Sujet : château-fort, reconstitution 3D, vidéo, architecture médiévale, angleterre médiévale, Pays de Galles, monument historique, patrimoine anglais. forteresse. Période : Moyen-âge central, XIVe siècle Lieu : Château de Flint ( Flintshire, pays de Galles, frontières anglaises) Chaîne Youtube : Dextra Visual
Bonjour à tous,
l y a quelque temps de cela, nous vous avions parlé de l’histoire médiévale du château fort de Flint et avec elle, de la conquête du Pays de Galles par le roi Edouard 1er d’Angleterre, entre la fin du XIIIe et le début du XIVe siècle.
A cette occasion, nous vous avions présenté l’extraordinaire travail de reconstitution 3D de l’édifice juste après sa création (autour de 1304). par la chaine Youtube Dextra Visual. Il n’y avait alors que le château et son site et c’était déjà beaucoup, mais comme dans la continuité de cette réalisation, les infographistes anglais de Dextra Visual viennent tout juste d’ajouter le premier village qui ne tarda pas à jouxter le bâtiment, nous ne résistons pas à partager avec vous cette nouvelle vidéo. Elle rend bien compte des phénomènes fréquents d’urbanisation (ou de pré-urbanisation) autour des forteresses médiévales.
Le château de Flint et son village médiéval à la fin du XIIIe siècle.
Encore une fois, il faut rendre grâce ici à la grande qualité de la réalisation infographique qui nous permet de nous transporter véritablement au coeur du moyen-âge central, pour revenir aux plus belles heures de ce château-fort d’inspiration philippienne.
Un projet éducatif et touristique
Ajoutons que les artistes de Dextra Visual ne sont pas arrêtés là puisqu’ils ont encore modélisé la ville de Flint et son château plus tard dans le temps : dans le courant du XVIIIe et également aux débuts du XXe. Pour information, toutes ces réalisations s’inscrivent, en réalité, dans le cadre d’un projet très sérieux, commissionné par le Conseil du Comté de Flintshire en vue de promouvoir l’histoire et le patrimoine de la région, dans un but à la fois éducatif et touristique.
L’ensemble du projet déborde un peu le cadre médiéval qui nous occupe ici mais si vous en avez la curiosité et pour poursuivre ce voyage dans le temps jusqu’à nos jours, nous vous encourageons à visiter la chaîne youtube officielle de Dextra Visual pour y retrouver toutes ces vidéos.
En vous souhaitant une excellente journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : poésie médiévale, littérature médiévale, auteur médiéval, ballade médiévale, poésie morale, poésie satirique, ballade, moyen-français, humour. Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : « Un de perdu, deux de retrouvés» Ouvrage : Oeuvres complètes d’Eustache Deschamps, Tome V. Marquis de Queux Saint-Hilaire, Gaston Raynaud (1893)
Bonjour à tous,
ous vous proposons, aujourd’hui, une nouvelle ballade d’Eustache Deschamps. Pour faire justice à l’humour dont il a su se montrer capable et pour contrebalancer aussi avec le ton souvent sérieux et moralisant des poésies que nous avons publiées jusqu’ici de cet auteur prolifique du XIVe siècle, le texte du jour est d’un tour plus léger.
Le poète s’y glisse, en effet, dans la peau d’une demoiselle ou d’une dame infortunée que son amant a laissé choir et quitté sans même un adieu, mai qui, fort heureusement, s’est vite rattrapée en en retrouvant deux. Le ton est caustique et distancié et demeure, en ce point satirique, puisque de là, en tirant les leçons et sous le coup de l’amertume, elle encouragera même ses pareilles à réserver les pires traitements à leurs amants, dans l’idée que plus maltraités ils seront, mieux elles seront servies.
« Un de perdu, deux de retrouvés », l’expression proverbiale n’est pas récente. A l’évidence, contemporaine d’Eustache, elle lui est même, semble-t-il, antérieure, même si comme bien des proverbes, déterminer son origine exacte et la dater relèvent de la gageure. Est-elle une allusion, historiquement liée à l’anecdote biblique de la brebis perdue ? Peut-être. Elle a, en tout cas, évolué depuis l’usage qu’en faisait notre auteur médiéval, puisque pour un(e) de perdu(e), on en retrouve, dit-on, aujourd’hui, dix, mais tout augmente, il faut bien s’en faire un raison.
Balade (DCCCXL)
Un de perdu, deux de retrouvés
Dieux, que je suis dolente et esbahie Comme je voy sans cause mon ami Desloyaument faire nouvelle amie, Qui dès long temps s’estoit donné a mi, Et il se part* (se séparer) et m’a du tout guerpi* (abandonné, laissé) Sens dire adieu, li desloyaulx prouvez ! Maiz j’en reprends bon reconfort aussi : Pour un perdu j’en ay deux retrouvez !
