Sujet : poésie médiévale, ballade, auteur médiéval, poète, moyen-français, poésie satirique, humour, satire. Auteurs : François Villon (1431-?1463) Titre : « Les contredits de Franc-Gontier » Période : moyen-âge tardif, XVe siècle. Oeuvre : le testament de François Villon Album : Poètes immortels, François Villon,
dit par Alain Cuny (60/70)
Bonjour à tous,
uite à notre article sur la Ballade des Contredits de Franc-Gontier de François Villon, en voici une belle lecture audio. Elle est tirée d’une série d’albums que le label Disque Festival avait dédié, dans les années 60/70, aux « poètes immortels » français,
A l’occasion de l’album consacré à François Villon, le grand acteur Alain Cuny (1908-1994) prêtait sa voix à douze pièces issues de la poésie de l’auteur médiéval dont cette ballade que voici.
Les contredits de Franc-Gonthier de François Villon par Alain Cuny
En vous souhaitant une excellente journée!
Fred
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Sujet : poésie médiévale, ballade, auteur médiéval, poète, moyen-français, poésie satirique, vie curiale, humour Auteurs : Philippe de Vitry (1291-1361), François Villon (1431-?1463) Titre : « Le dit de Franc-Gontier » et « les Contredicts de Franc-Gontier » Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle. Ouvrages : oeuvres de Villon, PL Jacob (1854) , oeuvres de phillipe de Vitry, Prosper tarbé (1850)
Bonjour à tous,
ans le courant du XIVe siècle, Philippe de Vitry (1291-1361), évêque de Maux, auteur savant, poète et grand musicien champenois célèbre et apprécié de son temps, écrivit une poésie connue sous le nom de « dit de Franc-Gontier » (Gonthier).
Empreinte de lyrisme, faisant l’éloge des plaisirs simples et champêtres, l’auteur y mettait en perspective une vie rupestre, devenue symbole d’une certaine liberté et indépendance, qu’il opposait à une vie curiale aux valeurs dévoyées, emplie de compromis, de trahison, de convoitise, d’ambition, etc.. Dans son élan, Philippe de Vitry n’hésitait pas à désigner les courtisans comme des « serfs », suggérant que le moins libre des hommes, entre celui qui travaillait la terre et celui qui traînait ses chausses à la cour, n’était pas forcément celui que l’on croyait.
Certes, on ne pouvait à la fois vouloir la paix d’une vie retirée au grand air et espérer dans le même temps, richesse, luxe et confort. Le Dit de Franc-Gontierencensait donc aussi une certaine simplicité corollaire de ce choix de vie et on pouvait encore lire, dans ce plaisant récit demeuré une pièce célèbre de poésie et de littérature médiévale, l’éloge d’un travail de la terre faisant sens et étant même en soi une récompense; belle réhabilitation au passage du vilain ou du serf, de leur labeur et de la vie rupestre élevés avec ce poème et dans ce courant de XIVe siècle, au dessus de certaines moqueries communes dont ils avaient été si souvent l’objet au cours des siècles précédents (voir article les vilains des fabliaux).
Le dit de Franc-Gonthier
de Philippe de Vitry
Soubs feuille verd, sur herbe delictable Sur ruy bruyant et sur claire fontaine Trouvay fichee une borde portable, Là sus mangeoient Gontier o dame Heleyne Fromage frais, laict, beurre, fromagée, Cresme, maton, prune, noix, pomme, poire, Cibor, oignon, escaillongne froyee Sur crouste grise (bise) au gros sel pour mieulx boire. Au groumme burent; et oisellons harpoient Pour rebaudir et le dru et la drue, Qui par amours depuis s’entrebaisoient Et bouche et née, et polie, et barbue Quand eurent prins des doux mets de nature, tantot Gonthier hache au col au bois entre Et Dame Héleine si mit toute sa cure A ce buer, qui cueuvre dos et ventre. ‘J’ouïs Gonthier en abattant son arbre Dieu mercier de sa vie très sure: “Ne scai, dit-il, que sont piliers de marbre, Pommeaux luisans, murs vestus de peincture; Je n’ay paour de trahison tissue Soubz beau semblant, ne qu’empoisonné soye En vaisseau d’or. Je n’ay la teste nue Devant tyran, ne genoil qui se ploye. Verge d’huissier jamais ne me desboute, Car jusques la ne me prend convoitise, Ambition, ne lescherie gloute. Labour me paist en joieuse franchise : Moult j’ame Helayne et elle moy sans faille, Et c’est assez. De tombe n’avons cure.” Lors je dy : “Las! serf de court ne vault maille, Mais Franc Gontier vault en or jame pure”.
