales médiévales qu’il a ramené à la lumière et réinterprétées, on doit à Eduardo Paniagua l’immense travail d’avoir recompilé et enregistré l’ensemble des Cantigas de Santa Maria.
Dans un album de 2003 ayant pour titre Caballeros, il proposait une selection des Cantigas d’Alphonse le Sage, sur le thème des chevaliers et de la chevalerie. C’est de cet album qu’est tiré l’interprétation de la Cantiga 152 du jour. Vous le trouverez disponible à la vente en ligne sous ce lien : Caballeros
La Cantiga 152 Un bol d’argent plein d’amertume pour un chevalier débauché
etits pélerins, simple gens, marchands, bourgeois, seigneurs et princes, les miracles des Cantigas de Santa Maria ne font pas d’ostracisme social et la vierge ne distingue pas entre les classes pour accomplir ses prodiges. Bien au contraire, la multiplicité des exemples ne fait que renforcer l’idée que la Sainte est à portée de tous. Le Miracle, cette fois-ci, concerne un chevalier.
Como u bon cavaleiro d’armas, pero que era luxurioso, dezia sempr’ «Ave Maria», e Santa Maria o fez en partir per sa demostrança.
Comment un bon chevalier d’armes, mais qui était plein de luxure, disait toujours « Ave Maria » et comment Sainte Marie par sa démonstration lui permis de s’en défaire.
Bien qu’il invoqua souvent le nom de la vierge en disant « Ave Marie », l’homme ne se rendait jamais aux messes, ni aux offices et ne priait guère non plus. Fort talentueux dans les arts de la guerre et doté d’un grand courage, il demeurait aussi arrogant et licencieux, se rendant coupable de tous les péchés de luxure, les plus grands comme les plus petits.
Un jour, l’homme se trouva en grande lutte avec lui-même, désireux de s’amender au fond de son âme mais au dilemme, car son corps ne voulait abandonner les plaisirs de chair qu’il goûtait par ailleurs et auxquels il s’était habitué. Et tandis qu’il était au débat, ne sachant trancher, la « glorieuse » lui apparut, tenant dans sa main un magnifique bol d’argent grand et luisant. A l’intérieur du récipient, se tenait un mets de couleur jaunâtre et abjecte, à la saveur amère et à l’odeur nauséabonde et fétide.
A la vue du liquide, le chevalier fut pris d’une grande peur et somma l’apparition de vouloir se nommer. La Sainte lui répondit : « Je suis Sainte Marie et je viens avec ce bol te décrire ta situation afin que tu les abandonnes tes erreurs. Car, vois-tu, ce bol te montre que tu es beau et doté de très grandes qualités. Et pourtant, comme tu es aussi plein de péchés et sale dans ton âme, tu empestes comme ce mets malodorant et tu iras en enfer, qui est plein d’amertume.
Ayant prononcé ces mots, la vierge s’en fut, et depuis cet instant là jusqu’à la fin de ses jours, le chevalier s’amenda et vécut dans la droiture. Et quand son âme fut séparée du corps, il s’en fut dans le lieu de Paradis où il vit la vierge sainte qui est la dame des dames.
Refrain « La vierge nous montre tant de merci et d’amour Que jamais et pour aucune raison nous ne devons être de mauvais pêcheurs. »
La Cantiga de Santa Maria 152
en galaïco-portugais original
Como u bon cavaleiro d’armas, pero que era luxurioso, dezia sempr’ «Ave Maria», e Santa Maria o fez en partir per sa demostrança.
Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
E dest’ un mui gran miragre mostrou por un cavaleiro que apost’ e fremos’ era e ardid’ e bon guerreiro; mas era luxurioso soberv’ e torticeiro, e chẽo d’ outros pecados muitos, grandes e mẽores. Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
Este per ren madodynnos nen vesperas non oya, nen outras oras nen missa; pero en Santa Maria fiava e muitas vezes a saudaçon dizia que ll’ o Sant’ Angeo disse, de que somos sabedores. Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
E un dia, u estava cuidando en ssa fazenda com’ emendass’ en sa vida, e avia gran contenda, ca a alma conssellava que fezesse dest’ emenda, mas a carne non queria que leixasse seus sabores; Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
El estand’ en tal perfia, pareceu-ll’ a Groriosa con ha branqu’ escudela de prata, grand’ e fremosa, chẽa dun manjar mui jalne, non de vida saborosa, mas amarga, e sen esto dava mui maos odores. Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
U a viu o cavaleyro, foi con medo [e]spantado e preguntou-lle quen era. Diss’ ela: «Dar-ch-ei recado: eu sõo Santa Maria, e venno-te teu estado mostrar per est’ escudela, porque leixes teus errores. Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
Ca ves, esta escudela mostra-ti que es fremoso e ás muitas bõas mannas; mas peccador e lixoso es na alma, poren cheiras com’ este manjar astroso, per que yrás a inferno, que é chẽo d’ amargores». Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
E pois ll’ ouv’ aquesto dito, a Virgen logo foy ida; e el dali adeante enmendou tant’ en sa vida, per que quando do seu corpo a ssa alma foy partida, foi u viu a Virgen santa, que é Sennor das sennores. Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.