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Cantiga de Amigo : aux temps médiévaux, la danse d’une jeune fille amoureuse à Vigo

martin_codax_mar_de_vigo_poesie_chanson_medievale_troubadour_moyen-age_central_XIIIe_siècleSujet :  amour courtois, musique, poésie médiévale,  chanson médiévale,   Cantigas de amigo, galaïco-portugais, troubadour, lyrique courtoise.
Période :  XIIIe siècle, Moyen Âge central
Auteur :  Martín (ou Martim) Codax
Titre :  Eno sagrado en Vigo, Cantiga   VI
Interprètes :    The Dufay Collective
Album  :  Music for Alfonso the Wise  (2005)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous revenons  sur les  Cantigas de Amigo de l’Espagne et du Portugal du Moyen Âge central.  Nous le faisons même avec un des plus célèbres  compositeurs de ce genre  galaïco-portugais du XIIIe, le jongleur (jogral) et troubadour Martín Codax.

Les Cantigas de Amigo conjuguent l’amour courtois au féminin, en donnant la parole à des jeunes filles  :   espoir, attente de l’être aimé (« l’ami »), joie ou tristesse, les compositeurs de ces chansons médiévales se glissent dans le cœur  des damoiselles pour  nous chanter avec grâce, les émois et les revers du sentiment amoureux.  Au delà de leur contenu, ces poésies se signent par  leur simplicité, leur pureté de style et la présence d’un refrain qui vient créer  une    résonance  sur  l’émotion au centre  de    chaque composition.

Une  belle sur le parvis de l’église de Vigo

eglise-cathedrale-collegial-vigo-chanson-medieval-martin-codax-moyen-ageCette  Cantiga de amigo de Martín Codax est connue sous le titre  Eno sagrado en Vigo (sur la base de son premier vers) : en français, on peut le traduire par  sur le parvis de Vigo. On peut supposer, sans trop de risques, qu’il s’agit là d’une allusion au parvis de  l’actuelle collégiale de Santa Maria de Vigo, en Galice. Datée du XIXe siècle, cette dernière a été reconstruite en lieu et place d’un autre édifice religieux qui, lui même, était venu faire suite, au  XVe siècle, à une église Santa Maria qui se tenait, là, depuis le Moyen Âge central et le XIIe siècle.

Du point de vue du sens de cette composition,  la jeune fille y danse  en chantant  et on l’imagine tournant et souriant, emportée par la joie de l’amour qu’elle porte  en elle.  Pour faire bonne mesure, nous vous en proposerons une traduction  sur laquelle on pourra  d’ailleurs argumenter. La simplicité des vers prête, en effet, à interprétation suivant  les auteurs qui s’y sont penchés et notamment ce refrain :   » Amor ei… » . Faut-il simplement traduire  :  « Oh  Amour » ou « J’ai de l’amour« , autrement dit « Je suis amoureuse » ou  même encore « Je suis  aimé » ?    Nous avons penché, de notre côté, pour « Je suis amoureuse ».

Sources et interprétations

Cette cantiga de amigo, que l’on retrouve dans le Parchemin Vindel, actuellement conservé à la  Morgan Library  de New York, a été reprise par une certain nombre de formations médiévales contemporaines. On pense  notamment  à celle d’Eduardo Paniagua ou encore, plus près de nous,  au groupe   allemand  Triskilian.   Pour vous la faire découvrir, nous avons, pour cette fois, choisi la version des anglais de     The Dufay Collective.

Eno sagrado en Vigo de Martin Codax par The Dufay Collective

Quand  le Dufay Collective chantait
l’Espagne médiévale  d’Alphonse le Sage

En  2005, les artistes du Dufay Collective    décidèrent de consacrer  leur talent aux musiques contemporaines de la cour d’Alphonse X de Castille. Intitulé « Music for Alfonso the Wise » (musique pour Alphonse le Sage), l’album sortit chez Harmonia  Mundi. Il proposait pas moins de 19 pièces pour plus d’un heure d’écoute entre lesquelles de nombreuses Cantigas de Santa Maria (dix compositions) du roi savant d’Espagne. Dans la deuxième partie de l’album, on retrouvait aussi  huit  cantigas de Amigo, signée de la main de  Martín Codax. Enfin, une danse anonyme de la même période venait compléter le tableau de cette production.