Qui loyaulx est en l’amoureuse vie A poine ara jamès joye de lui, Maiz qui y ment et sert de tricherie, Il est amé, comme a esté cellui Qui en mentant m’a de tous poins failli. Bien est par moy faulx amens esprouvez ; Courcée en sui, or m’en conforte ainsi : Pour un perdu j’en ay deux retrouvez !
Voist donc a Dieu, par ma faulte n’est mie. Pour ce, dames, a toutes vous suppli Que vous servez de la nappe ployé (1) A ces amens qui font sy le joly; Piz leur ferez, mieulx arez, je vous dy, Et plus servans tousjours les trouverez.. D’Amours me plaing, maiz au fort, Dieu merci, Pour un perdu j’en ay deux retrouvez !
(1) C’est peut-être une expression d’usage et proverbial utilisée là par Eustache Deschamps. On peut la comprendre comme « que vous ne rendiez pas les choses (trop) faciles’. Dans l’ouvrage du Marquis de Queux Saint-Hilaire cité en tête d’article et dont cette ballade est issue on trouve l’annotation suivante: « Locution signifiant sans doute :que vous rendiez la pareille, ou bien : que vous fassiez des tours d’escamotage. »
En vous souhaitant une excellente journée !
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : musique médiévale, chanson médiévale, amour courtois, fine amor, langue d’Oil, vieux-français, Ars Nova, compositeur médiéval, MS 146 Période : Moyen Âge central, XIIIe, XIVe
Auteur : Jehannotde Lescurel Interprètes : Ensemble Syntagma, direction d’Alexandre Danilevsky
Album : « Songe un Songe »livre-disque & media book
Au moment de ses publications, le livre-album que l’Association pour la musique ancienne avait produit sur le compositeur des XIIIe, XIVe siècles n’était hélas plus disponible à la vente et comme il l’est à nouveau, nous avons, aujourd’hui le plaisir de vous l’annoncer, ainsi que de vous en donner les liens.
Du côté musical, cette production originale propose treize titres issus de l’œuvre de Jehannot de Lescurel. En plus du CD, elle est également accompagnée d’un livre illustré de 150 pages. C’est un essai à la découverte de l’auteur médiéval, sous la plume d’Emilia Danilevsky.
A travers l’approche historique, l’analyse et la réflexion, l’auteur(e) nous propose ici de mieux approcher le caractère novateur autant que la nature originale de l’œuvre de Jeannot de Lescurel. Il faut dire qu’il existe littéralement un fossé entre ce compositeur et ses prédécesseurs. Plus que d’opérer une simple synthèse de l’art des trouvères et troubadours qui l’avaient précédé, il marque, en effet, un véritable tournant dans la musique médiévale et annonce déjà l’arrivée de l’Ars Nova.
Ajoutons que l’édition du livre est bilingue français/anglais et qu’on y trouvera encore les paroles des chansons de Jehannot de Lescurel en vieux français original, accompagnées de leur traduction en français moderne, en anglais et même en allemand.
Si vous êtes férus de Moyen Âge, de musique ancienne ou encore de lyrique courtoise, cette production ne pourra que vous intéresser. Le cas échéant, en voici le lien : J. de Lescurel. Songe un Songe
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Sujet : poésie médiévale, auteur médiéval, poète, moyen-français, poésie satirique, poésie morale, vie curiale, tyrannie, Période : moyen-âge tardif, XIVe, XVe siècle. Auteur : Pierre d’Ailly (ou d’Ailliac),
Petrus de Alliarco (1351-1420) Titre : « Combien est misérable la vie du tyran » ou « Les dits de Franc-Gontier »
Bonjour à tous,
ans un article précédent nous avions mentionné les premiers Contre-dicts de Franc-Gontier sous la plume de Pierre d’Ailly. Quelques temps après le texte de Philippe de Vitry mettant en exergue les charmes, la liberté et la paix de la vie rupestre contre la vie de cour, cet auteur rédigeait, en effet, une courte poésie qui y faisait référence,
Cette belle pièce d’un peu plus de trente vers est connue sous le double nom de « Combien est misérable le vie du tyran » ou « les contredicts de Franc-Gontier » (avant ceux de François Villon donc) et nous la publions donc aujourd’hui dans son entier. Poésie satirique, poésie morale, comme son titre l’indique elle dépeint la vie tragique et, il faut bien le dire, terriblement ennuyeuse d’un tyran avide qui ne vit que pour la convoitise et la gloutonnerie.