Version de Prosper Tarbé – les Œuvres de Philippe de Vitry (1850)
Dans le courant du même siècle et même du suivant, les thèmes de ce Franc-Gontier seront repris par d’autres auteurs médiévaux, souvent eux-même lassés de la vie curiale et de ses artifices. On pourra compter parmi eux Eustache Deschamps (voir ballade sur l’estat moyen ou encore ballade je n’ay cure d’être en geôle) ou encore Alain Chartier (1385-1430), pour ne citer que ces deux-là.
Comme référence encore plus directe, il faut encore mentionner Pierre d’Ailly (ou Ailliac) qui, dans le courant de ce même XIVe siècle et dans une petite pièce très réussie, connue d’ailleurs sous le nom de « Contre-dicts de Franc-Gontier » rendra explicitement grâce à la vie du Franc Gontier de Philippe de Vitry et à ses valeurs, contre celles du tyran dont il fera le portrait vitriolé dans sa poésie.
« Las ! Trop mieulx vaut de Franc-Gontier la vie, Sobre liesse, et nette povreté, Que poursuivir, par orde gloutonnie, Cour de tyran, riche malheureté. »
« Les contredits de Franc-Gontier » ou « Combien est misérable la vie du tyran », par Pierre d’Ailly (1351-1411), Notice historique et littéraire sur le Cardinal Pierre d’Ailly, Eveque de Cambray au XVe siècle, par M Arthur Dinaux (1824)
Satire et contre satire,
Le franc-Gontier de François Villon
Contrairement à la pièce citée de Pierre d’Ailly qui avait reconnu volontiers une certaine exemplarité dans le choix de vie du Franc-Gontier de Philippe de Vitry, les contredits de François Villon, écrits dans le courant du siècle suivant, se situeront dans un contre-pied distancié et moqueur. Grandi au milieu de l’agitation et du bruit des rues de Paris, Villon reste sans doute plus que tout un urbain, et la vie rustre, sans grand faste, sans confort et pire que tout, à l’eau et sans vin, n’ont rien pour le séduire.
« Il n’est trésor que de vivre à son aise. », il se gaussera donc « gentiment » des vers de Philippe de Vitry en invoquant l’image satirique d’un gros chanoine jouisseur et bon vivant, se tenant avec sa maîtresse dans une chambrée confortable et s’adonnant à tous les plaisirs, aidés de torrents d’Hypocras. Plus loin, poursuivant sa raillerie, il mettra encore en opposition le confort d’une bonne couche contre le lit d’herbe sous le rosier et se moquera encore de la nourriture campagnarde qui avait l’objet de tous les éloges de l’évêque de Maux, fustigeant, au passage, l’haleine chargée d’ail des deux tourtereaux, Bref, Villon tournera en dérision le Franc Gontier de Philippe de Vitry, en affirmant tout de même qu’il ne veut les juger et que chacun est libre, mais que cette vie n’est surtout pas pour lui.
Opposition entre confort et rusticité, et peut-être même au fond entre l’urbain, l’homme de la ville et l’homme de la ruralité, on ne peut s’empêcher de voir encore à travers cette ballade, le Villon gouailleur qui se fait, par jeu et par farce et avec un plaisir jamais dissimulé, le porte-parole des bons vivants, des « francs jouisseurs » et des fêtards. Pour peu, on l’imagine même bien lire cette ballade à voix haute dans quelque taverne parisienne, en faisant rire, à gorge déployée, ses compagnons de beuverie.
Pourtant et c’est finalement assez cocasse, à la relative profondeur de la satire que Philippe de Vitry avait opposé à son siècle et à la vie curiale et ses excès (convoitise, pouvoir, ambition, etc…) en prônant le retour à une certaine « vérité » des valeurs, Villon vient opposer à son tour, une contre satire qui, pour être provocatrice dans son humour et les images (anticléricales) qu’elle soulève n’est pas dénuée d’un certain conformisme sur le fond.