musique-medievale-cantigas-de-amigo-martin-codax-album-Dufay-collectiveI-moyen-age-centralAu moment de cet article, l’album n’est pas disponible à la vente en ligne ( en tout cas sur Amazon). Il n’est même pas sûr qu’il ait été réédité.  Nous en avons trouvé un copie d’occasion à la vente, mais le vendeur  en attendait un prix tellement indécent que nous avons préféré ne pas vous en donner le lien ici. En contrepartie, nous mettons  le lien par défaut vers ce produit, en espérant que tôt ou tard,  de nouveaux CD’s fassent leur apparition :    Music for Alfonso the Wise by The Dufay Collective (2005-04-20).


Eno sagrado en Vigo, de Martin Codax
traduite en français moderne

Eno sagrado en Vigo,
Beylava corpo velido
En Vigo, no sagrado,
Beylava corpo delgado
Amor ei…

Sur le parvis, à Vigo.
Dansait une belle (un joli corps)
Sur le parvis, à Vigo.
Dansait une  jolie fille (un corps fin) :
Je suis amoureuse …

Beylava corpo delgado
Que nunc’ ouver’ amado
Beylava corpo velido
Que nunc’ ouver’ amigo
Amor ei…

Dansait une  jolie fille
Qui n’avait jamais eu d’être aimé
Dansait une   belle
Qui n’avait jamais eu d’ami
Je suis amoureuse …

Que nunc’ ouver’ amigo
Ergas no sagrad’, en Vigo
Que nunc’ ouver’ amado
Ergas en Vigo, no sagrado
Amor ei…

Qui n’avait jamais eu d’ami
Sauf à Vigo, sur le parvis,
Qui n’avait  jamais eu d’aimé
Sauf à Vigo, sur le parvis, 
Je suis amoureuse …


En vous souhaitant une très belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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La lyre d’Hespérie II et l’archet du talentueux Jordi Savall, accompagné de Pedro Estavan

rebec-musique-medievale-jordi-savall-liria-esperiaSujet  : musique médiévale, danse,    vièle, rebec,   Galice médiévale,   Cantiga de Santa Maria,  instruments anciens, musiques anciennes, inspirations celtiques.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Titre : « danses,  cantigas & chants de la terre  « 
Auteurs   :  Anonymes, Alphone X de Castille, Jordi Savall
Interprète  : Jordi Savall,  Pedro Estavan
Album La lira d’Espéria  II ,  Allia Vox  ( 2014)

Bonjour à tous,

E_lettrine_moyen_age_passionn 1994-96, Jordi Savall partait sur les traces de la méditerranée médiévale et de ses musiques anciennes.  L’album, intitulé    La Liria d’Espéria  (la lyre d’Hespérie), faisait référence à cette région qui désignait, pour les grecs antiques, les péninsules italiennes et ibériques. Quant au  voyage musical, il passait de sonorités espagnoles à des danses italiennes d’époque pour encore faire des incursions du côté andalous et proche-oriental, avec des jordi-savall-maitre-de-musique-medievalecompositions  venues d’Afrique du nord et même encore de la culture juive séfarade.

Accompagné du percussionniste  Pedro Estevan, le maître de musique  catalan  s’était, ici, doté pour seuls instruments, d’une vièle ténor,  d’un rebec et  d’un rabab. Un choix de formation audacieux et minimaliste qui allait lui permettre de marier l’essentiel à la pureté dans un album superbe et sans artifice. La critique, comme le public, ne s’y est d’ailleurs pas trompée en réservant un bel accueil à  ce premier opus de  la   Liria d’Esperia.

Danses, cantigas & chants de la terre  sous l’archet de Jordi Savall,

La lira d’Esperia II Galicia

jordi-savall-pedro-estevan-la-liria-d-esperia-II-musique-medievalePour le plus grand plaisir des amateurs de musique médiévale et de voyages sonores dans le temps,  Jordi Savall allait reprendre, un peu plus tard, le même concept et le même complice pour poursuivre son exploration. Ainsi, en 2014, un deuxième opus intitulé La Lira d’Esperia II allait  naître, d’un niveau de qualité égale au premier.

Avec vingt-trois pièces pour près d’un heure quinze d’écoute, comme son titre l’indique, un accent particulier serait mis, dans ce deuxième album, sur les musiques de la Galice médiévale et ancienne,  province la plus « celtique » de l’Espagne d’alors, selon les propres mots de Jordi Savall.

