Sujet : chanson médiévale, amour courtois, vieux-français, langue d’oïl, musique médiévale, manuscrit ancien Période : XIIe s, XIIIe siècle, Moyen Âge central Titre :Cuer qui dort, il n’aime pas Auteur : auteur anonyme Manuscrit ancien : Codex de Montpellier H196 ou Chansonnier de Montpellier
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous proposons une chanson médiévale datée entre le XIIe et le XIIIe siècle (avant 1280). Tirée du Codex H196 de Montpellier , cette pièce d’amour courtois est demeurée anonyme. Pour les amateurs de mélodies anciennes, ce beau manuscrit médiéval dont nous avons déjà parlé, a l’avantage de nous proposer les notations musicales de ses textes.
A l’image de nombreuses pièces du Chansonnier de Montpellier, la chanson du jour est en langue d’oïl. Comme son vieux français présente quelques difficultés sur certains vocables, nous avons décidé de vous en livrer une courte traduction en français moderne. Du point de vue du contenu, nous nous situons tout à fait, dans la veine des valeurs courtoises du Moyen Âge central. Ici, le loyal amant fait le vœu de ne jamais s’endormir en amour. Il ne connaîtra même de vrai repos tant que la belle de son cœur ne lui aura pas ouvert ses doux bras.
Si le Chansonnier de Montpellier ou ses pièces vous intéressent, vous pourrez les retrouver dans l’ouvrage de Gaston Raynaud daté de 1881 : Recueil de Motets français des XIIe et XIIIe siècles.
Cœur qui dort n’aime pas
Cuer qui dort, il n’aime pas : Ja n’i dormirai, Toz jors penserai, Loiauement sans gas, A vos, simple et coie Dont j’atent joie Et solas ; N’i dormirai tant que soie Entre voz douz bras.
Cœur qui dort n’aime pas : Jamais je ne dormirai en cela (en amour), Toujours je penserai, Loyalement et sans vanterie (sans moquerie, sérieusement) A vous, modeste (ingénu, loyal) et tranquille Dont j’attends joie Et réconfort ; Et je ne dormirai tant que je serais Entre vos doux bras.
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, vierge, sauvetage, croisades, Saint-Louis, De Joinville Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X (1221-1284) Titre : Cantiga 193 « Sobelos fondos do mar » Ensemble : Sequentia Album : Songs for King Alfonso X of Castille and León (1991)
Bonjour à tous,
ans la continuité de nos articles sur le culte marial dans l’Europe médiévale du Moyen Âge central, voici un nouveau récit de miracle tiré du corpus du roi Alphonse X de Castille. Il s’agit cette fois de la Cantiga de Santa Maria 193.
La vierge et son manteau contre les éléments
Au Moyen Âge, il n’est pas d’éléments terrestres qui puissent arrêter les miracle de la vierge. Des profondeurs des mers jusqu’aux plus hauts sommets, elle peut, en effet, intercéder en faveur de ceux qui la prient et ont foi en elle, et lever tous les obstacles.
Le récit de la Cantiga 193 porte sur un sauvetage en mer miraculeux. L’histoire se déroule durant ce qui semble être la première croisade de Saint-Louis. Le poète nous conte qu’un marchand fortuné se tenait sur un navire de la large flotte. L’homme était visiblement entouré de mauvaise compagnie puisqu’il fut jeté par dessus bord par l’équipage qui voulut lui dérober ses biens pour les dépenser à la guerre. Quoiqu’il en soit, la vierge intervint et déploya un voile blanc (un drap, un tissu, ailleurs il sera question de son manteau) entre l’homme et les eaux afin qu’il ne fut pas noyé. Quelque temps plus tard, survint une autre nef qui tira l’homme d’affaire. Suite au miracle, il décida qu’il se joindrait à la guerre et tous louèrent la Sainte pour son intervention.
La version de la Cantiga de Santa Maria 193 par Sequentia
Les Cantigas de Santa Maria par Sequentia
En 1991, l’ensemble Sequentia fit, à son tour, un tribut aux célèbres cantigas d’Alphonse X. Enregistré en Suisse, l’album sortit l’année d’après sous le label Deutsche Harmonia Mundi. Il contient 18 pièces dont 13 cantigas et a pour titre : Songs for King Alfonso X of Castille and León (1221-1284). Pour plus de détails à son sujet voir : un chant de Louanges de Cantigas par Sequentia. Vous pouvez également vous procurer cet album au lien suivant : Sequentia performs Vox Iberica III by El Sabio. Quant à la formation de Benjamin Bagby et Barbara Thornton, vous la trouverez présentée ici : portrait de l’ensemble médiéval Sequentia
Aux origines de la Cantiga 193 :
un récit de Sire de Joinville ?