Cette poésie est d’une certaine rareté puisque c’est une des seules poésie en « langue vulgaire » qu’on connaisse à cet auteur du moyen-âge tardif. Pierre d’Ailly s’est signalé et est entré dans la postérité pour bien des raisons sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir dans cet article mais pas pour ses talents de versificateur. Au vue des qualités de ce texte, on peut regretter avec un de ses biographes, le bibliophile et historien du XIXe siècle Arthur Dinoux (qui nous a permis de la mettre à jour), que plus de poésies de l’auteur ne nous soient parvenues.
Après cela, nous en profitons pour faire le portrait de cet auteur qui fut aussi un personnage de grande importance au XIVe siècle. Sa renommée et son influence sur son temps furent, en effet, telles que certains de ses biographes n’hésitent pas affirmer qu’on peut pratiquement faire l’Histoire de l’Eglise sous Pierre d’Ailly à travers l’oeuvre et l’influence que ce dernier eut sur elle.
Combien est misérable la vie du tyran
ou les contredicts de Franc-Gontier
Ung chasteau sçay, sur roche espouvantable, En lieu venteux, sur rive périlleuse, Là vis tyran, séant à haute table, En grand palais, en sale plantureuse, Environné de famille nombreuse, Pleine de fraud, d’envie et de murmure; Vuide de foi, d’amour, de paix joyeuse, Serve, subjecte en convoiteuse ardure.
Viandes, vins, avait-il sans mesure, Chairs et poissons occis en mainte guise, Sausses, brouëts, de diverse teincture: Et entremets faicts part art et diverse. Le mal Glouton partout guette et advise, Pour appetit trouver; et quiert manière Comment sa bouch’, de lescherie esprise, Son ventre emplit en bourse pautonière.
Mais, sac-à-fien, patente cimetière, Sepulchre-à-vin, corps bouffi, crasse panse, Pour sous ses biens en soy n’a lie chère; Car, ventre saoul n’a eu saveur plaisance, Ne le delit jeu, ris, ne bal, ne danse; Car, tant convoit, tant quiert, et tant desire, Qu’en rien qu’il ays n’a vraye suffisance.
Acquirer veult, ou royaume, ou empire; Pour avarice sent douloureux martyre. Trahison doute, en nully ne se fye, Coeur a félon, enflé d’orgueil et d’ire, Triste, pensif, plein de mélancolie. Las ! Trop mieulx vaut de Franc-Gontier la vie, Sobre liesse, et nette povreté, Que poursuivir, par orde gloutonnie, Cour de tyran, riche malheureté.
Pierre d’Ailly (1351-1411), Notice historique et littéraire sur le Cardinal Pierre d’Ailly, Eveque de Cambray au XVe siècle, M Arthur Dinaux (1824)
Note : les scissions en paragraphe sont de notre fait et sont destinés à fluidifier la lecture. La version originale est compact et sans saut de lignes.
Pierre d’Ailly, acteur de son temps
atif de Compiegne, Pierre d’Ailly fut un esprit actif et impliqué de son temps, doublé d’un intellectuel curieux de toutes les sciences. Théologien, philosophe, astrologue, astronome, il fut également un haut dignitaire de l’Eglise et le nombre des fonctions qu’il occupa au sein de cette dernière, au long de son existence, demeure rien moins qu’impressionnante : évêque de Cambray, de Limoges, d’Orange, du Puy-en-Velay, de Noyon, il fut encore attaché à de nombreuses paroisses en tant que chanoine ou trésorier et occupa aussi la haute charge de Cardinal. On ajoutera à cette longue liste (non exhaustive) le fait qu’il fut encore chancelier de l’église Notre-Dame de Paris et de l’université de Paris ainsi qu’aumônier et confesseur du roi.
Du point de vue intellectuel, il a légué nombre de traités autour des sciences, géographie et astronomie notamment, ainsi que quantité d’autres ouvrages philosophiques et théologiques, auxquels il faut encore ajouter des sermons. La majeure partie de son oeuvre latine a traversé le temps et il a aussi écrit en français, mais une partie de ses écrits dans cette dernière langue s’est, semble-t-il, perdue en chemin.