Sonorités celtiques et envolées uniques sur fond de Galice médiévale à la main d’Alphonse le sage

Dans cette nouvelle pièce d’orfèvrerie musicale, on reconnaîtra, plus encore que dans le premier opus, l’influence directe  et prégnante du règne d’Alphonse le Sage ; aux côtés de pièces anciennes et traditionnelles de Galice, plus de dix compositions sont, en effet, issues des Cantigas de Santa Maria du souverain de Castille. Nous vous avions déjà présenté, ici, la très belle ductia, librement inspirée de la Cantiga de Santa Maria 248, qui ouvrait cet album.  Sous le jeu d’archet  du musicien catalan et ses sonorités instrumentales si particulières, elle nous entraînait dans une atmosphère toute à fait nouvelle, à des lieux des exécutions classiques  habituelles.

musique-medievale-album-jordi-savall-liria-esperia-II-moyen-âge-central-vieleAujourd’hui, c’est une vidéo produite en 2014 par Allia-Vox (la société d’édition de Jordi Savall), que nous partageons avec vous. Elle donne un bel aperçu de la puissance de cette production et, on a, en prime, le plaisir d’y retrouver des extraits d’interviews du talentueux directeur musical. Pour le reste, on trouve  toujours ce bel album récent à la vente, sous forme de CD ou même  au détail et par fichier, au format MP3 : La Lira d’Esperia II – Galicia.

En vous souhaitant une  belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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Le miracle de la Cantiga Santa Maria 188 : l’image de la vierge dans le cœur d’une dévote

Sujet :  musique  médiévale, galaïco-portugais, lyrisme médiéval, culte marial, miracle
Période :   XIIIe siècle, Moyen Âge central
 Auteur  :   Alphonse X de Castille, (1221-1284)
Interprète :  Edouardo Panigua
Titre :  Cantiga  Santa Maria 188,   « Coraçôn d’hóm’ ou de mollér que a Virgen muit’ amar « 
Album :    Cantigas de Mujeres   (2011)

Bonjour à tous,

P_lettrine_moyen_age_passion-copiaour aujourd’hui, voici l’étude d’une nouvelle Cantiga de Santa Maria tirée du legs du roi d’Espagne Alphonse X de Castille.  Il s’agit, cette fois, de la Cantiga 188. C’est un nouveau récit de miracle à ajouter au compte de ceux que nous avons déjà commenté et étudier ( voir index des Cantigas de Santa Maria traduites et commentées).

Cette fois-ci, il est question de la très grande dévotion d’une jeune fille. Comme on le verra, le miracle accompli ne se situera pas forcément  là où on l’attendait. D’une certaine façon, cette Cantiga remettra même les pendules à l’heure des mentalités très chrétiennes du Moyen Âge occidental, pour le cas où on les aurait perdu de vue.

Une image de    la vierge
dans le cœur d’une  damoiselle pieuse

Le poète nous conte, en effet, l’histoire d’une demoiselle a l’amour si grand  pour la sainte vierge qu’elle n’avait fini par concevoir plus qu’un grand détachement, voire même du mépris, pour ce monde de matière.  Emportée par ses jeûnes et sa volonté d’abstinence, la jeune fille finit  même par refuser  toute nourriture et toute boisson  durant un mois entier. Alitée et affaiblie, quand on prononçait le nom de la Sainte devant elle,  elle n’avait pour seul geste que de porter la main à son cœur.   Finalement dans sa grande bonté et sans plus attendre, Dieu manda la vierge pour emporter la jeune fille au Paradis.

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Ici, la dévotion se conclut donc par la mort et le miracle ne consistera pas à ramener la pieuse damoiselle à la vie.  C’est là où nous sommes bien au cœur du Moyen Âge chrétien :  la mort n’est pas un drame. Ce n’est qu’un passage et même l’âge n’importe pas.  Ce qui compte c’est le Salut. Dans l’esprit de cette cantiga, c’est donc une fin heureuse que trouve la jeune fille. Au fond, elle l’a même presque appelée de ses vœux et elle accède ainsi au Paradis et au bonheur éternel, comme récompense suprême de sa foi, de son abstinence et de son détachement de ce monde.