On trouve la trace de miracles semblables à celui de la Cantiga 193 dans des sources diverses. Pour la plupart d’entre eux, ils portent toutefois sur le sauvetage de plusieurs pèlerins de la noyade par l’intervention de la Sainte. (Les Collections De Miracles De La Vierge en Gallo et Ibéro-Roman au XIII Siècle, Paule V. Bétérous, 1993). Autour de 1248-1250, un récit de Sire de Joinville a pu également inspirer le souverain d’Espagne. L’histoire conte, en effet, un miracle ayant de troublantes correspondances avec celui du roi espagnol, à ceci près qu’il s’agit d’une chute malencontreuse à la mer, et pas d’une tentative d’homicide. Dans Les mémoires de Saint-Louis de De Joinville, c’est aussi une des nefs royales qui secourut l’homme. La voici dans le détail, telle que traduite par Natalis de Wailly, en 1874 :
« 650. Une autre aventure nous advint en mer; car monseigneur Dragonet, riche homme de Provence, dormait le matin dans sa nef, qui était bien une lieue en avant de la nôtre, et il appela un sien écuyer et lui dit : « Va boucher cette ouverture, car le soleil me frappe au visage.» Celui-ci vit qu’il ne pouvait boucher l’ouverture s’il ne sortait de la nef: il sortit de la nef. Tandis qu’il allait boucher l’ouverture, le pied lui faillit, et il tomba dans l’eau, et cette nef n’avait pas de chaloupe, car la nef était petite : bientôt la nef fut loin. Nous qui étions sur la nef du roi, nous le vîmes, et nous pensions que c’était un paquet ou une barrique, parce que celui qui était tombé à l’eau ne songeait pas à s’aider.
651 . Une des galères du roi le recueillit et l’apporta en notre nef, là où il nous conta comment cela lui était advenu. Je lui demandai comment il se faisait qu’il ne songeait pas à s’aider pour se sauver, ni en nageant ni d’autre manière. Il me répondit qu’il n’était nulle nécessité ni besoin qu’il songeât à s’aider ; car sitôt qu’il commença à tomber, il se recommanda à Notre-Dame de Vauvert, et elle le soutint par les épaules dès qu’il tomba, jusques à tant que la galère du roi le recueillît. En l’honneur de ce miracle, je l’ai fait peindre à Joinville en ma chapelle, et sur les verrières de Blécourt. «
Jean Sire de Joinville Histoire de Saint Louis,
credo et lettre a Louis X, Natalis de Wailly (1874)
Contre ce récit miraculeux de Jehan de Joinville, et sous réserve que le roi d’Espagne s’en soit inspiré, on notera que la version de ce dernier ne met pas tellement à l’honneur la qualité de l’ost du roi de France et, encore moins, certains membres de sa flotte.
Les paroles de la Cantiga de Santa Maria 193
et approche de traduction française
Como Santa Maria guardou de morte u mercadeiro que deitaron no mar.
Comment Sainte-Marie sauva de la mort un marchand qu’on avait jeté à la mer.
Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra á poder Santa Maria, Madre do que tod’ ensserra.
Sur les profondeurs des mers et les plus hautes montagnes, Elle a tout pouvoir Sainte Marie, Mère de celui qui règne sur toute chose,
E daquest’ un gran miragre vos direi e verdadeiro, que fezo Santa Maria, Madre do Rei josticeiro, quand’ o Rei Lois de França a Tunez passou primeiro con gran gente per navio por fazer a mouros guerra.
Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…
Et, à ce propos, je vous conterai un grand et véritable miracle Que fit Sainte-Marie, Mère du Roi de Justice (Dieu, Jésus), Quand le roi Louis de France navigua vers la Tunisie Avec une grande armée pour faire la guerre contre les Maures.
