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Amour courtois, un trouvère entreprenant pour une belle pas facile à séduire

Sujet : vieux-français, poésie médiévale, poésie courtoise, amour courtois, trouvères, langue d’oïl, salut d’amour, loyal amant, fine amor, complainte d’amour.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle.
Auteur : anonyme
Titre : Douce bel, bon jor vous doinst
Ouvrage : Manuscrit médiéval Français 837 de la BnF.

Bonjour à tous,

os pérégrinations médiévales du jour nous ramènent, à nouveau, au Moyen Âge central et au temps de l’amour courtois. Nous y découvrirons un nouveau Salut d’amour.
Ces pièces courtoises, dont peu de traces ont subsisté, se retrouvent dans la poésie médiévale des XIIe et XIIIe siècles. Elles apparaissent d’abord chez les troubadours occitans. Puis, comme beaucoup d’autres formes poétiques de la Provence médiévale, elles seront adoptées par les trouvères du nord de France.

La complainte amoureuse d’un trouvère empressé

"Douce Bel", poésie courtoise médiévale et une enluminure du Codex Manesse

La pièce du jour a ceci d’original que l’auteur met en scène à la fois le salut de l’amoureux et la réponse de la demoiselle. Le prétendant souscrit à tous les codes de la lyrique courtoise et de la fine amor (fin’amor). Il souffre. Il est « dolent » et se tient à la merci de la demoiselle. Il lui sera loyal jusqu’à la mort, etc… Bien entendu, il ne tarira pas d’éloges sur les qualités et la valeurs de la dame. Lui accordera-t-elle pour autant ses grâces ?

Loin de se laisser séduire par le trouvère, la belle le mettra au pied du mur avec beaucoup de répartie. Sans l’éconduire, ni lui céder, elle raillera même sa prétendue souffrance et sa volonté de se sacrifier ou de mourir pour elle. Apparemment, le trouvère est allé un peu vite en besogne et la réponse de la demoiselle lui fournira l’occasion de recevoir une leçon de courtoisie.

Exercice littéraire contre retour au réel

Un certain humour se dégage de cet échange qui prend un peu de distance par rapport à la lyrique courtoise. La demoiselle oppose, en effet, à l’exercice poétique, un rappel direct au réel. C’est à la fois : « arrête de faire le lourdaud et d’en faire des tonnes » et « pas si vite, l’ami ! »

Autrement dit, il ne suffit pas d’une complainte enflammée et d’un loyal amant se disant prêt à se sacrifier pour s’attirer les faveurs d’une belle. Même avec une poésie flatteuse et bien menée, il en faut un peu plus pour faire tourner la tête d’une demoiselle de caractère. Celle du jour en a et si elle ne ferme pas la porte au trouvère, elle en exigera largement plus avant de tomber, plus tard peut-être, en pamoison. Au delà des formes de l’approche et de l’excès d’empressement du trouvère, valeurs morales, caractère, noblesse, réputation et statut social seront au programme de cette « recette » de la séduction courtoise.

Aux sources manuscrites de cette poésie médiévale

Pour la présentation des sources de cette poésie, nous revenons au Ms Français 837 de la BnF. Ce riche manuscrit médiéval daté de la dernière partie du XIIIe siècle nous propose pas moins de 249 œuvres d’auteurs divers entre fabliaux, contes, poésies et textes variés. A noter que Rutebeuf y tient une belle place avec 31 pièces signées de sa plume.

La poésie courtoise du jour dans le très riche MS français 837 de la BnF.

Dans le premier tiers du XIXe siècle, Achille Jubinal avait extrait de nombreuses pièces de ce manuscrit médiéval dont deux saluts d’amour (voir Jongleurs & Trouvères,  1835). Trois décennies plus tard, le philologue et chartiste Paul Meyer regroupait, à son tour, d’autres saluts d’Amours en langue d’oïl dans une parution de l’Ecole des Chartes (1). C’est sur cette dernière publication que nous nous sommes appuyés pour vous proposer la transcription de la poésie du jour, en graphie moderne.


Douce be, bon jor vous doinst
Le Salut d’amour d’un trouvère & sa réponse

NB : à l’habitude, nous vous proposons quelques clefs de vocabulaire pour mieux comprendre cette poésie en vieux français.

Douce bel, bon jor vous doinst
Li sainz Espirs, qui vous pardoinst
Les maus que vous me fetes trere.
Se vous m’elegiez mon afere
Et mon mehaing
(souffrance, blessure) et ma dolor
Mar vi onques
(par malheur je ne vis jamais)
votre valor (vertu, mérite)
Ne vostre biauté qui m’a mort
(touché, atteint)
Se de vous n’ai prochain confort
(aide, consolation).
Confortez moi d’aucune rien,
Douce bele, si ferez bien.