Contre ce monde médiéval chrétien qui tente pourtant si fort d’en freiner les ardeurs, le désir de richesse, de confort, et même plus loin de débauche et de luxure, les hommes et les satires n’en sont-ils pas déjà pleins ? Qu’ils suffisent de lire les fabliaux ou les diatribes de tous bords, adressées aux puissants, aux princes ou même au personnel de l’église et du clergé par la plupart des auteurs satiriques pour s’en convaincre. Dans ce contexte, qu’est-ce que le véritable anti-conformisme ? On en jugera mais finalement, peut-être que, depuis l’aube des temps, l’image du marginal ou du « voyou », polisson, jouisseur, dispendieux, etc, ne va-t’elle jamais tout à fait contre certaines voies tracées par les tenants du pouvoir et n’en est qu’une caricature ou une débauche exacerbée. De ce point de vue, en forme de clin d’oeil et de question ouverte, de Vitry à Villon et même si leurs manières diffèrent, on pourra se poser la question de savoir quel est le plus satirique des deux ?
Les Contredicts de Franc-Gontier
Ballade médiévale de François Villon
Sur mol duvet assis, ung gras chanoine, Lez ung brasier, en chambre bien nattée*, A son costé gisant dame Sydoine, Blanche, tendre, pollie et attaintée : Boire ypocras, à jour et à nuyetée, Rire, jouer, mignonner et baiser, Et nud à nud, pour mieulx des corps s’ayser, Les vy tous deux, par un trou de mortaise : Lors je congneuz que, pour dueil appaiser, Il n’est trésor que de vivre à son aise.
Se Franc-Gontier et sa compaigne Heleine Eussent ceste doulce vie hantée, D’aulx et civotz, qui causent forte alaine, N’en mengeassent bise crouste frottée . Tout leur mathon, ne toute leur potée. Ne prise ung ail, je le dy sans noysier. S’ils se vantent coucher soubz le rosier, Ne vault pas mieulx lict costoyé de chaise ? Qu’en dictes-vous? Faut-il à ce muser ? Il n’est trésor que de vivre à son aise.
De gros pain bis vivent, d’orge, d’avoine, El boivent eau, tout au long de l’année. Tous les oyseaulx, d’îcy en Babyloine, A tel escot, une seule jouinée Ne me tiendroient, non une matinée.. Or s’esbate, de par Dieu, Franc-Gontier, Hélène o luy, soubz le bel esglantier; Si bien leur est, n’ay cause qu’il me poise ; Mais , quoy qu’il soit du laboureux mestier, Il n’est trésor que de vivre à son aise.
Envoi.
Prince, jugez, pour tous nous accorder. Quant est à moy (mais qu’à nul n’en desplaise), Petit enfant, j’ay ouy recorder Qu’il n’est trésor que de vivre à son aise.
En vous souhaitant une excellente journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes
Sujet : fêtes, festivités médiévales, Jeanne d’Arc, Pucelle d’Orléans, guerre de cent ans, commémoration historique, histoire vivante, défilé, marché, compagnie, troupe médiévale. Période : moyen-âge tardif, XVe siècle Lieu : Orléans (Loiret) Evénement : 589e fêtes Johanniques, fêtes de Jeanne d’Arc 2018 Dates : du 29 avril au 11 mai 2018
Bonjour à tous,
omme chaque année, depuis presque déjà 600 ans, de la fin avril à début mai et durant 11 jours, Orleans revit aux heures du moyen-âge tardif et célébre celle qui libéra la cité du joug de ses oppresseurs anglais, un jour de 1439. Nous voulons bien sûr parler de Jeanne d’Arc.
« En nom Dieu, je ne crains pas les gens d’armes, car ma voie est ouverte ! Et s’il y en a sur ma route, Dieu Messire me fraiera la voie jusqu’au gentil Dauphin. Car c’est pour cela que je suis née. « Jeanne d’Arc (1429)
En quelques chiffres, les fêtes johanniques d’Orleans qui comptent parmi les plus anciennes fêtes commémoratives de France, réunissent, chaque année, près de 300 000 visiteurs. A chaque nouvelle édition et au bas mot, près de 2500 acteurs et participants s’y impliquent pour les faire vivre et les animer.