Le miracle suivra. Face à la mort prématurée de la jeune fille et convaincus qu’elle faisait le geste de montrer son cœur pour designer le siège de son mal, les parents manderont une autopsie.  Se pouvait-il qu’on l’ait empoisonnée ? Nenni. Durant l’opération post mortem, ils découvriront,  stupéfaits, la présence de l’image de la vierge, à l’intérieur du cœur de la défunte :  « même  pour ceux, hommes ou femmes, qui veulent taire leur grand foi dans la sainte,  cette dernière s’arrange toujours pour que cela soit  établi et reconnu« .

Suite à l’histoire et, comme dans chaque miracle, les témoins, en l’occurrence les parents et leur entourage verront leur foi et leur dévotion renforcées.

La Cantiga de Santa Maria  188 par Eduardo Paniagua

« Cantigas de Mujeres »   de Eduardo Paniagua

Nous vous avons déjà parlé, à plusieurs reprises, de Eduardo Paniagua. Grand musicien espagnol, passionné de musiques médiévales profanes ou sacrées, on lui doit de nombreux albums sur ce thème.  Concernant les Cantigas de Santa Maria en particulier, chanson-medievale-cantiga-santa-maria-188-album-eduardo-paniagua-moyen-ageson legs est immense puisqu’au fil du temps , il a fini par toutes les enregistrer dans de nombreux albums classés par thématique. Dans ce vaste travail on retrouve même, quelquefois, plusieurs versions  de la même Cantiga. C’est le cas  de cette Cantiga 188.

Dans un double album daté de 1998, intitulé Cantigas de SevillaEduardo Paniagua   en  avait déjà proposé une version instrumentale. En 2011, avec l’album   Cantigas de Mujeres, il en proposait, cette fois, un version vocale et instrumentale qui est celle que nous vous proposons aujourd’hui. En plus cette pièce, l’album en présente 8 autres issues du legs d’Alphonse le savant. Comme son titre l’indique, cette sélection  se base  sur le thème des femmes dans les Cantigas de Santa Maria, même s’il faut noter que ces dernières présentent un nombre de récits bien plus grand qui mettent en scène de femmes.

Cet album est toujours disponible et on peut encore en trouver quelques copies à la vente en ligne   : Cantigas de Mujeres, Album de Edouardo Paniagua.


La Cantiga  de Santa Maria  188
du   galaïco-portugais au français moderne

Esta é dũa donzéla que amava a Santa María de todo séu coraçôn; e quando morreu, feze-a séu padre abrir porque põía a mão no coraçôn, e acharon-lle fegurada a omage de Santa María.

Celle-ci (cette cantiga) est à propos d’une jeune fille qui aimait Sainte Marie de tout son cœur ; Et quand elle mourut, ses parents la firent ouvrir parce qu’ils pensaient qu’on l’avait empoisonnée, et ils trouvèrent dans son cœur   une image  de la vierge.

Coraçôn d’ hóm’ ou de mollér que a Virgen muit’ amar,
macá-lo encobrir queiran, ela o faz pois mostrar.

Cœur  d’hommes ou de femmes qui aiment beaucoup la Vierge,
Même quand ils veulent le cacher (couvrir), cette dernière fait le nécessaire pour que cela soit montré.

Desto ela un miragre mostrou, que vos éu direi,
a que fix bon son e cobras, porque me dele paguei;
e des que o ben houvérdes oído, de cérto sei
que haveredes na Virgen porên mui mais a fïar.

Coraçôn d’ hóm’ ou de mollér que a Virgen muit’ amar…

A propos de cela, elle fit un miracle que je vous conterai
Et duquel je fis un bon son et de bonnes strophes, pour que vous puissiez   m’en payer (?)
Et dès que vous l’aurez entendu, je suis bien certain
Que vous aurez encore plus confiance dans le pouvoir de la vierge.

Refrain

Esto por ũa donzéla mostrou a Sennor de prez,
que mui de coraçôn sempre a amou des meninnez
e servía de bon grado; porên tal amor lle fez,
que o ben que lle quería non llo quis per ren negar.