Frans cuers, je vous en pri merci
(pitié, miséricorde)
Por Dieu qui onques ne menti
Et qui soufri la trahison
Que Judas fist par mesprison.
S’aiez pitié de vostre amant
Qui por vous sueffre paine grant,
Et ferai tant com je vivrai
Ne ja ne m’en repentirai.

A ma complainte metrai fin.
Que Diex qui de l’eve
(eau) fist vin
Vous doinst vie, santé et joie,
Et que voz cuers au mien s’otroie,
Et me gardez ceste escripture,
Que Diex vous doinst bone aventure,
Si que de moi vous souvendra
Ne ja mes cuers n’en mentira.
Por Dieu ! bele, merci aiez
De moi et si me renvoiez
Vostre bon et vostre talent
(désir, envie).
Diex vous deffende de torment !

Ci parole la demoisele :

Je ne sai por qui vous avez
Cel mal de qoi si vous dolez
(lamentez, plaigniez).
Tant vous remant je bien et di
Se vous morez, que monte à mi
(en quoi y serais-je lié) ?
De vo mort ne m’est lait
(funeste) ne bel ;
Bien maschiez le putain lordel
(vous savez bien faire le sot, l’idiot);
Je croi que vous me cuidiez
(croyez) beste;
Trop vous plaingniez de saine teste,
N’estes mie
(aucunement) si angoisseus
Com vous maschiez le dolereus
(vous feignez d’être malheureux).

Cist
(ces) salut vous coustent petit
Et moi refont peu de porfit.
Tant vous di je bien et descuevre
Je ne les met de riens à oevre,
Ainz di que vous fetes folie
De ce que me clamez amie ;
Si ne sai pas se je vous aim,
Je n’aurai le cuer de mon sain
Armé si l’aurai esprové,
Vrai et fin et loial trové.

Quar amanz doit estre loiaus
Et deboneres comme aigniaus,
Et douz et simples que coulons (colombes)
Et hardiz de cuer de lyons.
Ne doit estre de chose clere
Ne beobanciere
(arrogant, orgueilleux) ne mentere
Ne borderes ne mesdisanz
Ne orguillex ne despisanz
(dédaigneux),
Mes ausi bien que quens
(comtes) ou rois
Soit de cuer larges et cortois,
Fame
(reconnu, réputé) par tout aime et boneure.

Ainsi puet venir au deseure
(triompher).
M’amor, biau douz, sanz longue broie
(sans délai, sans marchander)
Ne vous escondi ne otroie
(ne vous refuse, ni vous octroie),
Mes selonc ce que vous ferez
De ma part chier tenez serez ;
Adonc (Alors) aurez m’amor conquise
Ce sachiez vous tout sans faintise.
Dusqu’adonc n’ere vostre amie,
Quar ne sai se par blangerie
(flatterie)
Me saluez ou par buffois
(raillerie)
Tant que vous eüssiez foi de moi.

« Chanson va-t-en et se li di :
Qui por m’amor
Sueffre dolore
Mes amis bien l’emploie
Hastivement
A doubles .c.
Li doublerai sa joie. »

Explicit complainte d’amors.


Retrouvez d’autres saluts d’amours en vieux français et leur traduction ici :

En vous souhaitant une belle journée
Fred
Pour moyenagepassion.com
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Notes

(1) Le salut d’amour dans les littératures provençale et française, Paul Meyer, Bibliothèque de l’Ecoles des Chartes (1867)

NB : sur l’illustration de la poésie, vous aurez reconnu une enluminure empruntée au célèbre Codex Manesse.

La damnation d’un ménestrel joueur et blasphémateur dans la Cantiga de Santa Maria 238

Sujet : Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracle, Sainte-Marie, démon, damnation, blasphème, joueurs de dés.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur : Alphonse X  (1221-1284)
Titre : CSM 238  « O que viltar quér a Virgen de que Déus carne fillou. » 
Interprète : Ensemble Alfonsie, Jota Martinez,
 Instruments pour louer Sainte Marie (2019)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous repartons en direction de l’Espagne médiévale pour découvrir une nouvelle Cantiga de Santa Maria du roi Alphonse X. Cette fois-ci, en fait de miracle et de salvation, ce chant marial portera sur le sort funeste réservé à un ménestrel dévoyé et de peu de foi.

Dans le courant du XIIIe siècle, les lieux de pèlerinages à la vierge étaient légion au cœur de l’Europe médiévale, et de nombreux miracles y circulaient. A la cour d’Espagne, Alphonse le savant, souverain de Castille, s’est attelé à leur compilation et même (selon ses propres dires) à leur mise en vers et en musique. Il en est résulté le riche corpus des Cantigas de Santa Maria, soit plus de 420 chants mariaux en Galaïco-portugais, annotés musicalement.