De Rome en Avignon,
interventions dans la résolution du schisme
Grand acteur de la conciliation et de la résolution du schisme qui, en plein coeur du moyen-âge, avait déchiré l’Eglise, pour donner naissance à deux papes, il se battit pendant de longues années pour y mettre un terme. Voyageant en Italie, il intervint aussi directement auprès des papes en Avignon pour tenter de surseoir à leurs velléités séparatistes. Son activisme et ses vues sur l’unification de l’église et sur la supériorité décisionnelle des conciles lui valurent quelques sérieux déboires, mais finirent à force de persévérance par aboutir. Pris dans les enjeux de son temps, on le vit encore prêcher avec zèle en faveur des croisades ce qui lui valut le surnom de « Marteaux des hérétiques ». Il n’est alors pas le seul à les défendre Pétrarque, Jeanne d’Arc et d’autres encore y sont favorables. Autant de choses qui feront dire à son biographe Louis Salembier :
« Toutes les idées vraies ou contestables de cette époque si troublée parurent se donner rendez-vous dans la tête encyclopédique et si puissamment organisée de l’évêque de Cambrai. » Pierre d’Ailly et la découverte de l’Amérique,Revue d’histoire de l’Église de France, Persée, Louis Salembier (1912)
De la fête de la trinité
à la conquête des Amériques.
oncernant sa marque, on notera que la fête de la Sainte Trinité fut instituée par le pape Benoit XIII sous son initiative. Son Projet de calendrier destiné notamment à harmoniser les célébrations religieuses avec le calendrier civil fut à l’origine de celui adopté par Grégoire XIII près de 150 ans plus tard. Il impulsa même encore quelques corrections au livre des révélations divines qui furent également entérinées par les papes, à deux siècles de là.
La postérité a également retenu de lui qu’il fut, avec Christophe Colomb et au moins en esprit, un des découvreurs de l’Amérique. Le grand voyageur ne se séparait, en effet, jamais du célèbre Imago Mundi (ou Ymago Mundi): Le tableau du monde de Pierre d’Ailly et c’est sans doute grâce à son aide qu’il fut motivé dans son voyage et pu découvrir les nouvelles terres. Le savant religieux avait, en effet, affirmé dans son traité que les Indes pouvaient être atteintes en quelques jours, en faisant route vers l’Ouest. Qu’on vienne nous expliquer encore après cela que les hommes du moyen-âge et notamment l’Eglise pensaient que la terre était plate…
Nous ne rentrerons pas, dans cet article, dans le détail des théories philosophiques de Pierre d’Ailly, mais on retiendra qu’il eut sous sa houlette quelques disciples qui allaient se signer à leur tour par leurs oeuvres et même dépasser, voire éclipser la sienne. On retiendra entre autres noms Nicolas de Clamanges, et Jean de Gerson.
Visionnaire ? D’étonnantes prophéties
lus étonnamment, on doit au religieux féru d’astrologie quelques surprenantes prédictions sur les temps qui restaient à venir et qui feront dire à son biographe Louis Salembier, au début du XXe siècle :
« Non seulement D’Ailly fut le fidèle miroir des opinions et même des erreurs de son temps,mais encore il eut parfois sur les âges futurs des vues prophétique qui nous étonnent et que nous rapportons sans les expliquer. Pareil à certain dieu de la fable, il regarde à la fois le passé et le présent. Il résume l’un et il prophétise l’autre. D’une part c’est un compilateur clairvoyant; de l’autre, c’est presque un voyant. » Louis Salembier (opus cité)
Jugez plutôt :
« … Puis après dix révolutions saturnales, viendra l’année 1789. Si le monde dure jusqu’à ces temps, ce que Dieu seul connaît, il y aura alors des nombreuses et grandes altérations et de remarquables changements, principalement dans les lois et dans les religions. » Concordia Astronimias cum historica narratione. Pierre d’Ailly. 1414.
Dans un autre ouvrage, quatre ans après, il écrivait encore :
« … Avant 1789, il y aura un autre grand bouleversement religieux. Dans un siècle à partir du moment où j’écris, il y aura bien des changements dans le christianisme et bien des troubles dans l’Eglise, magna fiet alteracio circa leges et sectas ». De persectutionibus Ecclesiae, Pierre d’Ailly, 1418
En 1517 et 1518, naissait le protestantisme. Nous vous laisserons juge de la nature prophétique, anecdotique ou fortuite de tout cela.
Pour aller plus loin sur cet étonnant personnage et auteur des XIVe et XVe siècle et si vous en avez la curiosité, nous ne pouvons que vous recommander l’ouvrage de la docteur en philosophe et agrégée de lettres classique Alice Lamy, qui s’est fait une spécialité des questions de philosophie latine médiévale et de scolastique. Sorti, en 2013, chez Honoré Champion, il a pour titre :La Pensée de Pierre d’Ailly. Un philosophe engagé du Moyen Âge
En vous souhaitant une excellente journée!
Fred
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