En ha nave da oste, u gran gente maa ya, un mercador y andava que mui grand’ aver tragia; e porque soo entrara ontr’ aquela conpania, penssaron que o matassen pera despender na guerra
Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…
Sur l’un des navires de son ost, où on comptait beaucoup de gens vils, voyageait un marchand qui avait avec lui une grande fortune. Et comme il s’était embarqué seul avec une telle compagnie Ceux-ci eurent l’idée de le tuer pour dépenser à la guerre
O aver que el levava. E [tal] conssello preseron que eno mar o deitassen, e un canto lle poseron odeito aa garganta e dentro con ele deron. Mais acorreu-ll[e] a Virgen que nunca errou nen erra,
Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…
toutes les richesses qu’il avait avec lui. Ils s’accordèrent
pour le jeter à la mer, et il lui attachèrent une pierre autour de son cou, et le jetèrent à l’eau. Mais la Vierge, qui n’a jamais commis de péchés et n’en commettra jamais, vint le secourir.
Que aly u o deitaron tan tost’ ela foi chegada e guardou-o de tal guisa, que sol non lli noziu nada o mar nen chegou a ele, esto foi cousa provada; ca o que en ela fia, en ssa mercee non erra.
Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…
Ainsi, elle vint aussitôt à l’endroit où ils l’avaient noyé et le protégea de sorte que la mer ne lui fit aucun mal et ne le toucha même pas. C’est là une chose admise, que, dans sa miséricorde, elle n’abandonne jamais ceux qui ont foi en elle.
E ele ali jazendo u o a Virgen guardava, a cabo de tercer dia outra nav’ y aportava; e un ome parou mentes da nav’ e vyu com’ estava aquel ome so a agua, e diz: «Mal aja tal guerra
Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…
Et l’homme resta couché là où la vierge le protégeait Et trois jours plus tard, un autre navire s’est approché Et un homme a arrêté le navire et en voyant comment se trouvait cet homme sous l’eau, il a dit : «Maudit soit une telle guerre
U assi os omes matan en com’ a este mataron.» E dando mui grandes vozes, os da nave ss’ y juntaron, e mostrou-lles aquel ome; e logo por el entraron e sacárono en vivo, en paz e sen outra guerra.
Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…
Dans laquelle les hommes tuent comme ils tuèrent celui-ci.» Et comme il poussait de grands cris, ceux du navire le rejoignirent Et il leur montra cet homme ; et ensuite, ils entrèrent (sous les eaux) et l’en sortirent vivant, en paix et sans autres difficultés.
E poi-lo om’ a cabeça ouve da agua ben fora, catou logo os da nave e falou-lles essa ora e disse-lles: «Ai, amigos, tirade-me sen demora daqui u me deitou gente maa que ameud’ erra.»
Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…
Et quand l’homme eut la tête bien hors de l’eau, Il vit alors ceux du navire et leur fit cette supplique, et leur dit : « Ah, mes amis, tirez-moi sans tarder de là où m’ont jeté ces mauvaises gens qui aiment faire du tord (pêcher)« .
Quando os da nav’ oyron falar, espanto prenderon, ca tian que mort’ era; mais pois lo ben connoceron e lles el ouve contado como o no mar meteron, disseron: «Mal aja gente que contra Deus tan muit’ erra.»
Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…
Quand ceux du navire l’entendirent parler, ils furent pris de terreur car ils pensaient qu’il était mort ; mais ils le connaissaient bien et en l’entendant conter comment on l’avait jeté à l’eau, ils dirent : » Bien mauvaises gens qui contre Dieu agissent à si grand tort »
E depois lles ar contava como sempre as vigias el jajava da Virgen e guardava os seus dias; e porend’ o guardou ela e feze-lle no mar vias que o non tangess’ a agua e lle non fezesse guerra.
Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…
Et ensuite il leur a conté comment toujours il gardait Le jeûne pour la Vierge et célébrait ses fêtes : Et c’est pour cela qu’elle le protégeait et le faisait sur les voies maritimes Pour qu’il ne tombe pas à l’eau et qu’on ne lui fasse pas la guerre.
«E porque entendeu ela que prendera eu engano, log’ entre mi e as aguas pos com’ en guisa de pano branco, que me guardou senpre, per que non recebi dano; poren por servir a ela seerei en esta guerra.»
Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…
Et parce qu’elle a compris qu’on m’avait trompé Alors, entre moi et les eaux, elle a posé, comme un drap (tissu) Blanc, qui m’a protégé sans cesse, afin que je ne sois pas blessé; Aussi, pour la servir, je participerais à cette guerre.
Quando os da nav’ oyron esto, mui grandes loores deron a Santa Maria, que é Sennor das sennores; e pois foron eno porto, acharon os traedores e fezeron justiça-los como quen atan muit’ erra.
Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…
Quand ceux des navires entendirent cela, de très grandes louanges Ils firent à Sainte Marie, qui est la dame d’entre les dames : Et puis ils allèrent au port, livrer les traîtres Et leur firent justice comme on le fait à ceux qui agissent mal.
Poi-la jostiça fezeron, o mercador entregado foi de quanto lle fillaran quando foi no mar deitado; e el dali adeante sempre serviu de grado a Virgen Santa Maria sen faliment’ e sen erra.
Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…
Lorsque le châtiment fut appliqué, le marchand retrouva tout ce qu’ils lui avaient pris avant de le jeter à la mer. Et lui, à partir de ce jour, servit toujours de bon gré La Sainte-Vierge sans faille et sans péchés.
Sujet : poésie médiévale, trouvère, chanson médiévale, musique ancienne, pastourelle, amour courtois Titre : «Ce fut en mai » Auteur : Moniot d’Arras, Pierre Moniot (12 ?) Période : XIIIe siècle, Moyen Âge central Interprète : Martin Best Medieval Ensemble Album : Songs of Chivalry (1983)
Bonjour à tous,
u XIIIe siècle, Moniot d’Arras, connu également sous le nom de Pierre Moniot ou Moniot, composa plus d’une vingtaine de chansons dont un bon nombre sur le thème de l’amour courtois. Bien qu’on ne connaisse pas précisément les dates de sa vie et de sa mort, ce poète du Moyen Âge central est contemporain de cette génération demeurée célèbre de trouvères dans laquelle on compte des grands noms comme Colin Muset, Adam de la Halle ou encore Thibaut de Champagne, pour ne citer qu’eux. Il était même actif un peu avant eux.
Œuvre et chansons de Moniot d’Arras
A en juger par les adresses de ses poésies, Moniot a entretenu une certaine familiarité avec quelques nobles de son temps : Renaud de Dammartin, comte de Boulogne, Gérard III, vidame d’Amiens, Jehan de Braine, etc… Il a aussi été suffisamment populaire pour qu’une de ses chansons soit, en partie, citée dans le Roman de la Violette de Gerbert de Montreuil (autour de 1230).
La plupart des pièces laissées par Moniot d’Arras sont de nature courtoise et profane. Sur la foi des manuscrits, on lui avait tout d’abord attribué près de 40 chansons, mais l’on doit au médiéviste Petersen Dyggve d’avoir mis un peu d’ordre dans ce corpus ( Moniot d’Arras et Moniot de Paris, trouvères du XIIIe siècle, 1938). Dans ce même ouvrage, ce spécialiste finlandais de littérature romane médiévale en a également profité pour établir des lignes plus claires entre notre trouvère et une autre Moniot avec lequel on l’avait quelquefois confondu : Moniot de Paris.
Le chansonnier provençal d’Estense
La chanson que nous vous présentons aujourd’hui est l’une des plus célèbres du trouvère artésien même si son attribution a pu être aussi questionné. Elle se présente sous la forme d’une pastourelle et a pour titre « L’autrier en mai » ou encore « Ce fut en mai« . Du point de vue des sources, on peut la retrouver dans un manuscrit ancien conservé à la Bibliothèque d’Estense de Modène, en Italie.
Sous la référence aR44, ce codex de 346 feuillets est aussi connu sous le nom de Chansonnier provençal d’Estense. Depuis sa création, vers la fin du XIIIe siècle, il est passé entre plusieurs mains et a même fait l’objet d’ajouts, au fil du temps. Il est conservé à la Bibliothèque italienne de l’Université d’Estense depuis le XVIe siècle. Dans sa version actuelle, il contient la recopie de nombreuses pièces et chansons occitanes, mais également de textes en langue d’oïl et en vieux français comme celui du jour.