Coraçôn d’ hóm’ ou de mollér que a Virgen muit’ amar…

Le dame de grande valeur montra ceci par une jeune fille (donzelle) 
Qui de tout son cœur, l’avait aimée depuis toujours et depuis l’enfance
Et qui la servait de bonne volonté ; pour cela, elle lui tenait un tel amour
Que le bien qu’elle lui voulait, elle n’aurait pu le nier en rien.
Refrain

Esta donzéla tan muito Santa María amou,
que, macar no mund’ estava, por ela o despreçou
tanto, que per astẽença que fazía enfermou,
e un mes enteiro jouve que non pode ren gostar

Cette donzelle aimait si fort Sainte Marie
Que, bien qu’elle était dans le monde, pour la Sainte elle le méprisait
tant, que par les jeûnes (abstinences) qu’elle fit, elle tomba malade
Et elle demeura ainsi, durant un mois entier, sans pouvoir rien apprécier

do que a comer lle davan e a bever outrossí.
E pero que non falava, segundo com’ aprendí,
se lle de Santa María falavan, en com’ oí,
ao coraçôn a mão ía tan tóste levar.

Coraçôn d’ hóm’ ou de mollér que a Virgen muit’ amar…

De ce qu’on lui donnait à manger et à boire.
Et bien qu’elle ne parlait pas, suivant ce que j’ai appris,
Si on lui parlait de Sainte Marie, comme je l’entendis dire,
Elle posait aussitôt sa main sur son cœur.
Refrain

A madre, que ben cuidava que éra doente mal
e que o põer da mão éra ben come sinal
que daquel logar morría; e quis Déus, non houv’ i al,
que a sa Madre bẽeita a fosse sigo levar.

Coraçôn d’ hóm’ ou de mollér que a Virgen muit’ amar…

La mère, était bien convaincue qu’elle était gravement malade
Et qu’elle mettait sa main ainsi pour signaler
Un mal à cet endroit dont elle allait mourir ; Et Dieu voulut, sans plus attendre,
Que sa mère bénie s’en fut pour emporter la jeune fille.
Refrain

O padr’ e a madre dela, quando a viron fĩir,
cuidaron que poçôn fora e fezérona abrir;
e eno coraçôn dentro ll’ acharon i sen mentir
omagen da Grorïosa, qual x’ ela foi fegurar.

Coraçôn d’ hóm’ ou de mollér que a Virgen muit’ amar…

Son père et la mère, quand ils la virent mourir,
Crurent qu’elle avait été empoisonnée et la firent ouvrir;
Et, sans mentir, ils trouvèrent à l’intérieur de son cœur,
L’image de la glorieuse, comme la jeune fille se l’était imaginée (figurée).
Refrain

E dest’ a Santa María déron porên gran loor
eles e toda-las gentes que éran en derredor,
dizendo: “Bẽeita sejas, Madre de Nóstro Sennor,
que a ta gran lealdade non há nen haverá par.”

Coraçôn d’ hóm’ ou de mollér que a Virgen muit’ amar…

Et à partir de cet instant, ils firent de grandes louanges à Sainte Marie
Eux et tous les gens qui les entouraient
En disant : « Bénie sois-tu, Mère de notre Seigneur,
Toi dont la grande loyauté n’a et n’aura jamais d’égale. »
Refrain.


En vous souhaitant une belle    journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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« En ceste note dirai » une chanson médiévale courtoise du très plaisant Colin Muset

poesie_litterature_medievale_realiste_satirique_moral_moyen-ageSujet  : musique, chanson médiévale, humour,  trouvère, ménestrel, jongleur, auteur médiéval, vieux-français, amour courtois, langue d’oïl, bonne chère.
Période  : Moyen Âge central, XIIIe siècle.
Auteur : Colin Muset (1210-?)
Titre    « En ceste note dirai »
Ouvrage :   Les chansons de Colin Muset
(2e édition)  éditées par Joseph Bédier (1938)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous vous proposons, aujourd’hui, une nouvelle incursion  au  Moyen Âge central , en compagnie du trouvère Colin Muset.   Entre courtoisie et légèreté,  entre lyrisme et goûts pour les plaisirs de la table,   ce très sympathique auteur médiéval nous a laissé une œuvre courte, d’une vingtaine de pièces,  mais toujours rafraîchissante.

Une chanson courtoise
teintée de joie et de légèreté  

deco_enluminures_rossignol_poesie_medievaleLa chanson du jour  se situe  en plein dans la lyrique courtoise.   Colin Muset y campe le parfait  amant  à la merci du désir et de l’acceptation de  la belle que son cœur a élue.  Conventions obligent, pour peu on y mourrai d’amour.  Pourtant, le ton ici reste léger,  et, au sortir, cette pièce respire  bien plus la  joie,  le divertissement et l’envie  de  célébrer l’amour.