La plupart des Cantigas de Santa Maria sont des récits de miracles, entrecoupés de chants de louanges à la Sainte. Dans cet article, nous partons à la découverte de la Cantiga de Santa Maria 238, et donc, l’histoire d’un ménestrel joueur et blasphémateur qui ne sera pas sauvé.

Miracle et intercession du divin ou du diabolique dans le quotidien

Qu’est-ce que le blasphème ? Quel prix peuvent payer ceux qui s’y aventurent ? Au Moyen Âge, la séparation entre le monde spirituel et le monde matériel est assez ténue. On admet même assez facilement que le surnaturel puisse se manifester, à tout moment, dans le quotidien de l’homme médiéval. Du haut Moyen Âge au XIIe siècle, des jugements comme l’ordalie montrent bien à quel point on pense que le divin peut intervenir instantanément au soutien du juste, pour empêcher qu’il ne se brûle ou s’ébouillante. De la même façon, le mécréant s’expose au châtiment direct du divin et les portes du salut, comme celles des miracles, lui resteront, le plus souvent, fermées.

Avec les miracles des Cantigas de Santa Maria, nous sortons du registre de l’ordalie judiciaire pour entrer dans le culte marial et la dévotion à la vierge. C’est donc la mère du « Dieu mort en croix » qui viendra intercéder par sa bonté et sa miséricorde en faveur des croyants et des dévots qui l’invoquent. Certes, le diable ou les démons font aussi quelques apparitions dans le corpus d’Alphonse X. S’ils interviennent sous des formes diverses pour jouer des tours aux protagonistes, les tenter ou les remplir d’effroi, c’est souvent pour mieux être congédiés ou repoussés par la vierge. Face à la puissance de la mère du Christ, ils n’ont, en effet, guère de poids.

Fait intéressant, dans la plupart des miracles des Cantigas de Santa Maria, l’innocent, le malade, ou même encore l’impie ou le pèlerin égaré sur le chemin de la foi trouvent leur rédemption par des travers plus ou moins spectaculaires. La mansuétude et la miséricorde de la vierge restent le trait le plus souvent mis en avant. Quelques cantigas de Santa Maria comme celle du jour y font, toutefois, exception et se soldent par le châtiment cuisant du blasphémateur.

Pas de rédemption pour un ménestrel joueur et blasphémateur

La Cantiga de Maria 238 dans le Manuscrit de Florence (BNCF 20 Banco Rari), chant marial et enluminure du XIVe siècle
La Cantigas 238 et ses enluminures dans le Banco Rari 20 de la Bibliothèque de Florence

Le miracle de la Cantiga de Santa Maria 238 nous met en présence d’un ménestrel à la vie plutôt dissolue. Originaire de la ville portugaise de Guimarães, l’homme est un joueur de dés invétéré que rien ne semble pouvoir convaincre de renoncer à son goût du blasphème, ni de respecter la morale chrétienne.

La Cantiga 238 conte comment l’homme conspuait sans cesse Dieu et la Sainte Vierge en les rendant responsables de ses pertes au jeu. Comme un chapelain passait par là, l’audience se courba respectueusement à sa vue sauf le jongleur qui continua de blasphémer et cracha même sur son passage. Revenu un peu plus tard dans les parages, le chapelain lui conseilla de faire pénitence. Il lui rappela les Saintes Écritures, le rôle de Marie et du Christ, autant que ses devoirs de croyant, en vain. Le ménestrel campa sur ses positions. Il railla même le religieux et continua de le provoquer, demandant même ouvertement qu’on le conduise au châtiment éternel et qu’on le brûle dans les flammes de l’enfer.

Dans la cantiga, son vœu fut exaucé au delà de ses espérances et s’il y eut « miracle », ce fut à ses dépens. L’ecclésiastique le prit, en effet, au mot. Il invoqua la vengeance de Jésus Christ et de la vierge et un démon ne tarda pas à apparaître pour emporter le joueur blasphémateur tout droit en enfer. Et le refrain de ce récit de vengeance céleste et divine de scander tout du long :

« O que viltar quér a Virgen de que Déus carne fillou,
Se pois del filla vinganç’ a maravilla nono dou »


« Celui qui veut avilir la Vierge qui a donné chair à Dieu,
S’il en reçoit, par la suite,
la vengeance, il ne faudra pas s’en étonner. »

La Cantiga de Santa Maria 238 en musique

L’ensemble Alfonsi de Jota Martinez : ethno-musicologie et recherche instrumentale

La 238 nous fournit l’occasion de découvrir une nouvelle formation musicale d’origine espagnole. Fondé en 2017 par Jota Martinez, l’ensemble Alfonsí explore le répertoire médiéval avec un parti-pris de restitution sonore et d’ethnomusicologie.