Ce fut en Mai de Moniot d’Arras par Martin Best Medieval Ensemble
Martin Best, un chanteur et musicien anglais, sur la scène médievale
Des années 70 aux années 90, le chanteur compositeur, luthiste et multi-instrumentiste britannique Martin Best a conquis un large public sur la scène des musiques anciennes et traditionnelles. Sur la partie de son répertoire qui touche le Moyen Âge. il a exploré un vaste territoire poétique et musical qui va de la Suède, à l’Angleterre, l’Espagne, la Provence et la France médiévales. En près de 30 ans de carrière, il a ainsi produit 25 albums, certains signés de son nom, d’autres sous les noms de ses formations Martin Best Consort ou encore Martin Best Medieval Ensemble.
En dehors de la scène musicale, Martin Best est aussi connu pour sa longue collaboration avec la troupe théâtrale Royal Shakespeare Company en tant qu’acteur et chanteur. Au carrefour de la musique et du théâtre, il a même produit en 1979, un album sur les musiques et chansons autour de l’oeuvre de William Shakespeare.
L’album Songs of Chivalry :
chansons du temps de la chevalerie
En 1983, avec le Martin Best Medieval Ensemble, l’artiste présentait l’album Songs of Chivalry. On pouvait y découvrir 19 pièces de choix, issues du répertoire français.
La sélection mêlait troubadours occitans et trouvères de langue d’oïl sur le thème de la chevalerie. Entre courtoisie, chansons de croisades, et même quelques pièces instrumentales, de grands auteurs de la France médiévale s’y trouvaient représentés : Guillaume IX d’Aquitaine, Marcabru, Thibaut de Champagne, Blondel de Nesle, Bernart de Ventadorn, Jaufre Rudel, Beatriz de Dia et quelques autres noms encore, dont Moniot d’Arras et la pastourelle du jour.
Edition & disponibilité
A ce jour, l’album est toujours disponible à la vente en ligne au format CD ou au format Mp3. Vous pourrez le retrouver au lien suivant : Songs of Chivalry.
Notons encore que les travaux du Martin Best Médiéval Ensemble sur le thème des troubadours firent l’objet d’un coffret de 6 CDs sorti en 1999, sous le titre Music from the Age of Chivalry. Pour l’instant, il semble qu’il n’ait pas été réédité et il demeure un peu difficile à trouver.
« Ce fut en mai » ou « l’autrier en mai »
de Moniot d’Arras
Ce fut en mai Au douz tens gai Que la saisons est bele, Main* (de bon matin) me levai, Joer m’alai Lez une fontenele. En un vergier Clos d’aiglentier Oi* (de ouir) une viele; La vi dancier Un chevalier Et une damoisele.
Cors orent gent Et avenant Et molt très bien dançoient; En acolant Et en baisant Molt biau se deduisoient* (se divertir, s’amuser). Au chief du tor* (finalement), En un destor, Dui et dui s’en aloient ; Le jeu d’amor Desus la flor A lor plaisir faisoient.
J’alai avant. Molt redoutant Que mus d’aus* (aucun d’entre eux) ne me voie, Maz* (triste) et pensant Et desirrant D’avoir ausi grant joie. Lors vi lever Un de lor per* (des deux) De si loing com j’estoie Por apeler Et demander Qui sui ni que queroie* (qui j’étais & ce que je voulais).
J’alai vers aus, Dis lor mes maus, Que une dame amoie, A cui loiaus Sanz estre faus Tot mon vivant seroie, Por cui plus trai Peine et esmai* (trouble, découragement) Que dire ne porroie. Et bien le sai, Que je morrai, S’ele ne mi ravoie* (revient).
Tot belement Et doucement Chascuns d’aus me ravoie* (fig; consoler?). Et dient tant Que Dieus briement* (bientôt) M’envoit de celi joie Por qui je sent Paine et torment : Et je lor en rendoie Merci molt grant Et en plorant A Dé les comandoie*(je prie congé d’eux).
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
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Sujet : codex de Montpellier, musique, chanson médiévale, amour courtois, vieux-français, chants polyphoniques, motets, Période : XIIIe siècle, Moyen Âge central Titre:Puisque Bele Dame m’eime Auteur : Anonyme Interprète : Anonymous 4
Album : Love’s Illusion Music from the Montpellier Codex 13th Century (1993)
Bonjour à tous,
ous vous avions déjà présenté, il y a quelques semaines, une pièce du Chansonnier médiéval de Montpellier ( ou Codex de MontpellierH196 ) et nous poursuivons aujourd’hui son exploration.