A la différence  de   nombre de ses contemporains, si un baiser de la belle damoiselle fera, à coup sûr, s’envoler le cœur de notre poète, il  sera aussi pour  les deux  amants,  la promesse d’une vie remplie de bonne chère et de  plaisirs Bacchusiens : oies grillées bien grasses et vin à profusion,  chez Colin Muset, les  joies   des banquets et leurs libations ne  sont jamais très éloignées des plaisirs de l’amour. C’est d’ailleurs bien  un   des traits qui fait tout son charme ; à  huit siècles  de  sa maîtrise de la lyrique courtoise et de ses codes,   ses clins d’œil  aux plaisirs de l’estomac comme ici, ou ailleurs à la pingrerie de ses hôtes  (voir sire cuens j’ai viélé) ou même au flirt de leurs dames, sont encore là pour nous faire sourire.

Sources  historiques et manuscrits anciens

Pour la transcription de la pièce du jour en graphie moderne, nous avons choisi  Les chansons de Colin Muset   de  Joseph Bédier. Cet ouvrage,   daté de 1938, fait toujours référence quant à l’œuvre du trouvère. On le trouve encore édité de nos jours : Les Chansons. Edite par Joseph Bedier. Deuxieme Edition Corrigee et Completee. (1938).

Pour le reste, cette chanson est présente dans  trois manuscrits médiévaux d’époque. Depuis Bédier, les nomenclatures ont totalement changé. Il faut donc faire un peu de recherches pour les retrouver. Tout trois sont consultable en ligne sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France. En voici le détail.

colin-muset-musique-chanson-medievale-trouvere-vieux-francais-moyen-age-francais-845-bnf-s  Le Français 845

On citera,  pour commencer le  MS   Français 845 (ancienne cote Regius 7222.2), désigné par Manuscrit N par Bédier. Daté de la fin du  XIIIe  siècle,  ce superbe ouvrage  contient divers chansons, jeux-partis et pastourelles de trouvères avec leur notation musicale.   La chanson de notre trouvère  y est annotée sur son premier couplet, et on peut supposer qu’elle se répète pour le reste de  la pièce.  (voir photo ci-dessus – consulter le manuscrit original sur Gallica)

colin-muset-musique-chanson-medievale-trouvere-vieux-francais-moyen-age-ms-5198-bnf-s

Le MS 5198

On ajoutera à   cela le Manuscrit médiéval désigné  sous le nom de K par Bédier et ses contemporains. On  le retrouve à la BnF sous la cote  Ms  Arsenal   5198 (photo ci-dessus). Ce véritable trésor des débuts du XIVe siècle (1300-1325), également connu sous le nom de Chansonnier de Navarre,  contient pas moins de 420 pages.   Elles sont emplies de pièces et chansons annotées musicalement, de trouvères du   XIIIe, dont, entre autre, l’oeuvre de Thibaut de Champagne.   Vous pourrez  consulter ce manuscrit ancien sur Gallica au lien suivant.

Le   Français 20050

Pour terminer ce tour des sources d’époque, on peut encore trouver cette pièce dans le  manuscrit désigné X (par J Bédier) ou même encore U par d’autres auteurs. Il fait référence au chansonnier occitan X.  A la fin du XIIIe siècle, cet ouvrage à été recopié, avec le  Chansonnier français U, dans le manuscrit référencé Français 20050  à la BnF. Nous vous avons déjà parlé,  à plusieurs reprises, de cet ouvrage médiéval célèbre, également connu sous le nom de  Chansonnier de Saint-Germain-des-Prés (consultation en ligne sur Gallica).


  » En ceste note dirai »  du vieux français
de  Colin Muset au français moderne

Traduction en français moderne

deco_enluminures_rossignol_poesie_medievaleA l’habitude, nous avons nous sommes chargé d’approcher la traduction du vieux français d’oïl de Colin Muset au français moderne. En dehors des dictionnaires et des différents supports sur lesquels nous nous sommes appuyés, nous voulons citer ici une source d’intérêt, trouvée en chemin. Il s’agit d’un site web dédié à la littérature européenne et proposé par l’Université de Rome.  Si vous parlez italien, vous y découvrirez  une véritable mine d’or avec de nombreux auteurs médiévaux approchés et traduits par des chercheurs et universitaires italiens venus d’horizons divers. Voici notamment une traduction (italienne) de la chanson du jour : Colin Muset, letteratura europea,  Università di Roma.