Dès la fin des années 89, son directeur artistique se passionnait déjà pour la restitution d’instruments en usage dans l’Espagne médiévale. En 2004, il forma même le projet ambitieux de reconstituer tous les instruments musicaux représentés dans les manuscrits des œuvres musicales d’Alphonse X de Castille. Quand on connaît un peu les manuscrits médiévaux des Cantigas, on réalise l’ampleur de l’entreprise. Les différents codex qui ont traversé le temps regorgent, en effet, d’enluminures de troubadours et musiciens en action.

La concrétisation d’un ambitieux projet

Quelques années plus tard, le musicologue et médiévaliste a tenu son pari. Une collection unique de soixante-dix instruments a vu le jour qu’il a pu restituer en s’appuyant sur des sources historiques variées, au delà même de l’œuvre d’Alphonse X.

En 2017, cette vaste collection entra, finalement, en action. Elle donna lieu à l’ensemble Alfonsi (ou Alfonsies, soit Alphonsien), une formation musicale ayant pour objectif de s’appuyer sur ce patient travail d’ethno-musicologie et de restitution, pour faire revivre autrement les musiques du temps du roi de Castille et ses cantigas de Santa Maria.

Ajoutons que, depuis le début des années 2000, on a pu retrouver Jota Martinez dans de nombreuses collaborations avec des groupes reconnus de la scène médiévale espagnole dont la célèbre formation d’Eduardo Paniagua ou encore la Capella de Ministrers valencienne.

Autre version de la CSM 238 par Jota Martinez & des instruments médiévaux anciens

Instruments pour louer Sainte Marie, l’album

Album musique médiévale et Cantigas de Santa Maria : "Instrumentos para Loar a Santa María par l'ensemble Alfonsí & Jota Martínez

En 2019, le projet de restitution de Jota Martinez donne donc naissance à un album signature de l’ensemble Alfonsi, centré sur les Cantigas de Santa Maria.

Il a pour titre : Instrumentos para Loar a Santa María et on y retrouve la CSM 238, aux cotés de 10 autres titres pour 63 minutes d’écoute. L’album recevra le prix Carles Santos de l’Institut de la Culture de Valence. Il sera notamment salué comme « Le Meilleur travail de restitution du patrimoine musical ».

Aujourd’hui, cette production de l’ensemble Alfonsi est disponible au format CD sur le site officiel de son directeur. On peut également la trouver en ligne au format numérique MP3.

Musiciens ayant participé à cet album 

Andrés Belmonte (flûte et flûte traversière), Ángel Vallverdú (flûte et percussions), Arturo Palomares (chant), Carles Magraner (rebel), Emilio Villalba (psaltérion), Fernando Depiaggi (ta´arilla), Gloria Aleza (chant et viole), Ismael Cabero (cornemuse espagnole médiévale, flûte et instruments à vents), Joansa Maravilla (percussions, Tabal), Jota Martínez (chant, rebab, maurache, vihuela), Juanma Rivero (chant), Lluna Issa Casterà (chant), Mara Aranda (chant), Mercedes Trujillo (chant), Miguel Ángel Orero (percussions, tabal), Patricia García (viole), Pedro Víctor López Meseguer (chant), Spyros Kaniaris (vieille orientale), Voro García (nafir).

La Cantiga de Santa Maria 238 et sa partition dans le Manuscrit Codice de los Musicos de la Bibliothèque de L'Escurial de Madrid
La CSM 238 dans le Codice de los Musicos, Bibliothèque de l’Escurial (consulter en ligne)

La Cantiga 238 en Galaïco-portugais original

NB : du fait des périodes de vacances, nous avons différé la traduction complète de cette Cantiga de Santa Maria. Dans l’attente, nous espérons que vous saurez vous contenter de son commentaire détaillé (plus haut dans cet article). Merci de votre compréhension.

Como Déus se vingou d’un jograr tafur que jogava os dados e porque perdera descreeu en Déus e en Santa María.

Comment Dieu se vengea d’un jongleur joueur (compulsif) qui jouait aux dés et diffamait Dieu et Sainte Marie parce qu’il perdait.

O que viltar quér a Virgen de que Déus carne fillou,
Se pois del filla vinganç’ a maravilla nono dou.

Celui qui veut avilir la Vierge qui a donné chair à Dieu,
S’il en reçoit la vengeance, il ne faudra pas s’en étonner
.