Pour consacrer l’importance tant historique que patrimoniale de ces grandes célébrations, l’événement a été inclus, depuis février dernier, à l’Inventaire national du Patrimoine culturel immatériel par le Comité du patrimoine ethnologique et immatériel, dépendant du Ministère de la culture. (voir document)
En aparté : enjeux, dilution,
récupération, instrumentalisation
» Nous sommes perdus, nous avons brûlé une sainte. » Le Secrétaire du roi d’Angleterre, après l’exécution de Jeanne d’Arc (1431)
Au delà de la cité d’Orléans et au delà même, semble-t-il, des racines profondément chrétiennes, et médiévales de sa légende et de son parcours, la guerrière et pucelle du XVe siècle qui prit les armes pour changer le cours de la guerre et contribua grandement à faire couronner Charles VII, est devenue, d’année en année, pour la classe politique au sens large, un symbole à enjeu. De fait et de ce point de vue, cette fête unique en son genre qui rassemble dans une même célébration, autorités civiles, militaires et religieuses, a quelquefois pris récemment par endroits, les contours disputés d’un 14 juillet puisqu’on y a même frisé parfois l’incident diplomatique et politicien. Bref, le temps où la Sainte se trouvait associée tout de même plus à une certaine droite conservatrice s’éloigne à vue d’œil et il semble que nombre de politiques de tous bords, entendent bien désormais revendiquer la Sainte médiévale et son « symbole » (oui mais lequel ?), et surtout peut-être ne pas se la laisser souffler sous le nez.
D’ailleurs et pour enfoncer le clou, en faisant entrer ces célébrations à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel, le ministère de la culture via le comité du patrimoine entendait bien en profiter, cette année, pour envoyer un message clair et situer la fête « au dessus des débats partisans et récupérateurs ».
Dans son communiqué officiel (cité plus haut) il affirmait ainsi que ces fêtes « sont l’occasion d’affirmer les valeurs du rassemblement et de l’engagement, dépassant les clivages idéologiques partisans. » et qu’il s’agissait donc de « fédérer une diversité qui a voué à l’échec toutes les tentatives d’instrumentalisation politique ». Autrement dit et si vous n’êtes pas familier avec le jargon politique, comprenez : le symbole de l’épopée médiévale chrétienne et monarchiste de Jeanne d’Arc est désormais officiellement soluble dans l’action politique de tous bords et elle est à tout le monde. Du reste et en conséquence, ne vous étonnez pas si vous croisez ce week-end à Orléans, plus de parlementaires que sur les bancs de l’Assemblée nationale mais laissons-là ces considérations politiciennes qui montrent bien combien le moyen-âge réinvité dans le présent, peut quelquefois prendre des tours cocasses et parlons un peu du programme de ces grandes réjouissances.
Le programme des réjouissances
Comme chaque année, l’ensemble de la fête sera rythmé par de grands temps forts qui retracent l’épopée de Jeanne d’Arc pour lever le siège d’Orléans et libérer la cité. La fête a même d’ailleurs déjà commencé pour les orléanais depuis quelques jours : remise de l’épée, commémoration de l’entrée dans la ville de Jeanne d’Arc, le 29 avril dernier, défilé et chevauchée le 1er mai, et quelques spectacles associés, mais la partie la plus intense est à venir et aura lieu durant les jours qui viennent et notamment cette fin de semaine.
Marché médiéval, animations
& grand campement
En dehors des grands temps forts restant à venir autour de la mise en scène de l’épopée johannique (escorte, remise et restitution de l’étendard) accompagnés de nombreux hommages officiels, militaires, politiques mais aussi de nombreux offices religieux, la fête battra son plein comme chaque année au cœur de la ville avec son grand marché médiéval animé dans l’enceinte du Campo Santo. ainsi qu’un grand campement médiéval installé au quartier de la source.
Concernant le marché médiéval, il sera inauguré dès le matin du samedi 5 mai et ouvrira ses portes en journée jusqu’au 8 mai inclus, avec des nocturnes allant jusqu’à 22 heures sur les trois premiers jours et même 23 heures le samedi soir. Plus d’une centaine d’exposants y sont attendus ainsi que de nombreux artistes, jongleurs, comédiens et musiciens pour refaire vivre l’endroit aux heures du moyen-âge central et tardif.
En plus de cette grande animation, il y aura encore un dîner médiéval le samedi soir suivi d’une retraite aux flambeaux, divers concerts le dimanche et le lundi un grand spectacle son et lumière, suivi en nocturne d’une soirée mix électro animée par les DJs R3hab & Boris Way. Le mardi sera encore l’occasion de commémorations et défilés variés et la fête se clôturera, en fin d’après-midi, sur la remise de l’étendard.