I.

En ceste note dirai
D’une amorete que j’ai,
Et pour li m’envoiserai
Et bauz et joianz serai:
L’en doit bien pour li chanter
Et renvoisier et jouer
Et son cors tenir plus gai
Et de robes acesmer
Et chapiau de flors porter
Ausi comme el mois de mai.

Dans cette chanson je parlerai
D’une amourette (amante) que j’ai,
Et pour elle je me divertirai   (réjouir, divertir)
Et je serai audacieux et joyeux :
On doit bien chanter pour elle
Et se réjouir et se divertir,
Et tenir son corps en joie
Et s’orner de beaux habits
Et porter un chapeau de fleurs (coiffe, couronne)
Comme durant le moi de mai.

II.

Trés l’eure que l’esgardai,
Onques puis ne l’entroubliai;
Adès i pens et penserai:
Quant la vois, ne puis durer,
Ne dormir, ne reposer.
Biau trés douz Deus, que ferai?
La paine que pour li trai,
Ne sai conment li dirai:
De ce sui en grant esmai
Oncore a dire li ai;
Quant merci n’i puis trouver
Et je muir por bien amer,
Amoreusement morrai.

Dès lors que je la vis
Jamais plus je ne l’oubliais ;
Je pense toujours à elle et toujours y penserai:
Quand je la vois, je ne peux résister,
Ni dormir, ni prendre de repos.
Bon et très doux Dieu, que vais-je faire?
La douleur que j’endure pour elle,
Je ne sais comment je lui dirai :
Cela me cause un grand émoi ( inquiet),
Car il me faut encore lui dire ;
Tant que je ne peux trouver grâce
Et que je meurs pour bien aimer
Je mourrai avec amour.

III.

Je ne cuit pas ensi morir,
S’ele mi voloit retenir
En bien amer, en biau servir;
Et du tout sui a son plesir
Ne je ne m’en qier departir,
Mès toz jorz serai ses amis.

Je ne pense pas qu’ainsi je mourrais
Si elle voulait me garder auprès    d’elle
Pour bien l’aimer et bien la servir (avec application):
Et en toute chose, je me tiens à son entière disposition
Ni ne veux m’en séparer
Mais toujours demeurer son ami.

IV.

Hé! bele et blonde et avenant,
Cortoise et sage et bien parlant,
A vous me doig, a vous me rent
Et tout sui vostres sanz faillir.
Hé! bele, un besier vous demant,
Et, se je l’ai, je vous creant
Nul mal ne m’en porroit venir.

Eh! Belle et blonde et agréable (notion de valeur, de mérite ?),
Courtoise et sage, au beau parler
A vous je me donne, à vous, je me livre
Et je suis vôtre tout entier, sans faillir.
Eh! Belle, je ne vous demande qu’un  baiser
Et si je l’obtiens,  je vous garantis (créant : de creire, croire)
Qu’aucun mal ne m’en pourrait advenir.

V.

Ma bele douce amie,
La rose est espanie;
Desouz l’ente florie
La vostre conpaignie
Mi fet mult grant aïe.
Vos serez bien servie
De crasse oe rostie
Et bevrons vin sus lie,
Si merrons bone vie.

Ma belle douce amie,
La rose s’est épanouie;
Sous la branche fleurie
Votre compagnie
Me procure un grand réconfort (aïe : aide, secours).
Vous serez bien servi
D’oie grillée bien grasse
Et nous boirons le vin sur la lie,
Et ainsi, mènerons  une bonne vie.

VI.

Bele trés douce amie,
Colin Muset vos prie
Por Deu n’obliez mie
Solaz ne compagnie,
Amors ne druerie:
Si ferez cortoisie!

Ceste note est fenie.

Belle et très douce amie,
Colin Muset vous supplie
Par Dieu n’oubliez jamais
l’amusement, ni la compagnie,
L’amour, ni les plaisirs amoureux (affection, tendresse, galanterie, gages)
Ainsi vous serez courtoise! (vous pratiquerez la courtoisie)

Cette chanson est terminée.


En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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