A Sennor que nos adusse salvaçôn e lum’ e luz,
e que viu por nós séu Fillo mórte prender ena cruz,
des i ten-nos amparados do démo que nos non nuz;
en bõo día foi nado quena serviu e honrrou.
O que viltar quér a Virgen de que Déus carne fillou…

E desto vos direi óra ũa vengança que fez
Jesú-Crist’ en Guimarães d’un jograr mao rafez,
que el e sa Virgen Madre santa e o séu bon prez,
per que o mundo foi salvo, ante todos dẽostou.
O que viltar quér a Virgen de que Déus carne fillou…

Aqueste jograr jogava os dados, com’ aprendí,
E descreía tan muito, que quantos seían i
Foron ên tan espantados que se foron os mais d’ i;
Mais el de viltar a Virgen e Déus sól non s’ enfadou.
O que viltar quér a Virgen de que Déus carne fillou…

Non quis catar o maldito como prendeu carne Déus
Na Virgen e pois prendeü por el mórte dos judéus,
Mais o coraçôn proposo e todos los sisos séus
En viltar Santa María, de que Déus carne fillou.
O que viltar quér a Virgen de que Déus carne fillou…

E dezía que non éra Déus nada neno séu ben,
E que o da Virgen fora chufa, ca non outra ren.
E el est’ e mais dizendo, ei-vos un capelán ven
Que levava Córpus Crísti a un que i enfermou

Na vila. E os gẽollos ficaron todos entôn
Ant’ aquel que da cadẽa nos foi tirar do dragôn;
E o jograr mal-andante cospiu e disse que non
Vira gente tan bavéca, e mui mal os dẽostou.
O que viltar quér a Virgen de que Déus carne fillou…

O capelán, quand’ oiü dizer mal do Salvador
Do mundo, mui gran despeito houve daquel traedor;
E pois se tornou du ía, diss’ entôn: “Ai, pecador
D’ hóme, porquê dẽostavas óra o que te formou,

O que te fez de nïente e pois há t’a desfazer,
E no día do joízo estarás a séu poder,
Cativ’? E non sabes esto, nen t’ar quéres connoscer
A aquel que do dïabo per séu sángui te livrou?
O que viltar quér a Virgen de que Déus carne fillou…

E da Virgen grorïosa te nembra, e ben farás,
E filla ta pẽedença por aquesto que dit’ hás.”
El respondeu escarnindo: “Crérigo, que torp’ estás!
O ben, de Déus e da Virgen renégu’, e aquí me dou

Que non hajan en min parte e que xe me façan mal
E me metan, se podéren, dentro no fógu’ infernal.”
Quand’ est’ o crérig’ oiü, diss’: “Ai, Grorïosa, val!
Déus fille de ti vingança, assí como se vingou


Do traedor Simôn Magos, encantador que viltar
Foi assí Santa María e séu Fillo desdennar.”
Esto diss’ o prést’ e foi-s’; e o démo vẽo travar
Eno jograr que vos dixe, e assí o apertou

Que o torceu entôn todo. E assí vingar-se quis
Déus por si e por sa Madre, e desto seede fis
Que nunca mais falou nada; e porên, pa-San Dinís,
Atanto o tev’ o démo ta que ll’ a alma sacou

Do córpo e no inférno a foi lógo sobolir;
Ca assí ir devería quen quér que foss’ escarnir
Da Virgen e do séu Fillo, que nos vẽo remĩir;
Qual sennor ele serviü, assí llo gualardõou.
O que viltar quér a Virgen de que Déus carne fillou…


Vous pouvez retrouver ici l’index de toutes les Cantigas de Santa Maria étudiées et traduites jusqu’à présent.

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
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Courtoisie et Salut d’amour du manuscrit médiéval Français 837

Sujet : vieux-français, poésie médiévale, poésie courtoise, amour courtois, trouvères, langue d’oïl, salut d’amour.
Période : Moyen-âge central, XIIIe siècle.
Auteur : anonyme
Titre : Ma douce amie, salut, s’il vous agrée
Ouvrage : Français 837, Recueil de fabliaux, dits, contes en vers (XIIIe siècle) BnF, Département des manuscrits.

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous partons en direction du XIIIe siècle pour y découvrir un nouveau salut d’amour en langue d’oïl. Au Moyen Âge central, ces pièces courtoises émergent tout d’abord du côté du pays d’oc et des troubadours. Comme de nombreuses formes poétiques de l’occitan médiéval, elles conquerront, quelque temps plus tard, le nord de la France et les trouvères.

Le Salut d’amour des troubadours aux trouvères

Le Salut d’amour est une forme poétique courtoise née dans le courant du XIIe siècle en pays d’oc et qu’on retrouvera dans le courant du siècle suivant, chez les trouvères du nord de la France médiévale. En 1835, dans son ouvrage Jongleurs & Trouvères le médiéviste Achille Jubinal en avait extrait quelques-uns du manuscrit Français 837 de la BnF. Quelques décennies plus tard, le chartiste Paul Meyer avançait sur l’étude de cette forme poétique courtoise (1). Nous marchons ici dans ses pas.