Avant d’en conclure, mentionnons encore que chaque année, ces fêtes sont une occasion pour le service culturel de la municipalité ainsi que les acteurs locaux du tourisme de faire mieux découvrir le patrimoine de la cité orléanaise. Dans cet esprit, de nombreuses visites guidées sont ainsi organisées tout au long de ces journées.
Sujet : poésie politique, morale, réaliste, poésie médiévale, biographie, portrait, poète breton. Période : moyen-âge tardif, XVe siècle Auteur : Jean (Jehan) Meschinot (1420 – 1491) Manuscrit ancien : MS français 24314 bnf Ouvrage : Les lunettes des Princes (extrait). Edition de 1494, chez Etienne Larcher Nantes.
Bonjour à tous,
n trouve dans un rare manuscrit des Lunettes des princes de Jean Meschinot datant de 1494, trois ballades inédites du poète du moyen-âge tardif et nous vous proposons, aujourd’hui, de découvrir l’une d’entre elles. (1)
C’est une dénonciation des tensions intérieures qui sévissent dans la France d’alors et c’est aussi du même coup un appel à l’union contre la guerre civile et contre les intérêts des « faux rapporteurs » et « rappineurs de bref », autrement dit ceux qui, dans ce genre de situation, tirent le meilleur partie, dressent les communautés ou les différentes composantes d’un peuple les unes contre les autres et attisent les conflits pour des raisons qui leur sont propres et qui ne voilent toujours que leurs propres intérêts politiques ou pécuniaires.
« Dieu reconnaîtra les siens » nous disait donc, en quelque sorte ici le poète breton : ceux qui continueront d’oeuvrer et de prier pour que l’union et la paix triomphent. Autre monde, autre contexte, autres sens ? Gardons nous de tout mélanger, certes, mais sans doute est-ce le propre de toute poésie morale quand elle contient un fond de vérité que de s’inscrire, d’une certaine manière, dans la durée. Alors, peut-être qu’en lisant cette ballade médiévale, certains d’entre vous seront tentés de transposer et lui trouveront des échos bien actuels et plus d’une triste illustration de par le monde.
De fait, pardonnez cette remarque qui nous sort un peu de notre terrain d’analyse habituelle, mais dans nos sociétés comme sur le terrain géopolitique mondial il n’est pas un conflit ou une guerre civile et intérieure de ces cinquante dernières années à laquelle ne se soient trouvés mêlés et totalement partie prenante des acteurs aux intérêts les plus tordus et les plus dévoyés (promoteurs, négociants, financiers, armateurs, états tiers, etc, d’allumeurs de mèches à artisans directs), avançant toujours, bien sûr (quand ils le font à la lumière), sous les bannières les plus prétendument morales.
Benoists soient ceulx qui en feront debvoir !
L’une des grans douleurs de soubz la lune, C’est veoir le feu en sa propre maison. Mais trop plus est veoir la guerre commune En ung pays, et sans juste achaison* (motif). Des querelles pour present nous taison, Car Dieu, enfin, tout recompensera, Mais je ne scay quant il commencera. Or luy prions qu’il vueille recepvoir Les oraisons que le peuple fera : Benoists soient ceulx qui en feront debvoir !
Jenne conseil et celée rancune* (querelle, rancune cachée), Propre proufit ont fait des maulx foeson. Et de cecy cause ne vous rend qu’une C’est le deffault de justice et raison. Faulx rapporteurs ont bien eu la saison ; Mais, se Dieu plest, leur regne cessera. Je desire sçavoir quant ce sera, Car aultrement, paix ne povons avoir. S’a nous ne tient, le mal temps passera : Benoists soient ceulx qui en feront debvoir !
N’imposons pas a mal eur ne fortune Les grans deffaulx que nous mesmes faison. Qui nous pourra faire ressource aucune Si nostre paix et seurté desprison* (de desprisier ; déconsidérer)? Unyon, vault plus que sans comparaison Que tous les biens que guerre amassera. Le rapineur de bref trespassera, Peu luy vauldra sa richesse et avoir ; A concorde le saige pensera. Benoistz soient ceulx qui en feront debvoir !
L’envoy
Prince des cieulx, cil qui confessera, Ta grant valeur plus ne t’offensera, Ne ne vouldra jamais guerre esmouvoir ; Mais unyon et paix compassera. Benoists soient ceulx qui en feront debvoir !
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.