Pour rappel, ce manuscrit ancien des débuts du XIVe fait un immense tribut aux chants polyphoniques et aux motets du XIIIe siècle. Il présente, en effet, pas moins de 336 pièces de ce type ( voir article précédent sur le Codex de Montpellier). La chanson médiévale que nous vous présentons, ici, est à l’image de la majorité d’entre elles puisqu’il s’agit d’un motet d’amour courtois ayant pour titre « Puisque Bele Dame m’eime ». On peut la trouver interprétée par un certain nombre d’ensembles sur la scène des musiques anciennes et médiévales. De notre côté, nous avons choisi la version de la formation américaine Anonymous 4 pour vous la faire découvrir et nous en profiterons pour vous présenter ce quatuor vocal à la longue carrière.
« Puisque Belle Dame m’eime » par L’Ensemble New-Yorkais Anonymous 4
Anonymous 4 sur les ailes des chants polyphoniques de l’Europe médiévale
L’ensemble Anonymous 4 est le fruit de la rencontre de quatre chanteuses américaines, à l’occasion d’une session d’enregistrement dans un studio new-yorkais, au printemps 1986. Réunies autour d’une même passion pour les chants polyphoniques et de musique médiévale, il n’en fallut pas moins pour donner naissance à cette formation. A plus de trente ans de là, Anonymous 4 s’est produit sur scène au cours de plus de 1500 représentations sur tout le territoire américain. La quatuor a aussi fait connaître et voyager son art dans la bagatelle de trente -cinq pays.
Au cours de cette longue carrière qui a vu son dernier concert en 2015, Anonymous 4 a fait paraître près de 30 albums, incluant quatre anthologies pour saluer leur large contribution à la scène des musiques anciennes et médiévales. La formation ne s’est pas cantonnée au répertoire médiéval et on la retrouve également sur des chants de Noël, des chansons du temps de la guerre civile américaine ou encore sur des chants celtiques ou anglais plus folkloriques. Du côté du Moyen Âge qui reste tout de même son terrain de prédilection, Anonymous 4 a eu l’occasion d’exercer son talent sur de nombreux thèmes : les visions d’Hildegarde de Bingen, les chants dédiés au culte marial médiéval, le répertoire de Francisco Landini, et encore bien d’autres chansons de l’Europe médiévale : France, Angleterre, Hongrie, Espagne, etc…
Membres de la formation Anonymous 4
La dernière formation était composée de Ruth Cunningham, Marsha Genensky, Susan Hellauer et Jacqueline Horner-Kwiatek. Au départ, elle fut fondée par Ruth Cunningham, Marsha Genensky, Susan Hellauer et Johanna Maria Rose.
Love’s Illusion, l’illusion de l’amour (courtois) autour du chansonnier de Montpellier
En 1993, Anonymous 4 proposait au public un album intitulé « Love’s Illusion » autour du codex de Montpellier et de ses chants courtois polyphoniques. Ces pièces étant courtes, le quatuor féminin décidait d’en proposer un bon nombre et on en retrouve ainsi pas moins de 29 sur cette production.
On retrouve la partition moderne de cette pièce médiévale chez Hans Tischler. En 1978, le compositeur et musicologue américain a, en effet, réalisé un excellent travail de transcription musicale sur les pièces du Codex de Montpellier : The Montpellier Codex Fascicles 6,7 and 8.
Les paroles en vieux français
et leur traduction en français moderne
Puisque bele dame m’eime Destourber ne m’i doit nus; Quar iere si loiaus drus Que je n’iere ja tensus Pour faus amans ne vantanz. Ja li mesdisant N’en seront joiant, Car nul mal ne vois querant; Mes qu’ami me cleime Je ne demant plus.
» Puisque belle dame m’aime Nul ne doit m’en empêcher ; Car j’ai toujours été amant loyal Et jamais on ne m’a accusé d’être Faux amant (infidèle) ou vantard. Désormais, les médisants Ne pourront plus se réjouir, Car nul autre mal, je ne cherche ; Qu’elle me proclame son ami (amant) Je ne demande rien de plus. »
En vous souhaitant une excellente journée
Fred
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