Une déclaration dans le pur style de l’amour courtois

L’exercice du Salut d’amour se présente comme une déclaration ou une lettre (une épitre) du loyal amant à son aimée ou à la dame qu’il convoite. Le poète y loue les grandes qualités de cette dernière et lui conte, par le menu, la force de son sentiment et de son désir. On y retrouve aussi les thèmes récurrents de la lyrique courtoise : loyauté sans faille et attachement jusqu’à la mort (plutôt mourir que vivre sans la dame ou être rejetée par elle), douleur de l’éloignement, etc… A l’habitude, l’amant se tient à la merci de sa douce amie et, par ce salut, il en attend une réponse.

Entre les vers, on verra encore, plus d’une fois, affirmée l’indifférence au quand-dira-t-on. L’amour courtois s’inscrit souvent à contre-courant de la bienséance et les médisants susceptibles de le désapprouver ou de le compromettre ne sont jamais loin. Comme on le verra, le Salut d’amour du jour se plie à toutes les règles de l’art sus décrites. Il fait même une place particulièrement importante aux médisants.

"Ma douce amie" Salut d'amour et poésie courtoise illustrée avec une enluminure du Code manesse

Les formes des saluts d’amour en langue d’oïl

En dehors de cette adresse directe envers la dame, les saluts des trouvères demeurent plutôt hétérogènes dans leurs formes poétiques : vers octosyllabiques, alexandrins, longueur variable, présence de refrains dans certains saluts et pas dans d’autres, croisement avec le genre de la complainte dans certains cas, etc… De fait, avant que Meyer ne les distingue comme un genre à part entière, les saluts semble être passés relativement inaperçus, voire avoir été assimilés à d’autres genres poétiques.

Rareté et usages de cette forme poétique

Les saluts d’amour légués par les manuscrits sont plutôt rares. On en dénombre sept en provenance des troubadours occitans du XIIe siècle et douze produits par les trouvères du nord de France au siècle suivant.

Du côté des poètes occitans des grands noms comme Rambaut d’Orange, Arnaut de Mareuil, Raimon de Miraval se sont prêtés à l’exercice. Les saluts d’amour des trouvères en langue d’oïl demeurent, quant à eux, plus souvent anonymes, en dehors d’un long salut d’amour de 1000 vers que l’on doit à Philippe de Beaumanoir (1250-1296).

En matière d’usage, Paul Meyer est de l’avis que le salut d’amour a été plus fréquent que les sources effectives ne le laissent supposer. Certaines pièces seraient ainsi passées du domaine privé au domaine public et auraient pu être reprises par certains jongleurs ou trouvères.

Sources historiques manuscrites

"Ma douce amie, salut..." le salut d'amour dans le manuscrit médiéval Ms Français 837 de la BnF
La poésie courtoise du jour dans le manuscrit 837 de la BnF (consulter sur Gallica)

La majorité des saluts d’amour en langue d’oïl connue à date est contenue dans le Ms Français 837 de la BnF (seuls deux échappent à la règle sur les douze). Ce manuscrit médiéval du XIIIe siècle que nous avons déjà présenté à divers occasions, contient 249 pièces entre fabliaux, dits et poésies diverses, dont 31 sont attribuées à Rutebeuf.

Pour la transcription en graphie moderne de ce texte, même si le manuscrit 837 reste plutôt bien conservé et lisible, nous nous sommes appuyés sur la publication du philologue et romaniste Paul Meyer (opus cité).


Ma douce amie, salut, s’il vous agrée…
Salut d’amour du XIIIe siècle

NB : plus qu’une adaptation, nous vous fournissons, ici, de nombreuses clefs de vocabulaire. Il vous restera quelques blancs à remplir mais ils ne devraient pas être insurmontables.

Ma douce amie, salut, s’il vous agrée,
Vous manderai, que qu’en doie avenir.
Pas ceste lettre, s’ele vous est moustrée,
De vostre ami vous porra souvenir.
Quar je n’oz mie sovent à vous venir,
Quart trop redout que n’en fussiez blasmée ;
Por ce m’estuet plus loing de vous venir.

Tres douce amie plesanz, cil Diex qui fist la mer
Et le ciel et la terre et les oisiaus voler
Vous doinst autant de joie c’om sauroie pensser,
Et autant que nus hom en porroit deviser
(distinguer, dénombrer).
En vous servir ai mis mon cuer sanz retorner
(sans retour),
Ne en toute ma vie ne l’en quier
(querir, vouloir) mes oster.
Or vous voudrai proier et par amors moustrer
Que vous lessiez mon coeur avoec vous reposer,
Le mien cuer et le voste vueil ensamble atorner
(être tourné l’un vers l’autre).
Certes dui vrai amant doivent .I. cuer porter
Et leur .II. cuers en .I. ajoindre et bien fermer.

Hé ! Diex, por moi le di, qui ai mis mon pensser
En la plus bele riens qui nus hom puist trover.
Or nous doinst Diex ensamble tel joie demener,
Que mesdisanz n’en puissent escharnir
(railler, moquer) ne gaber (moquer, tourner en dérision),
Ne les mauveses langues n’aient de quoi parler.
Et ci apres vous vueil .c. mil saluz mander
Et autant comme il a de goutes en la mer,
D’aigues qui le navies font venir et aler,
(d’eaux que les navires sillonnent)
Par moi qui sui messages, meillor n’i puis trover.

S’onques nus hom por dure departie
(séparation)
Ot cuer irié
(affligé, chagriné) ne penssif ne dolent (souffrant),
Li miens est tels qu’en tout le mont n’a mie
Plus angoissex ne plus plain de torment ;
Ne je ne sai point de confortement
Se je ne rai la douce compaignie
Ou j’ai eü si glorieuse vie,
Que ma mort voi se je n’i sui sovent
(2).


Explicit request d’amors et complainte et regres.


En vous souhaitant une belle journée
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.


Notes

(1) Les Saluts d’amour dans les littératures provençale et française, Paul Meyer, Bibliothèque de l’Ecole des Chartes, T28 (1967).
(2) Que ma mort voi se je n’i sui sovent : il mourra s’il ne peut se rapprocher plus souvent d’elle.

Saluts d’Amour, un peu de courtoisie médiévale dans un monde brutal

Sujet : vieux-français, poésie médiévale, poésie courtoise, amour courtois, trouvères, troubadours, langue d’oïl
Période : Moyen-âge central XIIIe siècle.
Auteur : anonyme
Titre : Salut d’amour, Douce Dame salut vous mande
Ouvrage : Jongleurs & TrouvèresAchille Jubinal, 1835.

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous repartons au XIIIe siècle et dans la France des trouvères pour y découvrir une rare pièce d’amour courtois. L’auteur nous est demeuré anonyme mais nous la disons rare parce qu’assez peu de traces écrites nous sont parvenues de ce genre poétique éphémère du Moyen Âge central appelé les « Saluts d’amour ».

Les saluts d’amour des troubadours aux trouvères

La pièce courtoise du jour accompagnée d'une enluminure du Codex Manesse (Manessische Handschrift, Große Heidelberger Liederhandschrift début XIVe siècle)

Les saluts d’amour forment un genre de pièces courtoises à part dans la littérature médiévale des XIIe au XIVe siècles. Le fine amant y salue généralement la dame de son cœur et loue ses qualités. Le plus souvent, ces pièces sont aussi tournées de façon à appeler une réponse de la dame en question.

On trouve l’origine de ces poésies courtoises dans la littérature provençale et chez les troubadours. Les plus anciennes qui nous soient parvenues sont, en effet, rédigées en langue d’Oc : Raimbaut III comte d’Orange et Arnaud de Mareuil ont inauguré le genre au XIIe siècle. Le XIIIe siècle assistera à l’émergence de saluts d’amour en langue d’oïl. Comme d’autres formes issues de l’art des troubadours du sud de France, les trouvères s’en sont donc vraisemblablement inspirés pour en composer à leur tour. C’est le cas de celui que nous vous présentons aujourd’hui puisqu’il est en langue d’oïl.

Les saluts d’amour dans la poésie médiévale

Les Saluts d’Amour étaient-ils très répandus. Peu de pièces de ce type nous sont parvenues (7 du côté des troubadours occitans et provençaux pour 12 en langue d’oïl en provenance des trouvères) mais il est possible qu’ils aient circulés oralement et que les traces écrites ne reflètent pas leur popularité d’alors. Ce fut, à tout le moins, l’avis du philologue Paul Meyer qui, dans le courant du XIXe siècle, mentionnait aussi la présence d’allusions à ces pièces amoureuses dans d’autres documents (1).

Si certaines de ces poésies courtoises médiévales se sont peut-être perdues en route, il faut constater que le salut d’amour est tombé assez vite en désuétude puisqu’on n’en retrouve plus, dans cette forme, après le XIIIe et les débuts du XIVe siècle.

Le Salut d'amour dans le manuscrit ms Français 837 de la BnF
« Douce Dame Salut vous mande« , Salut d’amour dans le ms Français 837 (voir sur Gallica)

Des pièces trempées d’amour courtois

Déclarations amoureuses ou même encore quelquefois, évocations de la douleur de la séparation et de l’éloignement, les saluts d’amour restent trempés de lyrique courtoise. Dans la pièce du jour, datée du XIIIe siècle, on retrouvera d’ailleurs tous les codes habituels de l’amour courtois.

Le loyal amant y remet sa vie entre les mains de la dame convoitée. Il louera ses grandes qualités et sa beauté et la suppliera de céder à ses avances. Les médisants trouveront aussi bonne place dans ce salut d’amour. C’est un autre classique de la lyrique courtoise. Les méchants, les jaloux et les persifleurs œuvrent, sans relâche, dans l’ombre des amants pour contrecarrer leurs plans et mettre en péril leur idylle ; quand l’amour courtois est sur le point de naître ou de s’épanouir calomnies, médisances et complots ne sont jamais bien loin (voir, par exemple, cette chanson médiévale de Gace Brûlé) .

Aux sources médiévales de la poésie du jour

Pour ce qui est des sources médiévales de ce salut d’amour, nous vous renvoyons au manuscrit ms Français 837 conservé à la BnF. Ce riche recueil de textes du XIIIe siècle contient de nombreux fabliaux, dits, contes et poésies diverses.

Plus près de nous, on peut retrouver cette poésie médiévale en graphie moderne dans un ouvrage du médiéviste et chartiste Achille Jubinal : Jongleurs & Trouvères, d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Roi,  1835.


« Douce Dame Salut vous mande »,
un Salut d’Amours en langue d’oïl

NB : quelques clés de vocabulaire devraient vous aider à percer les mystères de cette poésie courtoise. Dans son ensemble, elle demeure, vous le verrez, relativement intelligible.

Douce dame, salut vous mande,
Cil qui riens née ne demande
Fors vostre amor s’il pooit estre.
Or proi à Dieu le roi célestre,
Que ma poiere soit oïe,
Et M’oroison sont essaucie.
Tout premier vous vueil-je géhir,
Les maus que m’i fetes sentir.
Je ne dormi bien a .j. mois,
Ne ne fui une seule fois
Qu’il ne me souvenist de vous.

Tant sui-je por vous angoissous,
Que vous m’estes adès
(sans cesse) devant,
Et en dormant et en veillant,
Et en quelque lieu que je soie
M’est-il avis que je vous voie ;
Quar quant je regard votre afaire
(votre personne, vos manières)
Vos biaus iex et vo cler viaire,
Vos cors qui si est avenanz,
Adonc me mue toz li sanz.

D’amors m’i point une estincele,
Au cuer par desouz la mamele,
S’il qu’il me covient tressuer
(je suis en nage),
Et mult sovent color muer.
C’est la fins, vous le di briefment ;
Et tel pain, n’en tel torment
Ne puis vivre se ne m’aidiez.
Por Dieu, aiez de moi pitiez,


Douce dame, je vous aim tant,
Vo douz regart, vo douz samblant,
Que se j’estoie rois de France,
Et s’éusse partout poissance,
Tant vous aim-je d’amor très fine,
Que je vous feroie roine,
Et seriez dam de la terre.
E Diex ! Ci a mult male guerre :
Je vous aim et vous me haez.
Com par sui ore home faez
(ensorcelé),
Quant j’aim cele qui ne m’adaingne
(qui me juge indigne d’elle) ;
Mès Sainte Escripture l’ensaingne
C’on doit rendre bien por le mal
Tout ainsinc sont li cuer loial.
Si vous pri, dame, par amors,
Que de vous me viengne secors.
Or n’i a plus fors vo voloir ;
Vous pri que me fetes savoir
Prochainement et en brief tans,


Tout coiement ; por mesdisans
Je redout trop l’apercevoir
Quar il ne sevent dire voir
Et si sont la gent en cest mont
Qui plus de mal aux amanz font.
On n’i a plus, ma douce amie :
Et vous gist ma mort et ma vie ;
Ce que miex vous plera ferai,
Ou je morrai ou je vivrai.
Li diex d’amors soit avoec vous,
Qui fet les besoingnes à tous,
Et si vous puist enluminer
(illuminer),
Que ne me puissiez oublier.
Explicit Salut d’Amours


(1) voir Le salut d’amour dans les littératures provençales et françaises. Paul Meyer, Bibliothèque de l’École des chartes, 1867.

NB : sur l’image d’en-tête, vous retrouverez les premiers vers de notre poésie courtoise dans le Ms Français 837 de la BnF (XIIIe siècle). Quant à l’enluminure ayant servi à illustrer ce Salut d’Amour dans notre illustration, elle est extraite du très populaire Codex Manesse. Ce manuscrit médiéval allemand magnifiquement enluminé, daté des débuts du XIVe siècle est encore connu sous le nom de manuscrit de Paris. Il reste, à date, l’un des plus important témoignage de la poésie lyrique médiévale allemande.

En vous souhaitant une belle journée
Fred
Pour moyenagepassion.com
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